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19 Avril 2005
 

Synode sur la Parole de Dieu dans l'Église

 

Cité du Vatican, le 07 octobre 2008  - (E.S.M.) - Dans la 2ème partie du premier rapport du cardinal Ouellet, Rapporteur général avant le débat, nous traitons de la Parole de Dieu dans la vie de l'Église en commençant par le dialogue de l'Église avec Dieu dans la sainte Liturgie qui est le berceau de la Parole, son Sitz im Leben.

II. COMMUNIO: LA PAROLE DE DIEU DANS LA VIE DE L'ÉGLISE

1ère partie Synode des Évêques : premier rapport du cardinal Marc Ouellet

Le 07 octobre 2008 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde - La Liturgie est considérée comme l'exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ, exercice dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus Christ, c'est-à-dire par le Chef et par ses membres (cf. Sacramentum Caritatis, 7). C'est pourquoi la Constitution Sacrosanctum Concilium insiste sur les différentes modalités de la présence du Christ dans la Liturgie. "Il est là présent dans le sacrifice de la messe, et dans la personne du ministre, ‹le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui s'offrit alors lui-même sur la croix › et, au plus haut point, sous les espèces eucharistiques". Le Christ "est là présent dans sa parole, car c'est lui qui parle tandis qu'on lit dans l'Église les Saintes Écritures(SC 7).

"C'est lui qui parle tandis qu'on lit dans l'Église les Saintes Écritures". On ne saurait trop insister sur les implications pastorales de cette affirmation conciliaire solennelle. Elle nous rappelle que le sujet premier de la sainte Liturgie est le Christ lui-même s'adressant à son Peuple et s'offrant à son Père en sacrifice d'amour pour le salut du monde. Même si dans l'accomplissement des rites liturgiques, l'Église semble avoir le premier rôle, en fait elle joue toujours un rôle subordonné, au service de la Parole et de Celui qui parle. L'ecclésiocentrisme est étranger à la réforme du Concile. Quand la Parole est proclamée, c'est le Christ qui parle au nom de son Père, et l'Esprit Saint nous fait accueillir sa Parole et communier à sa vie. L'assemblée liturgique existe en autant qu'elle est centrée sur la Parole et non sur elle-même. Autrement, elle dégénère en un quelconque groupe social.

Par cette insistance, l'Église nous enseigne que la Parole de Dieu, c'est d'abord Dieu qui parle. Déjà dans la Première Alliance, Dieu parle à son peuple par Moïse qui lui rapporte ensuite la réponse du peuple aux paroles de Yahvé: "tout ce que Yahvé a dit, nous le ferons" (Ex 19, 8) [22] Dieu parle moins pour nous instruire que pour se communiquer lui-même et "nous introduire dans sa communion" (Dei Verbum 2). L'Esprit Saint réalise cette communion en rassemblant la communauté autour de la Parole et en actualisant le mystère pascal du Christ où il se livre lui-même en communion. Car, selon les Écritures, la mission du Verbe incarné culmine dans la communication de l'Esprit divin [23]. Dans cette lumière trinitaire et pneumatologique, il apparaît plus clairement que la sainte Liturgie est le dialogue vivant entre Dieu qui parle et la communauté qui écoute et répond par la louange, l'action de grâce et l'engagement dans la vie et la mission. Comment cultiver chez les fidèles la conscience que la Liturgie est l'exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ à laquelle l'Église est associée comme Épouse bien-aimée ? Quelles conséquences devrait avoir la redécouverte de ce lieu originel de la Parole sur l'herméneutique biblique, sur la célébration eucharistique et tout particulièrement sur la place et la fonction de la Liturgie de la Parole, incluant l'homélie ?

a) Parole et Eucharistie
L'Église a toujours témoigné son respect à l'égard des Écritures, tout comme à l'égard du Corps du Seigneur lui-même, puisque, surtout dans la Sainte Liturgie, elle ne cesse, de la table de la Parole de Dieu comme de celle du Corps du Christ, de prendre le pain de vie et de le présenter aux fidèles. (DV 21)

En comparant la Liturgie de la Parole et l'Eucharistie à deux "tables", la DV voulait souligner à juste titre l'importance de la Parole. Cette expression reprend une donnée traditionnelle qu'on trouve fortement exprimée chez Origène, par exemple, quand il exhorte au respect de la Parole comme à celui du corps du Christ: "Que si, lorsqu'il s'agit de son corps, vous apportez à juste titre tant de précautions, pourquoi voudriez-vous que la négligence de la Parole de Dieu mérite un moindre châtiment que celle de son corps ?"» [24]

Si l'on tient à conserver la métaphore des deux tables, ne devrions-nous pas nuancer la manière de les vénérer ? [25] Ne devrions-nous pas aussi souligner surtout leur unité car elles servent le même "Pain de vie" (Jn 6, 35-58) aux fidèles ? Que ce soit sous la forme de la Parole à croire ou de la Chair à manger, la Parole proclamée et la Parole prononcée sur les oblats participent à un même événement sacramentel. La Liturgie de la Parole porte en elle-même une force spirituelle qui est toutefois décuplée par son lien intrinsèque avec l'actualisation du mystère pascal: la Parole de Dieu qui se fait Chair sacramentelle par la puissance de l'Esprit. Ce mystère sacramentel s'accomplit par des paroles, comme le rappelle le Concile de Trente [26], et aussi par l'action de l'Esprit Saint qui repose sur le ministre ordonné et qui est explicitement invoqué dans l'épiclèse.

L'Esprit confère à la Parole proclamée dans la Liturgie une vertu performative, c'est-à-dire "vivante et efficace" (Hé 4, 12). Cela signifie, rappelle le pape Benoît XVI, que la Parole liturgique, comme l'Évangile, "n'est pas uniquement une communication d'éléments que l'on peut connaître, mais une communication qui produit des faits et qui change la vie[27 Benoît XVI, Spe Salvi, 2] . Cette vertu performative de la Parole liturgique dépend du fait que Celui qui parle ne veut pas d'abord instruire par sa Parole, mais se communiquer lui-même. Celui qui écoute et répond n'adhère pas seulement à des vérités abstraites ; il s'engage personnellement avec toute sa vie, manifestant ainsi son identité de membre du Corps du Christ. L'Esprit Saint est la clé de cette communication vitale. C'est lui qui façonne le Corps sacramentel et ecclésial du Christ, comme il a façonné en Marie son Corps de chair et, selon le mot d'Origène, le "Corps de l'Écriture" [28] Origène, Traité des principes, IV, 2.8. ; cf. Benoît XVI, Sacramentum Caritatis, 12-13.. Ainsi, avec le Fils et l'Esprit, "le Père qui est aux cieux s'avance de façon très aimante à la rencontre de ses fils [et] engage conversation avec eux" (DV 21). Comment devrait-on former des disciples et des ministres qui soient capables de mettre en valeur la dimension trinitaire et responsoriale de la Liturgie ? Ces incidences pastorales n'engagent pas seulement une réforme des études, mais aussi une revalorisation de la contemplation des Écritures.

b) L'homélie
Malgré la restauration dont l'homélie fut l'objet au Concile, nous expérimentons encore l'insatisfaction de beaucoup de fidèles face au ministère de la prédication. Cette insatisfaction explique en partie le départ de beaucoup de catholiques vers d'autres groupes religieux. Pour remédier aux lacunes de la prédication, nous savons qu'il ne suffit pas de donner la priorité à la Parole de Dieu, car il faut aussi qu'elle soit correctement interprétée dans le contexte mystagogique de la Liturgie. Il ne suffit pas non plus de recourir à l'exégèse ni d'utiliser de nouveaux moyens pédagogiques ou technologiques; il ne suffit même plus que la vie personnelle du ministre soit en profonde harmonie avec la Parole annoncée. Tout cela est très important, mais peut demeurer extrinsèque à l'accomplissement du mystère pascal du Christ. Comment aider les homélistes à mettre la vie et la Parole en relation avec cet événement eschatologique qui fait irruption au cœur de l'assemblée ? L'homélie doit atteindre la profondeur spirituelle, c'est-à-dire christologique de la Sainte Écriture [29]. Comment éviter la tendance au moralisme et cultiver l'appel à la décision de foi ?

L'Instrumentum laboris a mis en exergue le passage de Luc 4, 21, qui parle de la "première homélie" de Jésus dans la synagogue de Nazareth: "Alors il commença à leur dire: Aujourd'hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l'entendez". L'Évangile de Luc introduit cette séquence d'une façon solennelle, en faisant comme un résumé de la prédication et du destin de Jésus. Dans un certain sens, la scène dans la synagogue de Nazareth fut un symbole de sa vie. Les gens se sont émerveillés du message de grâce qui sortait de sa bouche, mais à la fin, ils étaient prêts à le jeter dans le précipice. Le début de sa prédication fut le prologue du mystère pascal.

"Aujourd'hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l'entendez" (Lc 4, 21). Entre l'aujourd'hui du Ressuscité et l'aujourd'hui de l'assemblée, il y a la médiation de l'Écriture portée par l'Esprit sur les lèvres de l'homéliste. "Tous étaient émerveillés des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche" (Lc 4, 22). Illuminé par l'Esprit Saint, le texte expliqué de façon simple et familière sert de médiation pour la rencontre entre le Christ et la communauté. L'accomplissement de l'Écriture survient ainsi dans la foi de la communauté qui accueille le Christ comme Parole de Dieu. L'aujourd'hui qui intéresse le prédicateur est l'aujourd'hui de la foi, la décision de foi de s'abandonner au Christ et de lui obéir jusque dans les exigences morales de l'Évangile.

Le prêtre en tant que ministre de la Parole complète ce qui manque à la prédication de Jésus pour son corps qui est l'Église. Il partage les souffrances de la préparation, les difficultés de la communication, mais surtout la joie d'être instrument de l'Esprit Saint au service d'un avènement très radical : "l'accueil de l'homme à l'offrande d'amour de Dieu qui se présente à lui dans le Christ". [30] J. Ratzinger, Dogma e predicazione, Op. cit., p. 50; cf. Benoît XVI, Sacramentum Caritatis, 46.

c) L'Office divin
Comme le souligne le pape Benoît XVI, Dieu continue de parler avec son peuple par son Fils, dans l'Esprit, "non seulement par la célébration de l'Eucharistie, mais aussi par d'autres moyens et surtout par l'accomplissement de l'Office divin" (Sacramentum Caritatis 83). Le Christ Jésus "a introduit dans notre exil terrestre cette hymne qui se chante éternellement dans les demeures célestes. Il s'adjoint toute la communauté des hommes et se l'associe dans ce divin cantique de louange". "Ainsi, écrit saint Augustin, notre Seigneur Jésus Christ, unique Sauveur de son Corps mystique, prie pour nous, prie en nous, et reçoit nos prières. Il prie pour nous comme notre prêtre, il prie en nous comme notre chef, il reçoit nos prières comme notre Dieu. Reconnaissons donc, et que nous parlons en lui, et qu'il parle en nous" [31].

L'Office divin fait partie de l'exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ, à laquelle l'Église est intimement associée comme Épouse du Verbe incarné. La restauration de l'Office divin, réalisée par le Concile, a produit de grands fruits dans l'Église grâce au développement d'une pratique beaucoup plus répandue en des formes simplifiées qui permettent un contact fréquent et priant avec la Parole de Dieu. Cette pratique monastique et conventuelle, assaisonnée aussi de lectures patristiques, demeure un élément constitutif de la tradition ecclésiale et représente par conséquent une référence importante pour l'interprétation de l'Écriture dans l'Église.

Cette pratique ecclésiale incarne la finalité spirituelle des Saintes Écritures et met en valeur la prière insurpassable des psaumes. "Certes, toute la Sainte Écriture, de l'Ancien comme du Nouveau Testament, est inspirée par Dieu et utile pour l'enseignement, ainsi qu'il est écrit néanmoins le livre des Psaumes, écrit saint Athanase, comme un paradis contenant tous les fruits des autres livres, propose ses chants et ajoute ses propres fruits aux autres dans la psalmodie" [32]. Celui qui chante les psaumes est comme devant un "miroir" où il peut retrouver ses propres sentiments, comme Augustin qui confesse qu'ainsi "la vérité s'infiltrait dans mon cœur que la ferveur transportait, mes larmes coulaient et cela me faisait du bien" [33].

Le Synode devrait rappeler à quel point la pratique fervente de l'Office divin, selon la règle propre de chaque communauté, demeure un précieux ferment de vie communautaire et de joie [34]. Elle incarne la Sequela Christi, l'union de l'Épouse à l'Époux dans la louange d'amour et d'intercession pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

2. Lectio divina

La tradition de l'Église véhicule aussi la pratique de la Lectio divina comme une contemplation savoureuse de la Sainte Écriture, à la manière de Marie qui méditait dans son cœur tous les mystères de Jésus. "Marie recherchait le sens spirituel des Écritures et elle le trouvait en le rapportant (symballousa) aux paroles, à la vie de Jésus et aux événements qu'elle découvrait progressivement dans son histoire personnelle". En cela, "Marie devient un symbole pour nous, pour la foi des gens simples et pour celle des docteurs de l'Église qui étudient, évaluent et définissent la façon de professer l'Évangile" [35].

"Je voudrais surtout évoquer et recommander l'antique tradition de la Lectio divina"», écrit le pape Benoît XVI. "La lecture assidue de l'Écriture sainte, accompagnée par la prière, réalise le dialogue intime dans lequel, en lisant, on écoute Dieu qui parle et, en priant, on lui répond, avec une ouverture du cœur confiante" (cf DV 25). Cette pratique, si elle est promue de façon efficace, apportera à l'Église, j'en suis convaincu, un nouveau printemps spirituel". [36] Benoît XVI, "Ad Conventum Internationalem La Sacra Scrittura nella vita della Chiesa" (16.09.2005)

Pour que les pratiques de la Lectio divina soient vécues avec plus de fruit, le texte de la DV 23 nous place dans la juste lumière en évoquant l'Église, Épouse du Verbe incarné, qui est animée et instruite par le Saint-Esprit. Cette ecclésiologie nuptiale introduit d'elle-même le climat d'amour et de réciprocité qui favorise la contemplation de l'Écriture. Cette indication précieuse nous aide à prendre conscience des présupposés ecclésiologiques qui jouent un rôle plus important qu'il ne paraît dans le dialogue avec Dieu à même le texte sacré. Dans la mesure où l'Église, dans ses membres, se perçoit comme une épouse bien-aimée, objet d'un amour d'élection, il devient tout naturel de se tourner amoureusement vers la Sainte Écriture comme vers la source sans cesse jaillissante de l'amour divin [37].

"Dans cette perspective, il faut prendre en considération, comprendre correctement et récupérer l'exégèse extraordinaire des Pères ainsi que la grande intuition médiévale des ‹quatre sens des Écritures, qui n'ont aucunement perdu leur intérêt" [38]. La pratique de la Lectio divina produira des fruits pour autant qu'elle baignera dans une atmosphère de confiance à l'égard des Écritures, ce qui suppose une exégèse du texte "dans le même Esprit qui l'a fait écrire" (DV 12). Dans ce contexte, on ne saurait trop encourager "l'étude des saints Pères de l'Orient et de l'Occident, et des saintes Liturgies" (DV 23).

Bref, la Lectio divina peut beaucoup apporter au dialogue de l'Église avec Dieu, à la formation des disciples et des communautés chrétiennes, et même au rapprochement des Églises et communautés ecclésiales par la "lecture spirituelle commune de la Parole de Dieu [39]".

Il est souhaitable que le Synode encourage la recherche de stratégies nouvelles, simples et attrayantes, adaptées à l'ensemble du peuple chrétien ou à des catégories particulières de fidèles, pour développer le goût et la pratique d'une lecture continue, tant communautaire que personnelle, de la Parole de Dieu.

B. L'interprétation ecclésiale de la Parole de Dieu

1. Éléments de problématique
L'interprétation des Écritures dans l'Église a donné lieu, depuis les origines apostoliques, à des conflits et à des tensions récurrentes. Des schismes et des séparations ont rajouté d'autres obstacles. Parallèlement à ces événements malheureux, l'exégèse et la théologie se sont éloignées non seulement l'une de l'autre, mais aussi de l'interprétation spirituelle de l'Écriture qui était courante à l'âge patristique [40]. Le modèle contemplatif de la théologie monastique et patristique a cédé la place à un modèle spéculatif et souvent polémique sous l'influence des erreurs à combattre et des découvertes historiques, philosophiques et scientifiques. Ajoutons encore le tournant anthropocentrique de la pensée moderne, qui a écarté la métaphysique de l'être au profit d'une épistémologie immanentiste. Prisonnier de l'enceinte enchantée du cogito (Ricœur), l'homme est fasciné par ses propres prouesses spéculatives (Hegel), mais il perd le sens de l'émerveillement devant le mystère de l'être et de la Révélation [41].

Dans ce contexte de séparation et de conflit entre la foi et la raison, on assiste à la remise en question de l'unité de l'Écriture et à une fragmentation excessive des interprétations. Dorénavant, le rapport interne de l'exégèse à la foi ne fait plus l'unanimité et des tensions augmentent entre exégètes, pasteurs et théologiens [42]. On complète certes de plus en plus l'exégèse historico-critique par d'autres méthodes, dont certaines renouent avec la tradition et l'histoire de l'exégèse [43]. Mais d'une façon générale, après plusieurs décennies de concentration sur les médiations humaines de l'Écriture, ne faut-il pas retrouver la profondeur divine du texte inspiré sans perdre les acquis précieux des nouvelles méthodologies ?

On ne saurait trop insister sur ce point car la crise de l'exégèse et de l'herméneutique théologique affecte profondément la vie spirituelle du Peuple de Dieu et sa confiance dans les Écritures. Elle affecte aussi la communion ecclésiale, à cause du climat de tension souvent malsain entre la théologie universitaire et le Magistère ecclésial. Face à cette situation délicate, et sans entrer dans les débats d'écoles, le Synode doit donner une orientation pour assainir les rapports et favoriser l'intégration des acquis des sciences bibliques et herméneutiques dans l'interprétation ecclésiale des Saintes Écritures [44].

Les dialogues en ce sens, promus par la Congrégation de la doctrine de la foi, devraient être intensifiés, afin d'approfondir de façon multidisciplinaire et respectueuse des compétences les points en litige et de préparer ainsi le jugement de l'Église qui doit s'acquitter "de l'ordre et du ministère divin de garder et d'interpréter la Parole de Dieu" (DV 12). La Commission biblique pontificale et la Commission théologique internationale jouent un rôle important et hautement apprécié en ce sens. Le Synode pourrait reconnaître la précieuse contribution de ces organismes et encourager des sessions conjointes [45] afin d'intensifier le dialogue entre pasteurs, théologiens et exégètes. Il pourrait aussi suggérer des rencontres régionales du même genre qui aideraient à cultiver un climat sain de communion et de service de la Parole de Dieu. Le Synode pourrait proposer en outre qu'on prenne comme axe d'intégration de cette recherche d'unité le sens spirituel de l'Écriture [46].

2. Le sens spirituel de l'Écriture
"Le théologien averti reconnaît sans ambages, écrit le Père de Lubac, que l'existence d'un double sens littéral et spirituel est une donnée inaliénable de la tradition. Elle fait partie du patrimoine chrétien. Il [le sens spirituel] est, redisons-le avec les Pères, le Nouveau Testament lui-même, avec toute sa fécondité, se révélant à nous ' comme accomplissement et transfiguration de l'Ancien'" [47]. Selon saint Thomas d'Aquin, le sens spirituel suppose le sens littéral et s'y appuie [48]. Cependant, toute interprétation symbolique ou spirituelle doit conserver une homogénéité avec le sens littéral. Car, "admettre des sens hétérogènes équivaudrait à couper le message biblique de sa racine, qui est la Parole de Dieu communiquée historiquement, et à ouvrir la porte à un subjectivisme incontrôlable" [49].

Cette crainte du subjectivisme et le manque de réflexion contemporaine sur l'inspiration scripturaire expliquent la lenteur de l'exégèse catholique contemporaine à s'intéresser réellement au sens spirituel de l'Écriture [50]. Cependant, une évolution significative se dessine en ce sens: "En règle générale, écrit la Commission biblique pontificale, on peut définir le sens spirituel, compris selon la foi chrétienne, comme le sens exprimé par les textes bibliques, lorsqu'on les lit sous l'influence de l'Esprit Saint dans le contexte du mystère pascal du Christ et de la vie nouvelle qui en résulte" [51]. Cette définition rejoint bien l'orientation de la DV 12, demandant d'interpréter les textes bibliques dans le même Esprit qui les a fait écrire.

En effet, c'est l'Esprit qui a préparé les événements de l'Ancien et du Nouveau Testaments selon une progression allant de la promesse à l'accomplissement ; c'est par l'Esprit qu'ont été interprétés ces événements par des paroles prophétiques et des relectures symboliques ou sapientielles, afin de conduire le Peuple de Dieu, par purifications et approfondissements successifs, à la rencontre de Jésus Christ, plénitude de la Révélation. Au fond, le sens spirituel de l'Écriture, "le sens véritable reste celui de l'Esprit Saint" [52]. "Quant à moi, écrit saint Bernard, ainsi que le Seigneur me l'a enseigné, je chercherai dans les profonds recès de la parole sacrée son Esprit et son sens vivant ; telle est ma part, puisque je crois en Jésus Christ. Comment n'essaierais-je pas de tirer de la lettre morte et insipide un aliment spirituel savoureux et salutaire, comme on sépare le grain de la balle, la noix de sa coquille ou comme on extrait la moelle d'un os ? Je n'ai point affaire de cette lettre qui a le goût de chair et qui donne la mort à qui l'avale. Mais ce qui est caché sous son enveloppe vient du Saint-Esprit" [53].

La pratique de l'exégèse spirituelle de l'Écriture requiert ici encore un approfondissement pneumatologique. Il ne suffit pas seulement de lire "sous l'influence de l'Esprit Saint", il faut chercher à percevoir dans la lettre l'Esprit qui y est contenu. Ainsi, le Saint-Esprit n'est pas simplement un agent extrinsèque de la production de la Sainte Écriture ; il est celui qui, dans la Bible, s'exprime de concert avec la Parole du Père qu'est Jésus-Christ. Dans le prolongement de cette recherche, il serait opportun que le Synode s'interroge sur la pertinence d'une encyclique éventuelle sur l'interprétation de l'Écriture dans l'Église.

3. L'exégèse et la théologie
L'exégèse et la théologie s'occupent du même objet, la Parole de Dieu, mais dans des perspectives différentes et complémentaires. L'exégète étudie la "lettre" de l'Écriture "avec le même Esprit qui l'a fait écrire [54], pour découvrir correctement le sens des textes sacrés" (DV 12). Il est attentif à la genèse historique des textes, à leur genre littéraire, à leur structuration, mais aussi au rapport entre les différents livres de la Bible et entre l'un et l'autre Testament. Le Synode devrait saluer le regain d'intérêt pour l'approche canonique de l'Écriture et les efforts pour proposer des synthèses de théologie biblique comme d'intéressants pas en avant dans le sens d'une intelligence globale de l'Écriture. Le théologien, lui aussi, s'efforce d'interpréter la "lettre" en fonction de "l'unité de l'Écriture tout entière, compte tenu de la tradition vivante de l'Église tout entière" (DV 12), des langages philosophiques et autres qui marquent la culture de son époque, et en respectant autant que possible les sensibilités particulières de ses contemporains.

Exégètes et théologiens savent que "les Saintes Écritures contiennent la Parole de Dieu et, parce qu'elles sont inspirées, elles sont réellement la Parole de Dieu; aussi l'étude des Saintes Lettres doit-elle être comme l'âme de la sainte théologie" (DV 24. Cette Parole de Dieu est toujours et simultanément la Parole de la foi, le témoignage d'un peuple et de ses auteurs inspirés. En conséquence, les méthodes exégétiques et théologiques doivent refléter l'interdépendance de la « lettre », de l'Esprit et de la foi dans le travail d'interprétation. Le rapport d'Alliance entre Dieu et son peuple habite le texte lui-même et commande une interprétation qui soit non seulement noétique, mais dynamique et dialogale. Bref, ou bien les exégètes et les théologiens interprètent rigoureusement la Bible dans la foi et l'écoute de l'Esprit, ou bien ils s'en tiennent aux caractéristiques superficielles du texte s'ils se limitent à des considérations historiques, linguistiques ou littéraires.

Parmi les tâches urgentes de la recherche, il importe d'approfondir l'épistémologie théologique à l'aide des Pères de l'Église et des saints. Par leur attitude personnelle et méthodique de foi contemplative, ceux-ci s'ouvrent à la profondeur du texte, c'est-à-dire à la présence de Dieu qui parle maintenant par celui-ci et interpelle l'auditeur. D'où leur témoignage d'une "science de l'amour [55]" qui demeure la voie d'accès par excellence à la connaissance de Dieu. "La justesse inspirée avec laquelle les saints les moins spéculatifs insistent sur certains aspects de la vie chrétienne peut avoir des effets imprévisibles sur la théologie vivante de l'Église. Pensez à la règle de saint Benoît au testament de saint François d'Assise, aux Exercices de saint Ignace" [56]. Même si les saints en question ne sont pas des théologiens de profession, les accents propres de leur vie servent de "canons" et de règles d'interprétation de la Révélation car "ce sont ceux qui aiment qui en savent le plus long sur Dieu. C'est eux que le théologien doit écouter" [57]. Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus savait que sa voie d'enfance spirituelle était un exemple à imiter et saint Paul, dans la Bible chrétienne, se donne lui-même en exemple.

"Pour une éthique anthropologique close, la franchise avec laquelle saint Paul démontre en lui-même la sainteté chrétienne - afin de démontrer la vérité dogmatique - et présente l'analyse de sa propre existence devant l'Église tout entière et devant le monde aura toujours quelque chose de choquant. Mais elle n'est que le reflet exact et docile, sur le plan ecclésial, de l'extraordinaire affirmation du Christ, celle d'être lui-même dans son existence vivante la vérité de Dieu" [58]. "La manière dont saint François comprend l'Écriture se distingue sur des points essentiels de celle de ses biographes. Ceux-ci sont familiers avec les méthodes scientifiques d'alors et s'engagent dans une exégèse symbolique où aucune limite n'est imposée à l'imagination. Il en est tout autrement chez François : il n'a aucune idée des principes herméneutiques acceptés de son temps. Son exégèse est réaliste, concrète, son imagination est liée à la lettre de l'Écriture" [59]. Bref, les saints contemplent avec les yeux de l'Esprit les profondeurs de Dieu qui émergent de la Sainte Écriture [60]. "Les saints sont à l'Évangile ce qu'est une partition chantée par rapport à une partition notée", écrit saint François de Sales [61].

3ème partie Jésus de Nazareth du pape Benoît XVI, un événement majeur
les 3 parties en PDF
 

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Sources : www.vatican.va -  E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 07.10.2008 - T/Synode

 

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