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Pape Léon : dans l’attente des faits. Sur la Curie romaine, le synode et la
guerre juste
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Le 28 mai 2025 -
E.S.M.
- La nomination de la part de Léon XIV d’une simple baptisée à une
fonction-clé de la Curie romaine a été accueille par les médias comme un pas
supplémentaire vers la modernisation du gouvernement de l’Église. Mais ce
serait négliger totalement une question capitale connexe, déjà débattue au
Concile Vatican II mais restée sans solution claire.
S.M.
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Léon XIV -
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Pape Léon : dans l’attente des faits. Sur la Curie romaine, le synode et la
guerre « juste »
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Le 28 mai 2025 -
E.S.M. -
Dans les réunions de pré-conclave, on a beaucoup discuté pour savoir s’il
fallait poursuivre ou non les processus entamés par le Pape François
concernant le gouvernement de l’Église. Et tout le monde est dans l’attente
de voir ce que décidera le nouveau pape.
La Curie vaticane fait partie de
ces chantiers de transformation restés inachevés. Et c’est là que le pape
Léon (photo, sur la cathèdre de la basilique Saint-Jean-de-Latran) a donné
un premier signal de continuité en
nommant, le 22 mai, une femme comme secrétaire du Dicastère pour les
instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, ce même
dicastère à la tête duquel le Pape François avait
installé une autre sœur comme préfète le 6 janvier dernier, Simona
Brambilla, toutefois flanquée d’un cardinal-gardien, l’espagnol Ángel
Fernández Artime, affublé du titre anormal de pro-préfet.
La nomination de la part de Léon XIV d’une simple baptisée à une
fonction-clé de la Curie romaine a été accueille par les médias comme un pas
supplémentaire vers la modernisation du gouvernement de l’Église. Mais ce
serait négliger totalement une question capitale connexe, déjà débattue au
Concile Vatican II mais restée sans solution claire.
C’est le cardinal Stella, un vénérable octogénaire, qui a mis le feu aux
poudres aux réunions de pré-conclave, avec une intervention qui a fait
grand bruit par la sévérité des critiques adressées au Pape François.
Le cardinal Stella, un diplomate au long cours expert en droit canon,
figurait parmi les préférés de Jorge Mario Bergoglio en début de pontificat
avant qu’il ne le mette à l’écart en raison de l’incompatibilité évidente de
leurs visions respectives.
Or, le cardinal Stella a non seulement contesté l’absolutisme monarchique
avec lequel François avait gouverné l’Église, en violant systématiquement
les droits fondamentaux de la personne et en modifiant selon son beau
plaisir et de manière désordonnée les normes du droit canon. Mais il lui a
également reproché d’avoir voulu séparer les pouvoirs d’ordre, c’est-à-dire
ceux qui découlent du sacrement de l’ordination épiscopale, des pouvoir de
juridiction, c’est-à-dire ceux qui sont conférés par une autorité
supérieure, en optant pour les seconds afin de pouvoir nommer également de
simples baptisés, hommes et femmes, à la tête de fonctions-clés de la Curie
vaticane et donc du gouvernement de l’Église universelle, sur simple mandat
du pape.
En réalité, cette façon de faire, bien loin d’être un signe de
modernisation constituait, au jugement du cardinal Stella et de nombreux
experts en droit canon, un retour en arrière à une pratique discutable
typique du Moyen-Âge et des Temps modernes, où il était fréquent qu’un pape
confère à des abbesses des pouvoirs de gouvernement pareils à ceux d’un
évêque, ou confie la charge d’un diocèse à un cardinal qui n’avait été
ordonné ni évêque ni prêtre.
En remontant un peu plus loin dans le temps, ces formes de transmission
du pouvoir déconnectées du sacrement de l’ordre étaient totalement inconnues
au premier millénaire. Et c’est précisément à cette tradition des origines
que le Concile Vatican II a voulu revenir, dans la constitution dogmatique
sur l’Église « Lumen
Gentium », en reprenant conscience de la nature sacramentelle, avant
d’être juridictionnelle, de l’épiscopat et des pouvoir qui y son liés, non
seulement ceux de sanctifier et d’enseigner, mais également celui de
gouverner.
Lors du Concile, seuls 300 Pères sur environ 3000 ont voté contre cette
réforme. Mais avec le remodelage de la Curie entrepris par le Pape François,
ce sont les opposants de l’époque qui sortent aujourd’hui gagnants. Et ce
n’est pas un hasard si cela leur a valu les critiques des théologiens les
plus progressistes et « conciliaires », comme l’a fait récemment le cardinal
Walter Kasper.
Il n’est donc pas étonnant que les critiques du cardinal Stella aient
suscité une vague de réaction chez les défenseurs du pape François, dont
certains, sous couvert d’anonymat, n’ont pas hésité à crier à la
« trahison ».
Avec la nomination de sœur Merletti comme secrétaire du Dicastère pour
les religieux, le Pape Léon, lui aussi très compétent en droit canon, a
montré qu’il ne voulait pas se détacher, sur cette question controversée, de
l’option adoptée par son prédécesseur.
Étant entendu que Léon n’entend nullement répliquer l’absolutisme
monarchique effréné avec lequel François a gouverné l’Église, comme il a
d’ailleurs tenu à en faire la promesse dans
l’homélie de la messe inaugurale de son pontificat : « sans jamais céder
à la tentation d’être un meneur solitaire ou un chef placé au-dessus des
autres, se faisant maître des personnes qui lui sont confiées ».
*
Une autre « terra incognita » où l’on attend le Pape Léon concerne
précisément celui d’un gouvernement de l’Église non plus monarchique à
outrance mais collégial, synodal, conciliaire.
Là encore, le Pape François a agi de façon contradictoire, avec un
torrent de paroles et un synode non-concluant et inachevé pour soutenir la
« synodalité », mais dans les faits avec un exercice ultra-solitaire du
pouvoir de gouvernement.
En particulier, dans les réunions de pré-conclave, on avait exhorté de
toutes parts le futur pape à restituer aux cardinaux le rôle de conseil
collégial du successeur de Pierre qui est le leur et que le Pape François
avait complètement supprimé en ne convoquant plus aucun consistoire à
proprement parler à partir de celui de février 2014 qui lui avait déplu, sur
la question controversée de la communion aux divorcés remariés.
Mais c’est surtout sur l’avenir du synode des évêques que le pape Léon
est attendu au tournant.
Lors les réunions de pré-conclave, plusieurs critiques ont été soulevées
concernant le processus de transformation du synode mis en œuvre par le Pape
François. C’est surtout l’intervention
argumentée – et publiée par lui en italien et en anglais — du cardinal
chinois Joseph Zen Zekiun, 93 ans, selon lequel le changement de nature
imprimé au synode des évêques « risque de se rapprocher de la pratique
anglicane », et qu’il reviendrait donc au futur pape « de permettre à ce
processus synodal de se poursuivre ou bien de décider d’y mettre un terme »,
parce qu’« il s’agit d’une question de vie ou de mort de l’Église fondée par
Jésus ».
Et l’équipe dirigeante du synode a déjà commencé à mettre la pression sur
Léon XIV en réalisant, pendant les derniers jours de vie de François, un
agenda détaillé de la poursuite du synode, étape par étape, jusqu’à octobre
2028 et à une « assemblée ecclésiale » conclusive sans plus de précision.
Cet agenda a été publié le 15 mars avec une
lettre adressée à tous les évêques, signée par le cardinal Mario Grech,
le secrétaire général du synode, présentée comme « approuvée par le Pape
François » qui, à cette période, était hospitalisé dans un état très grave à
la Polyclinique Gemelli.
Et quatre jours après l’élection de Robert F. Prevost, une
seconde lettre, cette fois signée également par les deux
sous-secrétaires du synode, sœur Nathalie Becquart et l’augustinien Luis
Marín de San Martín, a été adressée au nouveau pape avec l’intention non
dissimulée de l’inciter à poursuivre le chemin entrepris.
Mais il n’est pas dit que le Pape Léon – qui a reçu en audience le
cardinal Grech le 26 mars – sera lié par cet agenda prévu d’avance, avec
l’aval de son prédécesseur, par le groupe dirigeant du synode inachevé sur
la synodalité.
Il est au contraire possible qu’il décide de conclure de synode dans des
délais plus brefs, en optant pour une forme de synodalité plus conforme à
celle que Paul VI avait établie au lendemain du Concile Vatican II et qui
soit cohérente avec la structure hiérarchique de l’Église.
Ceci afin de permettre de revenir à la dynamique naturelle des synodes,
qui est celle d’aborder et de résoudre à chaque fois une question
spécifique, choisie pour sa pertinence sur la vie de l’Église.
Le 14 et le 15 mais, l’Université pontificale grégorienne a hébergé une
importante
conférence sur le thème : « Vers une théologie de l’espérance pour et
par l’Ukraine », dans laquelle une demande de ce genre a été adressée à Léon
XIV : celle de convoquer « un synode extraordinaire des évêques pour
éclaircir les questions doctrinale ambiguës et ambivalentes de la guerre et
de la paix ».
C’est le cardinal Secrétaire d’État Pietro Parolin et l’archevêque majeur
de l’Église grecque catholique d’Ukraine, Sviatoslav Chevchouk qui ont été
chargé d’introduire la conférence. Mais c’est le principal conférencier, le
professeur Myroslav Marynovych, qui préside l’Institut « Religion et
société » de l’Université catholique ukrainienne de Lviv, qui a explicité la
demande au pape Léon XIV d’organiser un synode qui fasse la clarté sur ce
thème crucial.
Depuis saint Augustin, la doctrine sociale de l’Église a toujours admis
que l’on puisse mener une guerre « juste », à des conditions bien précises.
Mais tout le monde se rend bien compte aujourd’hui que cette question est
en proie à la confusion au nom d’un pacifisme généralisé et capitulard mais
aussi à cause du Pape François et de ses invectives incessantes contre
toutes les formes de guerre, qu’il rejetait en bloc et sans exception
(malgré qu’il ait rarement admis du bout des lèvres le bien-fondé d’une
guerre défensive).
Le
discours qu’il a adressé le 17 mai à la Fondation « Centesimus annus » a
démontré que Léon XIV était très sensible à la nécessité d’une mise à jour
constante de la doctrine sociale de l’Église : une doctrine sociale – a‑t-il
déclaré – qui ne doit pas être imposée comme une vérité indiscutable mais
élaborée avec un jugement critique et une recherche multidisciplinaire, en
confrontant sereinement « des hypothèses, des opinions, avec des pas en
avants et des insuccès », à travers lesquels on pourra parvenir à « une
connaissance fiable, ordonnée et systématique, sur une question
déterminée ».
La guerre et la paix constituent une matière dramatiquement actuelle pour
une confrontation de ce genre, dans l’Église d’aujourd’hui. Et qui sait si
le Pape Léon n’y consacrera pas vraiment un synode.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 28.05.2025
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