Sainte Faustine - Héléna Kolwaska
Le Petit Journal
édition numérique par Anne Speeckaert et www.JesusMarie.com
Petit Journal de Sœur Faustine
1088. Le 14 avril, je me sentais si mal que j’ai éprouvé des difficultés à
me lever pour aller assister à la Sainte Messe. Je me sentais bien plus
malade que lorsqu’on m’envoya en traitement. Je souffrais de forts râles et
ronflements dans les poumons, et de bizarres douleurs. Lorsque je reçus la
Sainte Communion, je ne sais pourquoi, ou plutôt comme si quelque chose m’y
poussait, je commençai à dire la prière suivante : « Jésus, que Votre Sang
pur et sain circule dans mon organisme malade ! Que Votre Corps pur et sain
transforme mon corps débile ! Que se propage en moi une vie saine et forte,
s’il est vrai que Votre sainte volonté est que j’entreprenne l’œuvre en
question et cela me sera la marque expresse de Votre sainte volonté ! »
Après avoir ainsi prié, j’ai ressenti subitement une sorte d’élancement dans
tout l’organisme, et je me suis sentie tout à coup complètement rétablie. Ma
respiration est aussi normale que si je n’avais jamais été malade des
poumons et je ne ressens plus aucune douleur. Ce qui est, pour moi, la
preuve que je dois me mettre à l’œuvre.
Cela se passa le dernier jour de la neuvaine que je faisais au Saint Esprit.
1089. Après ce retour à la santé, je me suis trouvée unie à Notre Seigneur
Jésus de façon purement spirituelle. Jésus me donna de fortes assurances,
c'est-à-dire qu’Il me confirma Ses exigences. Durant tout le jour, je
demeurai dans cette intimité avec Notre Seigneur Jésus et je Lui parlai de
détails concernant la nouvelle Congrégation.
Jésus a infusé dans mon âme force et courage pour l’action et je comprends
maintenant que le Seigneur, s’Il réclame quelque chose d’une âme, lui donne
la possibilité de l’accomplir, et par l’intermédiaire de la grâce la rend
capable de cet accomplissement. S’agirait-il donc de l’âme la plus
misérable, elle peut sur l’ordre du Seigneur entreprendre des choses qui
dépassent son entendement. Et c’est là justement le signe par lequel on peut
reconnaître que c’est l’œuvre du Seigneur, si se révèlent en cette âme ce
pouvoir et cette force de Dieu, qui rendent l’âme courageuse et vaillante.
En ce qui me concerne, au premier abord, la grandeur du Seigneur m’effraye
toujours un peu. Mais par la suite, une paix profonde que rien ne peut
troubler, pénètre en mon âme, ainsi que la force intérieure, pour
l’accomplissement de ce qu’exige le Seigneur à ce moment-là.
1090. Et j’entendis ces mots : « Va et dis à la Supérieure que tu es en
bonne santé. »
Combien de temps serais-je en bonne santé ? Je ne le sais, ni le demande. Je
sais seulement que je jouis en ce moment d’une bonne santé. L’avenir ne
m’appartient pas. J’ai demandé la santé comme signe de la volonté de Dieu,
et non, pour chercher un soulagement à ma souffrance.
1091. 16 avril 1937. Aujourd’hui, quand le sentiment de la Majesté de Dieu
m’a envahie, mon âme a su que le Seigneur quoique si grand, se complaît dans
les âmes pleines d’humilité. Plus l’âme s’abaisse, plus le Seigneur
s’approche d’elle avec bienveillance, s’unissant étroitement à elle,
l’élevant jusqu’à Son Trône. Heureuse l’âme que le Seigneur Lui-même défend
! J’ai su que seul l’amour a de la valeur, que l’amour est toute grandeur et
que rien ne peut égaler un seul acte de pur amour envers Dieu, rien, aucune
œuvre.
1092. Ô Jésus, protégez-moi de Votre miséricorde ! Et de même, jugez-moi
avec bienveillance, car sinon, Votre justice peut me perdre, à juste titre !
1093. 17 avril. Aujourd’hui, pendant le cours de catéchisme, j’ai été
confirmée en la croyance (que je ne comprenais d’ailleurs en mon for
intérieur depuis longtemps) qu’une âme aimant Dieu sincèrement, et
intimement unie à Lui, bien que vivant extérieurement dans des conditions
difficiles, peut vivre pure et intacte au milieu de la corruption. Rien n’a
le pouvoir de gêner sa vie intérieure, car l’immense amour de Dieu lui donne
la force de lutter. Et d’autre part, Dieu prend particulièrement la défense
de l’âme qui L’aime sincèrement et le fait parfois même de façon
miraculeuse.
1094. Lorsqu’un jour, Dieu me fit connaître intérieurement que je n’avais
jamais perdu l’innocence. Et malgré les divers dangers où je me suis
trouvée, Lui-même avait veillé à ce que demeure intacte la virginité de mon
âme et de mon cœur. Je passai alors ce jour en ardentes actions de grâces.
Je remercie Dieu d’avoir bien voulu me protéger du mal et également d’avoir
trouvé grâce à Ses yeux et enfin de condescendre à m’en assurer Lui-même.
1095. Quelques années plus tard, Il voulut bien me le confirmer. A dater de
ce moment, je n’ai plus connu aucune révolte des sens contre l’âme. J’ai
écrit cela en détail dans un autre journal. A chaque fois que je me souviens
de cette inestimable grâce, explose dans mon cœur un nouveau feu d’amour et
de gratitude envers Dieu. Et cet amour-là me mène à l’oubli complet de
moi-même.
1096. Depuis ce temps-là, je vis sous la protection virginale de Marie qui
me garde et m’édifie. Je suis bien tranquille près de Son Cœur Immaculé, car
je suis si faible et si inexpérimentée que je me blottis dans son Cœur comme
un petit enfant.
1097. Bien que Dieu m’ait confirmée dans cette vertu, pourtant je veille
sans cesse et crains jusqu’à ma propre ombre, tellement j’ai pris Dieu en
affection.
1098. Cette grâce divine ne m’a été donnée que parce que j’étais le plus
faible des êtres humains, et c’est pourquoi Dieu m’entoura de Sa
particulière et toute puissante Miséricorde.
1099. 24 avril. A l’avance, je sens s’annoncer chacune des grandes grâces.
Une étrange langueur et un étrange désir de Dieu m’envahissent. Je suis en
attente de cette grâce, plus elle est grande, plus grand est le
pressentiment, et plus forte, la querelle avec l’adversaire de mon salut.
Parfois mon âme se trouve dans un état que je ne peux évoquer qu’en
utilisant une comparaison : ce sont deux bons amis, l’un d’eux prépare un
grand festin auquel il invite son ami. L’un et l’autre se réjouissent, mais
l’heure du festin est fixée. Les moments qui précèdent la grâce, sont si
pressants qu’il m’est difficile de les décrire. Ils sont caractérisés par
une pénible langueur et un feu d’amour. Je sens que le Seigneur est là, mais
je ne peux complètement m’abîmer en Lui, car ce n’est pas encore l’heure.
Dans un tel moment, je me suis trouvée plus d’une fois tout à fait démunie
de grâces tant d’esprit et de volonté que de cœur. Je demeure toute seule et
j’attends l’Unique Dieu. C’est Lui- même qui arrange cela en moi avant Son
arrivée.
1100. 23 avril 1937. Aujourd’hui j’ai commencé trois jours de retraite.
Le soir, j’ai entendu dans mon âme ces paroles : « Ma fille, sache bien que
c’est à toi que Je parle tout particulièrement par l’intermédiaire de ce
prêtre afin que tu ne doutes pas de ce que Je requiers ! » Dès la première
méditation, les paroles de ce prêtre à propos de mon âme m’avaient frappée.
C’étaient les paroles suivantes : « Il m’est interdit de contrecarrer tant
la volonté de Dieu que Sa complaisance, quelles qu’elles soient. Puisque je
me suis convaincue de la vérité et de l’authenticité de la volonté de Dieu
sur moi, j’ai le devoir de l’accomplir, personne ne peut me libérer de ce
devoir.
Quelle que soit cette volonté de Dieu, du moment que j’en ai connaissance,
je dois la remplir. » C’est là un petit aperçu, mais toute cette méditation
m’a pénétré l’âme et je n’ai aucun doute, je sais ce que Dieu exige de moi
et qu’il me faut accomplir.
1101. Il y a au cours de la vie des moments où l’on prend conscience de
soi-même, c'est-à-dire de ces moments qui baignent dans la lumière de Dieu,
où l’âme se trouve alors intérieurement instruite de choses qu’elle n’a lues
dans aucun livre ; et personne parmi les hommes n’a pu l’en instruire. Ce
sont là des moments d’approfondissement de soi-même, que Dieu accorde à
l’âme. Ce sont là de grands secrets… Souvent j’obtiens la lumière, la
possibilité de connaître la vie et l’humeur intime de Dieu : cela m’emplit
d’une indicible confiance et d’une joie que je ne puis contenir en moi. Je
désire alors me fondre toute en Lui…
1102. La quintessence de l’amour est le sacrifice et la souffrance. La
vérité porte une couronne d’épines… La prière procède de la raison, de la
volonté et du sentiment.
1103. Il y eut aujourd’hui un bien bel enseignement à propos de la bonté et
de la miséricorde de Dieu ! Durant cette conférence, mon âme éprouva l’amour
de Dieu et comprit que le langage de Dieu est vivant.
1104. Ma principale résolution est toujours la même : m’unir au Christ
miséricordieux et garder le silence
La fleur que je dépose aux pieds de Notre Dame, en ce mois de mai, c’est
m’exercer au silence.
1105. La vertu qui n’est pas prudente, n’est pas vertu. Nous devrions prier
souvent le Saint-Esprit de nous accorder la grâce d’être réservé et prudent.
La prudence est formée d’une prise en considération, d’une réflexion
raisonnable et d’une ferme résolution. La décision définitive nous revient
toujours en dernier lieu. Il nous faut décider, donc nous pouvons et devons
demander conseil et chercher la lumière…
1106. Aujourd’hui durant la méditation, Dieu m’a donné la lumière intérieure
et la compréhension de ce qu’est la sainteté et en quoi elle consiste.
Quoique j’ai entendu ces choses bien des fois, pendant les conférences,
l’âme les comprend différemment, lorsqu’elle en a connaissance à la lumière
de Dieu qui alors l’illumine.
Ce ne sont ni les grâces, ni les apparitions, ni les ravissements,ni aucun
don accordé qui mèneront mon âme à la perfection, mais son intime union avec
Dieu. Ces dons ne sont que des ornements de l’âme, ils ne constituent ni
l’essentiel, ni la perfection. Sainteté et perfection résident pour moi, en
une étroite union de ma volonté avec celle de Dieu. Dieu ne fait jamais
violence à notre libre arbitre. Il dépend de nous, d’accepter ou non, la
grâce divine, de nous dépend de collaborer avec elle ou de la laisser se
perdre.
Durant la dernière soirée d’étude, qui était une préparation au
renouvellement de nos vœux, le Père parla du bonheur qui résulte de trois
vœux, et de la récompense accordée à ceux qui les auront fidèlement
observés. Or, tout à coup, mon âme se trouva précipitée dans de très grandes
ténèbres intérieures. Au lieu de joie, mon âme s’emplit d’amertume et je
ressentis dans mon cœur une violente douleur. Je me suis sentie si misérable
et si indigne de cette grâce ! Ayant le sentiment de cette misère et de
cette indignité, je n’oserais tomber pour les baiser aux pieds de la
benjamine des postulantes. Je les voyais en mon âme, ces postulantes, belles
et agréables à Dieu, et je me voyais, moi, dans un gouffre de misère.
Après la conférence, je me suis jetée aux pieds de Dieu, toute abîmée dans
la douleur et les larmes. Je me suis plongée dans la mer de l’infinie
miséricorde divine et ce n’est que là que j’ai connu quelque soulagement et
que j’ai senti Sa Toute-Puissante miséricorde m’envahir.
1108. 30. Ce jour est celui du Renouvellement des Vœux. Dès le réveil la
présence de Dieu m’a envahie et je me suis sentie l’enfant de Dieu. L’amour
divin s’est déversé dans mon âme. Dieu m’a fait reconnaître combien tout
dépend de Sa volonté. Puis il m’a dit : « Je désire accorder une indulgence
plénière aux âmes qui iront se confesser et communieront en cette Fête de la
Miséricorde… Ma fille, ne crains rien, Je suis toujours avec toi, bien qu’il
te semble parfois que Je n’y sois pas. Ton humilité M’attire des hauteurs de
Mon Trône et Je m’unis étroitement à toi. »
29 avril 1937. Le Seigneur m’a donné connaissance des querelles qui eurent
lieu au Vatican à propos de cette Fête ; le Cardinal Pacelli y a beaucoup
travaillé.
1110. Aujourd’hui donc, nous renouvelons nos vœux et nous prêtons serment au
cours d’une grande cérémonie. Lorsque les Soeurs prononcèrent les vœux,
j’entendis un chant céleste : « Saint, Saint, Saint, » en différents tons et
dont aucune langue humaine ne saurait exprimer la grâce.
1111. Cet après-midi, j’ai conversé avec ma chère Mère Marie-Josèphe,
Maîtresse des novices. Nous avons fait un tour de jardin, et j’ai parlé avec
elle quoique assez superficiellement. Elle est demeurée cette même chère
Sœur Maîtresse des novices, quoiqu’elle ne le soit plus vraiment,
puisqu’elle est maintenant notre Supérieure. Et voici dix ans que j’ai
prononcé mes vœux. L’âme qui est entrée dans les ordres ne peux vivre sans
porter la Croix » m’a-t-elle dit. Puis ensuite elle me dévoila certaines
souffrances par lesquelles je suis passée à Varsovie, bien que je ne lui en
aie jamais parlé. Toutes les grâces que je reçus durant mon noviciat furent
alors présentées aux yeux de mon âme. Oh ! Quelle reconnaissance j’ai envers
elle ! Lorsque mon âme était plongée dans les ténèbres et qu’il me semblait
être damnée, c’est elle qui me tira du précipice à force d’obéissance.
1112. Souvent mon âme est troublée par la souffrance et aucun être humain ne
peut comprendre ce tourment.
1113. Premier mai 1937. J’ai senti aujourd’hui l’approche de ma Mère, la
Mère des Cieux. Bien qu’avant chaque Sainte Communion, je prie avec ferveur
la Mère de Dieu de m’aider à préparer mon âme à la visite de Son Fils et que
je me sente particulièrement sous Sa protection, je La supplie de bien
vouloir allumer en moi le feu de l’amour divin tel qu’il flamba dans Son
Cœur immaculé au moment où le Verbe de Dieu s’est fait chair.
1114. 4 mai. Je me suis rendue un moment aujourd’hui chez Notre Mère
Générale et lui ai demandé : « Petite Mère, avez-vous eu une inspiration
concernant ma sortie du couvent ? » La Mère Supérieure me répondit : «
Jusqu’à maintenant, je vous ai retenue, ma Sœur. Mais maintenant, je vous
laisse l’entière liberté de décider. Ce sera comme vous le désirez. Vous
pouvez, ma Sœur, soit quitter notre Congrégation, soit y rester.» J’ai donc
répondu que c’était bien ainsi. J’ai pensé immédiatement à demander par
écrit au Saint Père de me libérer de mes vœux. Mais lorsque je suis sortie
de chez la Mère Supérieure, une sorte d’obscurité est tombée sur mon âme,
tout comme auparavant. C’est une chose étrange, qu’à chaque fois, que je
demande de sortir du Couvent, une telle obscurité envahisse mon âme et que
je me sente comme abandonnée à moi-même.
Me trouvant dans cette torture de l’âme je décidai d’aller trouver
immédiatement la Mère Supérieure et de lui raconter ma lutte et mes étranges
tourments. La Mère me répondit « Votre désir de quitter le Couvent est une
tentation maligne. » Après un moment de conversation, je me suis sentie
quelque peu soulagée mais pourtant l’obscurité durait encore. « Cette
miséricorde de Dieu est magnifique, et ce doit être là une grande Œuvre
divine, si Satan s’y oppose tant et veut ainsi la détruire ». Telles furent
les paroles de la très chère Mère Supérieure.
1115. Personne ne peut concevoir mes tortures, ni les comprendre. Pour ma
part, je ne suis pas en état de les décrire, mais il ne peut exister de
souffrances pires que celles-là. Les supplices des martyrs ne sont pas plus
grands, puisque la mort à ce moment-là, me serait un soulagement. Je n’ai
rien à quoi comparer ces tourments, cette agonie sans fin de l’âme.
1116. Etant allée aujourd’hui me confesser, j’ai dévoilé quelque peu mon
âme. Car l’idée m’est venue que le fait de ressentir de telles souffrances
et une telle obscurité de l’âme, dès que je demande de quitter la
Congrégation, prouve que c’est bien là une tentation. Le confesseur m’a
répondu que ce n’était peut-être pas le moment choisi par Dieu, qu’il me
fallait prier et attendre patiemment. Mais qu’il est vrai que de grandes
souffrances m’attendaient : « Vous aurez, m’a-t-il dit, beaucoup de
souffrances à supporter et de difficultés à vaincre, c’est certain. Il
vaudrait mieux attendre encore et prier beaucoup, afin d’obtenir une plus
grande compréhension, ainsi que la lumière de Dieu. Ce sont là des choses
primordiales. »
1117. Mon Dieu, en ces moments difficiles je ne peux voir mon directeur de
conscience, car il est parti à Rome ! Jésus, puisque Vous me l’avez pris,
dirigez-moi Vous-même, car Vous seul savez ce que je suis en état de
supporter ! Je crois fermement que Dieu ne peut me donner à supporter plus
que je ne peux. J’ai confiance en Sa Miséricorde.
1118. Dans les moments où je suis entre ciel et terre, je me tais. Car si je
parlais, qui comprendrait mon langage ? L’éternité dévoilera bien des choses
sur lesquelles je me tais maintenant…
1119. Lorsque je vais au jardin, je vois comme tout respire la joie
printanière. Les arbres parés de fleurs répandent une senteur enivrante.
Tout éclate de joie. Les oiseaux adorent Dieu par leurs chants et leur
gazouillis, et me disent : « Réjouis-toi et sois en liesse, Sœur Faustine !»
alors que mon âme est dans les ténèbres et les tourments. Mon âme est si
sensible au murmure de la grâce, qu’elle sait parler avec tout ce qui a été
créé, et tout ce qui m’entoure. Je sais pourquoi Dieu ainsi pare la terre…
Mais mon cœur ne peut se réjouir car mon Bien-Aimé se cache à moi, et je
n’aurai de repos que je ne L’ai trouvé…Je ne saurais vivre sans Dieu. Je
sens que Dieu aussi, bien qu’il se suffise à Lui-même, ne peut connaître le
bonheur sans moi…
1120. 6 mai 1937 - L’Ascension de Notre-Seigneur
Aujourd’hui, depuis le petit matin, mon âme est touchée par Dieu. Après la
Sainte Communion, j’ai un moment communiqué avec le Père des Cieux. Mon âme
fut attirée dans le feu même de l’amour. J’ai compris qu’aucune œuvre
extérieure ne peut être comparée avec le pur amour de Dieu. J‘ai vu la joie
du Verbe fait Chair. Et je me suis trouvée plongée dans la Trinité de Dieu.
Quand je revins à moi, la nostalgie envahit mon âme, je languissais de
m’unir à Dieu.
Un si fervent amour envers le Père des Cieux m’a envahie que je puis appeler
ce jour, un jour d’extase ininterrompue. Tout l’univers m‘est apparu comme
une goutte minuscule, comparée à Dieu. Chaque battement de mon cœur est
agréable à Dieu et lorsqu’il me montre qu’Il me chérit particulièrement et
qu’Il me le fait connaître intérieurement, il n’y a pas de plus grand
bonheur que celui-là. Dieu me certifie Son amour et me montre combien mon
âme Lui est agréable. Cette assurance intérieure amène une paix profonde en
mon âme. Aujourd’hui je n’ai pu absorber aucune nourriture tant je me
sentais rassasiée d’amour.
1121. Dieu de grande Miséricorde, Vous qui avez daigné nous envoyer Votre
fils unique comme la plus grande preuve d’un amour infini et d’une
incommensurable Miséricorde, Vous ne repoussez pas les pécheurs, mais au
contraire, vous leur avez ouvert le trésor de Votre insondable Miséricorde,
dans lequel ils peuvent puiser en abondance, non seulement la justification,
mais encore toute la sainteté à laquelle l’âme peut aspirer ! Père de grande
Miséricorde, je désire que tous les cœurs se tournent avec confiance vers
Votre infinie Miséricorde ! Personne ne peut se justifier devant Vous si
Votre incommensurable Miséricorde ne le protège. Lorsque Vous nous
dévoilerez le mystère de Votre Miséricorde, l’éternité sera trop peu pour
Vous en remercier comme il convient.
1122. Oh ! Comme il est doux d’avoir au fond de l’âme ce que l’Eglise nous
ordonne de croire. Lorsque mon âme est plongée dans l’amour divin, elle peut
résoudre clairement et instantanément les questions les plus embrouillées.
Elle est alors capable de franchir les précipices et les cimes des
montagnes. Amour, encore une fois amour.
1123. Une étrange obscurité envahit parfois mon esprit, je m’enfonce dans le
néant en dépit de ma volonté.
1124. 20 mai. Lorsqu’il y eut déjà un mois que j’étais de retour à la santé,
la pensée m’est venue qu’en fait, je ne savais ce qui plaisait le plus au
Seigneur : Le servir par ma maladie, ou par la jouissance d’une bonne santé,
comme je L’en avais prié. Et je dis au Seigneur : « Jésus, usez de moi selon
Votre volonté ». Jésus me ramena alors à mon ancien état.
1125. Oh ! Comme il est doux de vivre au Couvent parmi les Sœurs ! Mais il
ne faut pas oublier que ces anges ont forme humaine…
1126. A un moment j’ai vu Satan qui se dépêchait et cherchait quelqu’un
parmi les Sœurs, mais ne le trouvait pas. Je reçus en mon âme l’inspiration
de lui ordonner, au nom de Dieu de m’avouer ce qu’il cherchait parmi les
Sœurs. Il avoua, quoique de mauvaise grâce, qu’il cherchait une âme oisive.
Lorsque je l’eus à nouveau ordonné, au nom de Dieu, d’avouer auprès de
quelles âmes du couvent il avait le plus d’accès, il avoua, à nouveau de
mauvaise grâce, que c’était auprès des âmes paresseuses et oisives. J’ai
remarqué qu’il n’y a pas de telles âmes, actuellement, dans cette maison.
Que se réjouissent les âmes laborieuses et fatiguées !
1127. 22 mai 1937. Aujourd’hui, la chaleur est si torride qu’il est
difficile de la supporter ! Nous souhaitons la pluie, mais il ne pleut pas.
Depuis quelques jours déjà, les nuages s’amoncellent dans le ciel. Mais la
pluie ne tombe pas.
Lorsque j’ai vu les plantes si assoiffées, une grande pitié m’a envahie et
j’ai décidé de dire ce « chapelet » jusqu’à ce que Dieu fasse tomber la
pluie. Après le goûter, le ciel s’est couvert de nuages et une pluie
battante est tombée sur la terre. J’ai dit cette oraison durant trois heures
d’affilée et le Seigneur m’a fait connaître qu’à l’aide de cette prière, on
pouvait tout obtenir.
1128. 23 mai 1937. Fête de la Très Sainte Trinité
Durant la Sainte Messe, je me suis trouvée unie à la Très Sainte Trinité.
J’ai connu Sa Majesté et Sa Grandeur. J’étais unie aux trois personnes.
Puisque j’étais unie à l’une de ces Adorables Personnes, j’étais en même
temps unie aux deux autres Personnes. Le bonheur et la joie qui se
communiquèrent à mon âme ne peuvent se décrire. Il m’est pénible de ne
pouvoir décrire avec des mots ce qui n’a pas de mots.
1129. J’entendis ces paroles : « Dis à la Mère Générale de compter sur toi,
comme étant la plus fidèle des filles du Couvent.
1130. Après ces paroles il m’est venue une compréhension intérieure : que
toute chose est créée par rapport à Dieu. La majesté de Dieu est immense et
insondable. S’Il s’abaisse avec bienveillance jusqu’à nous, c’est grâce à la
profondeur de Sa Miséricorde.
1131. Tout a une fin dans cette vallée de larmes
Les larmes s’épuisent et la douleur passe.
Une seule chose demeure :
L’amour que nous avons pour Vous, Seigneur !
Tout a une fin en cet exil où nous sommes,
L’expérience aussi bien que le désert de l’âme…
Et celle-ci vivrait-elle en perpétuelle agonie
Si Dieu est avec elle, rien ne peut l’ébranler.
1132. 27 mai 1937. La Fête-Dieu
Durant la prière j’entendis ces mots : « Ma fille, que ton cœur s’emplisse
de joie! Moi, le Seigneur, Je suis avec toi. Ne crains rien. Tu es en mon
cœur. » A ce moment j’ai pris conscience de la grande Majesté de Dieu et
j’ai compris que rien ne peut être comparé à un seul acte de connaissance de
Dieu. La grandeur extérieure se trouve réduite en poussière par un seul acte
de plus profonde connaissance de Dieu.
1133. Le Seigneur a versé en mon âme une si grande profondeur de paix que
rien ne saurait la troubler. Malgré tout ce qui se passe autour de moi, pas
un moment cela ne m’enlève mon calme. Même si le monde devait s’écrouler,
cela ne saurait troubler la profondeur du silence qui est mien, et au sein
duquel repose Dieu. Tous les évènements et diverses choses qui se passent,
se trouvent sous Ses pieds.
1134. Cette profonde connaissance de Dieu me donne une si parfaite aisance
et liberté d’âme que rien ne peut troubler mon étroite union avec Lui. Même
le pouvoir des Anges ne saurait le faire. Je me sens pleine de grandeur
lorsque je suis unie à Dieu. Quel bonheur d’avoir en son cœur la conscience
de Dieu et de vivre en une étroite intimité avec Lui.
1135. Lorsque la procession venant Borek, qui apportait Jésus afin de le
déposer dans notre Chapelle est arrivée chez nous, j’ai entendu une voix
venant de l’Hostie : « C’est ici Mon lieu de repos ». Pendant la
bénédiction, Jésus m’a annoncé que d’ici peu, aurait lieu ici même un acte
solennel, juste à cet endroit.-« Je me suis plu en ton cœur et rien ne peut
M’empêcher de t’accorder des grâces. » -Cette grandeur de Dieu a envahi mon
âme, je sombre en Lui, je disparais et je me perds en Lui, et me fondant en
Lui…
1136. 30 mai 1937. Aujourd’hui j’agonise du désir de Dieu. La nostalgie a
envahi toute mon âme. Combien je ressens mon exil ! Ô Jésus, quand arrivera
l’instant tant désiré ?
1137. 31 mai. Mon âme tourmentée ne trouve de secours nulle part, si ce
n’est en Vous, Vivante Hostie. Je mets toute ma confiance en Votre Cœur
miséricordieux. J’attends patiemment une parole de Vous, Seigneur !
1138. Oh ! Quelle douleur en mon cœur lorsque je vois qu’une religieuse n’a
pas l’âme religieuse ! Comment peut-on plaire à Dieu, quand l’orgueil et
l’amour de soi éclatent sous le couvert de glorifier Dieu, alors qu’il
s’agit uniquement de sa propre estime ? Lorsque je m’aperçois qu’une telle
chose, j’en souffre beaucoup. Comment cette âme pourrait-elle s’unir
étroitement à Dieu ? Il ne peut être question d’une union avec le Seigneur.
1139. 1er juin 1937. Aujourd’hui a eu lieu chez nous la procession de la
Fête-Dieu. Au premier reposoir, j’ai vu des flammes sortir de la Sainte
Hostie, ce qui m’a transpercé le cœur. Et j’ai entendu une voix ; « Ici se
trouve Mon repos ». Un feu s’est allumé en mon cœur et je me suis sentie
toute transmuée en Lui.
1140. Le soir, Il me fit connaître combien tout ce qui est terrestre est
éphémère. Quant à tout ce qui est soi-disant grand, cela s’évanouit comme
fumée, ne laissant à l’âme aucune indépendance, mais au contraire de la
lassitude. Heureuse l’âme qui comprend ces choses et ne fait qu’effleurer la
terre ! Ma pause, mon repos à moi, c’est lorsque je suis réunie à mon
Seigneur. Tout autre chose me fatigue. Oh ! combien je ressens que je suis
exilée ! Je vois que personne ne comprend ma vie intérieure. Vous Seul me
comprenez qui êtes caché en mon cœur et pourtant éternellement vivant.
1141. 4 juin. C’est aujourd’hui la Fête solennelle du Très Saint Cœur de
Jésus. Pendant la Sainte Messe, le Cœur de Jésus se révéla à moi. Il me
montra de quel feu d’amour Il brûle pour nous et quelle est l’immensité de
Sa Miséricorde. Puis j’entendis une voix : « Apôtre de Ma miséricorde parle
au monde entier de Mon insondable Miséricorde. Ne te laisse pas rebuter par
les difficultés que tu rencontreras, Ce faisant. Ces difficultés qui te
touchent si douloureusement sont nécessaires à ta sanctification et servent
à démontrer que cette oeuvre est Mienne. Ma fille, prends note assidûment de
chacune des phrases que je t’adresse concernant Ma Miséricorde, car elles
concernent un grand nombre d’âmes qui vont en profiter. »
1142. Pendant l’adoration le Seigneur m’a fait connaître plus profondément
ce qui concerne cette œuvre.
1143. Aujourd’hui, j’ai demandé pardon au Seigneur, de toutes les offenses
auxquelles Son Divin Cœur est exposé en nos couvents.
1144. 6 juin 1937. Premier dimanche du mois. Aujourd’hui j’ai entrepris la
retraite du mois.
Voici l’illumination de ma méditation matinale : quoique vous fassiez de
moi, Jésus, je Vous aimerai toujours, car je suis Vôtre. Peu m’importe que
Vous me laissiez ici ou que Vous m’envoyiez ailleurs, je suis toujours
Vôtre.
C’est avec amour que je m’abandonne à Votre très sage décision, ô mon Dieu !
Et Votre volonté, ô Seigneur, est mon pain de chaque jour ! Vous qui
connaissez les battements de mon cœur. Vous savez qu’il ne bat que pour
Vous, mon Jésus. Rien ne saurait mettre fin à la nostalgie que j’ai de Vous.
Je me meurs pour Vous, Jésus. Quand m’emporterez-Vous en Votre demeure ?
1145. « Que les plus grands pécheurs mettent leur espoir en Ma Miséricorde.
Ils ont droit avant tous les autres, à la foi en l’abîme de Ma Miséricorde.
Ma fille, ne cesse pas d’écrire au sujet de Ma Miséricorde pour les âmes
tourmentées. Quelle joie me font les âmes qui s’adressent à Ma Miséricorde !
A de telles âmes, J’accorde des grâces bien au-dessus de leurs désirs. Je ne
peux sévir, même contre le plus grand pécheur s’il invoque Ma pitié. Mais au
contraire, Je l’excuse en Mon insondable et inconcevable Miséricorde. Note :
Avant de Me montrer au Jugement dernier comme Juge équitable, J’ouvre
d’abord toutes grandes les portes de Ma Miséricorde. Qui ne veut passer par
les portes de Ma Miséricorde, doit passer par les portes de Ma justice. »
1146. Ayant une fois quelque peine au cœur pour une certaine raison et m’en
étant plainte au Seigneur, Il me répondit : « Ma fille, pourquoi attaches-tu
tant d’importance à la formation et au langage des gens ? Je désire,
Moi-même, te former. C’est pourquoi J’arrange les circonstances afin que tu
ne puisses pas assister à ces conférences. En un instant, Je te ferai
connaître beaucoup plus que d’autres acquerront jamais, en peinant durant
des années. »
1147. 20 juin 1937. C’est lorsque nous pardonnons à notre prochain que nous
ressemblons le plus à Dieu. Dieu est amour, bonté et miséricorde… « Toute
âme devrait refléter Ma Miséricorde, et plus particulièrement toute âme
monastique. Mon Cœur déborde de pitié et de miséricorde pour tous. Le cœur
de Ma bien-aimée doit ressembler au Mien. De son coeur doit jaillir la
source de Ma miséricorde pour les autres âmes, car autrement Je ne
reconnaîtrai pas cette âme pour Mienne. »
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