Benoît XVI encourage à passer d'une ingéniosité
stupide à la vraie sagesse |
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Le 01 janvier 2008 -
(E.S.M.) - Dans cette parabole du riche et du
pauvre Lazare, Benoît XVI souligne qu'une chose est claire : le signe de
Dieu à l'intention des hommes est le Fils de l'homme, Jésus lui-même. Et
il est ce signe, au sens le plus profond, dans son mystère pascal, dans
le mystère de sa mort et de sa résurrection. Quiconque ne croit pas en
la parole de l'Écriture ne croira pas non plus quelqu'un qui reviendrait
de l'au-delà.
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La
parabole du riche et du pauvre Lazare -
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Par ce texte, Benoît XVI encourage à passer d'une ingéniosité stupide à la
vraie sagesse
Chapitre 7 - Le message des
paraboles (pages 207 à 243)
1) Nature et finalité des
paraboles ►
Benoît XVI
2) Jésus lui-même est la semence, il est le Royaume de Dieu en personne
►
Benoît XVI
3) Qu'est-ce en fait
qu'une parabole ? Et que cherche celui qui la dit ? ►
Benoît XVI
4)
La parabole du bon Samaritain
►
Benoît
XVI
5)
La parabole des deux
frères et du père miséricordieux
►
Benoît XVI
6)
La parabole du riche et du pauvre Lazare (Lc 16, 19-31)
Nous trouvons une nouvelle fois dans ce récit l'opposition entre deux
personnages : le riche qui fait bombance et
mène grande vie, et le pauvre qui ne peut même pas attraper les reliefs que
les riches jettent depuis la table du festin : selon la coutume de l'époque, ils se nettoyaient les doigts avec des morceaux de pain qu'ils jetaient
ensuite. Certains des Pères de l'Église ont classé cette parabole dans la
même catégorie que celle des deux frères et ils l'ont appliquée aux rapports
entre Israël (le riche) et l'Église (le pauvre Lazare). Ce faisant, ils ont
totalement méconnu le fait qu'il s'agit ici d'une tout autre typologie. On
le voit déjà dans les conclusions différentes. Alors que les textes relatifs
aux deux frères restent ouverts et qu'ils se terminent sur une question et
une invitation, ici, la fin de chacune des deux figures est donnée comme
irrévocable.
Pour mieux comprendre ce récit, il nous faut prendre pour arrière-plan la
série de psaumes dans lesquels monte devant Dieu la plainte du pauvre : il
vit dans la foi en Dieu et dans l'obéissance aux commandements, mais il ne
connaît que le malheur, alors que les cyniques, qui méprisent Dieu, volent
de succès en succès et jouissent de tous les bonheurs de la terre. Lazare
fait partie des pauvres dont nous entendons la voix par exemple dans le
Psaume 43 : « Tu fais de nous la fable des nations ; les étrangers haussent
les épaules... C'est pour toi qu'on nous massacre sans arrêt, qu'on nous
traite en bétail d'abattoir » (Ps 43 [44], 15, 23 ; cf. Rm 8, 36). À
l'origine, la sagesse d'Israël se fondait sur le présupposé que Dieu
récompensait le juste et punissait le pécheur, de sorte qu'au péché
correspond le malheur et à la justice le bonheur. Au plus tard depuis
l'exil, cette sagesse connaissait une crise. Non seulement les souffrances
du peuple d'Israël dans son ensemble étaient pires que celles des peuples
qui l'entouraient, qui l'avaient contraint à l'exil et qui l'opprimaient,
mais, sur le plan privé aussi, il était de plus en plus manifeste que le
cynisme payait et que,
dans ce monde, le juste était voué à la souffrance. Dans les Psaumes et les
Écrits sapientiels tardifs, nous assistons à la lutte pour résoudre cette
contradiction, à une tentative nouvelle de devenir «sage», de comprendre la
vie de manière juste, de trouver et de comprendre à nouveau Dieu, ce Dieu
apparemment injuste ou tout simplement absent.
On peut considérer d'une certaine manière que l'un des textes qui montre
cette lutte avec le plus d'insistance, le Psaume 72 [73], constitue
l'arrière-plan culturel de notre parabole. Nous y voyons littéralement
apparaître devant nous le personnage du riche dont l'homme en prière,
Lazare, se plaint : « J'étais jaloux des superbes, je voyais le succès des
impies. Jusqu'à leur mort, ils ne manquent de rien, ils jouissent d'une
santé parfaite ; ils échappent aux souffrances des hommes, aux coups qui
frappent les mortels. Ainsi, l'orgueil est leur collier... leurs yeux qui
brillent de bien-être trahissent les envies de leur cœur... Leur bouche
accapare le ciel, et leur langue parcourt la terre. Ainsi, le peuple se
détourne vers la source d'une telle abondance. Ils disent : comment Dieu
saurait-il ? le Très-Haut, que peut-il savoir ? » (Ps 72 [73], 3-11)
Le juste qui souffre et qui voit tout cela, court le danger d'être désorienté
dans sa foi. Dieu ne voit-il vraiment rien ? N'entend-il pas ? Ne se
préoccupe-t-il pas du sort des hommes ? « Vraiment, c'est en vain que j'ai
gardé mon cœur pur [...] Me voici frappé chaque jour, châtié dès le matin
[...] Oui, mon cœur s'aigrissait » (Ps 73 [72], 13s).
Le revirement s'opère
lorsque, dans le sanctuaire, le juste qui souffre tourne son regard vers
Dieu et que ce regard tourné vers Dieu lui permet d'élargir sa perspective.
Il voit maintenant que l'apparente ingéniosité qui assure le succès des
cyniques, quand on y regarde de près, s'avère être une stupidité. Ce genre
de sagesse signifie être « stupide, comme une bête » (Ps 73 [72], 22). Ces
hommes-là restent enfermés dans une perspective animale, ils ont perdu la
perspective de l'homme, qui va au-delà de la sphère matérielle et qui mène à
Dieu et à la vie éternelle.
Un autre Psaume nous vient à l'esprit, dans lequel un homme persécuté
conclut ainsi : « Réserve-leur de quoi les rassasier : que leurs fils en
soient saturés... Et moi, par ta justice, je verrai ta face : au réveil, je
me rassasierai de ton visage » (Ps 16 [17], 14-15). Deux formes de
rassasiement s'opposent ici : être rassasié de bien matériels et se
rassasier du visage de Dieu, le rassasiement du cœur par la rencontre avec
l'amour divin qui est infini. « Au réveil » renvoie à l'éveil qui mène au
renouveau de vie éternelle, mais se réfère aussi à un « réveil » plus
profond dans le monde d'ici-bas : l'éveil à la vérité, qui offre dès
maintenant à l'homme une nouvelle façon de se rassasier.
Ce réveil qui a lieu dans la prière est le thème du Psaume 73 [72], Car
l'homme en prière voit que le bonheur des cyniques qu'il envie tant n'est
qu'un « songe au sortir du sommeil » ; il voit que le Seigneur, quand il se
réveille, chasse leur image (cf. Ps 73 [72], 20). Et il connaît maintenant
ce qu'est le réel bonheur : « Moi, je suis toujours avec toi, avec toi qui
as saisi ma main droite... Qui donc est pour moi dans le ciel si je n'ai,
même avec toi, aucune joie sur la terre ?... Pour moi, il est bon d'être
proche de Dieu » (Ps 73 [72], 23.25.28). Il ne s'agit pas d'une espérance
consolatrice de l'au-delà, mais d'un éveil à la vraie grandeur de la
condition humaine, dont bien sûr la vocation à la vie éternelle est partie
intégrante.
En dépit des apparences, nous ne nous sommes pas éloignés de notre parabole.
En réalité, par ce récit, le Seigneur veut précisément nous conduire sur le
chemin de ce « réveil », qui s'exprime dans les Psaumes. Il ne s'agit pas
d'une condamnation mesquine de la richesse des riches née de l'envie. Dans
les Psaumes que nous venons brièvement de méditer, toute envie est surmontée
: parce qu'il a reconnu le bien véritable, l'homme qui prie comprend
justement qu'envier cette sorte de richesse est stupide. Après la
crucifixion de Jésus, nous rencontrons deux hommes fortunés, Nicodème et
Joseph d'Arimathie, qui ont trouvé le Seigneur et qui sont « sur le chemin
du réveil ». Le Seigneur veut nous amener d'une ingéniosité stupide à la
vraie sagesse, nous apprendre à reconnaître le bien véritable. Et même si
notre texte ne le dit pas expressément, nous pouvons sans doute dire, en
partant des Psaumes, que, dans ce monde-ci déjà, le riche était un homme au
cœur vide qui, en faisant bombance, cherchait seulement à étouffer le vide
qui était en lui : dans l'au-delà, la seule vérité qui se manifeste est
celle qui présidait déjà ici-bas. Naturellement, cette parabole qui nous
exhorte à nous réveiller est aussi un appel à la responsabilité et à l'amour
que nous devons prodiguer maintenant à nos frères pauvres, tant à l'échelle
de la société du monde entier que dans notre petite vie quotidienne.
Dans la description de l'au-delà qui suit, Jésus s'en tient aux
représentations en vigueur dans le judaïsme de son époque. Dans cette
mesure, il ne faut pas forcer cette partie du texte, car Jésus se sert
d'éléments imagés déjà existants sans pour autant en faire formellement son
enseignement sur l'au-delà. Par contre, il reprend très clairement à son
compte la substance des images. Il n'est donc pas dénué d'importance que
Jésus reprenne ici les idées qui s'étaient
entre-temps généralisées dans la foi juive sur l'existence d'un état
intermédiaire entre mort et résurrection. Le riche se trouve dans le séjour
provisoire des morts, l'hadès, et non pas dans la « géhenne » (l'enfer), qui
est le nom donné au séjour définitif (J. Jeremias, Die Gleichnisse Jesu, op. cit.,
p. 245). « Ressusciter des morts » ne fait
pas partie de la vision de Jésus. Mais comme nous l'avons dit,
l'enseignement que veut nous dispenser le Seigneur par cette parabole est
autre. Comme Jeremias l'a montré de façon convaincante, il s'agit plutôt,
dans un second sommet de la parabole, de l'exigence d'un signe visible.
L'homme riche s'adresse des profondeurs de l'Hadès à Abraham, lui demandant
ce que tant d'hommes, hier comme aujourd'hui, disent ou aimeraient dire à
Dieu : si tu veux que nous croyions en toi et que nous organisions notre vie
en fonction de la Révélation biblique, manifeste-toi de façon plus claire.
Envoie-nous quelqu'un de l'au-delà pour nous dire ce qu'il en est vraiment.
Ce problème de l'exigence d'un signe visible, de l'exigence d'une plus
grande évidence dans la manifestation de la Révélation, traverse tout l'Évangile.
La réponse d'Abraham est claire, tout comme celle que donne Jésus en dehors
de cette parabole à l'exigence d'un signe visible formulée par ses
contemporains : quiconque ne croit pas en la parole de l'Écriture ne croira
pas non plus quelqu'un qui reviendrait de l'au-delà. Les vérités les plus
élevées, on ne peut les faire entrer dans le moule de l'évidence empirique,
propre aux seules choses matérielles.
Abraham ne peut envoyer Lazare dans la maison du père de l'homme riche. Mais
ici, quelque chose nous frappe. Nous pensons à la résurrection de Lazare de
Béthanie, dont parle l'Évangile selon saint Jean. Que se passe-t-il ? « Les
nombreux Juifs qui étaient venus [...] crurent en lui », nous dit
l'évangéliste. Ils vont trouver les pharisiens pour leur raconter ce qui
s'est passé, sur quoi le grand sanhédrin se réunit pour délibérer. Là, on
envisage l'affaire sous son angle politique. Un mouvement populaire qui
naîtrait dans ces conditions risquerait de provoquer une intervention des
Romains et d'entraîner une situation dangereuse. Il est donc décidé de tuer
Jésus : le miracle ne conduit pas à la foi, mais à l'endurcissement
(cf. Jn
11, 45-53).
Poursuivons notre réflexion. Derrière le personnage de Lazare, couché,
couvert de plaies, devant la porte de l'homme riche, ne reconnaissons-nous
pas le mystère de Jésus qui « a souffert sa Passion en dehors de l'enceinte
de la ville » (He 13, 12) et qui, étendu nu sur la croix, était livré aux
railleries et au mépris de la foule, le corps « couvert de sang et de
blessures » : « Et moi, je suis un ver, pas un homme, raillé par les gens,
rejeté par le peuple» (Ps 21 [22], 7).
Ce Lazare réel est ressuscité, il est venu pour nous le dire. Si donc nous
considérons l'histoire de Lazare comme la réponse de Jésus à l'exigence de
signes visibles formulée par ses contemporains, nous nous trouvons en
harmonie avec la réponse centrale que Jésus donne à cette exigence. Voici ce
qu'en dit Matthieu : « Cette génération mauvaise et adultère réclame un
signe, mais, en fait de signe, il ne sera donné que celui du prophète
Jonas. Car Jonas est resté dans le ventre du monstre marin trois jours et
trois nuits ; de même le Fils de l'homme restera au cœur de la terre trois
jours et trois nuits » (Mt 12, 39-40). Chez Luc, nous lisons : « Cette
génération est une génération mauvaise : elle demande un signe, mais en fait
de signe, il ne lui sera donné que celui de Jonas. Car Jonas a été un signe
pour les habitants de Ninive ; il en sera de même avec le Fils de l'homme pour
cette génération » (Lc 11, 29-30).
Il est inutile ici d'analyser les différences entre les deux versions. Une
chose est claire : le signe de Dieu à l'intention des hommes est le Fils de
l'homme, Jésus lui-même. Et il est ce signe, au sens le plus profond, dans
son mystère pascal, dans le mystère de sa mort et de sa résurrection. Il est
lui-même « le signe de Jonas ». Lui le crucifié et le Ressuscité, il est le
vrai Lazare : croire en lui, en ce grand signe divin, et le suivre,
conclut Benoît XVI, voilà ce
à quoi nous invite cette parabole, qui est plus qu'une parabole. Car elle
parle de la réalité, de la réalité décisive de l'histoire par excellence.
Fin du chapitre 7
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"Jésus de Nazareth"
Sources: www.vatican.va
-
E.S.M.
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Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.01.2008 - BENOÎT XVI
- T/J.N. |