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Peut-il y avoir une autre sainteté que l'imitation du Christ ?
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Le 24 mai 2025 -
E.S.M.
- Peut-il y avoir une autre sainteté que
l'imitation du Christ, dans l'humble patience de la vie
quotidienne, et un autre temps sacré que celui passé à
aimer son prochain, chaque fois que les hasards
providentiels de notre vie l'exigent ?
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- " Jésus, j’ai confiance en Vous"
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Le 24 mai 2025 -
E.S.M. - Dans l'univers de la foi chrétienne, peut-on encore parler
d'espaces sacrés et de temps sacrés, puisque la dimension cosmique
de la liturgie chrétienne embrasse et rend sacré à nos yeux
l'ensemble du ciel et de la terre ? L'épître aux Hébreux souligne
que le Christ a souffert « hors de la porte » et ajoute : Par
conséquent pour aller à lui sortons en dehors du camp, en portant
son opprobre (13, 13). Si le monde entier est maintenant son
sanctuaire, la sainteté ne se réalise-t-elle pas simplement dans la
façon droite de vivre chaque instant ? Notre culte ne consiste-t-il
pas à devenir des sources d'amour, à devenir semblables à Dieu, et
capables ainsi du véritable sacrifice ?
Peut-il y avoir une autre sainteté que l'imitation du Christ,
dans l'humble patience de la vie quotidienne, et un autre temps
sacré que celui passé à aimer son prochain,
chaque fois que les
hasards providentiels de notre vie l'exigent ?
Poser ces questions, c'est toucher à un aspect central de la
conception chrétienne du culte et de l'adoration. Mais en même temps
c'est ignorer les limites imposées par notre existence dans le
monde; c'est oublier le « pas encore », l'aspect transitoire de la
vie chrétienne, c'est admettre que le nouveau ciel et la nouvelle
terre sont déjà présents. L'avènement du Christ, la croissance de
l'Église au milieu de tous les peuples, le passage du sacrifice du
Temple au culte universel « en esprit et en vérité », tout cela
représente un premier pas important vers l'accomplissement des
promesses de l'Ancien Testament. Mais, à l'évidence, l'objet de
l'espérance n'est pas complètement atteint. La Nouvelle Jérusalem
n'a sans doute plus besoin de Temple, puisque le Seigneur, le
Maître-de-tout, est son temple, ainsi que l'Agneau. Elle peut se
passer de l'éclat du soleil et de celui de la lune, car la gloire de
Dieu l'illumine et l'Agneau lui tient lieu de flambeau. (Ap 21,
22 ss.) - mais tout cela n'est pas encore advenu. C'est pourquoi les
Pères n'ont pas décrit ce processus comme une transition directe de
l'Ancien au Nouveau Testament, mais comme un mouvement en trois
étapes: ombre, image, réalité.
Dans l'Église du Nouveau Testament, l'ombre fait place à
l'image : La nuit est avancée, le jour est tout proche (Rm
13, 12); c'est encore le moment de l'aube où, pour citer
saint Grégoire le Grand, « obscurité et clarté se confondent ».
Le soleil apparaît à l'horizon, mais il ne s'est pas encore levé. En
cela le temps du Nouveau Testament constitue un étrange « entre-deux
», où le « déjà » et le « pas encore » se rencontrent, où les
conditions empiriques de ce monde prévalent tout en s'effritant - un
processus nécessaire pour nous conduire à la réalité définitive,
déjà inaugurée dans le Christ.
Cette conception néotestamentaire d'un temps intermédiaire,
d'une image entre ombre et réalité, a donné sa forme spécifique à la
théologie de la liturgie chrétienne. Pour rendre compte de cette
forme particulière, il importe de la mettre en rapport avec les
trois plans constitutifs du culte chrétien. Le plan médian, qui nous
est familier, est le plan liturgique proprement dit. Ce sont les
paroles et les actes de Jésus pendant la Cène, qui constituent le
noyau de la célébration liturgique ; ils sont au cœur de la prière
eucharistique, qui se termine, après le récit de l'institution et la
consécration, par la distribution des espèces consacrées. Pour le
reste, la liturgie s'est développée à partir d'une synthèse du culte
divin dans la synagogue et dans le Temple -les actions
sacrificielles du Temple ayant été remplacées par la Prière
eucharistique. Ce plan liturgique n'existe toutefois qu'en relation
avec un autre plan, il n'a de sens que par rapport à quelque chose
qui a lieu in re, à un degré de réalité plus « substantiellement
réel ». Sans cette relation, le plan liturgique n'aurait pas de
contenu, telle une monnaie sans couverture. Si le Seigneur nous
donne son corps, c'est qu'il l'a réellement « livré »; s'il
nous offre son sang dans la nouvelle coupe, ce sang versé pour la
multitude, c'est qu'il l'a réellement versé. Ce corps n'a rien de la
dépouille inerte d'un trépassé, et ce sang n'est pas une substance
dont la vie se serait retirée. Si le sacrifice est devenu don, c'est
que ce corps livré par amour, ce sang versé par amour sont entrés,
grâce à la résurrection, dans l'éternité de l'amour, plus fort que
la mort. Sans la croix et la résurrection, le culte chrétien est nul
et sans effet. Une théologie de la liturgie qui laisserait de côté
cette relation essentielle n'évoquerait qu'un jeu
d'ombres.
Cette réalité fondamentale de la liturgie chrétienne nous permet de
comprendre l'importance d'un autre rapport. La crucifixion du
Christ, la mort sur la croix et, d'une autre manière, la
résurrection sont des événements historiques uniques qui, en tant
que tels, appartiennent au passé. On peut leur appliquer, au sens
strict, le mot « semel » (ephapax en grec) - l' « une fois pour toutes
» que l'épître aux Hébreux oppose si nettement aux multiples
sacrifices de l'Ancienne Alliance, constamment renouvelés.
Pourtant,
dans le cas de la croix et de la résurrection, « une fois pour
toutes » ne signifie pas « passé ». S'il ne s'agissait que de faits
du passé, comme ceux que relatent les manuels d'histoire, il nous
serait impossible de faire l'expérience de leur " actualité " dans la
liturgie, ils resteraient définitivement hors d'atteinte.
Il faut souligner que l'acte extérieur de la crucifixion, qui se
situe dans le temps, est soutenu par l'acte intérieur du don de soi,
dont la relation au temps est plus complexe. « Personne ne peut
m'enlever la vie, je la donne de moi-même », dit en substance le
Seigneur, dans l'évangile de saint Jean (10, 18). Par le fait de son
obéissance, pour reprendre la formule magistrale de
Saint Maxime le Confesseur,
la volonté humaine de Jésus est plongée dans le « oui »
éternel du Fils au Père. Le don de soi, à travers la passivité de
l'état de crucifié, absorbe dans l'agir de l'amour la passion de la
condition humaine dans toutes ses dimensions : corps, âme, esprit,
logos. Et de même que la douleur corporelle se trouve entraînée dans
le « pathos » de l'esprit et devient le oui de l'obéissance, de même
le temps est absorbé dans ce qui dépasse le temps. L'acte intérieur,
qui ne serait pas sans l'acte extérieur,
transcende le temps; toutefois, du fait même qu'il se situe dans la
temporalité, il reste lié au temps.
Pour
Bernard de Clairvaux, « semel » (une fois pour toutes) équivaut
à «semper» (toujours). L'épître aux Hébreux met tout
particulièrement l'accent sur l'«une fois pour toutes», sur
l'unicité des événements du salut ; pourtant une lecture attentive
montre bien que son sens véritable découle du lien entre Yephapax
(une fois pour toutes) et Vaionios (le perpétuel), mis en évidence
par saint Bernard, qui donne lieu à l'« aujourd'hui » qui embrasse la
totalité du temps de l'Église. C'est dans cet « aujourd'hui
» que la
liturgie chrétienne nous rend contemporains les événements qui
forment son fondement ; et c'est là le véritable centre et la
grandeur de la célébration de l'Eucharistie, qui est, faut-il le
répéter, bien davantage qu'un repas.
Mais revenons à notre point de départ et aux deux plans évoqués plus
haut: l'un, constitué par l'événement fondateur du culte chrétien,
et l'autre, le plan proprement liturgique, dans lequel est
réactualisé cet événement. J'ai tenté de montrer comment les deux
plans s'articulent. Or, si le passé et le présent s'interpénétrent,
si cet « une fois pour toutes » du mystère du Christ n'est pas un
événement passé mais la force qui anime les « présents » successifs,
l'avenir, lui aussi, doit nous être rendu présent dans la
célébration liturgique de ce mystère qui, à ce titre, doit être
également considéré comme une anticipation du monde à venir. On
pense ici à l'Eschaton, au Christ du second avènement. Nous y
reviendrons. Examinons maintenant une autre dimension de la
liturgie. Dans le culte chrétien, le sacrifice ne repose plus sur
une substitution. Il actualise, il rend présent le sacrifice du
Christ sur la croix. Précisons le sens de cette distinction qui nous
concerne intimement. À la messe, il n'est plus question de sacrifier
un animal ou un objet qui nous resterait étranger. La liturgie
repose sur la passion soufferte pour nous par un homme qui, par son
« moi » humain, entre dans le mystère du Dieu vivant - par un homme
qui est en même temps le « Fils ». Le sacrifice du Christ ne peut
donc être assimilé à un simple rite extérieur comme celui du Grand
Prêtre dans le Temple de Jérusalem. Cet acte, posé à un moment donné
du temps,
englobe en réalité toute la durée du temps - passé, présent et
avenir ; de même, le sujet de cet acte, le Christ, englobe tous ceux
pour qui II donne sa vie. Cette actualisation du sacrifice non
seulement ne nous est pas extérieure, mais elle nous transforme au
plus profond de nous-mêmes. La Pâque du Christ, dont la liturgie de
l'Église nous rend contemporains, a ainsi également une dimension
anthropologique. La célébration n'est pas qu'un rite extérieur, un
jeu liturgique ; en tant que logike latreia, elle a pour but de
conformer mon existence à celle du Logos et fait se rejoindre mon
offrande intérieure avec celle du Christ. Cette offrande est dès
lors mon offrande; je suis présent à la Pâque du Christ, et cette
contemporanéité a pour fin de me conduire de l'image à la parfaite
ressemblance avec Dieu.1
Redisons-le, la liturgie touche aussi à notre vie quotidienne. Elle
vise, pour citer saint Paul encore une fois, à faire de « nos corps
» (notre existence physique) des « hosties vivantes », en union avec
le « sacrifice du Christ » (Rm 12, 1). C'est la raison d'être des
prières de supplication qui caractérisent la liturgie chrétienne.
Une théologie insensible aux rapports que nous venons d'analyser ne
pourrait voir dans ces prières qu'un paradoxe ou une rechute dans le pré-chrétien, puisque le sacrifice du Christ, bien évidemment, est
accepté depuis longtemps. Sans doute, mais dans la mesure où ce
sacrifice nous comprend, il n'est pas encore parvenu à son
achèvement. Le semel (une fois pour toutes) doit atteindre son
semper (toujours). Le sacrifice ne sera achevé qu'au moment où le
monde sera devenu ce lieu d'amour, décrit par
saint Augustin dans
La Cité
de Dieu. Alors seulement, comme nous l'évoquions au début de ce
livre, le culte sera l'accomplissement parfait de ce qui s'est
déroulé au Golgotha. C'est pour cela que nous demandons, dans les
prières de supplication, que notre temps, celui de l'«image», touche
à la «réalité» qu'il préfigure. C'est pour cela aassi que, dans les
prières du canon romain, nous nous unissons aux grands
sacrificateurs du temps des «ombres»; Abel,
Melchisédech, Abraham. En chemin vers le Christ à venir, ils en
étaient des figures ou, comme disent les Pères, des typoi. Ainsi
même ceux qui précédèrent le Christ touchèrent à cette « réalité »,
en vivant de cette contemporanéité avec le Christ que nous implorons
pour nous.
On pourrait dire que cette troisième dimension de la liturgie - la
tension entre le sacrifice du Christ et notre parfaite conformité
avec lui (Ga 3, 18, 28) - exprime l'exigence morale du culte
chrétien. Ce dernier comporte certes une exigence morale, mais qui
n'a rien à voir avec le moralisme. Le Seigneur nous a précédés. Il a
ouvert la voie. Il a déjà fait ce que nous devions - mais ne
pouvions faire par nos propres forces : construire un pont vers
Dieu. Il est devenu lui-même ce pont. Et maintenant il s'agit de le
suivre, de nous laisser emporter dans son étreinte qui nous élève.
Lui, le Saint, nous sanctifie de cette sainteté que nous serions à
jamais incapables de nous procurer par nous-mêmes. Nous sommes pris
dans le grand processus historique qui mène le monde vers
l'accomplissement de la promesse: « Dieu tout en tous ». En ce sens,
ce qui apparaît d'abord comme la dimension morale de la liturgie en
est également la dynamique eschatolo-gique. La « plénitude » du
Christ, dont parle saint Paul dans les épîtres de sa captivité,
devient réalité. La Pâque du Christ s'accomplit à travers
l'histoire, l'« aujourd'hui» du Christ dure jusqu'à la fin des temps
(He 4, 7 ss).
Dans ce chapitre, nous avons rencontré par deux fois, dans des
domaines différents, une structure à trois degrés. La liturgie se
caractérise par cette tension inhérente à la Pâque historique de
Jésus (croix et résurrection), qui en constitue le fondement
(premier degré). Dans le caractère unique du mystère pascal a pris
forme ce « perpétuel » qui, par l'action liturgique, entre dans
notre présent (deuxième degré), pour ensuite saisir la vie des
fidèles et finalement la réalité historique tout entière (troisième
degré). La liturgie n'a de sens pour notre vie que si elle comprend
ces deux autres dimensions. Alors, passé, présent et avenir,
s'interpénétrant, touchent l'éternité.
Nous
avons évoqué plus haut les trois étapes de l'Histoire sacrée
qui, dans la formulation des Pères, va de l'ombre à l'image, puis à
la réalité. Nous avons vu que dans notre éon (NDLR
éon, est originellement le premier niveau de subdivision
géochronologique de l'histoire de la Terre, divisée en quatre éons), le temps de l'Eglise,
nous nous trouvions au stade médian de la progression historique.
Grâce à l'union de Jésus, et par lui de tous les hommes, avec le
Dieu vivant, le rideau du Temple s'est déchiré, le ciel s'est
ouvert. Toutefois cette ouverture ne nous est accessible qu'à
travers les signes du salut : nous avons besoin de médiation, nous
ne voyons pas encore le Seigneur « tel qu'il est ». Si nous
superposons maintenant ces deux schémas en trois étapes,
l'historique et le liturgique, nous constatons que la liturgie
reflète très exactement l'histoire : elle exprime « l'entre-deux »
du stade de l'image qui est le nôtre. La théologie de la liturgie
est donc, de façon particulière, « symbolique », elle contient les
symboles qui nous relient à ce qui est à la fois présent et caché.
Nous voici finalement en position de répondre à notre question
initiale : "Maintenant que le rideau du Temple est déchiré, que le
cœur de Dieu s'est montré à nous dans le cœur ouvert du Crucifié,
avons-nous encore besoin d'un lieu sacré, d'un temps sacré, de
signes médiateurs?" Oui, précisément pour que nous apprenions par
« l'image », par le signe, à voir les cieux entrouverts, et à
reconnaître le mystère de Dieu dans le cœur ouvert du Crucifié. La
liturgie chrétienne, répétons-le, n'est plus un culte de
substitution; elle nous porte vers Celui qui vient sans cesse à
notre rencontre ; elle nous donne accès à la liturgie céleste, mais
par la médiation des signes terrestres que le Rédempteur nous a
donnés comme gages du monde à venir.
La liturgie accomplit le renversement de Vexitus au reditus,
(N.D.L.R. : retour, repentir et constitution de soi),
de la
dispersion au recueillement, de la descente de Dieu à notre
ascension. Grâce à elle, le temps terrestre entre dans le présent du
Christ. Elle est le grand tournant dans le processus de la
rédemption. Le berger prend la brebis perdue sur ses épaules et la
ramène à la maison.
1 C'est pourquoi l'Église primitive voyait dans le martyre
l'équivalent de l'Eucharistie, comme une façon extrême d'actualiser
le sacrifice du Christ.
1) La liturgie fait déjà briller la lumière du ciel sur la terre.
2) Création, histoire et culte se trouvent liés
3)
L'existence créée n'est pas négative en soi, elle n'est pas le résultat de la
chute
4) La paix de l'univers par la réconciliation avec Dieu
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Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit
XVI-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 21.05.2025
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