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L'heure de Jésus nous revient, d'année en année
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Le 01 juillet 2025 -
E.S.M.
- L'« heure » de Jésus nous revient, d'année en
année, dans l'unité d'un temps déterminé par le cosmos
et par l'histoire. C'est pourquoi les dates des grandes
fêtes chrétiennes ne sont pas interchangeables à
volonté. Le calendrier liturgique nous fait participer
au rythme de la Création, qui est aussi celui de
l'économie divine.
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Le Jugement dernier dans
l'interprétation de Fra Angelico, Armadio degli Argenti -
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1) La liturgie fait déjà briller la lumière du ciel sur la terre.
2) Création, histoire et culte se trouvent liés
3)
L'existence créée n'est pas négative en soi, elle n'est pas le résultat de la
chute
4) La paix de l'univers par la réconciliation avec Dieu
5) Peut-il y avoir une autre sainteté que l'imitation du Christ ?
6 ) Le temps et l'éternité coexistent dans le Fils
6b)
L'« heure » de Jésus nous revient, d'année en année
C'est donc dans la lumière de Pâques que les chrétiens se
reconnaissent «vivants», tels des hommes sortis d'une existence plus
proche de la mort que de la vie: « La vie éternelle, c'est qu'ils te
connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé,
Jésus-Christ » (Jn 17, 3). La libération de la mort est en même temps libération de la prison de
l'individualisme, de la geôle du moi, de l'incapacité d'aimer et de
faire don de soi-même. À Pâques, l'homme accomplit en quelque sorte
son passage de la mer Rouge, se dépouille du vieil homme pour entrer
en communion avec le Christ ressuscité et, en Lui, en communion avec
tous ceux qui lui appartiennent. Le grain de blé tombe mais ne
demeure pas seul et porte beaucoup de fruit, dit l'Évangile. Dans la
résurrection du Christ, c'est toute l'humanité qui se relève. Le
symbole de la Pâque juive passe dans la Pâque chrétienne: la
résurrection crée le nouveau peuple de Dieu, crée la nouvelle et
universelle communauté des hommes. Et ce passage, encore une fois,
n'est pas le mémorial d'un événement passé, non renouvelable : l'«
une fois pour toutes » devient « pour toujours ». Le Ressuscité vit
et donne la vie, vit et crée la communauté, vit et ouvre l'avenir,
vit et montre le chemin.
Cosmos et histoire se répondent dans la célébration des mystères du
salut : la lune qui diminue, disparaît puis croît à nouveau, devient
le signe de la mort et de la résurrection, le soleil, auquel était
dédié le premier jour de la semaine, annonce la résurrection du
Christ tel un époux qui sort de son pavillon, se réjouit,
vaillant, de courir sa carrière (Ps 19 [18], 6 ss). L'« heure » de Jésus nous
revient, d'année en année, dans l'unité d'un temps déterminé par le
cosmos et par l'histoire. C'est pourquoi les dates des grandes fêtes
chrétiennes ne sont pas interchangeables à volonté. Le calendrier
liturgique nous fait participer au rythme de la Création, qui est
aussi celui de l'économie divine.
Ce calendrier est-il pour autant universel ? Je répondrai brièvement
à cette question avant d'aborder le cycle de Noël. La symbolique
cosmique des fêtes liturgiques ne s'applique avec exactitude que
dans la zone de la Méditerranée et du Proche Orient, berceau des
religions juive et chrétienne, et vaut plus ou moins pour tout
l'hémisphère nord. Mais dans l'hémisphère sud tout est inversé :
Pâques se situe en automne et Noël ne correspond pas au solstice
d'hiver mais tombe au milieu de l'été. Si le symbolisme cosmique est
d'une telle importance, ne faudrait-il pas inverser le calendrier
des fêtes dans ces régions? G. Voss a répondu avec pertinence que ce
serait réduire le mystère du
Christ et le placer au niveau d'une religion cosmique ; ce serait
subordonner l'histoire au cosmos. Or ce n'est pas l'historique qui
est subordonné au cosmique, mais l'inverse. C'est dans l'histoire
que le cosmos trouve son centre et sa finalité. La foi chrétienne
est reliée à un moment historique précis : celui de l'incarnation,
origine du christianisme, qui lui confère à la fois son universalité
et sa contingence. C'est là ce qui nous garde de poursuivre des
mythes, ce qui nous garantit aussi que Dieu, parce qu'il a assumé la
temporalité, nous fait vraiment passer, grâce à l'«
une fois pour
toutes », au « pour toujours » de la miséricorde. Toute acculturation
liturgique doit donc nécessairement prendre en compte l'ampleur à la
fois cosmique et historique du symbolisme de la foi chrétienne,
ancré dans les actes de Dieu.
Voss
a évoqué de très belle façon l'aspect « automnal » du mystère
de Pâques. Cet aspect, qui pourrait donner sa coloration
particulière à cette fête dans l'hémisphère sud, est déjà compris
dans la symbolique de la Passion. L'évangile de Jean et l'épître aux
Hébreux, nous l'avons relevé, relient la Passion du Christ non
seulement à la fête de la Pâque, son « heure », mais aussi à celle
du Grand Pardon, célébrée le dixième jour du septième mois,
c'est-à-dire entre septembre et octobre, faisant en quelque sorte
coïncider dans la Pâque de Jésus, Pessah au printemps et Kippour en
automne. Ainsi les symboliques respectives du printemps et de
l'automne se croisent dans la liturgie: l'automne annonce le
renouveau ; le printemps, où prend place la mort de Jésus, désigne
la fin des temps, l'« automne du monde », qui est le temps pendant
lequel, disent les Pères, le Christ a habité parmi nous.
Le calendrier liturgique utilisé avant les réformes
postconciliaires connaissait un étrange enchevêtrement des temps.
Selon la date à laquelle tombait Pâques, il fallait adapter l'année
liturgique au raccourcissement ou à l'allongement du temps qui
suivait l'Epiphanie. Pour ce faire, plusieurs « dimanches après
l'Epiphanie » étaient renvoyés à la fin de l'année liturgique pour
compléter le nombre de semaines qui précédaient le premier dimanche
de l'Avent. Le sens de ce mécanisme liturgique, en apparence
complexe, était incompris depuis longtemps et perçu de façon bien
trop superficielle. Si l'on se
penche attentivement sur les textes des lectures de ces
dimanches-là, on s'apercevra qu'ils traitent en grande partie des
semailles, devenues dans l'Évangile la parabole des semences
répandues à travers le monde. Pour cette raison, ces textes, ainsi
que les dimanches qui leur correspondent, peuvent trouver leur place
aussi bien au printemps qu'en automne, qui tous deux sont des temps
de semailles. Au printemps le fermier sème pour l'automne, et en
automne pour l'année suivante. Les semailles pointent toujours vers
l'avenir, elles appartiennent autant à l'année qui croît qu'à celle
qui s'achève. Dans les deux cas nous nous trouvons en présence d'un
mystère d'espérance, encore plus marqué dans l'année qui s'achève,
puisque celle-ci, au-delà du déclin, conduit à un nouveau
commencement. Ce serait faire œuvre d'acculturation que de
développer ces aspects du mystère dans la conscience des chrétiens
des deux hémisphères - le sud aidant le nord à transformer son
regard, pour redécouvrir toute la richesse du mystère de Pâques.
Considérons maintenant brièvement le deuxième centre de gravité de
l'année liturgique, le cycle de Noël, dont le développement est plus
tardif que celui de Pâques. Pâques est le point focal du Nouveau
Testament, à partir duquel le regard des évangélistes remonte vers
la naissance du Christ. L'évangile de Jean, synthèse finale de la
toi néotestamentaire, accorde à la théologie de l'incarnation le
même rang qu'à la théologie de la Passion, qui constituent
maintenant les pôles inséparables de la foi en Jésus-Christ, Fils de
Dieu, Sauveur. La croix et la résurrection, en effet, présupposent
l'incarnation. Parce que le Fils de Dieu est réellement « descendu
», s'est réellement incarné dans la Vierge Marie, la mort et la
résurrection de Jésus peuvent toucher cette « chair », c'est-à-dire
notre existence terrestre et éphémère, et lui conférer le don de
l'immortalité à travers la transformation pascale. Après Pâques, le
mystère de l'incarnation devait donc lui aussi trouver son
expression liturgique et sa place dans le cycle du temps sacré.
La fête de Noël a pris sa forme définitive au III siècle, en même
temps que la fête de l'Epiphanie en Orient, fixée au 6 janvier.
Au-delà des contextes religieux et culturels dans lesquels prirent
naissance
ces deux fêtes, et qui expliquent leurs accentuations particulières,
la vision symbolique est la même : il s'agit de célébrer le lever du
véritable soleil de l'histoire, nouvelle lumière du monde. Passons
sur les détails compliqués et controversés qui entourèrent la
formation de ces deux fêtes et arrêtons-nous sur la signification de
Noël et de l'Epiphanie dans l'année liturgique. L'Église ancienne
fixa la date de la fête de la nativité de Jésus par rapport au 25
mars, jour anniversaire de la mort du Christ. Tertullien le premier
en fait écho au II siècle, ce qui implique qu'il était déjà de
tradition de dater - et donc de célébrer - au 25 mars la mort du
Christ. En Gaule, cette tradition perdura jusqu'au VIe siècle. Dans
un document de 243, également en provenance d'Afrique, la date de la
naissance du Christ est déterminée au moyen d'un calcul qui met en
relation la nativité avec le 25 mars, considéré par la tradition
juive comme le premier jour de la création. Or, comme la Genèse
fixait la création du soleil au quatrième jour, c'est-à-dire le 28
mars, ce jour devint symboliquement celui de la naissance du Christ,
soleil de la nouvelle Création. Progressivement le 25 mars fut lié à
l'Annonciation et à la conception du Seigneur dans le sein de Marie.
À la fin du III siècle, la date de la fête de la Nativité était
définitivement fixée: le 25 décembre en Occident, et le 6 janvier en
Orient, sans doute en raison d'une différence de calendrier
(peut-être aussi en réponse à une fête en l'honneur de la naissance
de divinités mythiques, célébrée à Alexandrie ce jour-là). On a
parfois avancé que la date du 25 décembre aurait été établie à Rome
par opposition au mythe de Mithra, ou comme une réponse chrétienne
au culte du Sol invictus,(le soleil invaincu) promu au III siècle par des empereurs
romains désireux d'instaurer une nouvelle religion impériale. Ces
vieilles théories ne tiennent plus aujourd'hui. Comme la date de
Pâques, la date de Noël fut fixée au 25 décembre pour des raisons à
la fois historiques et cosmiques. Dans les deux cas, ces dates
intégraient un élément cosmique, que les chrétiens interprétèrent
comme une préfiguration du Christ, premier-né de la Création
(Col 1,
15). L'incarnation confère son sens à l'histoire. Le Christ nous
donne l'assurance que l'aventure
de la Création ne se terminera pas dans l'absurde et la tragédie, en
dépit de tous les bouleversements et de toutes les destructions
provoquées par les hommes. La venue du Verbe dans le monde confirme,
en la scellant, la parole prononcée par Dieu le septième jour de sa
création : Et Dieu vit que cela était très bon.
Cette dimension cosmique permit, après l'avoir combattu, d'intégrer
le culte du soleil dans la théologie liturgique des fêtes
chrétiennes. Les Pères ont écrit des textes magnifiques à ce propos,
notamment
saint Jérôme, dans un sermon de Noël : « Même la créature
donne raison à notre sermon. L'univers est témoin de la vérité de
notre parole. Jusqu'à ce jour les jours obscurs croissent, mais à
partir de ce jour, l'obscurité décroît. La lumière avance, la nuit
recule ». De même
saint Augustin, dans une homélie prêchée à Hippone
le jour de Noël: « Réjouissons-nous aussi, mes frères, que les païens
jubilent tant qu'ils veulent: car ce jour nous ne le consacrons pas
au soleil visible mais à son créateur invisible.» Les Pères
reviennent constamment sur le psaume 19 [18]. Pour l'Église
ancienne, ce psaume « solaire » condensait tout le mystère de Noël: «
[le soleil qui] comme un jeune époux sort de son pavillon »,
annonçait à la fois la descente du Verbe et sa conception dans le
sein de Marie.
Mentionnons encore, entre Pâques et Noël, la fête de saint
Jean-Baptiste, le précurseur, fixée le jour du solstice d'été, le 24
juin. Le rapport de cette fête avec le solstice fait directement
écho à la parole du Baptiste: « Lui [le Christ] doit grandir, moi je
dois diminuer ». Le 24 juin correspond en effet au moment de l'année
où les jours commencent à diminuer, alors qu'ils s'allongent à
nouveau quand arrive la fête de Noël. La fête de la nativité de
saint Jean Baptiste est purement chrétienne, sans modèle direct dans
l'Ancien Testament. On y retrouve cependant cette synthèse du cosmos
et de l'histoire, de la mémoire des actes de Dieu et de l'espérance
de son avènement définitif, qui s'exprime, sous une forme nouvelle,
dans tout le calendrier chrétien.
La symbolique de la fête de l'Epiphanie est étroitement liée à celle
de Noël. Dans la forme qui est la sienne en Occident, cette fête
interprête l'incarnation du Logos comme une « théophanie », c'est-à-dire
une manifestation de Dieu à sa créature. Cette fête inclut plusieurs
théophanies : l'adoration des rois mages, qui symbolisent le début
de l'Église des Gentils, c'est-à-dire la procession des nations vers
le Dieu d'Israël, prophétisée par Isaïe (60) ; le baptême de Jésus
dans le Jourdain, proclamé Fils de Dieu par la voix venue d'en haut
; les noces de Cana, où pour la première fois le Christ manifeste sa
gloire aux yeux de ses disciples. Dans l'adoration des mages, les
chrétiens ont vu la rencontre de la sagesse des peuples anciens avec
la promesse de l'Écriture. L'étoile mystérieuse qui guide les sages
païens dans leur quête de la vérité est le symbole de cette relation
intérieure entre le langage du cosmos et celui du cœur humain. Tous
deux trouvent leur origine dans le Verbe du Père qui, à Bethléem,
est sorti du silence de Dieu, le Verbe qui rassemble tous les
fragments de la connaissance humaine.
Les deux grandes fêtes de l'année liturgique sont des fêtes du
Christ, des fêtes « solaires ». Mais à côté du soleil se trouve la
lune, qui nous renvoie la lumière du soleil. La lune nous rappelle
que nous, les hommes, avons toujours besoin d'une humble lumière, et
que c'est grâce à cette clarté empruntée que nous sommes capables
d'adorer la lumière du Dieu unique. Cette lumière nous est renvoyée
par Marie, par les saints. C'est pourquoi le cycle de Noël intégra
naturellement Marie dans l'année liturgique: c'était manifester la
dimension intimement mariale des fêtes christologiques. Et de même
les saints trouvèrent leur place dans le calendrier chrétien, avec
les apôtres et les martyrs. D'une certaine façon, ils sont les
nouveaux astres qui reflètent la bonté infinie de Dieu dans le ciel
de l'Église. Leur lumière indirecte et adoucie nous permet de mieux
connaître la richesse infinie de la grande lumière de Dieu, que nous
serions incapables de contempler dans l'éclat de sa pure gloire.
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Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit
XVI -
E.S.M.
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constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.07.2025
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