L'école de Bologne annexe le pape Benoît XVI ! |
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Rome, le 11 décembre 2007 -
(E.S.M.) -
Par un raisonnement hardi, les défenseurs de la "discontinuité" de
Vatican II par rapport à l'Église du passé soutiennent que Benoît XVI
est de leur côté. Ruggieri, Komonchak et les autres l'expliquent dans
leur revue. Mais en est il vraiment ainsi ?
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A propos
des interprétations du Concile Vatican II -
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L'école de Bologne annexe le pape Benoît XVI
Ils persistent et signent : le Concile Vatican II a été "un tournant
historique". L'école de Bologne annexe le pape
Par un raisonnement hardi, les défenseurs de la "discontinuité" de Vatican
II par rapport à l'Église du passé soutiennent que
Benoît XVI est de leur côté. Ruggieri, Komonchak et les autres
l'expliquent dans leur revue. Mais en est il vraiment ainsi ?
par Sandro Magister
Pendant près de deux ans, le discours mémorable au cours duquel Benoît XVI
avait critiqué et repoussé l’interprétation du Concile Vatican II
comme "discontinuité et rupture" est
resté sans réponse. Aucun des historiens et des théologiens qui pouvaient se
sentir visés n’avait répondu à l’argumentation du pape.
Aujourd’hui, la réponse est enfin arrivée. Sous une forme presque
officielle: quatre essais de quatre chercheurs tout à fait représentatifs,
publiés dans le dernier numéro de "Cristianesimo nella storia", la
revue de l’Institut pour les sciences religieuses de Bologne.
Cet institut a été fondé par le père Giuseppe Dossetti et le professeur
Giuseppe Alberigo. Il est à l’origine de la "Storia del Concilio Vaticano
II" la plus lue au monde, en cinq volumes achevés en 2001 et publiés en
sept langues. Une "Storia" qui considère le Concile comme un "événement"
plus qu’une somme de documents, dans l’"esprit" plus que dans la "lettre",
comme un "nouveau départ" plus qu’en continuité avec l’Eglise d’avant-Concile.
Les auteurs des quatre articles répondant au pape sont l’Italien
Giuseppe Ruggieri, directeur de "Cristianesimo nella storia", l’Américain
Joseph A. Komonchak, le Français Christoph Theobald et l’Allemand Peter
Hünermann.
Ce dernier – qui a collaboré à la "Storia" bolonaise – a également
publié avec Bernd J. Hilberath un commentaire en cinq volumes des documents
conciliaires. Il n’existe à l’heure actuelle qu’en allemand, sous le titre:
"Herders Theologischer Kommentar zum II Vatikanische Konzil",
Freiburg-Basel-Wien, 2005-2006.
Dans ce commentaire, tout comme dans l’essai sur "Cristianesimo nella
storia", Hünermann souligne la ressemblance entre les documents de
Vatican II et "les textes constitutionnels élaborés par des assemblées
constituantes représentatives".
Benoît XVI, dans son discours
du 22 décembre 2005, avait attaqué cette thèse en ces mots:
"Le Concile est alors considéré comme une sorte de Constituante,
qui élimine une vieille constitution et en crée une
nouvelle. Mais la Constitution a besoin d'un promoteur, puis d'une
confirmation de la part du promoteur, c'est-à-dire du peuple auquel la
constitution doit servir. Les Pères n'avaient pas un tel mandat et personne
ne le leur avait jamais donné; personne, du reste, ne pouvait le donner,
car la constitution essentielle de l'Église vient du
Seigneur".
En réalité, Hünermann avait affirmé – et il le répète aujourd’hui – qu’il
existe aussi des différences entre les textes conciliaires et les
constitutions des états. La première d’entre elles est que l’autorité des
évêques "constituants" provient du Christ. C’est par cette affirmation qu’il
estime échapper à la critique du pape. Et que Komonchak clôt la discussion
de la manière suivante:
"Il y a quelque chose de curieux dans le commentaire du pape, car je ne
connais personne qui ait assimilé le Concile Vatican II à une assemblée
constituante. Et certainement pas nous".
* * *
Mais il y a plus. Les quatre chercheurs qui sont intervenus dans "Cristianesimo
nella storia" ne se contentent pas de dire qu’ils ne sont pas concernés
par les critiques du pape.
Ils mettent Benoît XVI de leur côté, en l’incluant parmi les promoteurs de
la "discontinuité" entre l’Église d’avant et d’après Vatican II.
Komonchak termine son article par ces mots:
"C’est là le ‘tournant historique’ dont parle Giuseppe Alberigo pour
donner un sens historique au Concile Vatican II. Loin de l’avoir rejeté, il
me semble que le pape Benoît XVI l’a approuvé et confirmé".
* * *
Les chercheurs les plus déterminés à intégrer Benoît XVI dans leurs rangs
sont Komonchak et Ruggieri.
Komonchak rejette les critiques que le pape adresse aux théoriciens qui
interprètent le Concile comme une "rupture", comme dépourvues de cibles
réelles. Il s’appuie à l’inverse sur des passages du discours du 22 décembre
2005 où Benoît XVI affirme que derrière "la discontinuité apparente" de
certaines affirmations conciliaires – en particulier celle concernant la
liberté religieuse – il existe en fait une "pleine
syntonie avec l'enseignement de Jésus lui-même, comme également avec
l'Église des martyrs, avec les martyrs de tous les temps".
D’après Komonchak, la discontinuité dont parle le pape n’est pas "apparente"
mais bien réelle. Sur cette question comme sur d’autres, le contraste avec
les siècles précédents est trop flagrant. Sur le fond, le pape est donc
d‘accord avec ceux pour qui le Concile Vatican II est le changement le plus
extraordinaire de l’Église au cours de ces derniers siècles.
L’analyse de Ruggieri est plus fine. Le pape a défendu la continuité du
Concile avec l’ancienne tradition du magistère catholique dans son discours
du 22 décembre 2005, parce qu’ayant le point de vue "typique d’un
théologien, il ne pouvait qu’adhérer à cette conception".
Mais du point de vue historique, nuance Ruggieri, tout est différent. La
"nouveauté" de Vatican II est un fait irréfutable. Et Joseph Ratzinger
lui-même y a contribué quand il était l’expert de confiance du cardinal
allemand Josef Frings. Selon Ruggieri, c’est le jeune Ratzinger qui a écrit
le discours explosif que Frings a lu en assemblée lors de la première
session. Un discours en rupture avec le magistère ecclésiastique des deux
derniers siècles. Ruggieri en déduit ceci:
"Ce qui est affirmé dans la ‘Storia’ dirigée par Alberigo au sujet de
la nouveauté du Concile Vatican II est bien résumé dans ce discours de
Frings". Comprendre: de Ratzinger.
* * *
Si Benoît XVI est ainsi dans le camp des gentils,
qui reste-t-il chez les méchants ?
Komonchak et Ruggieri sont catégoriques: les irrécupérables sont
l’archevêque Agostino Marchetto et le cardinal Camillo Ruini.
Le premier, diplomate de la curie, est l’auteur de nombreux et pointilleux
éreintements de la "Storia" dirigée par Alberigo, rassemblés en un
volume publié par la Libreria Editrice Vaticana en 2005, quelques
mois avant le discours de Benoît XVI sur les interprétations du Concile.
Le second, vicaire du pape pour le diocèse de Rome, avait notamment affirmé
au cours d’une présentation de l’ouvrage de Marchetto au public:
"L’interprétation du Concile comme rupture et
nouveau départ est sur le point de disparaître. C’est aujourd’hui une
interprétation très marginale, sans réel appui au sein de l’Église. Il
est temps que l’historiographie donne de Vatican II une nouvelle
reconstitution qui soit aussi, enfin, une histoire de vérité".
C’est tout du moins ce que www.chiesa avait rapporté dans un article du 22
juin 2005. Mais, sur la base d’un enregistrement électronique, Ruggieri
retranscrit la conclusion du cardinal de la manière suivante:
"Honnêtement, il reste encore à écrire une histoire différente. Nous
avons besoin d’une autre grande histoire du Concile Vatican II, qui le
raconte de manière positive".
Mais, une fois dissipé ce doute sur les mots, Ruggieri persiste dans sa
condamnation de Ruini: parce qu’en lui, en Marchetto et en "tous ceux qui
polémiquent contre la 'Storia' dirigée par Alberigo se manifeste
objectivement une peur du souvenir de l'événement". Ils récusent la "Storia"
non parce qu’elle énumère les nombreuses nouveautés de Vatican II – des
nouveautés qu’ils sont tout à fait capables de "noyer" dans la mer de la
continuité – mais précisément parce qu’elle raconte le Concile "comme un
événement qui a ouvert une nouvelle saison de l’église".
* * *
Le Concile comme événement. Cette thèse de base revient dans de nombreuses
pages du dernier numéro de "Cristianesimo nella storia".
Theobald met en avant cette phrase d’Alberigo: "Le Concile comme tel, en
tant que haut fait de communion, de confrontation et d'échange, est le
message fondamental qui constitue le cadre et le noyau de sa réception".
Ruggieri écrit: "Le Concile s’est transmis lui-même. En ce sens, la
nouvelle ‘doctrine de l’Église’ est le fruit non pas de la constitution
Lumen
Gentium et des autres fragments ecclésiologiques présents dans les
différents documents conciliaires (Documents
Vatican II), mais de la célébration conciliaire en tant que telle.
[…] Le problème de la réception de Vatican II est avant tout celui de la
synodalité de l’Église toute entière".
Mais cette vision n’est-elle pas justement celle que Benoît XVI avait
critiquée sous l’étiquette de l’"herméneutique
de la discontinuité et de la rupture"?
Voici comment le pape l’avait alors décrite:
"L'herméneutique de la discontinuité [...] affirme que les textes
du Concile comme tels ne seraient pas encore la véritable expression de
l'esprit du Concile. Ils seraient le résultat de compromis dans lesquels,
pour atteindre l'unanimité, on a dû encore emporter avec soi et reconfirmer
beaucoup de vieilles choses désormais inutiles. Ce n'est cependant pas dans
ces compromis que se révélerait le véritable esprit du Concile, mais en
revanche dans les élans vers la nouveauté qui apparaissent derrière les
textes: seuls ceux-ci représenteraient le véritable esprit du Concile, et
c'est à partir d'eux et conformément à eux qu'il faudrait aller de l'avant.
Précisément parce que les textes ne refléteraient que de manière imparfaite
le véritable esprit du Concile et sa nouveauté, il serait nécessaire d'aller
courageusement au-delà des textes, en laissant place à la nouveauté dans
laquelle s'exprimerait l'intention la plus profonde, bien qu'encore
indistincte, du Concile. En un mot: il faudrait non pas suivre les textes du
Concile, mais son esprit".
Komonchak, Ruggieri et consorts peuvent toujours dire qu’ils n’ont jamais
écrit cela ainsi, mot pour mot. Car leur "Storia" aussi est un
événement qui dépasse le texte, qui a été reçu et qui produit une pensée et
une pratique.
Benoît XVI a simplement écrit tout cela noir sur blanc. Il a décrit
et critiqué l’"esprit" de l’école de Bologne.
Paradoxalement, "Cristianesimo nella storia", pour lui répondre, se
focalise sur la "lettre".
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Repères :
Mgr Agostino Marchetto est à nouveau intervenu
récemment contre l’interprétation du Concile Vatican II par l’école de
Bologne. Son discours est reproduit intégralement dans cet article :
Lectures herméneutiques du Concile Œcuménique
Le discours que Benoît XVI a prononcé devant la
curie le 22 décembre 2005 à propos des
interprétations du Concile Vatican II
:
Benoît XVI
Sources: www.vatican.va
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 11.12.2007 - BENOÎT XVI
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