 |
Églises fermées. Deux critères pour les réutiliser au mieux
|
Le 14 février 2023 -
(E.S.M.)
-
Marcel Proust était prophétique quand il voyait, en 1904
déjà, bien trop d’ « églises assassinées » par décision
du gouvernement français qui les transformait « selon leur bon
plaisir en musées, salles de conférences ou en casinos ».
Aujourd’hui en France, il y a même pire, avec trois églises
incendiées en moins d’une semaine, en janvier dernière, au terme
d’une série d’actes hostiles contre les lieux de culte dont la seule
faiblesse est d’être sans cesse plus vides de fidèles.
|
|
Églises fermées. Deux critères pour les réutiliser au mieux
Le 14 février 2023 - E.
S. M. - Marcel Proust était prophétique quand il voyait, en
1904 déjà, bien trop d’ « églises assassinées » par décision
du gouvernement français qui les transformait « selon leur bon
plaisir en musées, salles de conférences ou en casinos ».
Aujourd’hui en France, il y a même pire, avec trois églises
incendiées en moins d’une semaine, en janvier dernière, au terme
d’une série d’actes hostiles contre les lieux de culte dont la seule
faiblesse est d’être sans cesse plus vides de fidèles.
Plus que d’agressions, des milliers d’églises en Europe souffrent de
l’abandon. Avec toujours moins de catholiques à la messe, elles se
retrouvent vides. Et elles finissent donc par être fermées. En
Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, les chiffres donnent le
vertige. Mais en Italie aussi, le nombre d’églises désaffectées est
en augmentation. Ici, au moins, les églises appartiennent non pas à
l’État mais à l’Église et elles jouissent donc d’une tutelle
spontanée et durable de la part de leurs communautés diocésaines et
paroissiales respectives. Mais quand ces communautés s’étiolent et
disparaissent, c’est la fin pour leurs églises respectives. Elles
risquent sérieusement d’être vendues et de se retrouver sur le
marché, transformées par exemple en supermarchés ou en discothèques,
ou à tout le moins en quelque chose d’opposé à leur raison d’être.
Au Vatican, certains ont essayé de trouver des solutions pour
remédier à cette situation. À la fin de l’année 2018, le Conseil
pontifical de la culture présidé par le cardinal Gianfranco Ravasi
avait organisé un colloque à la Grégorienne avec des délégués des
évêchés d’Europe et d’Amérique du Nord sur le thème : «
Dio non abita più qui ? » [Dieu n’habite-t-il plus ici ?]. Ce
colloque a permis de faire émerger des « lignes directrices »
qui déconseillaient « des réaffectations commerciales à but
lucratif » et qui encourageaient en revanche des «
réaffectations solidaires », à finalité « culturelle ou
sociale » : musées, salles de conférences, librairies,
bibliothèques, archives, laboratoires artistiques, centres Caritas,
dispensaires, réfectoires pour les pauvres, et autres. Restant sauve
« la transformation en logements privés » dans le cas «
d’édifices plus modestes et dépourvus de valeur architecturale ».
Mais plus de quatre ans après ce colloque, le risque continue à
peser toujours plus lourdement. Le nombre d’églises désaffectées est
en croissance accélérée, avec l’exigence encore plus forte
d’identifier des critères de réaffectation qui aient du sens.
C’est ce que tente de faire le père Giuliano Zanchi dans le
dernier numéro de « Vita
e Pensiero », la revue de l’Université catholique de Milan. Le
P. Zanchi est prêtre du diocèse de Bergame, professeur de théologie
et directeur de l’autre mensuel de la même université, la « Rivista
del Clero Italiano », c’est un grand expert d’art et de thèmes
liés à la frontière entre esthétique et sacré.
Dans un article intitulé « Diversamente
chiese, la posta in gioco » [églises autrement, les enjeux], le
P. Zanchi suggère de suivre deux critères en matière de
réaffectation des églises qui ont cessé d’être utilisées pour le
culte mais qui « souhaitent se reproposer à la vie civile dans une
fonction de carrefour culturel et de seuil spirituel ».
Le premier critère, écrit-il, est celui qui « capitalise sur la
dignité artistique normalement liée aux édifices historiques qui,
dans l’actuel esprit du temps défini comme ‘post-sécularisme’, a
acquis universellement la faculté d’agir en tant que repère de
transcendance ».
Ceci parce que « les formes de l’art, et particulièrement celles
qui raniment la fascination des périodes de gloire de la culture
occidentale, se présentent comme un culte laïc qui hérite clairement
des fonctions autrefois remplies par la dévotion religieuse ».
C’est une fascination qui touche « aussi le citoyen agnostique de
la cité contemporaine ». Il y a en effet un « culte social de
l’art, qui a ses propres sanctuaires, ses liturgies, ses prêtres,
ses mythes, ses sacrements, ses pèlerinages et ses fêtes de précepte
» qui à leur tour, tout comme la musique, le cinéma, la littérature,
« délimitent un espace particulièrement hospitalier d’un univers
de pensée commun et partagé ».
Pour le dire autrement, « le sacré historique de nombre
d’édifices religieux qui ne sont plus utilisés comme lieux de la
liturgie a toutes les qualités pour pouvoir héberger ces besoins
sociaux bien enracinés et pour être candidats à jouer le rôle de
véritables carrefours d’une ‘fraternité culturelle’ dans laquelle
animer, dans le respect du débat, des échanges d’idée, de la
pluralité et de l’hospitalité, un sens commun de l’humain ».
Le second critère, poursuit le P. Zanchi, consiste en revanche en « ce
besoin typique de la cité contemporaine » de disposer
d’espaces-frontières, de seuils, « en mesure de nous renvoyer
vers la profondeur et la transcendance, un rôle qui, faute de mieux,
est habituellement rempli par les théâtres, les musées, les
bibliothèques et d’autres lieux d’un dépassement non utilitariste ».
Les églises en activité remplissent déjà ce dépassement, ce « désir
de spiritualité », même pour celui qui n’y entre pas ou qui est
étranger au culte qu’on y célèbre. Mais il faudrait également le
maintenir vivant même dans les églises désaffectées.
Le P. Zanchi écrit : « Dans nos villes, qui restent
impitoyablement horizontales, même quand on construit des
gratte-ciels qui défient les cieux, nous avons besoin d’espaces
susceptibles d’être franchis comme des ‘seuils spirituels’ et qui
vivent d’un élan vertical même quand ils restent cachés au
rez-de-chaussée de la vie urbaine. Maintenir de toutes les façons
possibles cette fonction serait, pour de nombreuses églises
désaffectées au culte, un destin cohérent avec leur nature, dans les
manières concrètes avec lesquelles tout cela pourrait se produire
».
Ces deux critères, poursuit le P. Zanchi, « peuvent se croiser
entre eux » et l’Église devrait faire tout son possible pour les
mettre en pratique elle-même, de sa propre initiative. En effet, si
elles sont bien utilisées, ces reliques d’églises pourraient offrir
« des espaces de symbolique forte encore en mesure de recueillir, de
rassembler, de réunir, autour des besoins que tous ressentent que
personne ne voit ».
Naturellement, tout en sachant bien que, pour y parvenir, la « condition
préalable essentielle » c’est qu’il y ait dans l’Église « une
vision pastorale spirituellement libre et capable d’imagination, qui
ait le sens de la perspective, le talent de la créativité et d’une
vision fraternelle de sa propre présence dans le monde ».
« Et sur ce sujet », conclut le P. Zanchi, « le
catholicisme semble encore hésitant ». En Italie et ailleurs.
Un article de
Sandro Magister, vaticaniste à
L’Espresso.
Articles les plus
récents :
-
Benoît XVI : le juste culte
-
Benoît XVI, son héritage : c'est l'amour
-
Messe en mémoire du défunt pape Benoît XVI au cimetière du Vatican
-
Benoît XVI : seul le cœur a des yeux
-
Benoît XVI : accueillir Marie dans son existence personnelle
-
En la fête de Notre Dame de Lourdes, Journée mondiale des malades
-
Le jour où Benoît XVI a renoncé à être Pape
Sources : diakonos.be
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.02.2023
|