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En Ukraine, les Églises aussi sont en guerre. Mais pour elles, la
paix est peut-être plus proche
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Le 02 septembre 2024 -
E.S.M.
- Une loi vient d’être approuvée par le parlement
ukrainien ce 20 août, avec 265 voix pour et seulement 29
voix contre, et le samedi 24, le président Volodymyr
Zelensky l’a signée, malgré la seule protestation
publique – pour le moment – du patriarche orthodoxe de
Moscou Cyrille, qui n’a pas hésité à la comparer à « la
persécution de l’empire romain à l’époque de Néron et de
Dioclétien » avant d’envoyer une lettre pour en appeler
aux chefs des Églises chrétiennes et au pape, mais pas
au patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée,
qu’il a comparé aux grands prêtres Hanne et Caïphe, qui
réclamèrent la crucifixion de Jésus, comme aujourd’hui
« la crucifixion et la destruction de l’Église orthodoxe
ukrainienne ».
S.M.
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Délégation
officielle du patriarcat œcuménique de Constantinople à Kiev - Pour agrandir
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En Ukraine, les Églises aussi sont en guerre.
Mais pour elles, la paix est peut-être plus proche
Le 02 septembre 2024 -
E.S.M. -
Une loi vient d’être approuvée par le parlement ukrainien ce 20
août, avec 265 voix pour et seulement 29 voix contre, et le samedi
24, le président Volodymyr Zelensky l’a signée, malgré la seule
protestation publique – pour le moment – du patriarche orthodoxe
de Moscou Cyrille, qui n’a pas hésité à la comparer à « la
persécution de l’empire romain à l’époque de Néron et de
Dioclétien » avant d’envoyer une
lettre
pour en appeler aux chefs des Églises chrétiennes et au pape, mais
pas au patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée, qu’il a
comparé aux grands prêtres Hanne et Caïphe, qui réclamèrent la
crucifixion de Jésus, comme aujourd’hui « la crucifixion et la
destruction de l’Église orthodoxe ukrainienne ».
Mais, de manière inattendue, la protestation de Cyrille a été relayée
dimanche 25 août par le Pape François, qui a prononcé ces paroles au terme
de
l’Angélus, non pas improvisées mais lues une à unes et clairement
écrites de sa main :
« Je continue de suivre avec douleur les combats en Ukraine et en
Fédération de Russie et, en pensant aux normes légales récemment adoptées en
Ukraine, il me vient une crainte pour la liberté de ceux qui prient, parce
que celui qui prie vraiment prie toujours pour tout le monde. On ne commet
par le mal parce qu’on prie. Si quelqu’un comment un mal contre son peuple,
il en sera coupable, mais on ne peut pas avoir commis le mal parce qu’on a
prié. Qu’on laisse donc prier ceux qui veulent prier dans ce qu’ils
considèrent comme étant leur Église. S’il vous plaît, qu’aucune Église
chrétienne ne soit abolie directement ou indirectement. On ne touche pas aux
Églises ! ».
Cette protestation du Pape a eu le don d’irriter les autorités de Kiev.
L’ambassadeur ukrainien près le Saint-Siège l’a déclarée « déplacée par ce
que la nouvelle loi n’interfère pas avec la possibilité de chacun de prier
comme il l’entend ».
Mais il a surtout contredit les chef des Églises chrétiennes présentes en
Ukraine – à l’exclusion de celle qui a des liens historiques avec le
patriarcat de Moscou mais en ce compris l’Église grecque catholique présidée
par l’archevêque majeur de Kiev, Svitoslav Chevtchouk – qui, après une
entrevue avec Zelensky le 16 août, avaient publié une
déclaration conjointe de soutien à la mise hors-la-loi de toute
organisation religieuse en Ukraine qui aurait son « centre » en Russie et
qui « serait gouvernée » par la Russie.
Parce c’est bien cela que vise la
loi n°8371
votée le 20 août dernier, qui va encore plus loin, en se basant sur la
simple « affiliation » à Moscou pour faire tomber la sanction.
Cette même journée du 20 août, après en avoir parlé lors d’une rencontre
avec l’ambassadeur italien à Kiev, voici comment, dans un communiqué,
l’archevêque Chevtchouk a décrit le principe duquel s’inspire la nouvelle
loi, non seulement à son opinion mais également selon celui du Conseil des
Églises d’Ukraine : « le droit et le devoir de l’État de garantir la
sécurité nationale, en réagissant à l’instrumentalisation possible des
organisations religieuses de la part des États agresseurs ».
Avant d’ajouter :
« Puisque la sphère religieuse en Ukraine est devenue une cible des
attaques depuis la Russie, l’État a l’obligation de réagir face à ceux qui
répandent l’idéologie du « monde
Russe », comme tous les autres pays d’Europe le font face à la diffusion
de l’idéologie de l’État islamique et de ses extrémistes religieux. La
nouvelle loi ne vise pas l’interdiction d’une Église mais sa liberté par
rapport au pays agresseur ».
Mais à présent que la loi n°8371 est entrée en vigueur, quels seront ses
effets concrets sur l’avenir de la seule Église ukrainienne qui a des tiens
avec le patriarcat de Moscou ?
Trois Églises orthodoxes sont présentes en Ukraine. Il y a celle qui est
historiquement affiliée à Moscou, qui compte toujours le plus grand nombre
de fidèles, avec à sa tête le métropolite Onuphre. Il y en a ensuite une
autre, beaucoup plus petite, qui s’est détachée il y a des décennies de
Moscou pour suivre son patriarche autoproclamé Philarète. Et il existe aussi
une Église autocéphale, indépendante, de taille moyenne, née en 2018 avec
l’approbation déterminée du patriarche œcuménique de Constantinople, et son
métropolite Épiphane.
Effectivement, an sein de l’Église orthodoxe ukrainienne historiquement
dépendante du patriarcat de Moscou, quelques dizaines d’ecclésiastiques
continuent à agir en soutien du « monde russe », même après l’invasion. Et
beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs été incarcérés et condamnés pour ce
motif, et même
échangés contre des prisonniers ukrainiens. Mais il faut tenir compte du
fait que, déjà au cours des mois qui ont précédé l’agression russe, cette
Église, dans son ensemble, a résolument pris ses distances avec le
patriarcat de Moscou, allant jusqu’à rompre avec ce dernier sur trois points
clés : en cessant de citer le nom du patriarche Cyrille dans le canon de la
messe, en refusant de recevoir chaque année de l’Église de Moscou le
saint-chrême et faisant disparaître de ses statuts toute formule de
dépendance envers le patriarcat russe.
Mais malheureusement, cette dernière initiative n’aura pas suffi à mettre
l’Église orthodoxe ukrainienne à l’abri de la rigueur de la nouvelle loi
n°8371 en vertu de laquelle, pour se faire interdire, il suffit que dans les
statuts du patriarcat de Moscou, il soit écrit que sa filiale ukrainienne
est toujours soumise aux décisions du patriarcat, sans que cette disposition
ne doive être nécessairement corroborée par les preuves d’une collaboration
effective avec l’ennemi.
Et ce n’est pas la seule disposition de la nouvelle loi qui a soulevé des
critiques de la part des observateurs et des analystes indépendants et
compétents, comme par exemple le juriste américain Peter Anderson, de
Seattle, un grand expert du monde orthodoxe. Selon lui, cette loi sera
difficilement opposable aux conventions internationales garantissant la
liberté de religion, que l’Ukraine a ratifiées. Elle est en effet conçue de
manière à faire en sorte que l’Église orthodoxe ukrainienne dirigée par le
métropolite Onuphre soit de toute manière interdite, ce qui en pratique
consiste en l’obligation de cesser toute activité religieuse, en la
confiscation de ses propriétés par l’État et au transfert de ses lieux de
culte vers d’autres organisations religieuses.
Heureusement – a fait remarquer Anderson – la dernière version de la loi
n°8371 approuvée le 20 août a retardé de neuf mois l’ouverture des
procédures judiciaires censées prononcer l’interdiction. Il y a donc une
marge jusqu’en mai 2025 pour trouver une solution moins brutale au destin de
l’Église orthodoxe ukrainienne que Moscou – et uniquement Moscou – continue
à considérer comme subordonnée à elle.
Et c’est dans ce précieux laps de temps qu’un autre acteur important
vient d’entrer en scène : Bartholomée, le patriarche œcuménique de
Constantinople.
Son objectif final est d’incorporer les Églises orthodoxes présentes en
Ukraine dans une unique Église indépendante, la même que celle qui a vu le
jour en 2018. Mais cet objectif, partagé par le président Zelensky, est très
compliqué à atteindre, vu le fort antagonisme qui règne entre l’Église
dirigée par Onuphre et celle d’Épiphane. Il suffit de préciser que jusqu’à
présent, les rares incorporations (pas toujours pacifiques) qui ont eu lieu
de paroisses de l’Église d’Onuphre vers celle d’Épiphane n’ont vu passer
d’une Église à l’autre seulement les fidèles, mais pas leurs prêtres et
évêques respectifs. Dans l’Église d’Onuphre, certains considèrent illégitime
l’Église née en 2018 et le patriarcat de Constantinople comme schismatique,
allant jusqu’à ne plus le citer dans le canon de la messe, et préféreraient
continuer dans la clandestinité, après l’interdiction, plutôt que de
rejoindre l’autre Église.
Malgré ces difficultés, certains éléments avancent dans la direction
souhaitée. Le 13 août, à Istanbul, au siège du patriarcat œcuménique, une
rencontre a eu lieu entre le patriarche Bartholomée, le métropolite
Épiphane et les représentants du gouvernement de Kiev. Et cette rencontre a
donné lieu, le 15 août, à l’envoi d’une
lettre d’Épiphane à Onuphre avec la proposition – pour la première fois
– d’un dialogue « sans condition préalable ».
Mais surtout, le 20 août, le jour même de l’approbation de la loi n°8371,
une
délégation officielle du patriarcat œcuménique de Constantinople,
composée de trois dignitaires engagés depuis des années sur les questions
ukrainiennes, s’est rendue à Kiev. (voir photo).
Le 22 août, les trois délégués du patriarche Bartholomée ont longuement
rencontré, séparément, les métropolites Épiphane et Onuphre, et le 23 août
Philarète et l’archevêque majeur grec catholique Chevtchouk.
À en croire ce qui a filtré de ces colloques, la proposition de
Constantinople serait d’instituer en Ukraine une structure temporaire du
patriarcat œcuménique visant à accueillir les paroisses et les diocèses de
l’Église orthodoxe frappés d’interdiction par la loi n°8371 : ceci comme
solution provisoire d’urgence dans l’attente d’une future réunification
pacifique.
Dans l’Église dirigée par le métropolite Onuphre, certains considèrent
cette solution intermédiaire comme étant malgré tout inacceptable. Mais
entretemps, quelque chose de très similaire est en train de se produire dans
l’une des trois républiques baltes, l’Estonie. Avec des effets considérés
comme positifs par tout le monde, mis à part Moscou.
En Estonie également, deux Église orthodoxes coexistent : celle dite
« apostolique » qui appartient au patriarcat œcuménique et celle qui est
statutairement affilée au patriarcat de Moscou, dont le métropolite Eugène a
été envoyé en exil par le gouvernement de Tallinn pour sa soumission
ostentatoire à Cyrille.
Il se fait donc que le 30 juillet, à Tallinn, le ministère des Affaires
étrangères a envoyé au vicaire du métropolite Eugène en exil un
communiqué ministériel intitulé : « Le ministère de l’intérieur et
l’Église orthodoxe estonienne se sont accordés sur de nouvelles mesures pour
réduire et éliminer l’influence du patriarcat de Moscou sur l’Église
estonienne ».
Voici comment sont résumées les dispositions adoptées :
« Au cours de la rencontre, l’Église orthodoxe estonienne a présenté sa
vision du processus de dissociation du patriarcat de Moscou en deux temps.
Dans un premier temps, les statuts actuels seront modifiés. Dans un second
temps, des consultations seront organisées avec l’Église orthodoxe
apostolique pour trouver comment unifier à l’avenir toutes les Églises
orthodoxes d’Estonie en une seule Église ».
Le premier de ces deux temps est déjà en cours d’application, avec la
suppression de toute forme de dépendance envers le patriarcat de Moscou dans
les statuts de l’Église estonienne. Quant à la concrétisation du second, en
revanche, une série de difficultés demeurent, comme il ressort de deux
déclarations ultérieures et contradictoires entre elles du vicaire présent à
la rencontre, la première
en faveur du processus d’unification, et la seconde (en langue russe)
étonnamment critique et soulignant que le patriarche Eugène en exil
« continue à être notre primat ». S’agissait-il d’un rappel à l’ordre de la
part de Moscou, qui continuerait à disposer d’un pouvoir de coercion sur
l’Église estonienne ?
Quant à l’Ukraine, on verra. D’ici à mai, bien des choses pourront être
mises en œuvre pour éviter que sa plus grande Église orthodoxe ne soit mise
hors-la-loi.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 30.07.2024
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