Synode des évêques : tous les textes
du lundi 6 octobre |
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Le 07 octobre 2008 -
(E.S.M.) -
Lundi 6 octobre s'est tenu la première et deuxième Congrégation générale
du synode des évêques sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la
mission de l'Église. Tous les textes en français.
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La salle du Synode
Synode des évêques : tous les textes du lundi 6 octobre
Le 07 octobre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
Résumé
-
PREMIÈRE CONGRÉGATION GÉNÉRALE (LUNDI 6 OCTOBRE 2008 - MATIN)
-
DEUXIÈME CONGRÉGATION GÉNÉRALE (LUNDI 6 OCTOBRE 2008 - APRÈS-MIDI)
PREMIÈRE CONGRÉGATION GÉNÉRALE
(LUNDI 6 OCTOBRE 2008 - MATIN)
- RÉFLEXION DU SAINT- PÈRE BENOÎT XVI
À l’ouverture de la Première Congrégation Générale de ce matin, lundi 6
octobre 2008, après la brève lecture de l’Heure Tierce, le Saint-Père Benoît
XVI a tenu la réflexion suivante :
►
Méditation de Benoît XVI sur le Sermon sur la Montagne
(T.Int)
DEUXIÈME CONGRÉGATION GÉNÉRALE
(LUNDI 6 OCTOBRE 2008 - APRÈS-MIDI)
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RAPPORTS SUR LES CONTINENTS
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RAPPORT DE S.ÉM. LE CARD. ALBERT VANHOYE, S.I., RECTEUR ÉMÉRITE DE
L’INSTITUT PONTIFICAL BIBLIQUE DE ROME (FRANCE)
À 16h30 d’aujourd’hui, en présence du Saint-Père Benoît XVI, avec la récitation de l’Adsumus,
a eu lieu la Deuxième Congrégation Générale, pour la lecture en Salle des
Rapports sur les Continents sur le thème de la XXème Assemblée Générale
Ordinaire du Synode des Évêques La Parole de Dieu dans la vie et la mission
de l’Église.
Le Président Délégué du jour était S.Ém. le Card. William Joseph LEVADA,
Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
Après un temps d’interventions libres des Pères Synodaux sur les Rapports
sur les Continents, avant l’intervention de S.Ém. le Card. Albert Vanhoye,
S.I., Recteur Émérite de l’Institut Pontifical de Rome (FRANCE), est
intervenu l’Envoyé Spécial Shear-Yashuv Cohen, Rabbin Chef de Haïfa
(ISRAËL). ►
Le Rabbin Cohen, invité de Benoît XVI devant les pères synodaux
À cette Congrégation Générale, qui s’est conclue à 18h55 avec la prière de
l’Angelus Domini, étaient présents 245 Pères.
RAPPORTS SUR LES CONTINENTS
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Pour l’Afrique: S.Exc. Mgr John Olorunfemi ONAIYEKAN, Archevêque d'Abuja (NIGÉRIA)
-
Pour l’Asie: S.Exc. Mgr Thomas MENAMPARAMPIL, S.D.B., Archevêque de Guwahati
(INDE)
-
Pour l’Amérique: S.Em. le Card. Oscar Andrés RODRÍGUEZ MARADIAGA, S.D.B.,
Archevêque de Tegucigalpa, Président de la Conférence Épiscopale (HONDURAS)
-
Pour l’Europe: S.Em.le Card. Josip BOZANIĆ, Archevêque de Zagreb (CROATIE)
-
Pour l’Océanie: S.Exc. Mgr Michael Ernest PUTNEY, Évêque de Townsville
(AUSTRALIE)
Nous publions ci-dessous, les Interventions sur les Continents :
-
Pour l’Afrique: S.Exc. Mgr John Olorunfemi ONAIYEKAN, Archevêque d'Abuja (NIGÉRIA)
La Parole de Dieu dans la Vie et la Mission de l’Église : l’Histoire
africaine
Dans le Document de travail (Instrumentum
Laboris) n. 7b, on peut lire l’observation suivante,
qui nous semble très pertinente: “Dans les Églises locales d’origine plus
récente, l’usage de la Bible parmi les fidèles est plus étendu qu’ailleurs”.
Dans les limites du temps qui m’est imparti pour cet exposé, je souhaite
illustrer même brièvement que l’assertion ci-dessus est d’une grande
importance pour le continent africain. Deux récentes célébrations bibliques
sur le continent africain nous ont permis de témoigner et documenter
clairement le fait ci-dessus. La première occasion fut lors du 40e
anniversaire du document du Concile Vatican II Dei Verbum, célébré au cours
d’une rencontre sur l’Apostolat biblique en Afrique qui s’est tenue à Abuja,
au Nigéria, en juin 2005. La seconde fut au cours de cette année 2008,
lorsque la Fédération biblique catholique a tenu son Assemblée plénière pour
la première fois sur le continent africain à Dar es-Salaam, en Tanzanie.
Lors de ces deux occasions, nous avons pu entendre des récits sur ce que
Dieu a fait pour apporter la Parole de Dieu dans les endroits les plus
reculés du continent africain, notamment après le Concile Vatican II.
Aujourd’hui, nous regardons notre continent et nous pouvons dire que, en
effet, la Parole de Dieu est une bonne nouvelle qui a été très largement
répandue. Bien sûr des défis demeurent, mais nous avons aussi beaucoup de
sources de réconfort.
Au cours de ma brève présentation, j’ai décidé de suivre la division
tripartite du thème du Synode, que nous trouvons à la fois dans les Grandes
lignes et dans le Document de travail, à savoir:
(a) la Parole de Dieu en Afrique
(b) la Parole de Dieu dans la vie de l’Église en Afrique, et
(c) la Parole de Dieu dans la mission de l’Église en Afrique.
I. LA PAROLE DE DIEU EN AFRIQUE
1. Semina Verbi dans la Tradition africaine : Les documents pré-synodaux
soulignent l’importance d’une conception globale de la Parole de Dieu, qui
va bien au-delà des textes scripturaux. La Parole de Dieu est le dialogue de
Dieu avec toute l’humanité, qui s’adresse à tous les êtres humains en tous
temps et en tous lieux. Le Synode africain a finalement et définitivement
réhabilité la religion traditionnelle africaine et ses cultures en
reconnaissant, dans un document officiel et qui fait autorité, que la
religion africaine traditionnelle est une foi monothéiste (EIA 7)
qui croit
et vénère le vrai Dieu unique, “le Créateur” (EIA 57). C’est ce même Dieu
qui n’est jamais resté inconnu à celui qui le recherche avec un cœur sincère
(LG 15). Bien sûr, à cause des imperfections humaines, ce Dieu est souvent
approché par des images et des reflets confus. Mais la vérité fondamentale
est que l’Être Suprême, Créateur du ciel et de la terre est l’objet du culte
et des prières de notre religion africaine traditionnelle. Les normes
fondamentales de moralité dans ces religions, aussi imparfaites qu’elles
puissent être, reflètent des rayons de “la lumière qui éclaire tout homme” (Jn
1, 9). Tout cela n’a pas été en dehors de la grâce de Dieu, ainsi que le
Concile Vatican II l’affirme clairement (LG 15). Cela a non seulement été
une preparatio evangelica pour une éventuelle réception du message
évangélique, mais plus encore un environnement accueillant et un terrain
fertile pour cette annonce de la Parole de Dieu, à la fois dans l’écriture
et dans le ministère de l’Église (EIA 57).
Je crois qu’il est important de le reconnaître si nous voulons expliquer
comment la foi chrétienne s’est répandue si rapidement sur le continent
africain, au cours du siècle dernier, “une merveille de la grâce de Dieu” (EIA
33). Mon défunt père, qui fut un des premiers à embrasser le christianisme
dans notre village vers 1920, m’a clairement expliqué que lorsqu’il devint
chrétien, il n’adopta pas un nouveau Dieu. C’était le même Olorun l’Être
Suprême Yoruba, qu’il connaissait déjà dans la religion traditionnelle.
C’est sur cette base qu’il bâtit sa foi chrétienne, par la grâce de Dieu, et
grâce à la prédication de l’Évangile par les missionnaires. Ainsi, même sur
ce que l’on appelle le continent noir, la lumière de la Parole éternelle de
Dieu ne fut jamais absente.
2. L’Afrique dans les Saintes Écritures: La Parole de Dieu a également la
signification spécifique d’écritures inspirées qui racontent l’histoire du
peuple de Dieu à la fois dans l’Ancienne et la Nouvelle Alliance. Dans cette
histoire divine, le continent africain a toujours été très présent. Dès le
commencement, le Patriarche Abraham dut se réfugier en Égypte
(Gn 12,
10-20). Nous ne devrions pas oublier non plus que l’Égypte devint de manière
providentielle l’“incubateur” du peuple d’Israël. La famille de Jacob -
Israël - qui quitta le pays de Canaan pour l’Égypte, à l’invitation de
Joseph, ne comprenait que 70 personnes (Ex 1, 5). Ils demeurèrent dans le
Terre de Goshèn pendant près de 430 années (Ex 12, 40). Lorsqu’ils partirent
en Exode, ils étaient devenus une grande nation comptant 600.000 hommes,
“sans compter leur famille” (Ex 12, 37). Mais si l’on prend en compte les
membres de leurs familles, même en s’en tenant à une moyenne de cinq
personnes par famille, nous parlerions d’un total d’environ trois millions
de personnes en marche! C’est donc d’abord en Égypte qu’Israël connu son
premier développement comme nation. Ainsi, pour le peuple d’Israël, l’Égypte
n’est pas seulement une terre de persécution et d’exode, mais aussi une
terre de refuge et de protection. Pendant la plus grande partie de son
histoire, Israël fut un petit État coincé entre les grandes nations de
l’Égypte au Sud, de la Syrie au Nord et de la Mésopotamie à l’Est.
Dans le Nouveau Testament, l’Égypte est à nouveau une terre de refuge pour
la Sainte Famille (Mt 2, 13-15). Lors de la passion, l’Africain Simon de
Cyrène aida Jésus à porter la croix (Mc 15, 21). Le jour de Pentecôte, de
nombreux pèlerins venaient d’Afrique, “d’Égypte et de cette partie de la
Libye qui est proche de Cyrène” (Ac 2, 10). L’eunuque éthiopien
(Ac 8,
26-39) fut l’un des premiers à rapporter le message chrétien dans son pays,
au plus profond du cœur de l’Afrique.
Il n’y a donc rien d’étonnant que certains des premiers centres de
christianisme, aussi bien en termes de théologie et de théologiens que de
martyrs et de confesseurs, se trouvent en Afrique du Nord - Alexandrie,
Carthage et Hippone pour n’en mentionner que quelques-uns. Tout cela est
clairement souligné et célébré dans l’Exhortation post-synodale de Jean-Paul
II,
Ecclesia in Africa, n. 31. Je crois qu’il est important de nous souvenir
de ce fait pour nous éviter de continuer à penser l’Afrique comme nouvelle
et étrangère à l’ensemble de l’histoire du salut telle que nous l’ont
transmise les Saintes Écritures. Notre continent peut se vanter d’être bien
davantage une “terre biblique” que beaucoup de grandes nations chrétiennes
d’aujourd’hui.
3. Les Écritures en Afrique aujourd’hui. Le Concile Vatican II établit que
tous les fidèles devraient avoir un large accès à la Parole de Dieu dans les
Saintes Écritures (DV 22). Beaucoup d’efforts ont été faits depuis le
Concile Vatican II pour offrir cet accès aux chrétiens africains. Toutefois,
il demeure beaucoup de difficultés à ce sujet.
3.1. Le texte de l’Écriture lui-même peut représenter un véritable problème
dans certains lieux. Dans de nombreux pays du monde, le coût d’une Bible
peut être tout à fait minime, alors que dans certaines régions d’Afrique, il
représente parfois un salaire mensuel. Il en résulte que beaucoup n’ont pas
assez d’argent pour posséder une Bible. Des efforts ont été faits pour
imprimer des textes de la Bible à des prix abordables. À cet égard, on peut
saluer le travail de nos frères protestants qui en ont fait une priorité de
leur apostolat. Dans de nombreuses régions, l’Église catholique s’est
associée à d’autres chrétiens en particulier dans le cadre de la Société
Biblique. Cette collaboration s’avère très fructueuse.
3.2. À part le texte, il y a aussi une question de langue. Beaucoup de
langues ne possèdent toujours pas de traduction adéquate du texte biblique.
L’accès direct à la Parole de Dieu dans les Écritures reste donc hors de
portée pour ceux qui ne parlent que ces langues-là. D’où l’importance de la
traduction, qui n’est pas une tâche facile. Là encore, nos frères
protestants se sont fortement engagés dans ce travail de traduction de la
Bible dans de nombreuses régions d’Afrique. L’Église catholique, notamment
après le Concile Vatican II, a activement participé à ce travail non sans
rencontrer de grandes difficultés. Très souvent, l’on manque de moyens pour
parvenir à cet objectif, ainsi que de compétences pour le mener à bien. Les
traductions sont très importantes en Afrique non seulement car cela signifie
transmettre la Parole de Dieu dans une autre langue, mais parce que dans de
très nombreuses régions d’Afrique l’analphabétisme est largement répandu.
Dans de telles circonstances, la traduction de la Bible dans la langue
locale rend le texte biblique disponible et accessible même aux personnes
qui ne savent pas lire. Lorsqu’ils entendent la Bible lue dans leurs
langues, ils peuvent recevoir la Parole de Dieu par l’écoute. Dans une
culture qui est très largement orale, comme c’est le cas en Afrique, on
n’insistera jamais assez sur l’importance de l’écoute de la Parole de Dieu.
Après tout, le Seigneur Jésus a dit: “Bénis ceux qui écoutent la Parole de
Dieu et l’observent” (Lc 11, 28). Même si je pense que ceux qui lisent la
Parole de Dieu sont bénis eux aussi, il semble que ceux qui simplement
écoutent la Parole de Dieu le soient encore bien davantage.
3.3. Mais même après avoir entendu la Parole de Dieu lue dans notre propre
langue, il reste à interpréter cette parole afin d’assimiler le sens
véritable du message que l’Esprit Saint destine à ceux à qui la parole est
adressée. On touche ici à la tâche de l’interprétation, de l’exégèse, aussi
bien au niveau scientifique que populaire. Nous avons reçu un important
témoignage des merveilles que l’Esprit Saint a opérées dans le cœur et dans
l’esprit de simples chrétiens qui approchent la Parole de Dieu avec une foi
et un amour profonds. Il existe une sorte d’“instinct spirituel” chrétien
pour interpréter avec justesse la Parole de Dieu qui parfois rend certains
exégètes scientifiques honteux de leurs spéculations irresponsables. Aussi
bien les Grandes lignes (n. 19, 25) que le Document de travail (n. 38)
parlent longuement de la Lectio Divina. Depuis le Concile Vatican II, elle
représente une partie importante de l’apostolat biblique en Afrique, et nous
avons élaboré plusieurs méthodes pour lire, méditer et appliquer les
Écritures à la vie des fidèles de notre peuple. Par exemple, des méthodes
appropriées d’étude de la Bible ont vu le jour dans des lieux comme le
Monastère Dzogbegan dans le Nord du Togo et le Lumko Pastoral Centre en
Afrique du Sud, pour n’en mentionner que quelques-uns. Ces méthodes ont fait
le tour du monde et ont été appliquées souvent avec quelques modifications,
mais toujours avec grand profit.
3.4. Les nouveaux médias : Même dans ce bref compte-rendu, on ne peut
manquer de mentionner le défi que représentent les nouveaux médias. Les
ordinateurs et les satellites ont aujourd’hui révolutionné les
communications. Si la Parole de Dieu doit être communiquée, comme Dieu en a
donné le mandat, nous ne pouvons pas ignorer ce qui est en train d’advenir
dans le domaine des nouvelles technologies de la communication.
Malheureusement le fossé technologique s’élargit quotidiennement entre les
pays riches et les pays pauvres. Mais la bonne nouvelle, c’est que ces
technologies elles-mêmes sont en train de combler ce fossé de diverses
manières. Les téléphones portables et Internet sont désormais disponibles
même dans des régions reculées sans électricité et sans téléphone. Les
possibilités de diffuser la Parole de Dieu vont au-delà de ce que l’on peut
imaginer. Dans de nombreuses régions d’Afrique ont vu le jour des programmes
et des projets novateurs pour répandre le message des Écritures au-delà des
textes et des livres traditionnels. Il y a là un besoin urgent d’une
solidarité mondiale et d’un partage des ressources.
II. LA PAROLE DE DIEU DANS LA VIE DE L’ÉGLISE EN AFRIQUE
“La Parole de Dieu soutient l’Église tout au long de son histoire” (Lin. 19)
Cela est également vrai dans l’histoire de l’Église en Afrique.
1. L’Église des origines fut édifiée sur la Parole de Dieu dans les Saintes
Écritures. C’est tout aussi vrai de l’Église des origines en Afrique du
Nord. Cette tradition s’est poursuivie sans interruption jusqu’à nos jours.
À cet égard, les Églises coptes d’Égypte et d’Éthiopie partagent la même
richesse de fondement des Écritures que d’autres Églises orientales et de
rites orientaux.
2. Toutefois, aujourd’hui, l’attention est davantage fixée sur les Églises
plus récentes de l’Afrique sub-saharienne. Même si l’Église catholique
établie dans certaines régions d’Afrique au XVème siècle a vécu sans
interruption pendant 500 ans dans certains pays comme le Mozambique ou
l’Angola, sur la majeure partie du continent africain l’Église est
aujourd’hui le fruit d’une évangélisation plus récente, datant
principalement du XXème siècle, “une période de croissance rapide” qu’a
décrit Ecclesia in Africa, n. 33. Les missionnaires qui ont apporté la foi
catholique en Afrique à la fin du XIXème siècle et pendant la majeure partie
du XXème siècle, étaient des hommes et des femmes représentant bien leur
époque et leurs pays d’origine. Il est évident que la Bible comme texte
scripturaire n’était pas vraiment une priorité dans la vie de l’Église de
cette époque. Si bien que les premières communautés catholiques d’Afrique
connaissaient plus les doctrines apprises à travers le catéchisme et la
prédication des missionnaires, plutôt que les citations des chapitres et des
versets bibliques. Mais cela ne signifie pas qu’ils ignoraient les Saintes
Écritures. Le catéchisme était lui-même basé, d’une manière indirecte, sur
les Écritures. La liturgie était encore plus importante. Pendant la Messe,
des passages étaient lus et des homélies étaient prononcées pour eux. Avant
le Concile Vatican II, le missel contenait moins de lectures qu’il n’ en a
aujourd’hui. Mais cela représentait toutefois une sélection appréciable de
lectures de l’Ancien et du Nouveau Testament. Nous ne devons pas non plus
sous-estimer le recours fréquent aux récits bibliques qui étaient en
particulier très appréciés par les enfants et les jeunes. À travers ces
publications, un grand nombre de récits bibliques les plus importants, tirés
de l’Ancien et du Nouveau Testament, étaient appris avec grand profit. Bien
sûr, il y avait des Bibles catholiques mises à disposition, mais d’une
manière limitée, et même les traductions n’étaient pas très répandues. On
dit souvent que, tandis que les protestants allaient à l’église en portant
leurs Bibles, les catholiques serraient leurs rosaires et leurs missels,
lorsqu’ils en possédaient.
3. Puis vint le Concile Vatican II et sa révolution biblique, ouvrant
l’Écriture Sainte à la vie de l’Église. Le Concile donna des directives très
claires non seulement dans
Dei Verbum, en particulier au chapitre 6, mais aussi dans
d’autres documents, tels que la Constitution dogmatique sur la Liturgie
Sacrosanctum Concilium et celle sur la Formation des prêtes
Optatam
Totius,
où l’Écriture est qualifiée d’“âme de toute la théologie” (OT 16). Ces
directives furent appliquées avec beaucoup de sérieux par l’Église en
Afrique. On peut dire qu’on assista alors à une explosion d’enthousiasme
pour la Parole de Dieu dans l’Écriture Sainte. En particulier, une grande
partie des laïcs étaient assoiffés de la Parole de Dieu dans l’Écriture
Sainte et essayèrent par tous les moyens de l’apprendre autant qu’il leur
était possible. En fait, ils étaient parfois si désireux d’apprendre, qu’ils
étaient même disposés à étancher leur soif aux puits empoisonnés des
territoires non-catholiques.
Le Concile confia la responsabilité d’un juste recours à l’Écriture Sainte
aux responsables de l’Église locale, à savoir les Évêques. Les Évêques
d’Afrique ne négligèrent pas cette tâche. La quasi-totalité des Conférences
épiscopales a une commission sur la Bible et pour la direction de
l’apostolat biblique. Ces commissions travaillent également main dans la
main avec les conférences épiscopales sœurs aux niveaux régional et
continental. Au niveau continental, le SECAM possède un bureau de
coordination appelé le “Biblical Centre for Africa and Madagascar”
(BICAM).
Il a longtemps été situé à Nairobi, mais il se trouve à présent dans les
bureaux du SECAM à Accra, au Ghana. Cette structure au niveau africain est
coordonnée et intégrée au niveau mondial à travers la Fédération biblique
catholique, pour laquelle l’Église d’Afrique représente un membre important.
À travers ces structures, le magistère de l’Église en Afrique a voulu
encourager, promouvoir et coordonner l’usage des Écritures dans l’Église.
Des projets bibliques, tels que la production de textes et de traductions
bibliques et la publication de matériels bibliques sont suivis très
attentivement par des experts assignés à cette tâche par les autorités
compétentes. Cela a porté beaucoup de fruits dans la plupart des pays, pour
ne pas dire dans tous les pays.
À cet égard, l’Église en Afrique a toujours beaucoup apprécié le rôle d’un
grand nombre d’Instituts de Vie consacrée qui sont tout particulièrement
engagés au service de l’apostolat biblique. Par exemple, il faut mentionner
les Pères et les Filles de Saint-Paul (la famille paulinienne) qui publient
beaucoup de textes et de matériel bibliques, ou la Congrégation du Verbe
Divin pour n’en mentionner que quelques-uns.
Au niveau de l’exégèse scientifique, l’Église africaine a pris très au
sérieux la nécessité d’assurer aux exégètes et théologiens africains un
soutien et un encouragement, ainsi qu’une orientation dans leur travail. Le
SECAM possède une commission sur la Bible appelée la Commibible, qui est sa
Commission biblique. Sa tâche consiste précisément à superviser le travail
du BICAM et d’autres apostolats bibliques en Afrique. Parallèlement, mais
étroitement liée à la Commibible, on trouve l’Association des Exégètes
africains de la Bible, appelée la “Pan-African Association of Catholic
Exegetes” (PACE). Cette organisation se réunit régulièrement, tous les deux
ans environ, en congrès et en sessions scientifiques au cours desquels des
questions scripturaires sont débattues au plus haut niveau de la réflexion
biblique scientifique. Leurs publications ont reçu un grand accueil et tout
le respect de leurs pairs dans d’autres régions de l’Église universelle. Ce
travail mérite tout notre soutien et notre encouragement.
III. LA PAROLE DE DIEU DANS LA MISSION DE L’ÉGLISE EN AFRIQUE
Jusqu’à présent, nous avons déjà amplement vu ce que l’Église accomplit dans
le cadre de sa mission en Afrique à travers la Parole de Dieu. Nous ne
souhaitons ici que souligner quelques points.
1. Première Évangélisation : Tout d’abord, l’Afrique est encore un continent
de première évangélisation. Des statistiques récentes indiquent encore un
pourcentage de catholiques en Afrique se situant autour de 14% (EIA 38). Il
y a donc beaucoup à moissonner (EIA 74). La tâche de la première
évangélisation exige bien sûr que la Parole de Dieu soit annoncée et
proclamée avec toute sa puissance et sa vigueur. Cela requiert que les
Écritures soient correctement présentées à ceux qui sont invités à accepter
le message chrétien. La catéchèse avec laquelle nous entreprenons la
première évangélisation s’est enracinée de plus en plus dans les Saintes
Écritures, conformément aux directives du Directoire général pour la
catéchèse et également selon l’exemple du Catéchisme de l’Église catholique.
2. Travail pastoral : La mission de l’Église consiste également à conduire
ses membres vers un vécu cohérent de la foi chrétienne dans leur vie et dans
leurs activités quotidiennes. Ici, la Parole de Dieu dans l’Écriture est un
point de référence constant “une lumière sur notre route” (Ps 119, 105). Les
leçons des Écritures Saintes de l’Ancien et du Nouveau Testament sont
toujours pertinentes, car la Parole de Dieu est éternelle. Le chrétien, qui
vit dans ce monde, et qui doit témoigner du message évangélique, est
encouragé à connaître les sources de sa foi, en particulier la Parole
inspirée de Dieu. Ainsi l’Écriture joue-t-elle un plus grand rôle dans la
mission pastorale de l’Église à l’égard de ses membres.
3. Œcuménisme : L’Église a une mission envers ceux qui n’appartiennent pas à
son troupeau. Nous commencerons tout d’abord par les autres chrétiens qui
n’appartiennent pas à notre Église. Nous avons eu l’occasion de mentionner
notre coopération sur une base œcuménique dans les productions de Bibles et
dans le travail de traduction. Nous avons observé avec une grande joie et
pour la plus grande gloire de Dieu qu’une plus grande connaissance des
Saintes Écritures de la part des catholiques nous a rapprochés de nos frères
d’autres traditions chrétiennes pour lesquelles l’Écriture est souvent la
principale et parfois la seule source d’orientation dans la vie chrétienne.
Lorsque nous parvenons à lire la Bible ensemble et à prier la Bible
ensemble, beaucoup de malentendus sont évités, la coopération devient
possible et féconde et l’on promeut la mission de l’Église en général. Il y
a bien sûr des difficultés, en particulier avec des groupes qui ne sont pas
seulement de type fondamentaliste mais qui sont clairement anti-catholiques.
L’Afrique est malheureusement la décharge de toutes les idées folles venant
d’autres continents, notamment les affirmations selon lesquelles notre
Église ne “respecterait” pas la Bible et ne pourrait donc pas être
réellement considérée comme catholique. Un grand nombre de nos fidèles sont
souvent gênés par les attaques et le harcèlement de tels groupes, en
particulier lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes bien préparés à défendre leur
position de catholique. Beaucoup d’entre eux ont toutefois saisi l’occasion
de prendre les Écritures plus au sérieux pour pouvoir justement défendre
leur origine quand d’autres attaquent leurs personnes et leur Église. Quoi
qu’il en soit, il me semble que, dans l’ensemble, le contact avec nos frères
protestants en Afrique se développe de façon positive.
4. Dimension interreligieuse: Nous sommes ici principalement concernés par
les religions africaines traditionnelles et l’islam. Bien que la présence
peu nombreuse de fidèles d’autres religions du monde, comme le judaïsme,
l’hindouisme, le bouddhisme, etc., n’a pratiquement aucune conséquence
pastorale pour nous, nous devons toutefois nous entretenir avec nos frères
africains appartenant à ces autres religions, avec pour toute arme la Parole
de Dieu dans les Écritures. Nous avons déjà parlé des fidèles de la religion
africaine traditionnelle et des nombreuses vérités et valeurs qu’ils
partagent avec notre foi chrétienne. Mon expérience est que les disciples de
la religion africaine traditionnelle écoutent de bon gré les récits
bibliques et accueillent souvent une bonne partie de leur message.
Dans une certaine mesure, on peut dire la même chose des musulmans qui
considèrent fondamentalement Jésus au moins comme un prophète. Ils parlent
de l’“Évangile”, même si ce n’est pas forcément le même Évangile que nous
lisons. Mais le fait que Dieu nous a parlé à travers ses prophètes est
fondamentalement reconnu et, par conséquent, le respect de notre Texte sacré
est généralement admis. De plus, une grande partie du Coran ayant des
parallèles avec les Saintes Écritures, et descendant parfois de celles-ci,
un discours commun peut être engagé avec nos frères et sœurs musulmans sur
de nombreuses questions. Le drame est toutefois que peu de choses sont
faites dans cette direction, en particulier parce que les rivalités entre
chrétiens et musulmans se concentrent très souvent sur nos différences
plutôt que sur tout ce que nous avons en commun. Par ailleurs, certains
fanatiques affirment effrontément que le Coran est la correction et
l’amélioration apportées par Dieu à nos Écritures. Lorsque l’on laisse de
tels individus répandre leurs idées désobligeantes, le respect mutuel pour
nos Saintes Écritures respectives devient problématique.
Le Concile Vatican II, dans un court passage, recommandait que des éditions
particulières des Écritures soient préparées pour les fidèles d’autres
religions. Pour autant que je sache, bien peu de progrès ont été faits dans
ce sens. Je crois qu’en Afrique tout du moins, nous devrions faire
davantage.
CONCLUSION
Il s’est passé bien des choses dernièrement concernant la Parole de Dieu
dans l’Église, notamment dans la vie et la mission de l’Église en Afrique.
Nous avons seulement tenté de synthétiser et de donner quelques aperçus de
la réalité que nous vivons. C’est l’œuvre de l’Esprit du Seigneur, au sein
de notre Église locale. Or, un grand nombre de ces choses ne sont pas
documentées, elles restent au niveau local. Mais c’est là que l’Esprit est à
l’œuvre. Nous souhaitons que l’enthousiasme pour la Parole de Dieu dont nous
faisons à présent l’expérience sur notre continent, soit renforcé et nourri
par ce Synode. Nous espérons aussi que, après avoir parlé des défis que nous
affrontons et des limites de nos ressources, nous pourrons nous attendre à
davantage de soutien de la part de ceux qui nous viennent en aide pour les
besoins que nous avons mentionnés. Nous continuons de nous en remettre à
l’Esprit du Seigneur Jésus, l’auteur des Écritures et le grand Interprète,
qui a transmis sa Parole à tous ceux qui l’écoutent avec leur cœur. Puisse
la Parole de Dieu résider dans nos cœurs en abondance. Amen
(Col 3, 16).
[Texte original: anglais]
-
Pour l’Asie: S.Exc. Mgr Thomas MENAMPARAMPIL, S.D.B., Archevêque de Guwahati
(INDE)
“La Parole s’est fait chair”
1. C’est en Asie que la Parole s’est fait chair. C’est à partir de là que
Son message salvifique a été transmis dans toutes les directions: Paul a
prêté l'oreille à l’appel du Macédonien, puis il est parti pour le continent
occidental ; Pierre a pris la mer vers Rome, Jean vers l’Espagne, Marc vers
Alexandrie, Thomas vers l’Inde, Irénée s’est dirigé vers Lyon et d’autres
encore vers les limites du monde.
2. La Parole de Dieu a été reçue, méditée par des personnes et des
communautés, et a pris la forme des traditions spirituelles asiatiques qui
sont devenues l’héritage commun de l’Église primitive. Les premiers Conciles
de l’Église qui furent tenus en Asie ont approfondi la réflexion. Nous ne
saurons jamais dans quelle mesure la richesse culturelle et la ferveur
religieuse de l’Asie ont imprégné les concepts et les pratiques que nous
considérons aujourd’hui comme faisant partie du patrimoine chrétien général,
par exemple dans les domaines de la doctrine chrétienne, de la liturgie, du
monachisme, de la discipline ecclésiastique, de l’esprit missionnaire et
d’autres. Cela reste une partie indiscernable de notre patrimoine commun. En
effet, nous ne pouvons pas ignorer le caractère spécifiquement asiatique de
l’héritage chrétien primitif et biblique.
La Parole annoncée
3. L’Histoire nous raconte que les moines syriens ont apporté la parole de
Dieu avec grand enthousiasme jusqu’en Perse, en Afghanistan, en Asie
centrale, en Chine orientale et dans le sud de l’Inde. Ils ont dialogué et
inculturé, en partageant en toute situation le message de Jésus avec un zèle
extraordinaire. Il est prouvé qu’ils ont interagi avec les zoroastriens, les
bouddhistes, les manichéens, les taoïstes, les confucéens, les hindous et
les musulmans, ainsi qu’avec certains chefs des religions tribales parmi les
Turcs, les Huns et les Mongols. Des communautés chrétiennes ont vu le jour
dans des lieux aussi éloignés que Xian (en Chine). Les monastères sont
devenus les centres du savoir et les forteresses de la théologie et de la
spiritualité (par exemple, Edesse, Nisibis). Les moines ont emprunté à la
minière des langues, des cultures, des religions et des idées indigènes
qu'ils ont trouvées chez les différents peuples. Des expressions de foi
locales ont pris forme spontanément.
4. Toutes ces communautés comptaient dans l’ensemble au moins 70 millions de
croyants chrétiens. Mais des forces hostiles qui se sont imposées plus tard
dans les régions centrales de l'Asie ont fortement affaibli ou ont fait même
disparaître un grand nombre de celles-ci. Cependant, les communautés du sud
de l'Inde et de l'Asie occidentale existent toujours.
Résistance des civilisations
5. À part ces revers, d’autres raisons ont poussé les sociétés asiatiques à
ignorer la proposition chrétienne. Comme les Athéniens, trop confiants dans
leur sagesse philosophique, n’étaient pas très enclins à prêter attention à
une proposition (le message de Paul) venant d’un autre contexte culturel,
les chefs des civilisations avancées d’Asie ne pensaient pas avoir besoin de
quoi que ce soit en plus de ce qu'ils avaient déjà atteint par leurs grands
efforts intellectuels et leur recherche religieuse. Tout en gardant toujours
une certaine curiosité pour les idées et les expériences venant de
l’extérieur, ils étaient loin de songer que l’immense réserve de sagesse
qu'ils avaient accumulée pouvait sérieusement exiger une révision ou un
complément.
6. Même d’un point de vue historique, le fait que le christianisme ait été
officiellement déclaré religion de l’Empire romain a fait comprendre aux
Perses que la religion chrétienne était étroitement alliée de Rome,
principale rivale et ennemie de la Perse. Depuis lors, l'image de la loyauté
envers l’étranger est restée collée aux diverses communautés chrétiennes
dans différentes régions d’Asie, de la période coloniale jusqu’à nos jours,
surtout parce que le christianisme est devenu, dans l’esprit des personnes,
fortement représentatif de l'Occident [1]. C’est ce qui a fait que les
classes dominantes ont résisté aux avances chrétiennes, tandis que des
sociétés marginales comme certains groupes ethniques plus petits, des
communautés tribales, des pêcheurs, des minorités opprimées, des castes plus
humbles ou des intouchables, qui voyaient la réalité sociale d’une
perspective différente par rapport à celle des communautés dominantes, ont
accueilli le pouvoir libérateur de la Bonne Nouvelle (Lc 4,18; Mt 5,3).
L’expansion chrétienne
7. Les oeuvres accomplies ensuite par les missionnaires, provenant surtout
du monde occidental, sont encore fraîches dans nos mémoires, notamment ce
qui a été fait par des personnes aussi zélées que Xavier, Valignano, de
Rhodes, Britto, Vaz, Lievens; des personnes qui savaient comment s'adapter
aux cultures, comme De Nobili ou Ricci. Ces âmes héroïques et bien d’autres
innombrables encore ont pénétré dans les régions les plus inaccessibles, se
sont confrontées aux souverains les moins accueillants, ont surmonté
d’immenses barrières culturelles, ont annoncé l'Évangile, créé des
communautés, donné une forme écrite aux langues, fourni la littérature aux
groupes linguistiques, poursuivi des études ethnologiques, présenté des
communautés inconnues au monde entier, créé un intérêt envers les réflexions
anthropologiques, sont intervenues en faveur des communautés opprimées, ont
offert des services dans le domaine de la santé et de l’éducation et mis en
place d’imposantes institutions, ont fait avancer les réformes sociales,
introduit des sociétés entières à la modernité, semé des idées dans le cœur
des personnes afin qu’elles puissent conduire la société vers la liberté et
offrir une direction dans l’Église et dans le reste de la société. Ce sont
enfin ces mêmes âmes qui ont amorcé une réflexion théologique dans
différents contextes culturels, avec une certaine dose d’autocritique
édifiante, en posant ainsi les fondements de la pensée missiologique
d’aujourd’hui. L'Église actuelle en Asie est ce qu'elle est grâce à leurs
services si généreux [2]. La poursuite de ce travail est aujourd’hui entre
nos mains.
La Parole traduite dans le vécu: témoignage
8. Depuis les débuts du christianisme, les évangélisateurs chrétiens avaient
un pouvoir de persuasion car leur Parole se traduisait en action. Mère
Teresa en est un exemple récent. Les missionnaires sont restés créatifs et
ont continué à pénétrer dans de nouveaux secteurs. Leurs services dans les
domaines de l’éducation et de la santé sont énormément appréciés. Allant
au-delà de ces domaines, ils sont entrés dans les secteurs des nouvelles
formes de pauvreté: l’analphabétisme, le chômage, la violence urbaine,
l’inégalité des sexes et des castes, le foeticide féminin et la toxicomanie.
Ils ont intensifié leurs services au profit des enfants des rues et des
mères célibataires, des familles divisées, des handicapés, des patients
atteints du SIDA, des malades terminaux, des victimes de violences, des
migrants, des habitants des bidonvilles, des sans-terre et des détenus. Ils
sont actifs dans la lutte en faveur de la justice pour les groupes opprimés,
dans le travail pour le changement social, la promotion culturelle, la
protection de l'environnement, la défense de la vie et de la famille, mais
aussi dans la défense des faibles, des opprimés et des marginalisés, et en
donnant la voix aux sans voix.
9. Même là où l’Évangile trouve plus de résistance, le témoignage
évangélique d’oeuvres socialement importantes est le bienvenu. Le service
silencieux mais sincère a sa propre éloquence. “Non point récit, non point
langage, nulle voix qu’on puisse entendre, mais pour toute la terre en
ressortent les lignes et les mots jusqu'aux limites du monde” (Ps 19,3-4).
Il y a des endroits en Asie où le message est mieux “dit à l’oreille dans
les pièces les plus retirées” que “proclamé sur les toits”
(Lc 12,3). Il
s’agit d’un choix stratégique dans des situations où la liberté de religion
est limitée, et non point d’une renonciation à son propre devoir, puisque le
devoir de communiquer le message demeure. A cet égard, certains sont allés
jusqu’au bout et ont témoigné les valeurs évangéliques et la cause du Christ
au prix de leur propre vie.
La Parole continue à être proclamée
10. De grands efforts ont été accomplis en Asie pour rapprocher la Parole de
Dieu des personnes. Depuis Vatican II, ces efforts ont été intensifiés . On
connaît davantage la Bible et on a multiplié les traductions [3], dont
maintes sont le produit d’une collaboration oecuménique. L’enthousiasme pour
le message biblique a augmenté. Les dimanches bibliques sont plus observés.
Les groupes d’étude bibliques sont devenus plus nombreux: communautés
chrétiennes de base, communautés ecclésiales de base, petites communautés
chrétiennes, groupes charismatiques, associations de laïcs, groupes de
jeunes, regroupements familiaux. De petits groupes de croyants lisent la
Parole de Dieu, réfléchissent, appliquent le message à leur situation propre
et prient (certains en suivant les méthodes LUMKO et ASIPA). Ils ont besoin
d’être aidés car, sans conseils, un excès d’enthousiasme peut pousser les
personnes à une libre interprétation des Écritures, et même les croyants de
longue date peuvent en arriver au point de quitter l'Église et de rejoindre
certains groupes fondamentalistes. C’est un défi aussi pour les prêtres et
les religieux à s'enraciner davantage dans les Écritures.
11. Les études bibliques sont poursuivies grâce à des cours par
correspondance, même en dialecte. Les Bibles et les traités bibliques sont
disponibles pour les étudiants dans nos écoles, pour les patients dans nos
hôpitaux et, en général, pour les personnes vivant dans les situations les
plus diverses. Les écoles bibliques offrent un service innovant. Les livres
concernant la Bible continuent à augmenter dans de nombreuses bibliothèques.
Des cours bibliques et théologiques planifiés de façon créative sont offerts
aux religieux, aux laïcs et aux jeunes engagés. Les cours du week-end
deviennent populaires [4]. Des outils pédagogiques sont produits à grande
échelle (matériel audiovisuel, peintures, oeuvres d’art, films, CD,
cassettes, cours via internet et messages sur portable, affiches publiques).
Des semaines d'étude biblique et des dimanches bibliques sont observés.
L’utilisation pastorale de la Bible se renforce. La Bible occupe une place
primordiale dans les familles. Un intérêt croissant est porté à la tradition
appelée Lectio divina. Des homélies rompent la Parole de Dieu pendant la
liturgie. Il faut sans doute qu’elles soient moins académiques et plus
adaptées au vivre en chrétien.
12. Des moyens de communication populaires (danses, sketch, pièces de
théâtre, récitations, narration) sont habilement utilisés pour raconter à
nouveau les histoires bibliques. La presse écrite donne une interprétation
chrétienne de l'actualité. Les médias électroniques (Radio Veritas, Shalom
TV) apportent les nouvelles et les points de vue catholiques aux villages
les plus éloignés. Les centres d’information catholique ont augmenté en
nombre et certaines personnes se tournent vers le Christ à la recherche d’un
sens. L'ancrage au message biblique favorise un terrain commun aux
initiatives œcuméniques.
13. De grands efforts sont déployés pour transmettre en toute fidélité aux
générations futures l’enseignement chrétien. On enseigne aux enfants le
catéchisme traditionnel au moyen de compétitions, de jeux de
questions-réponses et de spectacles afin de rendre l’apprentissage
intéressant. Cependant, il faut donner une plus grande importance à des
modes de communication qui soient culturellement significatifs. De jeunes
adultes étudient la Bible. Ils cherchent à approfondir leur compréhension
des messages centraux de la Bible et essayent de les appliquer à leur
situation sociale. Ils veulent partager avec enthousiasme la Bonne Nouvelle.
Il est intéressant de souligner que les jeunes en Asie représentent 65% de
la population.
La Parole nourrit la vie de prière et promeut la croissance de l’Église
“Athéniens, à tous égards vous êtes, je le vois, les plus religieux des
hommes” (Ac 17,22).
14. Ces mots s’adressent à juste titre aux Asiatiques d’aujourd’hui,
puisqu'ils continuent à donner de l'importance à leurs religions dans un
monde qui se sécularise rapidement. “Malgré l'influence de la modernisation
et de la sécularisation, les religions asiatiques donnent des signes d'une
grande vitalité et sont capables de renouveau, comme on l'a vu dans des
mouvements de réforme à l'intérieur des divers groupes religieux”
(EA 6).
Dialoguer avec les membres de religions vivantes peut stimuler la foi de
chacun. Le sens du sacré qu’ils favorisent est une grande ressource humaine.
15. Nous remercions Dieu de la présence nombreuse et encourageante dans les
églises de notre continent. Les dimanches continuent à être considérés comme
saints. Dans les villages les plus éloignés où il n’est pas possible de
célébrer la Messe tous les dimanches, les fidèles se recueillent autour de
la Parole de Dieu avec grande dévotion. La vie de prière, dans la liturgie
ou dans d’autres situations, est enrichie par les lectures de la Bible. Les
groupes de prière continuent à augmenter. La Parole de Dieu fournit une
forte motivation pour l'apostolat et rend notre engagement évangélique plus
fructueux. Nombreux sont ceux qui affluent aux retraites charismatiques où
la Parole de Dieu est annoncée dans toute sa puissance. Leur vie change. La
guérison par la prière attire aussi des multitudes de non-chrétiens. On
assiste à de vrais miracles, tant de guérison que de conversion.
16. On enregistre une croissance importante de l'Église là où notre
personnel apostolique (prêtres, soeurs et catéchistes) est activement engagé
dans le travail missionnaire auprès de ‘communautés réceptives’, visite des
villages et des foyers, prend des contacts personnels et de groupe à travers
une interaction directe. Parmi de tels groupes, nous pouvons mentionner
beaucoup de minorités ethniques (tribus) de différentes régions de Chine,
des îles indonésiennes, du Myanmar du nord, de la Thaïlande, du nord-est de
l'Inde et d'autres endroits ayant répondu avec enthousiasme à cette façon de
transmettre la Parole de Dieu. Et le message de Jésus résonne des cimes de
l’Himalaya jusqu’aux océans les plus éloignés. Il résonne à nouveau en Asie
centrale.
Préparation de ceux qui annoncent la Parole: foisonnement des vocations en
Asie
17. Il est évident que ceux qui annoncent la “Parole” doivent recevoir une
formation théologique et spirituelle sérieuse. La moisson est en effet
abondante et, Dieu merci, le nombre d’ouvriers ne cesse d’augmenter. En
Asie, les vocations naissent même dans les nouvelles communautés
chrétiennes. Les séminaires et les maisons de formation se multiplient,
ainsi que les instituts théologiques, les centres de formation pour
catéchistes et d'autres institutions pour la formation de religieux et de
laïcs. Ceux qui existent déjà élargissent leur champ d’action et
diversifient leurs services.
18. En Asie, on comprend la vie religieuse, on reconnaît son importance, on
apprécie sa contribution, et on respecte ses représentants. En effet, il
existe des modèles indigènes de vie religieuse appartenant à d'autres
religions asiatiques. Les valeurs religieuses comme la renonciation,
l'austérité, le silence, la prière, la contemplation et le célibat jouissent
d’une grande considération. De nouvelles congrégations et de nouveaux
instituts de vie apostolique apparaissent, et de nouveaux mouvements
religieux continuent à se développer parce qu'une telle tendance correspond
au climat général dominant dans la société, où chaque religion se renouvelle
et les guides spirituels sont très recherchés. En Asie, les religieux sont
considérés comme les gardiens de la sagesse religieuse et humaine. Avec une
formation adéquate, les jeunes religieux peuvent grandir et devenir des
communicateurs efficaces du message chrétien.
Approfondir la réflexion théologique
“Dans le processus de rencontre entre les diverses cultures du monde,
l'Église non seulement transmet ses vérités et ses valeurs, et renouvelle
les cultures de l'intérieur, mais elle prend aussi en elles les éléments
positifs qui y sont déjà présents”(EA 21).
19. Le renforcement de la formation théologique implique aussi
l'approfondissement d’une réflexion sur la Parole de Dieu dans le contexte
asiatique marqué par la pauvreté et l'injustice, ainsi que par une pluralité
de religions, de civilisations et de cultures. Il implique le recours à des
catégories de pensée, des symbolismes, des traditions spirituelles qui ont
un sens pour les Asiatiques. Il s’agit là d’un vrai défi pour celui qui
enseigne la “Parole”.
20. Comme nous le savons, les mots ont une connotation différente selon le
contexte culturel. Si celui qui enseigne est trop proche des expressions
chrétiennes traditionnelles, le message pourrait ne pas être très
compréhensible pour ceux qui sont en dehors du cercle des fidèles. Si son
principal souci est de se faire comprendre par ces derniers, il risque de
trop s’écarter des expressions originales et de donner lieu à des
malentendus.
21. Or, il ne s’agit pas d’obstacles insurmontables. Et quand cela est fait
après une étude sérieuse et une réflexion mûre, l’inculturation a lieu à un
niveau très profond, puisque l’inculturation, ce n'est pas une question de
signes extérieurs. Historiquement, l'Évangile a franchi beaucoup de
barrières culturelles dans différentes parties du monde hellénique,
germanique, celtique, slave, syrien et égyptien. Chaque pas a favorisé le
développement de la théologie et enrichi la vie de l'Église. Mais il a fallu
une grande sensibilité envers la culture concernée et les sentiments de la
communauté de croyants; de même, un sens profond de responsabilité envers
l’Église locale et universelle a été nécessaire, ainsi que la fidélité à la
“Parole”. Le Magistère a toujours été une aide importante. C’est pour aller
plus loin dans cet effort que des journaux théologiques asiatiques
continuent d’offrir une large sélection de réflexions théologiques
autochtones. Et de cette façon, l'Église asiatique cherche à contribuer à
“la croissance de la Parole” (Ac 6,7; 12,24; 19,20).
22. Quand une civilisation est étroitement liée à une religion majeure (par
exemple, celle islamique, hindoue, confucéenne, shintoïste), il faudra être
prudent dans l’emprunt à ces religions d’éléments convenus pour la foi et
l'adoration. Si celui qui enseigne la “Parole” commence à utiliser des
expressions que les adeptes de ces grandes religions considèrent comme les
leurs, ces derniers pourraient interpréter une telle attitude comme une
violation de ce qui est sacré à leurs yeux, et la communauté chrétienne
pourrait être perçue comme une imposition ou comme quelque chose d’étranger.
L’initiative pourrait offenser aussi bien une communauté que l’autre. Au
contraire, les expressions chrétiennes traditionnelles pourraient n’avoir
aucun attrait pour la psyché collective d’une société à laquelle le message
est adressé. Il n’est pas dans notre intention d’abandonner nos efforts
d’inculturation en raison de ces difficultés.
23. Quand une attention respectueuse aux cultures et aux communautés se
combine avec la hardiesse apostolique et la fidélité à la “Parole”, un
nouveau terrain est exploré, et l’espace pour une nouvelle foi et des
expressions d'adoration dans ce monde civilisationnel s'étend. “Grâce à
cette action dans les Églises locales, l'Église universelle elle-même
s’enrichit d’expressions et de valeurs nouvelles”(RM 52). Et le Christ
s’incarne dans cette culture. Mais nous devons procéder avec prudence, parce
que nous avons à faire ici à des questions extrêmement sensibles pour les
communautés asiatiques qui ont un sens profond du sacré.
24. Alors que la société moderne cherche une importance dans la religion
pour y voir un sens, les Asiatiques cherchent principalement la profondeur.
Le Pape Jean-Paul II a dit: «Le contact avec les représentants des
traditions spirituelles non chrétiennes, en particulier celles de l'Asie,
m'a confirmé que l'avenir de la mission dépend en grande partie de la
contemplation.» (RM 91). C'est la profondeur spirituelle qui provient de
l’expérience de Dieu que les Asiatiques recherchent. Celui qui pourra leur
offrir cela, attirera leur attention. L’expérience de Dieu dans ce contexte
ne signifie pas une sorte d’expérience d’extase, mais se réfère à la
sincérité et à l’authenticité, à la pureté, aux actes qui correspondent aux
mots, à une humilité prouvée par un engagement en faveur du bien commun. De
telles personnes sont toujours écoutées lorsqu’elles parlent sous
l’influence de l’esprit.
Partager la Parole de Dieu dans les contextes de vie
25. La Bonne Nouvelle de Jésus a plus d’impact lorsqu’elle est partagée dans
des contextes de vie réels. Une bonne partie de l’enseignement de Jésus qui
est arrivé jusqu’à nous, nous a été donné à l'occasion de rencontres
humaines ordinaires. Les coeurs ont été touchés, les vies ont été changées
et un plus grand nombre de personnes ont rejoint la communauté de croyants.
C'est ce qui se passe en Asie, d'une façon discrète mais efficace, grâce à
l'effort de croyants chrétiens: un message de paix est apporté dans les
situations de conflict, un message de justice aux communautés opprimées, de
probité aux sociétés corrompues, d'égalité aux situations injustes
(liées
aux castes, aux classes, aux sexes, aux races ou à l’appartenance ethnique),
un message d'aide aux affamés et aux pauvres. Ces efforts diffèrent d'une
présentation littéraire du Christ fondée sur des revendications de vérité,
des débats et des arguments, mais ils expliquent les enseignements de
l'Évangile avec plus d’éloquence. Ils traduisent le message chrétien dans le
vécu.
26. Dans de nombreux pays d’Asie, les chrétiens subissent une forte
pression. La liberté est restreinte, les nouveaux convertis sont persécutés
et la communauté de croyants l’est également, comme cela est arrivé
dernièrement dans l’Etat indien de l’Orissa. Or, la patience manifestée par
la communauté, la maîtrise dont elle a fait preuve, la modération de sa
réaction, l’esprit de pardon … tous ces éléments ont un pouvoir
évangélisateur. L’engagement de la communauté chrétienne envers le bien
commun et le vif intérêt porté aux questions fondamentales de l'humanité (la
justice, la paix, la famille, l'environnement, la liberté, la loyauté, la
solidarité, la sincérité, l'honnêteté, le respect de la vie, l’aide aux
pauvres, le sens profond de responsabilité pour les affaires humaines) sont
eux-mêmes éloquents. Ces questions ont un attrait universel et fournissent
un langage que tout le monde comprend; ils deviennent des porteurs efficaces
du message de l'Évangile.
27. La communauté chrétienne d’Asie remercie Dieu pour les laïcs actifs qui
poursuivent leurs efforts d’apporter l’Évangile dans les domaines de
l’éducation, du gouvernement, de l’administration, de la législation, de la
justice, de la science, de la technologie, de la famille, des services aux
jeunes, de l’art et de la musique. Ce sont eux qui rapprochent les cultures,
les identités ethniques, les idéologies, les philosophies et les intérêts
politiques et économiques, même si la tâche demeure ardue.
28. Pierre a exhorté: “Soyez toujours prêts à la défense contre quiconque
vous demande raison de l’espérance qui est en vous, mais que ce soit avec
douceur et respect” (1 P 3, 15-16).
Une grande partie de la première théologie chrétienne est issue des
écritures des Pères de l'Église qui ont essayé d'expliquer la Foi à leurs
amis mais aussi à leurs adversaires. C’est ce que l’on fait également
aujourd'hui. En Asie, nos théologiens et nos penseurs chrétiens cherchent à
adresser leur message tout aussi bien aux détracteurs de la religion qu’aux
fondamentalistes, aux ultra-modernistes, aux penseurs radicaux, aux
activistes, chrétiens ou non-chrétiens. Ces opérateurs méritent nos
remerciements, tout comme le reste de l'équipe des évangélisateurs. Ces
exercices, faits de façon responsable, peuvent conduire à de nouvelles
formulations, voire à une compréhension de soi plus profonde au sein de la
communauté chrétienne.
L’Évangile produit des personnes spirituellement motivées
29. Les historiens commencent à remarquer que, à des périodes données de
l'histoire, l'athéisme peut naître d'un sens profond d'injustice dans une
société croyante; donc, certaines formes d'anticléricalisme et d'apostasie
ont pu surgir à cause des échecs des hommes d'Église. Les hérésies et les
schismes ont pu être aggravés par des distances culturelles. Dans les
périodes de déséquilibres sociaux de l'histoire humaine, des transitions
rapides ont lieu, conduisant même à des révolutions. Dans son histoire,
l’Asie est en pleine phase de changements rapides et d’incertitudes: rejet
de l'exploitation coloniale et acceptation des formes d’exploitation
auto-imposées, affirmation de son indépendance et acceptation de nouvelles
formes de dépendance, avancement vers la démocratie et vers l’égalité
économique et éloignement de celles-ci, passage à la modernité parallèlement
à une réaffirmation puissante de sa culture traditionnelle.
30. Des changements ont lieu dans la société et les cultures
traditionnelles, et les valeurs sont mises en question. Malgré tout cela, la
religion ne semble pas s'affaiblir en Asie. Elle se manifeste sous de
nouvelles formes, de temps en temps avec une touche politique. Le pluralisme
de la pensée en Asie n'a pas mené à une sécularisation totale ni à un
nihilisme, il nous a seulement appris le respect de l'un pour l'autre.
Cependant, il ne devrait pas mener à l'indifférence.
31. Au milieu de toutes ces incertitudes politiques et sociales, la petite
Église d’Asie n'offre pas aux personnes les illusions d'une nouvelle Utopie
et ne promet pas de produire des Surhommes. Elle recherche plutôt les façons
de créer des personnes qui soient éthiquement et spirituellement motivées et
des équipes de personnes qui soient sincèrement engagées à faire le bien de
l’humanité. Et elle continuera à rappeler aux personnes leur éternel destin
dans le Christ. L'Évangile continue à révéler sa force intérieure même au
milieu de ces tensions sociales.
La Parole sacrée en Asie
32. Revenons à notre point de départ: la Parole de Dieu. Si les personnes
admirent la grandeur et la force des oeuvres chrétiennes, elles ne sont
touchées et transformées que par la puissance de la Parole de Dieu. “La
Parole sacrée” a un sens pour les Asiatiques parce qu'ils possèdent des
textes antiques que l'on considère comme sacrés et faisant autorité, qui
influencent profondément leur vie et leur culture: croyances, conduites,
relations, cultes, principes moraux. On leur attribue la capacité d’indiquer
la voie du salut. Ces textes que l'on considère comme saints ont un canon
définitif et ne peuvent être interprétés que par des personnes autorisées
(prêtres, moines, savants et conciles). Ils sont lus, chantés, psalmodiés,
médités, répétés, mémorisés, représentés dans les icônes et calligraphiés.
Ils doivent être compris par l'esprit, acceptés de coeur et permettent de
transformer les réalités humaines.
Une chose est sûre: l’Asie a toujours faim de religion . Cette ferveur toute
asiatique pour la religion est un atout pour l’ensemble de l'humanité et non
pas simplement pour le continent oriental. Les mouvements religieux sont
plus profondément enracinés dans la psyché collective des communautés
asiatiques que les mouvements politiques. Même les personnes qui ne veulent
pas changer leur foi recherchent avidement une plus grande profondeur
spirituelle. Les Asiatiques sont ouverts à la Parole de Dieu et la pensée
biblique continue de toucher la vie des personnes, d’affecter les valeurs
communautaires, de transformer les relations, de corriger les philosophies,
d’influencer les plans pour l'amélioration sociale, car les Asiatiques
savent que “ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme; mais de toute
parole qui sort de la bouche de Dieu” (Mt 4, 4).
Puissent ces paroles se réaliser pour l'Asie d'aujourd'hui, “Il se fera dans
les derniers jours que je répandrai de mon Esprit sur toute chair, alors vos
fils et vos filles prophétiseront” (Ac 2,17). Puisse ce message toucher les
limites du monde.
Notes
[1] Étant donné le déplacement récent de la population chrétienne dans
d'autres parties du monde, l'image mentionnée ci-dessus pourrait changer.
[2] Certains voudraient souligner seulement l’association des missionnaires
avec les pouvoirs coloniaux. Ceci serait tout à fait injuste puisqu’on leur
imposa beaucoup de contraintes et on ne leur accorda que quelques rares
opportunités. Ils étaient eux-mêmes souvent persécutés par des autorités
coloniales anticléricales. Il leur a fallu une foi profonde pour continuer à
affronter d’insurmontables difficultés et poursuivre la mission de diffuser
l'Évangile.
[3] Il a été récemment rapporté qu’à Nanjing (Chine), les éditions Amity
Printing ont imprimé 6 millions de Bibles en 2007. La société a l’intention
d'augmenter sa capacité à 12 millions de Bibles par an, ce qui signifiera
l’impression de 23 Bibles par minute (SAR News, 16-30 juin 2008, p. 22). De
telles initiatives ont commencé en 1987. Plus de 50 millions de Bibles ont
déjà été imprimées. Une édition japonaise du Dictionnaire de Théologie
biblique est disponible sur support électronique. Il existe également un
cours très suivi appelé « la Bible en 100 semaines ».
[4] Certains se plaignent que le style d’enseignement actuel des Écritures
reste trop académique et insuffisamment orienté vers un emploi spirituel et
pastoral de la Bible.
[Texte original: anglais]
-
Pour l’Amérique: S.Em. le Card. Oscar Andrés RODRÍGUEZ MARADIAGA, S.D.B.,
Archevêque de Tegucigalpa, Président de la Conférence Épiscopale (HONDURAS)
Le texte de l’Intervention ne nous est pas parvenu avant la fermeture de la
rédaction du Bulletin.
--
Pour l’Europe: S.Em.le Card. Josip BOZANIĆ, Archevêque de Zagreb (CROATIE)
►
La Parole de Dieu et l’Europe (T.Int)
-
Pour l’Océanie: S.Exc. Mgr Michael Ernest PUTNEY, Évêque de Townsville
(AUSTRALIE)
La Parole de Dieu en Océanie
Durant la Messe d’ouverture de la Journée Mondiale de la Jeunesse à Sydney,
pour la procession du Livre des Évangiles, de jeunes étudiants provenant du
Détroit des Îles Torres, situé au nord-est de l’Australie, ont célébré une
cérémonie appelée “L’arrivée de la lumière”. Cette cérémonie représente
l’arrivée d’un missionnaire européen apportant la Bible. Son offre de la
Parole de Dieu est tout d’abord refusée par la population locale. Puis, ils
changent d’avis et acceptent la Parole de Dieu qui transforme leur vie.
Après quelques premiers contacts au cours des siècles passés, des
missionnaires tant protestants que catholiques apportèrent, au cours du
dix-neuvième siècle, la Parole de Dieu en Océanie.
Les cultures de l’Océanie, différentes de la culture de l’Ouest de
l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, vont de la culture lettrée aux
prédominantes cultures orales. Au début, les écritures étaient précieuses et
lues dans les foyers, plus souvent même qu’elles auraient dû l’être en
Australie ou en Nouvelle-Zélande. Par la suite, même aujourd’hui le message
de la Parole de Dieu est beaucoup mieux partagée par le conte, le rituel, la
chanson et le théâtre que simplement par la lecture du texte. En de nombreux
lieux, la procession de la Parole de Dieu dans la liturgie représente une
expression culturelle très vibrante de foi en la Parole de Dieu. Nous avons
pu le constater à nouveau pour la bienvenue du Saint-Père à la Journée
Mondiale de la Jeunesse et lors de la messe finale, au cours desquelles la
Parole de Dieu a été portée en procession par des pèlerins provenant,
respectivement de Tokelau et de Fidji. Cette respectueuse reconnaissance de
la Parole a beaucoup à enseigner aux Australiens et aux Néo-Zélandais qui
peuvent, parfois, prendre le privilège de lire la Parole de Dieu comme
acquis.
Le travail de dévouement incroyable et souvent héroïque des missionnaires
qui ont partagé la Parole de Dieu par la prédication des Évangiles, par les
Sacrements, et par l’enseignement de la Tradition de l’Église à un si grand
nombre de personnes dans tout le Pacifique, a donné d’énormes fruits. Ces
fruits comportaient aussi leurs ambiguïtés car, comme
Ecclesia
in Oceania
l’avait souligné, parfois les missionnaires introduisaient souvent des
éléments qui étaient culturellement étrangers à ces populations (3). Il est
aussi vrai que, quelquefois, les éléments de la culture d’accueil
incompatibles avec la Parole de Dieu continuent d’influencer la vie de ces
populations. Face à ces défis, il y a toujours un besoin de personnel
compétent pour enseigner dans les séminaires et les instituts d’enseignement
supérieur dans les nombreux pays d’Océanie.
Les nouvelles églises du Pacifique affrontent maintenant les défis liés à la
transition culturelle du fait qu’elles se déplacent en différents lieux, de
communautés de villages à la vie urbaine, et qu’elles participent à
l’économie mondiale. En raison de cette transition, il arrive que la vie de
famille soit tendue et que le tissu social se détériore. De même, elles
peuvent parfois difficilement supporter les processus politiques de l’Occident
que la plupart ont hérité de leurs colonisateurs européens, et les menaces
environnementales grandissantes à cause des changements climatiques.
De plus, il y a dans de nombreux pays d’Océanie un nombre incroyable de
langues dans lesquelles la Parole de Dieu serait parfaitement communicable.
Par exemple, dans la seule Papouasie-Nouvelle-Guinée, on trouve huit cent
quarante sept idiomes différents. En tout, on trouve à peu près mille deux
cents langues différentes en Océanie.
En Australie et en Nouvelle-Zélande, la Parole de Dieu est arrivée avec les
premiers Européens qui se sont installés sur ces îles. L’Église y a grandi
et fleuri. Mais la Parole de Dieu peine désormais souvent à se faire
entendre dans une culture de l’indifférence. L’Australie est l’un des pays
les plus sécularisés au monde. La Nouvelle-Zélande abrite de nombreux
peuples insulaires du Pacifique qui ont un fort appétit religieux, mais la
culture européenne prédominante est aussi séculaire qu’elle l’est en
Australie.
Toutefois, lors de cette semaine mémorable qu’a été la Journée Mondiale de
la Jeunesse, les rues de la séculière Sydney se sont remplies de signes
vibrants de la Parole de Dieu, et la culture de la résistance s’est
effondrée devant le pouvoir de l’Esprit Saint présent dans les visages et
les voix de 200.000 jeunes.
Beaucoup de catholiques en Australie et en Nouvelle-Zélande vivent des vies
modelées par leur foi dans la Parole de Dieu, mais ce n’est pas toujours
visible jusqu’à devenir presque un secret pour notre culture séculière
dominante. Ce n’est pas parce que les gens ne sont pas pleinement fidèles,
mais parce que l’existence de Dieu n’est pas reconnue partout dans la vie
ordinaire des Australiens et de beaucoup de Néo-Zélandais. La majorité
d’entre eux vivent la plupart du temps comme si Dieu n’existait pas, même
s’ils sont croyants.
Après la Journée Mondiale de la Jeunesse, certains Australiens et Néo-Zélandais
ont le sentiment que la promesse d’une nouvelle évangélisation pourrait
finalement être lancée malgré l’apparente imperméabilité de la culture
séculière. Dans sa propre description du contexte dans lequel la Parole de
Dieu peut être prêchée en Australie, étendue à la Nouvelle-Zélande, le
Saint-Père parla, lors de la Journée Mondiale de la Jeunesse, du “sinistre”
phénomène de liberté et d’intolérance si souvent séparé de la vérité, et
d’un relativisme qui a détaché toute “expérience” d’importance de toute
considération de ce qui est bien ou mal. Il a décrit avec précision la
culture séculière en Australie et en Nouvelle-Zélande quand il a parlé d’un
“désert spirituel” et dit : “Combien de nos contemporains se sont creusés
des citernes fissurées et vides (cf. Jr 2, 13) en cherchant désespérément le
sens, la signification ultime que seul l’amour peut donner ? C’est là le don
immense et libérateur que l’Évangile apporte”.
Le défi regardant l’Australie et une grande partie de l’Océanie est de
trouver de nouvelles voies pour permettre à ce don de l’Évangile d’être
entendu. Quand on regarde les recommandations d’Ecclesia
in Oceania, comme
la pratique de la lectio divina et la formation biblique des fidèles, il est
évident qu’elles ne sont que partiellement appliquées.
L’Exhortation Apostolique post-synodale prévoyait également que la Parole de
Dieu soit une “source inépuisable d’évangélisation” (10). Avec une intensité
sans cesse croissante, les Églises qui sont en Australie et en
Nouvelle-Zélande et dans les autres pays de l’Océanie concentrent leur
attention vers le besoin de s’engager dans une nouvelle évangélisation dans
cette partie du monde, notamment dans les cultures séculières d’Australie et
de Nouvelle-Zélande. Cependant, aucune méthode n’a émergé pour le moment,
pas même de compréhension partagée sur ce qu’il faut faire pratiquement.
À leur retour de la Journée Mondiale de la Jeunesse, nombre de jeunes
pèlerins australiens demandèrent à avoir l’occasion dans leur diocèse
d’écouter la catéchèse et de participer à des séances de questions-réponses
avec leur Évêque, conscients qu’ils étaient de leur ignorance mais avides
qu’ils étaient d’écouter le message de l’Évangile et les enseignements de
l’Église, après leur expérience de la Journée Mondiale de la Jeunesse. Cela
fournit une nouvelle occasion aux Évêques et aux Prêtres d’aider les jeunes
à atteindre une meilleure compréhension de la Parole de Dieu, telle qu’elle
est fondée dans la tradition apostolique et dans les enseignements de
l’Église.
L’Église qui est en Océanie proclame la Parole de Dieu dans une culture où
d’autres tentent également de faire de même. Certains groupes protestants
ont une approche de l’évangélisation qui ignore le contexte culturel et
s’appuie parfois sur une compréhension fondamentaliste de la Parole de Dieu.
À cause de cela, l’évangélisation catholique peut être rejetée parce
qu’aucune différence n’est faite avec cette version alternative.
En même temps, les relations oecuméniques avec les principales Églises
catholiques, et les relations avec la communauté juive, la communauté
islamique et les autres religions du monde sont une expérience positive pour
l’Église dans la majeure partie de l’Océanie. Nous cherchons à nous
maintenir dans notre culture séculière afin d’affirmer la valeur
fondamentale de la croyance en Dieu et le droit des croyants à apporter leur
contribution à notre culture séculière.
Alors que ce sont là quelques-uns des défis que doit affronter l’Église qui
est en Océanie, de nombreux signes d’une vie nouvelle apparaissent, ainsi
que le témoignage de dizaines de milliers de Catholiques engagés qui sont
restés fidèles malgré l’impact de la sécularisation. La Journée Mondiale de
la Jeunesse nous a donné un grand espoir. Il nous reste maintenant à en
récolter les fruits.
[00016-03.09] [NNNNN] [Texte original: anglais]
RAPPORT DE S.ÉM. LE CARD. ALBERT VANHOYE, S.I., RECTEUR ÉMÉRITE DE
L’INSTITUT PONTIFICAL BIBLIQUE DE ROME (FRANCE)
►
Intervention du Cardinal Vanhoye (T.Int)
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Sources : www.vatican.va
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(E.S.M.)
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M. sur Google actualité)
07.10.2008 -
T/S.E.
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