Benoît XVI a touché le cœur de Naples |
 |
Cité du Vatican, le 28 décembre 2007 -
(E.S.M.)
- Dans une interview, le cardinal Sepe s'exprime sur le récent
voyage du Saint Père Benoît XVI à Naples : "Ce qui m’a le plus ému,
c’est le moment où le Pape m’a embrassé avant de gravir l’escalier de
l’hélicoptère. Malgré le froid, il a touché le cœur de Naples. Il a
rencontré son humanité vitale, malgré tous les problèmes du moment."
|
Le pape Benoît XVI avec
le cardinal Crescenzio Sepe, archevêque de Naples, dans la cathédrale San
Gennaro, Naples
Benoît XVI a touché le cœur de Naples
«La semence de l’espérance semble s’être endormie. Mais elle est toujours
prête à se réveiller». Interview du cardinal Crescenzio Sepe après la visite
du Pape et la rencontre organisée par la Communauté de Sant’Egidio
L’espoir peut renaître
Interview du cardinal Crescenzio Sepe par Gianni Valente
Les crimes et délits dont Naples est quotidiennement le théâtre interdisent
toute rhétorique quand on parle de cette grande ville qui s’étend au pied du
Vésuve. Une ville où est venu désormais le temps du désenchantement et où
les sirènes de la “renaissance parthénopéenne” se sont tues. La situation ne
reste excellente que pour ceux qui, par nature, ne se découragent jamais et
qui sont habitués à retrousser leurs manches.
Du 21 au 23 octobre, il y a d’abord eu à
Naples la visite pastorale de
Benoît XVI, puis le passage ou le séjour de ministres, de patriarches, de
rabbins, de cardinaux et de chefs musulmans, de moines shintoïstes et de
chefs d’État du Nord et du Sud du monde: tous convoqués à la rencontre de
dialogue dont l’initiative revient à la Communauté de Sant’Egidio et qui
s’est conclue par une
intervention du président Giorgio Napolitano. Le sens
pratique du cardinal Crescenzio Sepe, grand maître d’œuvre des trois
journées napolitaines, est la garantie qu’il ne s’est pas agi seulement d’un
festival de bonnes intentions. Le climat de méfiance qui enveloppe cette
ville jure avec le proverbial dynamisme du cardinal Sepe. Au point que
commencent à pleuvoir sur le nouvel archevêque les hyperboles de la presse
locale: cardinal Tsunami, éminence grise du maire, seule autorité indiscutée
de la ville…
Éminence, quand le Pape est venu, il faisait froid et il pleuvait. À part le
temps, comment sa visite s’est-elle passée?
CRESCENZIO SEPE: De la “papamobile”, pendant que nous traversions la ville,
Sa Sainteté regardait tout avec une grande curiosité: les rues, les
immeubles, les balcons où avaient été exposées les draperies et d’où
pleuvaient les fleurs. Il était frappé par la foule qui, malgré le mauvais
temps, avait envahi les rues. Quand il a vu le Vésuve tout blanc, il a dit:
«Vous continuez à répéter que saint Gennaro n’a pas accompli son miracle.
Mais comment! Il n’y a pas plus miraculeux que le Vésuve tout blanc de
neige!». «Blanc le Vésuve», lui ai-je dit, «blanc comme vous». En effet, les
Napolitains n’ont pas souvenir d’un Vésuve enneigé en octobre. Je suis sûr
qu’outre la pluie et le vent, sont tombés sur la ville, avec la visite du
Pape Benoît XVI, un tas de bénédictions, des grains qui pourront germer dans l’avenir.
Le Pape vous a réservé un traitement spécial. Il a cité durant l’homélie
votre dernière lettre pastorale.
SEPE: Le fait qu’on ait daigné citer ma petite
lettre aux fidèles manifeste
qu’est appréciée l’activité pastorale que nous avons accomplie dans la
confiance que Jésus peut faire refleurir l’espérance même à Naples. Ce qui
m’a le plus ému, c’est le moment où le Pape m’a embrassé avant de gravir
l’escalier de l’hélicoptère. Malgré le froid, il a touché le cœur de Naples.
Il a rencontré son humanité vitale, malgré tous les problèmes du moment: une
ville pleine de potentialités prêtes à se manifester, où la dimension de la
foi se greffe sur une dévotion populaire très vive. Ce qui semble dominer
aujourd’hui, c’est la déception et le découragement en raison de toutes les
difficultés sociales et politiques qui créent une situation de malaise
quotidien. Comme l’a dit le Pape, la violence tend elle aussi à devenir une
mentalité diffuse, en s’insinuant dans les replis de la vie sociale, dans
les quartiers historiques du centre et dans les banlieues nouvelles et
anonymes. La semence de l’espérance semble s’être endormie. Mais elle est
toujours prête à se réveiller.
Face aux problèmes de la société, les hommes d’Église utilisent parfois un
langage difficile comme lorsque, par exemple, ils parlent de “question
anthropologique”…
SEPE: Le mal nous atteint tous, il atteint aussi l’Église. L’important,
c’est que les paroles soient suivies de faits concrets. Pour arracher les
jeunes à la rue, nous sommes en train de relancer les oratoires dans toutes
les paroisses. Des lieux où se rencontrer, parler avec le curé, mais aussi
offrir la possibilité d’apprendre un métier. Des coopératives de travail et
des ateliers informatiques sont en train de naître. Il y en a déjà trente en
activité dans les paroisses, nous comptons arriver à cent à Pâques. Et puis
des ateliers de travail du cuir, des écoles d’iconographie, des maisons
d’accueil et aussi des ateliers de musique et de peinture qui mettent en
valeur les dons artistiques de nos jeunes, y compris leurs dons dans l’art
des crèches. Les contacts avec les maisons de commerce et les entreprises se
multiplient aussi. Le but est de favoriser l’embauche des jeunes en mettant
en relation les offres et les demandes de travail. Un certain nombre de
jeunes vont aussi travailler pour équiper tout le diocèse du point de vue
informatique. Ce sont là les manifestations d’une Église qui ne se contente
pas de faire des discours et qui, dans un contexte de formation chrétienne,
aide aussi à affronter les problèmes concrets de la vie.
À Naples comme dans le
message adressé à la Semaine sociale, le Pape a
évoqué le problème de la précarité sociale.
SEPE: Nous, nous parlons de la dignité de chaque personne, du bien commun.
C’est la
doctrine sociale de l'Eglise, toujours la même.
À Naples, le Pape a salué les chefs religieux rassemblés pour la rencontre
de prière pour la paix organisée par la Communauté de Sant’Egidio. Vous
étiez présent au déjeuner où, selon des indiscrétions journalistiques, il y
aurait eu une altercation.
SEPE: Mais quelle altercation… À table, le climat était détendu et cordial,
chacun donnait son avis librement. Il y a eu un échange d’opinions et le
Pape a dit que les questions abordées pouvaient faire l’objet d’une
rencontre future. C’est tout. Dans le discours aux chefs religieux, le Pape
a ensuite voulu répéter que l’esprit d’Assise devait continuer et il a aussi
exhorté la Communauté de Sant’Egidio à poursuivre sur ce chemin courageux et
fructueux. Il n’y avait jamais eu dans les autres rencontres tant de
représentants des Églises et des religieux d’un niveau aussi élevé qu’à
Naples. L’esprit d’Assise est devenu aussi l’esprit de Naples.
De ce point de vue aussi, votre tempérament pratique n’a pas laissé perdre
l’occasion.
SEPE: Les rapports nouveaux nés à Naples durant ces jours ne méritent pas de
disparaître et ce qui a eu lieu a eu lieu. Ainsi, sur la base de l’esprit
d’Assise, confirmé par Benoît XVI, j’ai annoncé que j’avais pris
l’initiative d’instituer ici, à Naples, un forum d’étude et de recherche des
parcours nécessaires pour arriver au dialogue et à la paix. Il s’agit d’un
organisme de dialogue interreligieux et interculturel pour ouvrir les portes
de Naples aux différences entre les hommes. Avec un regard qui, de Naples,
embrasse toute la Méditerranée, le Mare Nostrum. Et avec la claire intention
de valoriser tout ce qui favorise la coexistence et la paix, dans le
témoignage commun qu’aucune violence ne peut se justifier par le nom de
Dieu. Un Dieu violent et guerrier n’existe pas.
Et pourtant, il y a encore des gens qui voient dans le dialogue
interreligieux des éléments d’ambiguïté et de “complaisance” excessive,
d’abdication de sa propre identité. Quel est votre avis?
SEPE: Jean Paul II le disait déjà: le premier devoir est celui de
l’identité. Dans le dialogue, on ne cache rien, on se montre tel que l’on
est, sinon ce serait un faux dialogue.
Durant les journées de Naples, vous avez remis au métropolite Cyrille de
Smolensk une église pour les fidèles russes orthodoxes. Et Cyrille vous a
invité à venir en Russie.
SEPE: C’est une
église belle et importante, au centre de la ville. Nous
l’avons volontiers offerte à l’Église sœur de Moscou pour qu’elle s’en
serve. Par ces gestes concrets on marche vers la pleine unité chrétienne
voulue par le Seigneur et recherchée par les derniers Papes. Cyrille a dit
que de grands changements étaient en train de se produire dans les relations
entre nos Églises. Il a dit que c’est une bonne œuvre d’avoir offert cette
église, parce que «des personnes qui n’avaient pas de lieu pour prier
maintenant en ont un». Et il a ajouté que ces gestes signifient beaucoup
plus que la recherche d’accords sur des formules et des résolutions. C’est
ainsi que l’on dépasse les divisions, en vivant ensemble. Il suffisait de
voir l’affection et la reconnaissance qu’exprimaient les fidèles russes
présents à la remise des clefs.
Depuis que vous êtes devenu évêque de Naples, nombreux sont ceux qui ont
remarqué l’énergie avec laquelle vous vous êtes lancé dans votre nouvelle
charge pastorale. Y a-t-il quelque chose des années que vous avez passées au
Vatican qui vous manque – et éventuellement qui ne vous manque pas du tout?
SEPE: Si nous suivons la volonté de Dieu dans les circonstances dans
lesquelles nous met le Seigneur, il ne manque absolument rien. Certes, le
fait d’être retourné dans ma région, avec le bagage d’expériences sur
l’universalité de l’Église que j’ai pu accumuler les années passées, m’aide
à avoir une certaine énergie pour affronter les choses et les circonstances.
Comme l’écrivait von Balthasar, le tout se réalise dans le fragment. Et si
on ne se jette pas dans la vie concrète des gens pour toucher du doigt leurs
problèmes, leurs difficultés quotidiennes… Ici, à Naples, je ne vois pas
d’autre moyen de témoigner l’Évangile. Et il n’y a pas, je crois, qu’à
Naples que cela marche comme ça.
Sources: Gianni Valente-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 28.12.2007 - BENOÎT XVI |