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« Nous ne pouvons pas dire qu’un chant équivaut à un autre »

 

Le 9 décembre 2007 - (E.S.M.) - La musique chantée à la messe est depuis longtemps un sujet de débat entre catholiques, et de nombreux articles ont été publiés dans quantité de revues soit pour approuver soit pour déplorer l’état actuel de la musique liturgique.

« le trésor de la musique sacrée sera conservé et cultivé avec la plus grande sollicitude » (SC 114)

« Nous ne pouvons pas dire qu’un chant équivaut à un autre »

Chanter la Messe

par Susan Benofy

[ Article paru dans Adoremus Bulletin, novembre 2007. Traduction : Remi Lucet, publié avec son aimable autorisation ]

« Le peuple de Dieu rassemblé pour la célébration chante les louanges de Dieu. L’Église, dans son histoire bimillénaire, a créé et continue de créer des musiques et des chants qui constituent un patrimoine de foi et d’amour qui ne doit pas être perdu. En réalité, dans la liturgie nous ne pouvons pas dire qu’un cantique équivaut à un autre. » - Benoît XVI,  "Sacramentum Caritatis", n. 42.

La musique chantée à la messe est depuis longtemps un sujet de débat entre catholiques, et de nombreux articles ont été publiés dans quantité de revues soit pour approuver soit pour déplorer l’état actuel de la musique liturgique. Ce débat s’est récemment intensifié à cause de l’approbation d’un répertoire de chant liturgique lors de la réunion de novembre 2006 de la Conférence des évêques des États-Unis d’Amérique.

Ce répertoire constitue la réponse à l’instruction Liturgiam authenticam (n. 108) demandant que les Conférences des évêques compilent un « directoire ou répertoire de textes destinés au chant liturgique » et qu’il soit soumis pour approbation (recognitio) par le Saint-Siège. Le travail approuvé pour les évêques américains attend donc sa recognitio.

C’est la première fois, en presque quarante ans, que se tient un tel débat à la Conférence épiscopale, et que l’on y mène une réflexion approfondie sur la musique liturgique lors d’une session plénière. La plupart des pratiques liturgiques qui ont suivi le Concile Vatican II ont, en effet, été amorcées et développées pratiquement sans aucune directive épiscopale – ceci en dépit du fait que les documents officiels leur donnaient autorité sur cet aspect de la liturgie. En particulier, la Présentation générale du Missel Romain (PGMR) demandait que soient approuvés par les conférences les textes des cantiques chantés pendant la liturgie. Dans son édition récente de 2002, le paragraphe 48 précise que :

(…) Dans les diocèses des États-Unis d’Amérique, on choisira pour l’introït entre l’une de ces quatre possibilités : (1) l’antienne du Missel romain, ou le Psaume du Graduale romanum tel qu’il est mis en musique (grégorien) ou sur une autre mélodie ; (2) l’antienne du temps liturgique et le psaume du Graduale simplex, (3) un chant tiré d’une autre collection de psaumes et d’antiennes, approuvé par la Conférence des évêques, ou par l’ordinaire du lieu, (4) un chant liturgique approprié approuvé pareillement. Si l’on ne chante pas l’introït, l’antienne du Missel est récitée soit par les fidèles, soit par certains d’entre eux, soit par un lecteur (…)

[ NdT : la traduction française de la PGMR est plus fidèle à l’original latin qui fait foi : « On peut utiliser ou bien l’antienne avec son psaume qui se trouvent soit dans le Graduale romanum soit dans le Graduale simplex ; ou bien un autre chant accordé à l’action sacrée, au caractère du jour ou du temps, et dont le texte soit approuvé par la Conférence des évêques. » ]

Des choix semblables sont mentionnés pour les chants de l’Offertoire et de la Communion. En pratique, c’est presque toujours la quatrième option qui est utilisée – « un chant liturgique approprié ». On remarquera que ce chant doit obtenir une approbation officielle. Dans l’original en latin de la PGMR, il apparaît clairement que c’est le texte qui doit être approuvé, et que cette approbation doit émaner de la Conférence des évêques. La possibilité d’une approbation simple par l’évêque du lieu est une adaptation américaine. En fait, il n’existe à ce jour aucune véritable procédure permettant l’approbation des textes des chants utilisés au cours de la liturgie.

En l’absence d’un telle procédure, les compositeurs déversent à flots continus de nouveaux cantiques et de nouvelles mélodies que les éditeurs s’empressent frénétiquement de promouvoir dans leurs publications et leurs ateliers. Pour de nombreuses raisons, cette musique « contemporaine » destinée à la liturgie a virtuellement supplanté tous les autres styles au cours des décennies qui ont suivi le Concile, avec comme résultat que le « riche patrimoine de foi et d’amour » issu de l’héritage de l’Église est pratiquement perdu.

Pour commencer à se réapproprier cet héritage, les évêques lors de ces débats récents au sujet de l’approbation des textes des chants et des cantiques autorisés pendant la liturgie sacrée, sont bien obligés de reconnaître deux points fondamentaux : tout d’abord que ces chants et cantiques modernes ne sont que des substituts aux textes et mélodies issus des livres liturgiques officiels ; et ensuite que ces textes officiels, si négligés, restent le choix préféré pour ce qui doit être chanté au cours de la messe. De nos jours, l’usage des chants liturgiques modernes est devenu une pratique à ce point majoritaire que peu de gens sont seulement conscients de l’existence de ces textes et mélodies propres, et encore bien moins savent où les trouver. En dépit de quelques signes encourageants de renaissance de la musique liturgique authentique, les discussions, lorsqu’il s’agit de choisir des chants, se concentrent trop souvent et presque exclusivement sur le choix de « chants liturgiques appropriés ».

La voix de l’Église

L’abandon des mélodies et des textes traditionnels de la messe n’était clairement pas l’intention des pères du Concile, qui décrétaient dans la Constitution sur la Liturgie, Sacrosanctum Concilium (1963) que « le trésor de la musique sacrée sera conservé et cultivé avec la plus grande sollicitude » (SC 114). Ce principe a été par la suite éclairé en 1969 par le Consilium (le groupe d’évêques et d’experts désignés par le pape Paul VI pour mettre en pratique la Constitution sur la Liturgie), qui a répondu à la question de savoir si l’autorisation de chanter des hymnes en langue vernaculaire au cours d’une messe basse (« Missa lecta ») – donnée dans l’instruction De musica sacra et sacra liturgia en septembre 1958 (n. 33) – était toujours valide. (Avant le Concile, les cantiques chantés au cours d’une messe basse ne devaient pas remplacer les textes prescrits, mais s’y ajoutaient, et étaient considérés seulement comme une forme de participation « indirecte »).

La réponse du Consilium était très claire :

« Cette règle [permettant l’usage de chants en langue vernaculaire] est désormais caduque. Ce qui doit être chanté, c’est la messe (son Ordinaire et son Propre), et pas "quelque chose", quelque soit sa qualité, qui se surajouterait à la messe. Parce que le service liturgique est un, il n’a qu’un seul contenu, un seul visage, une seule voix : la voix de l’Église. Continuer de remplacer les textes de la messe devant être célébrée par des chants même pieux et recueillis, au lieu d’utiliser ceux de la messe du jour est la source d’une ambiguïté inacceptable : c’est tromper les gens. Le chant liturgique n’est pas constitué d’une mélodie seule, mais de mots, de textes, de pensées et de sentiments que la poésie et la musique renferment. De tels textes doivent être ceux de la messe et nul autres. « Chanter » signifie chanter la messe et pas seulement chanter pendant la messe. » – (Cette réponse a été publiée en italien dans le journal officiel du Consilium : Notitiae 5 [1969] p. 406.)

Le Propre et le Graduel Romain

Ces textes liturgiques spécifiques (ou propres) d’un jour particulier ou d’une fête sont appelés le propre de la messe. Les textes du propre sont essentiellement des extraits directs de l’Écriture, et nombre d’entre eux sont associés à la même fête ou à la même solennité depuis des siècles. Cet ensemble de pièces est rassemblé dans un livre liturgique officiel, le Graduale romanum (Graduel romain).

Avant la réforme liturgique de 1970, ces textes spécifiques du propre devaient être lus ou chantés au cours de chaque messe. On était libre d’employer d’autres mélodies que celles du Graduale, mais le texte lui-même ne devait pas être modifié.

Dans le cadre de la réforme de la messe, inspirée par le Concile Vatican II, plusieurs points ont affecté l’usage des chants du propre. Deux d’entre eux sont des réponses directes aux demandes de Sacrosanctum Concilium (SC 117) qui stipulaient que :

« On achèvera l’édition typique (editio typica) des livres de chant grégorien ; bien plus, on procurera une édition plus critique des livres déjà édités postérieurement à la restauration de saint Pie X. Il convient aussi que l’on procure une édition contenant des mélodies plus simples à l’usage des petites églises. »

En réponse à la première demande, une nouvelle édition du Graduale romanum a vu le jour. Toutefois, étant donné que cette nouvelle édition a dû être révisée pour tenir compte de la réforme du calendrier liturgique, sa publication a été attendue pendant plus de dix ans (elle est parue en 1974).

En réponse à la deuxième demande, de fournir « des mélodies plus simples à utiliser dans les petites églises » – une version officielle de textes de substitution assortis de leur mélodie a été publiée. Cette collection, connue sous le Graduale simplex (Graduel simple), est parue en 1967. Le but de cette édition simplifiée était de permettre aux plus petites églises de chanter le propre de la messe selon les mélodies grégoriennes. La commission chargée de la compilation de cette édition a produit un ensemble de mélodies grégoriennes – sous la forme de courts refrains alternés avec des versets de Psaume – pour chaque saison liturgique, plutôt qu’un répertoire différent pour chaque dimanche et fête.

Il y a donc deux recueils de textes officiels (en latin) destinés à être chantés pendant les messes : un recueil complet pour tous les dimanches et fêtes du calendrier liturgique (et pour quelques jours de la semaine) dans le Graduale romanum, et un recueil de textes et mélodies plus simples, accordés aux saisons liturgiques, dans le Graduale simplex.

Bien peu de Catholiques ont eu l’occasion de voir un exemplaire de l’un ou l’autre de ces Graduels, mais la plupart ont sûrement remarqué que l’on trouve des textes d’une antienne d’entrée et d’une antienne de communion dans les missels jetables utilisés couramment dans les paroisses – ce sont les mêmes antiennes qui apparaissent dans le Sacramentaire actuellement en vigueur (édition de 1973/74). Mais ce ne sont pas rigoureusement les mêmes antiennes que dans les Graduels officiels. Alors, d’où ces textes proviennent-ils ?

Une troisième collection de textes du propre…

Les antiennes que l’on trouve dans les petits missels et dans le Sacramentaire sont, en fait, une troisième série de textes destinée aux parties du propre, spécialement conçue pour les messes où ces textes ne sont pas chantés. Ces antiennes sont donc destinées seulement aux messes lues. Certains pensent, à tort, que ces antiennes supplémentaires sont destinés à être chantés et/ou qu’elles sont tirées du Graduale romanum. En fait, les antiennes mentionnées pour l’introït dans le Missel correspondent presque toujours à celles du Graduel, mais aucune d’entre elles ne comprend le verset du psaume qui fait partie intégrante de l’introït complet.

Les textes de ce troisième recueil du propre ont donc été choisis spécialement pour être récités au cours des messes où l’on n’a pas de chant. (Pour plus de détails sur cette question, on se reportera à l’article « Graduel ou Missel ? La confusion résolue » de Christopher Tietze paru dans le numéro de l’hiver 2006 de Musique sacrée, la publication trimestrielle de l’Association américaine de musique liturgique).

La Constitution apostolique Missale Romanum  par laquelle le « missel romain révisé par décret du Concile Vatican II » a été promulguée, fait une mention spéciale de la version révisée des antiennes et leur destination :

« Même si les textes du Graduale romanum n’ont pas été modifiés, du moins pour ce qui concerne le chant, le psaume responsorial, dont saint Augustin et saint Léon le Grand parlent si souvent, a été restauré. De même, toujours pour en rendre la compréhension plus aisée, les antiennes d’entrée et de communion ont été révisées afin d’être utilisées au cours des messes lues. »

En dépit de ces trois séries de textes officiels, les textes du propre ont été pratiquement perdus dans la mise en œuvre de la réforme. Pourquoi ?

Perte de notre héritage

Comme à l’accoutumée, comprendre pourquoi la réforme liturgique demandée par le Concile est ainsi sortie de ses rails nécessite de procéder à un retour en arrière pour voir comment elle a été accomplie.

La mise en œuvre de la réforme conciliaire après de la messe s’est déroulée par étapes. Les premières réformes ont été introduites le 29 novembre 1964, moins d’un an après la promulgation de Sacrosanctum Concilium. La version révisée du rite de la messe et des rubriques n’avait pas encore été formulée, mais certaines parties de la messe ont été modifiées et quantité de passages, comprenant le propre, ont reçu l’autorisation d’être dits ou chantés en langue vernaculaire. De nombreux liturgistes ont ainsi voulu favoriser l’utilisation la plus étendue possible de traductions tout autant qu’une large participation vocale de l’assemblée. C’est la raison pour laquelle l’utilisation de cantiques s’est alors trouvée largement promue.

Par exemple, en 1964 la Conférence Liturgique [ NdT : une association américaine, fondée en 1944, et œuvrant pour le renouveau liturgique dans les Églises ] a publié un « Programme pour la liturgie paroissiale » – une série de documents destinés à instruire les pasteurs, les musiciens et les paroissiens sur la façon de mettre en œuvre la réforme liturgique. Cette organisation était très influente dans le « Mouvement liturgique » de l’époque, et son matériel pédagogique avait apparemment été entièrement réalisé avant que la moindre instruction officielle sur l’application de la Constitution sur la Liturgie n’ait été rendue publique.

L’un des principaux documents de ce programme, Le Guide du prêtre pour la liturgie paroissiale, donne des instructions détaillées sur ce qui doit être accompli au cours de la messe. Le programme est présenté comme « idéal en termes de ce qu’est la compréhension de l’Église actuelle sur le sens et la fonction de la liturgie », et les pasteurs sont priés de noter que cela ne nécessitera aucune modification sérieuse dans un avenir prévisible.

Ce Guide du prêtre, met l’accent sur le chant de l’assemblée, et les détails que l’on trouve dans le programme proposé indiquent clairement que cet forme « idéale » de participation trouve sa place au cours d’une « messe basse ». L’opinion des rédacteurs sur le chant des textes liturgiques véritables est résolument négative. Un autre document, Le Manuel destiné aux musiciens d’Église, recommande que le prêtre ne doit chanter ni les formules de salutation, ni les prières. Ainsi, toutes les messes deviendraient des « messes basses », et les cantiques en langue vernaculaire pourraient être substitués au chant du propre.

Le Programme pour la liturgie paroissiale, a été publié avant que ne soient connues les alternatives officielles au chant du propre – les chants du Graduale simplex, par exemple. Toutefois, au moment où ces solutions alternatives ont été autorisées, l’opinion prévalait déjà que l’existence même d’une alternative officielle rendait légitime toute autre alternative.

Mgr Frederick McManus, par exemple, dont l’influence sur de telles décisions était alors sans égale (et qui rédigea la préface du Guide du prêtre), fut un défenseur de cette position. Prenant la parole au cours d’un symposium organisé par la Conférence Liturgique, il se permit d’expliquer la signification du Graduale simplex – avant même qu’il ne soit publié :

« La première alternative aux chants du propre du Graduel romain est officiellement prévue, la porte est désormais grande ouverte à une plus grande diversité et à une plus grande adaptation. » (Crise de la musique dans l’Église ?, Washington D.C. : La Conférence Liturgique, 1967, p. 20)

Mgr McManus a été président de la Conférence Liturgique pendant plusieurs années, puis est devenu directeur de la Commission épiscopale sur la liturgie. Il a également été professeur de droit canon à l’Université catholique des États-Unis. Alors qu’en 1969, la nouvelle Présentation générale du Missel romain autorisait les cantiques en tant qu’alternative aux chants du propre, Mgr McManus, écrivant dans la Revue Ecclésiastique américaine, voyait à nouveau cette disposition comme une « porte ouverte » au libre choix des textes de la messe :

« La référence dans l’ordo révisé aux “autres chants” ouvre une porte aussi large qu’il est possible, et crée le premier des nombreux cas où les prêtres, s’accordant entre eux, deviennent les responsables des choix des textes adaptés à la messe. » (American Ecclesiastical Review, vol. 161, p. 196)

On remarquera que Mgr McManus ne fait même pas mention de la préférence officielle de l’Église pour le propre prescrit, ni de la nécessité pour les textes utilisés lors de la messe d’être approuvés par les Conférences épiscopales. Plus loin dans le même commentaire, Mgr McManus explique pourquoi il pense que de telles alternatives sont importantes. L’actuelle « rigidité du Rite romain », dit-il, doit être dépassée :

« Le manque de flexibilité de la liturgie officielle réside dans les textes eux-mêmes, dans la langue officielle, et dans l’exigence que, à l’exception de la prière universelle, on doive respecter un texte prescrit. » (p. 400)

Compte tenu de l’immense influence de ces experts qui pensaient qu’ils devaient être les bâtisseurs d’une nouvelle liturgie, il n’est guère surprenant de constater qu’aujourd’hui – plus de quarante ans après – la plupart des gens pensent, à tort, que le chant de cantiques en langue vernaculaire à la messe est une « réforme » expressément voulue par le Concile.

Bien que les cantiques puissent être légitimement utilisés, les équipes liturgiques paroissiales choisissent presque systématiquement d’écarter les chants officiels au moment de faire leur sélection. En fait, si ces équipes voulaient vraiment porter leur choix sur des chants dont les textes sont proches de ceux du propre, elles auraient probablement de grandes difficultés à le faire, faute de textes corrects. Comme indiqué plus haut, seules les antiennes d’entrée et de communion (telles que révisées pour les messes lues) figurent sur le Missel d’autel, et sont disponibles comme des « aides à la liturgie ».

Le fait que seule l’une des trois sources de textes officiels destinés au propre de la liturgie soit aisément disponible explique cette profonde confusion qui règne au sujet de l’emploi des antiennes du Missel. On trouve, malheureusement, une telle confusion jusque dans l’édition de la PGMR de 2002 adaptée par la Conférence des évêques américains (cf. Tietze pp. 7-8). Par exemple :

PGMR 48. [Le chant d’introït] est exécuté alternativement par la schola et le peuple ou, de la même manière, par le chantre et le peuple, ou bien entièrement par le peuple ou par la schola seule. Dans les diocèses des États-Unis d’Amérique, on choisira pour l’introït entre l’une de ces quatre possibilités : (1) l’antienne du Missel romain, ou le psaume du Graduale romanum tel qu’il est mis en musique (grégorien) ou sur une autre mélodie ; (2) l’antienne de la saison liturgique et le psaume du Graduale simplex, (3) un chant tiré d’une autre collection de psaumes et d’antiennes, approuvé par la Conférence des évêques, ou par l’ordinaire du lieu, (4) un chant liturgique approprié approuvé par la Conférence des évêques, ou par l’ordinaire du lieu.

La première des options mentionnées ci-dessus parle de l’« antienne du Missel romain, ou du psaume du Graduel romain ». Cela semble vouloir dire que l’antienne du Missel est prévue pour être chantée, et qu’on en trouve la musique dans le Missel. Aucune de ces deux assertions n’est exacte. Ce paragraphe peut tout aussi bien être interprété comme disant que seul le psaume tiré du Graduel romain, et pas l’antienne qui s’y trouve, doive être chanté lors des messes dans les églises américaines.

La sélection des cantiques

Si l’on tient compte de ce mélange entre confusion profonde et mauvais conseils, il n’est pas surprenant que les publications chargées d’aider les équipes liturgiques paroissiales dans le choix des cantiques ne contiennent seulement que les textes destinés à être lus.

Le guide trimestriel Liturgie d’aujourd’hui, publié par l’Oregon Catholic Press, donne par exemple la liste des antiennes d’entrée et de communion tirées du Missel. Il serait plus judicieux de donner les textes du Graduel romain destinés à être chantés, car les textes du propre destinés à être dits à la messe ne correspondent pas systématiquement à ceux du Graduel. Même si l’antienne de l’introït est la même, il manque au texte du Missel le verset de psaume qui doit toujours être chanté au cours de l’introït. De plus, le texte de l’Offertoire ne figure pas dans le Missel ; comme il n’existe aucune directive indiquant qu’il doive être récité, aucun texte n’est indiqué pour les messes lues alors qu’il en existe bel et bien un dans le Graduale pour les messes chantées.

La confusion pourrait être compréhensible. Mais même les antiennes du Missel n’ont apparemment qu’une infime influence sur la composition des textes qui sont proposés par les éditeurs de musique liturgique. On se rappellera que le but du chant d’introït est « d’introduire nos esprits dans le mystère du temps liturgique ou de la fête. » (cf. PGMR 47)

Dans sa dernière parution d’automne, Liturgie d’aujourd’hui couvre la période qui va du 22e dimanche du temps ordinaire à la fête du Christ-Roi, en ajoutant la Toussaint et le Thanksgiving Day. Considérons les choix qui y sont proposés pour remplacer l’introït des dimanches lorsque les textes des antiennes – qu’elles soient destinés à être lues ou chantées – sont identiques. Liturgie d’aujourd’hui liste habituellement quatre à six suggestions de cantiques pour chacune des parties de la messe, et indique par un code le cas où la sélection correspond à l’antienne prescrite. On trouve un seul dimanche (le 24e) où toutes les suggestions pour le chant d’entrée correspondent (selon la revue) à l’antienne d’introït. Ce dimanche-ci, l’antienne est un extrait du Livre de Sirac :

« Donne la paix, Seigneur, à ceux qui t’espèrent : ne fais pas mentir les paroles de tes prophètes ; exauce la prière de ton peuple. »

Les cantiques qui sont présentés comme correspondant à l’antienne sont « Prie, mon âme, le Roi des Cieux », dont le texte est inspiré du Psaume 103 ; et « Réjouis-toi, le Seigneur est Roi », inspiré par le Christus Vincit. Aucun des deux n’est vraiment en relation avec l’antienne tirée du Livre de Sirac.

Dans certains cas, il arrive que les cantiques suggérés soient aux antipodes de la substance et de l’esprit des textes prescrits. Considérons, par exemple, ceux du 28e dimanche. L’antienne du Missel (et du Graduel romain) est : « Si tu retiens les fautes, Seigneur, qui donc subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon, Dieu fidèle. » Il s’agit d’un passage du Psaume 130 (129) dont le premier verset – « Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur ! » – est celui qui est prescrit pour accompagner l’introït dans le Graduel romain. C’est donc le texte que l’Église propose aux membres de l’assemblée pour « introduire leurs esprits dans le mystère du temps liturgique ou de la fête ».

Que suggère donc la Liturgie d’aujourd’hui comme chant d’entrée pour ce dimanche ? Le premier de la liste est « Chante un chant nouveau » de Dan Schutte, décrit comme étant inspiré du Psaume 98. Dans le refrain on « chante Alleluia ! », et dans le premier couplet on y « danse de joie » et l’on joue « des joyeux tambourins ». De telles paroles, accompagnées d’une mélodie au rythme rebondissant, introduisent nos esprits dans une direction radicalement différente de celles de l’antienne officiellement prescrite. Sur quel fondement peut-on déclarer que « Chante un chant nouveau » est un substitut approprié ? Le guide de l’Oregon Catholic Press ne nous éclaire guère.

Le discernement « pastoral »

Les cantiques et les chants, qu’ils soient en relation avec l’antienne prescrite ou non, sont habituellement justifiés au motif qu’ils renforcent la participation de l’assemblée. L’utilisation du latin et de la musique complexe du Graduel romain, priverait – dit-on – l’assemblée de son « droit » à chanter la liturgie. Les chants ou les paraphrases de psaumes avec refrain sont censés être plus aisés à chanter par les gens – et donc les inciteraient à participer à la liturgie. Bien sûr, cela correspond à une participation extérieure. Mais, la Constitution sur la Liturgie, d’autre part, dit que tous doivent participer « à la liturgie de manière autant intérieure qu’extérieure » (SC 19) et que cette participation comprend aussi le « silence sacré » (SC 30).

Dans son livre sur la liturgie, La Fête de la Foi (traduit en américain chez Ignatius Press en 1986, non disponible en français, NdT), le Cardinal Joseph Ratzinger (Benoît XVI) souligne la nécessité d’une participation intérieure :

« Pour qu’une communauté puisse exister, il doit y avoir une expression commune ; mais de peur que cette expression ne soit seulement externe, il doit y avoir aussi un mouvement commun d’intériorisation, une voie vers l’intérieur (tout autant que vers le haut) […] Il devient alors vraiment possible pour les gens de partager dans une expression commune une fois que cette intériorisation a eu lieu par le moyen des prières communes de l’Église et de l’expérience du Corps du Christ qu’elles contiennent. […] Ce n’est qu’ainsi que la communauté peut avoir lieu. » (pp. 69-70, les soulignés sont de l’auteur)

On notera son insistance : la véritable participation doit être guidée par les prières communes de l’Église. Parmi ces prières, on trouve les textes du propre.

Pourtant, de nombreux liturgistes et de nombreux compositeurs pensent réellement que les textes officiels sont inappropriés. Parmi eux, on trouve sœur Delores Dufner, osb, qui écrit dans le numéro d’août-septembre 2007 de Pastoral Music, publié par l’Association nationale des musiciens de pastorale (NPM) :

« L’expérience pastorale m’amène à douter que le pratiquant moyen soit facilement conduit dans la prière au moyen de la langue et des images contenus dans les psaumes, qui sont le reflet d’une culture biblique éloignée de notre temps. » (p. 20)

Elle estime que l’utilisation des psaumes exclut « ceux qui n’ont pas formellement étudié l’Écriture et la théologie ». En outre, elle anticipe les problèmes dus à l’introduction de la nouvelle traduction des textes liturgiques, rédigés dans une langue plus soutenue.

« D’un point de vue pastoral, nous aurons encore plus besoin de chants et de cantiques liturgiques pour interpréter les prières et les lectures de la liturgie dans une langue compréhensible par nos contemporains. » (p. 20).

En d’autres mots, les Catholiques sont donc incapables de comprendre aussi bien les Écritures que les prières de la messe, sans le secours des compositeurs de chants pour les aider à les interpréter (on se demande bien comment les musiciens ou les planificateurs de programmes, qui généralement n’ont pas plus de formation ni en théologie ni en Écriture que l’individu moyen d’une assemblée pourraient décider de ce qui est une bonne interprétation).

Sœur Delores formule aussi des objections sur la forme des processionnaux prescrits dans le Graduel, qu’elle trouve trop « hiérarchiques ». Les rubriques précisent que l’assemblée peut chanter l’antienne, en alternance avec la schola qui chante les versets. Elle préfèrerait un choix plus égalitaire : un cantique. Les membres de l’équipe du NPM semblent partager cet avis. Dans une enquête sur les chants classés comme favoris, ils mentionnent en particulier un chant de Marty Haugen « Nous sommes tous les bienvenus », qui parle à maintes reprises d’une maison que nous construisons. Ils affirment y voir une « merveilleuse vision de l’Église ». Considérant la manière de traiter l’Église en général dans ces cantiques, ils admettent :

« On trouve peu de mots, dans ces chants et cantiques, sur l’Église officielle et sur la tradition apostolique préservée à travers l’histoire. À bien des égards, le côté humain et faillible de l’Église est dépeint avec tous ses échecs, ses faiblesses, ses combats, ses espérances. » (p. 30)

Certains liturgistes trouvent un soutien dans leur préférence auprès du document émanant de la Commission épiscopale sur la Liturgie, La musique dans le culte catholique. Le compositeur David Haas, dans son article mensuel de Ministère et Liturgie (sept. 2007) dit de ce document :

« Je considère qu’il s’agit d’un texte d’une grande profondeur, qui proclame une vision de la musique et de la liturgie que nous avons encore à exploiter et à vivre pleinement. » (p. 34)

Il mentionne les trois critères permettant de juger de la musique liturgique : elle doit être musicale, liturgique et pastorale. Mais il pense que la pastorale doit passer outre les deux qualités musicales et liturgiques.

« Tout cela est bien pâle en comparaison, et doit s’incliner devant la fait que la musique choisie, préparé et proclamée au cours de la liturgie devient vraiment un moyen par lequel les gens sont libérés et peuvent exprimer leur foi, célébrer cette foi, et être transformés par leur propre histoire. » (p. 34)

Mais l’« histoire de la foi », que ce soit celle de chacun d’entre nous – ou même celle d’une assemblée – n’est pas la foi de l’Église. Tout chant, même vigoureusement interprété, qui met l’accent sur la foi de certaines personnes demeure très insuffisant.

Cette manière de chanter n’est pas, et ne saurait être, la participation à la liturgie de l’Église comme l’est par exemple l’écoute et la profonde méditation intérieure du texte d’un introït officiel, chanté par une chorale. Lorsque les gens n’ont pas accès aux textes authentiques de l’Église, et doivent se contenter de chants de substitution, on les empêche d’intérioriser les prières de l’Église et ainsi de participer vraiment à la liturgie.

Liturgie authentique et véritable liberté

Pour accroître la véritable participation à la liturgie, nous devons retrouver notre héritage musical perdu : « le riche patrimoine de la foi » contenu dans la Graduel romain. Cela ne se fera pas en un jour, mais ce n’est pas une raison pour ne pas commencer. Seuls les cantiques dont les textes sont proches des textes du propre devraient être conservés. Les chorales pourraient commencer à apprendre quelques pièces du Graduel dont les traductions seraient fournies de manière à ce que l’assemblée puisse les intérioriser tandis que la chorale chante. Les textes latins pourraient être associés à des textes en langue vernaculaire, ainsi par exemple des versets de psaume qui viendraient en complément ou des refrains qui seraient ajoutés aux pièces officielles. Des nouvelles mélodies ou harmonisations pour ces textes (en latin, ou dans une traduction officielle) pourraient être ajoutées au « trésor de musique sacrée », renforçant ainsi les liens avec notre héritage catholique.

L’invocation du « discernement pastoral » pour justifier l’abandon complet des textes de la liturgie officielle est, en fait, un comportement anti-pastoral. Si les membres de l’assemblée sont privés de l’expression complète de leur foi – la foi de l’Église, par les textes que l’Église elle-même nous donne – alors, il ne seront pas « libérés », mais aliénés. Dans son livre La Fête de la Foi – approche d’une théologie de la liturgie, rédigé il y a plus de vingt ans, le pape Benoît XVI (alors cardinal Ratzinger), disait de la forme obligatoire de la liturgie :

« Elle est une garantie, témoignant du fait que quelque chose de plus grand se passe à ce moment-là que ce qui peut être apporté par chaque communauté individuelle ou groupe de personnes. Elle exprime le don de la joie, le don de la participation à ce drame cosmique qu’est la Résurrection du Christ, par lequel la liturgie tient, ou s’écroule. En outre, le caractère obligatoire des parties essentielles de la liturgie garantit également la liberté véritable des fidèles : il fait en sorte qu’ils ne soient pas les victimes de quelque chose de fabriqué par un individu ou par un groupe, qu’ils partagent la même liturgie qui lie le prêtre, l’évêque et le pape. Dans la liturgie, nous est à tous donnée la liberté de nous approprier, de notre propre manière, ce mystère qui s’adresse à tous. ».

Espérons que nous retrouverons cette liberté !

Susan BENOFY

Susan Benofy est éditorialiste dans le mensuel américain Adoremus Bulletin. Elle intervient fréquemment sur les sujets touchant à la musique liturgique.

Article publié dans Adoremus Bulletin, novembre 2007. (http://adoremus.org/1107MassSongs.html)


Benoît XVI semble accélérer. La curie va être pourvue d'un nouveau service ayant autorité en matière de musique sacrée et le choeur de la Chapelle Sixtine d'un nouveau directeur : Benoît XVI en faveur de la renaissance de la grande musique sacrée

Table : Musique Sacrée
 

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

Eucharistie, sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 09.12.2007 - BENOÎT XVI - T/Musique sacrée - T/Liturgie

 

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