La Parole de Dieu et l’Europe |
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Le 07 octobre 2008 -
(E.S.M.) -
Le Saint-Père Benoît XVI, rencontrant au mois de septembre dernier le
monde de la culture au Collège des Bernardins, à Paris, concluait ainsi
son discours: “Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de
Dieu et la disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le
fondement de toute culture véritable”.
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S. Em.
le Card. Josip BOZANIĆ, Archevêque de Zagreb (CROATIE) -
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La Parole de Dieu et l’Europe
RAPPORTS SUR LES CONTINENTS : Pour l’Europe:
S. Em. le Card. Josip
BOZANIĆ, Archevêque de Zagreb
(CROATIE)
Le 07 octobre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
-
Le Saint-Père Benoît XVI, rencontrant au mois de septembre dernier le
monde de la culture au Collège des Bernardins, à Paris, concluait ainsi son
discours: “Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la
disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute
culture véritable”.
Évoquant le rapport entre la Parole de Dieu et l’Europe, on pourrait prendre
en considération chaque époque historique et exposer les influences de la
Bible sur les différents aspects culturels, économiques et politiques. Mais
ceci n’est pas le but de mon intervention, ni de par sa durée ni de par son
contenu. Je pars du principe incontestable qu’il est impossible de dissocier
l’Europe du christianisme, surtout dans la mesure où le christianisme est la
clef de lecture privilégiée pour comprendre notre continent dans sa
totalité.
En effet, si nous considérons l’Europe d’un point de vue géographique, il
est difficile de la délimiter, de définir ses frontières, surtout avec l’Est
et le Sud-est. Si nous considérons ensuite l’Europe sous l’angle de la
politique et des visions qui la sous-tendent, nous nous trouvons face à la
même difficulté, parce que l’héritage européen est bien plus vaste que les
organisations politiques pour vivre ensemble dans un lieu déterminé.
Il est évident que le processus de christianisation a uni les éléments
déterminants du tissu européen, mais la christianisation signifie,
simplement, l’annonce de la Parole de Dieu qui peut éclairer les différents
aspects de la vie des hommes. Certes, au cours de son évolution historique,
l’Europe n’a pas été marquée seulement par le christianisme. Toutefois, on
peut affirmer à juste titre que l’Europe est née grâce au christianisme et
que l’Église a contribué à la construction de l’Europe, grâce à l’engagement
inlassable des annonciateurs du salut du Christ, comme l’attestent de
manière exemplaire les saints Patrons Benoît, Cyrille et Méthode. Il est
vrai que son histoire ne manque pas de pages sombres, qui semblent
aujourd’hui en nette opposition avec la Bonne Nouvelle de l’Évangile; mais,
tout en étant liées à la diffusion de la Chrétienté, elles n’en représentent
que le revers négatif et douloureux, expression du péché qui habite dans le
coeur de l’homme. Nous touchons ici cette partie de l’histoire européenne
qui appartient au mysterium iniquitatis.
Il existe un lien indissoluble entre la Bible et l’Europe. Tout ce qui a
rendu grande la culture européenne et sa civilisation – l’Europe aux mille
cathédrales, l’Europe gardienne des trésors de l’art, de la littérature et
de la musique chrétienne, l’Europe qui a su, par la force impétueuse de la
charité chrétienne, exprimer des signes concrets de solidarité et de service
aux pauvres – a son point de départ dans la Bible. Des thèmes tels que la
dignité de la personne, la reconnaissance des droits de l’homme, la
séparation entre l’Église et l’État – pour ne citer que quelques exemples -
trouvent leur source dans la Bible. La justice sociale, le droit, la
critique de tout type d’idolâtrie, le rejet des fausses images de Dieu, ont
leur fondement dans la Bible. La Bible unit l’Orient et l’Occident, le Nord
et le Sud du continent et les différentes Églises et communautés
chrétiennes.
2. Il peut être utile de lire le rapport entre la Parole de Dieu et l’Europe
en se basant sur le plan de
l’Instrument
de travail, dont la structure est
tripartite: Le mystère de Dieu qui nous parle - La Parole de Dieu dans la
vie de l’Église - La Parole de Dieu dans la mission de l’Église. Cette
articulation thématique offre des contenus et des méthodes en vue d’un
itinéraire qui, appliqué à la réalité européenne, peut certainement
favoriser une prise de conscience renouvelée de la centralité de la Parole
dans la vie de nos communautés. J’essayerai de suivre un parcours en trois
étapes: révélation - interprétation - célébration, toutes centrées sur la
pratique de la Lectio divina.
La Parole de Dieu révélée nous manifeste Dieu qui vient à la rencontre de
l’homme, lui offrant la possibilité de Le découvrir et de Le connaître dans
le mystère de sa propre vie. Le Dieu de l’alliance, le Dieu de Jésus Christ
et du mystère pascal qui accomplit les promesses de l’Ancien Testament –
dans le sillon de l’héritage spirituel judaïque – a été annoncé sur le sol
européen d’abord aux peuples grecs et romains, dans des circonstances qui
ont souvent requis le témoignage du martyre. La révélation a impliqué
nécessairement la prise de distance et le dépassement des normes en vigueur
dans la vie de la société en question, et toutefois, cette “révolution” et
cette “reculturation” ont eu lieu en s’adaptant à l’intelligibilité et au
langage de l’époque.
À des époques ultérieures aussi, l’action missionnaire – puisant d’une
Révélation dont elle était porteuse – a eu pour conséquence, et non point
pour but premier, l’inculturation, en offrant à la Parole de Dieu,
interprétée par le biais de la Tradition et du Magistère de l’Église, la
possibilité de donner une nouvelle forme à la vie des hommes. Ce processus
s’est répété dans le contact de la culture romaine avec la culture
franco-germanique, avec les peuples slaves et les autres peuples peu à peu
évangélisés. Cette dynamique a imprégné la formation de la conscience
européenne au Moyen-Âge, même si les conditions extérieures n’étaient pas
les mêmes. L’interprétation a progressé certainement au cours de chaque
époque – comment ne pas rappeler la saison féconde de la Patristique – mais
c’est au deuxième millénaire, et surtout avec la Réforme, qu’ont eu lieu les
tournants importants, mais qui parfois ont abouti, hélas, à des divergences
d’approche. Tout cela a conduit à des conflits, mais l’interprétation –
compagne indispensable de l’évangélisation et fruit de l’Esprit oeuvrant
dans l’Église et dans le coeur des croyants – a permis de se détacher d’une
manière féconde de ces fractures, et d’en éviter de nouvelles. La théologie
européenne et la pastorale dans leurs visions herméneutiques en ont tirées
un enrichissement réciproque. Il est donc nécessaire, aujourd’hui plus que
jamais, de promouvoir la connaissance de la Bible pour éviter aussi le
danger de nouvelles lectures “fondamentalistes” et de dérives idéologiques.
La Révélation n’est donc pas quelque chose de statique, pas plus qu’elle
n’est séparée chronologiquement d’autres processus: la révélation est donc
toujours accompagnée par l’interprétation qui est mise en oeuvre, à la fin,
dans la célébration. C’est toujours Dieu qui nous parle, il s’agit de la
découverte de la vérité sur l’homme et sur le monde, qui devient Parole
vécue et célébrée et donne à la mission et à l’action de l’Église leur
raison d’être.
3. Aujourd’hui en Europe, on perçoit les signes d’un intérêt renouvelé pour
la Bible. Il est donc nécessaire de repartir de Dieu et de l’événement de sa
Révélation et, en même temps, avoir le courage de proposer une Lectio divina
nouvelle et plus mûre. En parlant de Lectio divina, je ne pense pas
seulement à la fréquentation du texte sacré, qui demeure toujours la
référence fondamentale pour le discernement ecclésial. Je ne pense pas non
plus à la lecture limitée à l’espace restreint de la subjectivité. Je pense
plutôt à l’accueil de Dieu qui agit continuellement dans l’histoire, en
découvrant sa présence dans tout événement. Ceci permettra de “lire” la vie
de l’Église en Europe comme lieu dans lequel Il se révèle. C’est ainsi que
la Lectio divina, comme lecture dans l’Esprit, devient une expérience divine
et humaine, dont le sujet est Dieu Lui-même à l’oeuvre dans le corps
ecclésial.
Dans une telle perspective, une question se pose: comment interpréter les
divergences d’opinion au sein de l’Église, les conflits entre les peuples;
et comment aborder la question de la marginalisation culturelle du
christianisme, de la recherche de liberté en dehors de la présence de Dieu.
Or, si le christianisme est le principe fondateur qui embrasse et unifie
l’Europe, nous devrons reconnaître l’action de Dieu qui se révèle aussi bien
dans nos égarements, dans nos discordes et nos conflits que dans la
communion, dans le respect et dans l’altruisme. Aussi sommes-nous sollicités
à un christianisme qui ne se laisse pas impliquer dans le jeu de la
politique et de l’économie, jusqu’à en devenir méconnaissable. Les chrétiens
en Europe devraient assumer leur responsabilité et faire en sorte qu’il n’y
ait pas une lecture exclusivement politique et économique des événements .
Ne pas assumer la méthode qui nous est offerte par la Lectio divina – et au
travers de laquelle nous laissons que “Dieu nous lise” – a des conséquences
directes tant sur la célébration de Dieu, mystère révélé et donné, que sur
la mission de l’Église. En effet, dans la conception chrétienne, la
célébration est toujours l’actualisation de l’événement du Dieu qui s’est
révélé en Jésus Christ, la capacité de se faire présent de nouveau ici et
maintenant dans l’histoire des hommes (représentation). La Célébration
devient en cela Lectio divina dans le sens le plus profond du terme. Et
c’est dans l’Église qui célèbre le Seigneur ressuscité que la Parole de Dieu
se fait chair, devenant instrument du salut pour tous les hommes.
4. L’Europe vit sa crise d’identité à chacun des trois niveaux considérés.
Il semble qu’elle veuille fuir le Dieu révélé et soit en train de chercher
la source de son identité en se refermant dans l’humanum, concept
intentionnellement vague. Quand l’homme n’écoute pas ce que Dieu dit, il
commence immanquablement à parler à sa place mais, au fond de ce discours,
c’est la peur qui se cache. L’Europe sans Dieu risque de devenir un nid de
préoccupations et de construire une civilisation de la peur. La Parole de
Dieu rend l’espérance et la joie.
L’Europe, en outre, entre en crise quand elle n’accepte pas la force
interprétante de la Parole de Dieu qui trouve dans la foi et dans
l’inspiration son fondement ultime. C’est une mission ardue pour toutes les
disciplines scientifiques et spécialement pour la théologie. L’Europe se
vante, avec juste raison, du développement de sa propre pensée théologique,
mais il faut un effort supplémentaire pour une confrontation plus profitable
avec les nouvelles interprétations et les nouvelles recherches scientifiques
qui sont souvent volontairement séparées des paradigmes herméneutiques de la
vérité chrétienne. Le refus de la Parole de Dieu comme instance
interprétative conduit l’Europe vers la culture du découragement et de
l’insécurité.
En effet, une culture qui rompt avec la célébration chrétienne, c’est-à-dire
avec la célébration du Mystère de la bonté de Dieu et du salut réalisé dans
le Christ, risque sa propre joie et pousse l’Europe dans la civilisation de
l’affliction et de la tristesse, qui sent le poids de la vieillesse et de la
mort. La Parole de Dieu rend à l’homme européen la capacité de célébrer la
vie. Là où on célèbre les mystères chrétiens, l’Église est jeune, et ceci
garantit également la jeunesse de l’Europe.
5. La Lectio divina ne constitue pas seulement la force intérieure en vue
d’une nouvelle inspiration à l’apostolat, mais est également le fondement du
mouvement oecuménique et du dialogue interreligieux. Elle est la voie pour
comprendre la Parole de Dieu pour laquelle est nécessaire la transcendance.
Elle est aussi le lieu de la liberté dans laquelle la réponse humaine est
recherchée. En sa dynamique humaine et divine, la Lectio divina présente
donc une force transfigurante. On peut même affirmer que le Christ lui-même
est Divina Lectio. Être chrétiens, être christoformes, vivre le
christianisme, signifie “être Lectio divina”. C’est pourquoi l’invitation à
pratiquer la Lectio divina demeure pressante, tout comme la lecture priée et
méditée de la Parole de Dieu. Il est nécessaire de partir de l’Écriture
Sainte, même dans les actions pastorales les plus ordinaires, parce que
c’est en elle que demeure la force de la métaphoricité (de la signification
au-delà du texte) et de la transfiguration (de l’expérience du don,
expérience au-delà de l’autosuffisance). Seulement alors, on peut arriver à
dire avec saint Paul: “Pour moi, vivre c’est le Christ”.
Cette année, nous aurons la possibilité de revenir souvent sur la vie et sur
les écrits de saint Paul. L’Apôtre des Nations interprète sa mission comme
un “appel”, comme un don de Grâce et jamais comme une initiative autonome.
Saint Paul pose les fondements pour que la spiritualité chrétienne ne soit
pas seulement une spiritualité de l’imitation, mais aussi une spiritualité
de la conformation. Au sein de la première, l’acteur principal est le moi,
la norme est la loi et la vertu de fonds est l’effort constant de
l’individu. Dans la spiritualité de la conformation, en revanche, le sujet
est l’Esprit Saint qui façonne le Christ dans le croyant; la norme est la
reconnaissance de la Grâce qui la précède toujours; la vertu de fonds est la
disponibilité à laisser que le Christ prenne forme dans notre propre
expérience de vie.
6. Puisque je viens de Zagreb, de Croatie, où nous avons célébré au cours de
ces derniers jours les dix ans de la béatification du Cardinal Alojzije
Stepinac, je désire ajouter encore une réflexion Le concernant. Le
Secrétaire d’État, Son Éminence le Cardinal Tarcisio Bertone a illustré,
dans l’homélie, un parallélisme particulièrement suggestif entre saint Paul
et le Bienheureux Alojzije Stepinac. Il a tout d’abord parlé de leur
rencontre avec le Christ Ressuscité et a ensuite souligné: “Ce qui nous
frappe tant aussi bien chez l’Apôtre Paul que chez le Cardinal Stepinac,
c’est que, alors que ceux qui les persécutaient étaient esclaves
d’idéologies mensongères et violentes, eux-mêmes demeuraient intimement
libres, bien qu’extérieurement privés de leur liberté: libres d’encourager
et de guider les amis, sereins dans leur soutien aux frères dans la foi,
prêts à pardonner et à prier pour leurs ennemis et pour ceux qui leur
faisaient du mal”.
Nous qui provenons de cette partie d’Europe qui a été dominée par différents
régimes dictatoriaux, dont le dernier a été le communisme, nous avons
compris que les pasteurs et les fidèles ont pu résister face aux cruautés et
aux horreurs des idéologies seulement en faisant confiance à la Parole de
Dieu.
Comblés de l’Esprit Saint puisé dans les Écritures Saintes, de nombreux
catholiques et chrétiens européens du vingtième siècle ont pu discerner
entre le bien et le mal, ont pu résister au défi des totalitarismes, en
révélant la perfidie et la déviation satanique de ces derniers. L’Écriture
Sainte leur a permis de découvrir non seulement les faiblesses des autres et
les leurs propres, mais d’abord et avant tout l’espérance qui jaillit de
cette même Parole de Dieu. L’espérance dans la vie qui est plus forte que la
mort et la destruction, l’espérance dans le sens qui est plus fort que le
non sens, l’espérance dans le soin de Dieu en faveur des opprimés et des
pauvres, envers ceux qui se trouvent aux marges de la société, l’espérance
qui les a poussés à construire un monde meilleur et plus juste.
Refaire siens la mémoire et l’héritage chrétiens – en tirant profit des
générations passées – cela signifie donc, pour nous en tant qu’européens,
revenir aux racines de notre identité historique en puisant à la source vive
de la Parole de Dieu. Comme européens, la profession de foi, nourrie par
l’écoute de la Parole et par l’expérience ecclésiale, doit se proposer comme
témoignage qui provoque tout un chacun, croyants et non croyants – pour
reprendre le souhait avec lequel Jean-Paul II concluait l’Exhortation
Apostolique Ecclesia in Europa – “ tracer des chemins toujours nouveaux qui
ouvrent sur l’ “Europe de l’Esprit”, pour en faire une véritable “maison
commune” où l’on trouve la joie de vivre” (Ecclesia
in Europa, 121).
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Sources : www.vatican.va
-
(E.S.M.)
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M. sur Google actualité)
07.10.2008 -
T/SE
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