Les derniers instants de Benoît XVI racontés par Mgr Georg Gänswein
Le 08 janvier 2023 -
(E.S.M.)
-
Ce 4 janvier, Mgr Georg Gänswein s’est rendu dans les locaux
de Radio Vatican, et s’est entretenu avec l’une des journalistes de
la section allemande. Il raconte les derniers instants. Il est
inutile de dire combien c'est bouleversant.
Mgr Georg Gänswein et la
dépouille de sa Sainteté Benoît XVI -
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Les derniers instants de Benoît XVI racontés par Mgr Georg Gänswein
L’archevêque Georg Gänswein sur l’héritage de Benoît XVI : « Un trésor qui
reste ».
Le 08 janvier 2023 - E.
S. M. - S’il y a quelqu’un qui a été très proche de Benoît XVI
ses dernières années et heures, cette personne est Georg Gänswein.
Ce mercredi, l’archevêque est venu à la rédaction de Radio Vatican
pour une interview sur les derniers moments du pape émérite. Silvia Kritzenberger : Comment avez-vous
vécu le pape émérite ces derniers jours et quelles ont été ses
dernières paroles ?
Archevêque Georg Gänswein
: Le lundi 26 décembre, c’est-à-dire le jour de la
Saint-Étienne, je l’ai encore accompagné en fauteuil roulant, comme
régulièrement ces deux dernières années. Je l’ai poussé de son
bureau ou de l’endroit où il se trouvait jusqu’à la salle à manger,
où les Memores ont mangé avec nous. Le mardi, je n’ai mangé
que les pâtes, car je devais me rendre à l’aéroport. Je lui avais
dit que j’aimerais rentrer deux jours à la maison, saluer mes frères
et sœurs, mes tantes et quelques amis. « Partez, partez »,
m’avait-il dit. J’ai également demandé au docteur Polisca si c’était
possible, et il m’a répondu que bien sûr, c’était possible…
Retour immédiat à Rome
J’ai ensuite pris l’avion normalement pour rentrer chez moi,
je suis arrivé le soir et j’ai dormi. Et puis très tôt le matin,
j’ai eu un coup de téléphone, c’était une des Memores, et
elle m’a dit qu’il n’allait pas bien. « Comment ça, il ne va pas
bien ? », ai-je demandé. « Non, la nuit a été misérable. Le
docteur Polisca est déjà là ». J’ai demandé qu’on me le passe au
téléphone et j’ai dit que je viendrais tout de suite et que je
prendrais le premier vol.
Et je suis donc revenu mercredi à une heure du matin. Je me
suis tout de suite approché de son lit, bien sûr, et j’ai eu très
peur parce qu’il respirait très fort. Il y avait manifestement des
problèmes avec les poumons, avec les bronches. Il a été pris en
charge médicalement et la journée n’a pas été facile. C’est aussi le
jour où le pape François a appelé à la prière à la fin de
l’audience. Il est venu, je n’étais pas encore là, mais François est
monté tout de suite après l’audience générale et a prié et l’a
également béni.
Une amélioration inattendue
Et puis je suis arrivé, et le mercredi soir a été difficile.
Et j’ai demandé au médecin : va-t-il s’en sortir ? Celui-ci a
répondu : « Du point de vue d’un médecin, je ne peux pas vous
donner de réponse, oui ou non. Il faut attendre ».
Et le matin, le jeudi, contre toute attente, c’était donc
beaucoup, beaucoup mieux. Je pose alors la question au médecin, qui
me dit qu’il n’a pas d’explication : « Je ne peux pas vous le
dire. Je ne sais pas ».
Puis, le jeudi, la situation s’est un peu dégradée dans la
journée. J’ai alors tout de suite dit « Saint-Père, je vais vous
donner l’onction des malades, et tout à l’heure, nous allons
célébrer la sainte messe ici ». Il était alors encore très
lucide, il le voulait volontiers. Il n’a pas concélébré à la messe,
il était au lit. Je lui ai ensuite donné la sainte communion avec
une petite cuillère sub specie sanguinis, c’est-à-dire le
sang du Christ, très peu, parce qu’il ne pouvait plus rien manger
depuis deux jours. Et il a encore été conscient de tout cela.
Présent jusqu’à la fin
Et la nuit du jeudi au vendredi s’est à peu près passée, et
la dernière nuit qu’il a vécue, c’est-à-dire du vendredi au samedi,
du 30 au 31 décembre, je n’étais pas présent, c’est une
aide-soignante qui était présente, et les derniers mots qu’il a pu
prononcer de manière compréhensible, c’était en italien : « Signore
ti amo », en allemand : « Herr, ich liebe dich ». C’était
la dernière chose. Et c’est ce que l’aide-soignante m’a dit
immédiatement, en pleurant beaucoup, lorsque je suis arrivée dans sa
chambre le matin. Je ne l’ai pas entendu moi-même. La nuit, vers
trois heures, je ne sais plus exactement si c’était à 2h50 ou à
3h10, en italien, « Signore ti amo », « Seigneur, je
t’aime ».
Et puis le 31 est arrivé, et là, on peut dire qu’en l’espace
de trois heures, il a connu une chute libre. Dieu merci, l’agonie
n’a pas duré si longtemps, cela a dû être trois bons quarts d’heure.
Le médecin a dit qu’on ne pouvait pas le dire à cent pour cent. On a
seulement vu, et c’est ce que j’ai ressenti, qu’il était dans la
dernière ligne droite. Oui, et puis il est mort à 9h34.
« Et puis justement, le dernier
mot du doyen Ratzinger de l’époque, Jean-Paul II nous voit de la
maison du Père, et la demande : bénis-nous. C’est inoubliable pour
moi. J’étais sur la place Saint-Pierre, à côté de l’autel.
Inoubliable ».
En entendant ses dernières paroles « Seigneur, je t’aime »,
je n’ai pu m’empêcher de penser à l’homélie prononcée par le
cardinal Ratzinger, alors doyen, lors des funérailles de Jean-Paul
II, le 8 avril 2005. Lorsqu’il avait prêché sur Jean 21, la question
posée trois fois par le Seigneur : « M’aimes-tu ? » Et
ensuite, au oui, et à l’invitation : « Suis-moi ». Et puis
justement le dernier mot du doyen Ratzinger de l’époque,
Jean-Paul II nous voit de la maison du Père, et la demande :
Bénis-nous. Je n’oublierai jamais cela. J’étais sur la
place Saint-Pierre, à côté de l’autel. Inoubliable.
Cela m’est revenu quand l’infirmière m’a dit : « Signore
ti amo ». Parce que c’était les mêmes mots en italien à
l’époque. Oui, et maintenant il l’a fait… ».
Un trésor qui reste
Silvia Kritzenberger : Qu’est-ce que Joseph
Ratzinger vous a apporté dans votre vie ? Qu’est-ce qui vous
manquera le plus?
Archevêque Georg Gänswein
: Bien sûr sa personne, sa gentillesse, sa foi
solide, sa clarté, son courage et sa capacité à souffrir aussi pour
la foi. On dit « Via crucis », ce n’est pas seulement un beau
mot pour l’histoire de l’art, mais c’est un mot du trésor profond de
la spiritualité de la foi.
Mais il restera aussi ce mot
inoubliable « Gioia », c’est-à-dire joie, que
la foi donne justement de la joie. Donc aussi selon Jean : Je suis
venu pour que vous ayez la joie en abondance.
C’est ce qui est beau, c’est que la vie continue humainement
et que je peux toujours tirer quelque chose de ces images, de ces
profonds trésors, et j’espère que d’autres personnes pourront aussi
en tirer quelque chose et creuser pour elles.
Silvia Kritzenberger : Je vous remercie pour
cet entretien, et je vous remercie aussi chaleureusement d’avoir
accompagné si longtemps et si fidèlement notre Joseph Ratzinger,
notre pape Benoît.