Lettre de Benoît XVI au président de la Conférence
épiscopale italienne |
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Rome, le 07 novembre 2007 -
(E.S.M.) - Lettre du pape Benoît XVI au
Président de la Conférence Épiscopale Italienne à l'occasion de la 45e
Semaine Sociale des catholiques italiens
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Mgr Angelo
Bagnasco
Lettre de Benoît XVI au président de la Conférence épiscopale italienne
A mon vénéré Frère
Mgr Angelo BAGNASCO
Président de la Conférence épiscopale italienne
Cette année est célébré le centenaire de la première Semaine sociale des
catholiques italiens, qui s'est déroulée à Pistoia du 23 au 28 septembre
1907, à l'initiative notamment du Prof. Giuseppe Toniolo, lumineuse figure
de laïc catholique, de scientifique et d'apôtre social, acteur de premier
plan du Mouvement catholique à la fin du XIX siècle et au début du XX
siècle. A l'occasion de ce jubilé significatif, je vous adresse bien
volontiers mes salutations cordiales, vénéré Frère, ainsi qu'à Mgr Arrigo
Miglio, Evêque d'Ivrée et Président du Comité scientifique et d'organisation
des Semaines sociales, aux collaborateurs et à tous les participants à la 45
"Semaine", qui se déroulera à Pistoia et à Pise du 18 au 21 octobre
de cette année. Le thème choisi - "Le bien commun
aujourd'hui: un engagement qui vient de loin" -, bien qu'ayant déjà
été affronté lors de précédentes éditions, conserve intacte toute son
actualité et il est même opportun qu'il soit approfondi et précisé justement
à présent, pour éviter une utilisation générique et parfois impropre du
terme "bien commun".
Le Compendium de la
Doctrine
sociale de l'Église, à partir de l'enseignement du Concile œcuménique
Vatican II, précise que "le bien commun ne
consiste pas dans la simple somme des biens particuliers de chaque sujet du
corps social. Étant à tous et à chacun, il est
et demeure commun, car indivisible et parce qu'il n'est possible qu'ensemble
de l'atteindre, de l'accroître et de le conserver, notamment en vue de
l'avenir" (Const.
Gaudium et
Spes)
(Compendium, n. 164). Le théologien Francisco Suárez identifiait
déjà un bonum commune omnium nationum, entendu comme "bien
commun du genre humain". Par le passé, et plus encore aujourd'hui à
l'époque de la mondialisation, rappelle Benoît XVI, le bien commun doit donc
être considéré et promu également dans le contexte des relations
internationales et il apparaît clairement que, précisément en raison du
fondement social de l'existence humaine, le bien commun est naturellement
lié au bien de toute l'humanité. Le bien-aimé Serviteur de Dieu Jean-Paul II
observait, à cet égard, dans l'Encyclique
Sollicitudo
rei socialis, qu'"il s'agit, avant tout, du fait de l'interdépendance,
ressentie comme un système nécessaire de relations dans le monde
contemporain, avec ses composantes économiques, culturelles, politiques et
religieuses, et élevé au rang de catégorie morale"
(n. 38). Et il
ajoutait: "Quand l'interdépendance est ainsi reconnue, la réponse
correspondante, comme attitude morale et sociale et comme "vertu", est la
solidarité. Celle-ci n'est donc pas un sentiment de compassion vague ou
d'attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes
proches ou lointaines. Au contraire c'est la détermination ferme et
persévérante de travailler pour le bien commun; c'est-à-dire pour le bien de
tous et de chacun parce que tous nous sommes responsables de tous"
(ibid).
Dans l'Encyclique
Deus Caritas est, j'ai voulu rappeler que "la formation de
structures justes n'est pas immédiatement du ressort de l'Eglise, mais
qu'elle appartient à la sphère du politique, c'est-à-dire au domaine de la
raison responsable d'elle-même" (n. 29).
Et j'ai également souligné qu'"en cela, la tâche de l'Église est médiate, en
tant qu'il lui revient de contribuer à la purification de la raison et au
réveil des forces morales, sans lesquelles des structures justes ne peuvent
ni être construites, ni être opérationnelles à long terme"
(ibid.). Quelle meilleure
occasion, précise le pape Benoît XVI, que celle-ci de réaffirmer qu'œuvrer
pour un ordre juste dans la société est le devoir propre qui revient de
manière immédiate aux fidèles laïcs ? En tant que citoyens de l'État, il
leur revient de participer personnellement à la vie publique et, dans le
respect des autonomies légitimes, de coopérer à configurer de manière juste
la société, avec tous les autres citoyens selon les compétences de chacun et
sous sa propre responsabilité autonome. Dans mon allocution au Congrès
ecclésial national de Vérone (Texte
intégral), l'année dernière, j'ai eu l'occasion de réaffirmer
qu'agir dans le domaine politique pour construire un ordre juste dans la
société italienne n'est pas la tâche immédiate de l'Église en tant que
telle, mais des fidèles laïcs. Ils doivent se consacrer avec générosité et
courage, illuminés par la foi et par le Magistère de l'Église et animés par
la charité du Christ, à cette tâche de la plus haute importance qui est la
leur. C'est dans ce but qu'ont été instituées avec sagesse les Semaines
sociales des catholiques italiens et cette initiative providentielle pourra
également à l'avenir offrir une contribution décisive pour la formation et
l'animation des citoyens animés par une inspiration chrétienne.
La chronique quotidienne montre que la société de notre époque doit faire
face à de multiples urgences éthiques et sociales qui peuvent miner sa
stabilité et compromettre sérieusement son avenir. La question
anthropologique est particulièrement actuelle et elle touche au
respect de la vie humaine et à l'attention
qu'il faut prêter aux exigences de la famille fondée
sur le mariage entre un homme et une femme. Comme il a été plusieurs
fois répété, exprime le pape Benoît XVI, il ne s'agit pas de valeurs et de
principes seulement "catholiques", mais de valeurs humaines communes à
défendre et à protéger comme la justice, la paix et la protection de la
création. Que dire ensuite des problèmes relatifs au travail liés à la
famille et aux jeunes ? Lorsque la précarité du travail ne permet pas aux
jeunes de construire leur famille, le développement authentique et complet
de la société en est sérieusement compromis. Je reprends ici l'invitation
que j'avais adressée lors du Congrès ecclésial de Vérone aux catholiques
italiens, pour qu'ils sachent saisir de façon consciente la grande
opportunité qu'offrent ces défis et qu'ils réagissent non pas à travers le
repli sur soi et le renoncement, mais, au contraire, à travers un dynamisme
renouvelé, en s'ouvrant avec confiance à de nouveaux rapports et en ne
négligeant aucune des énergies capables de contribuer à la croissance
culturelle et morale de l'Italie.
Pour finir, je ne peux manquer d'évoquer un domaine spécifique qui, en
Italie également, conduit les catholiques à s'interroger: c'est le domaine
des relations entre religion et politique. La nouveauté substantielle
apportée par Jésus est d'avoir ouvert le chemin vers un monde plus humain et
plus libre, dans le plein respect de la distinction et de l'autonomie qui
existent entre ce qui appartient à César et ce qui appartient à Dieu
(cf. Mt 22, 21). L'Église, par
conséquent, si elle reconnaît d'un côté ne pas être un agent politique, de
l'autre, ne peut pas se dispenser de s'intéresser au bien de la communauté
civile tout entière, dans laquelle elle vit et elle œuvre, et elle offre à
celle-ci sa contribution particulière en formant dans les classes politiques
et des entrepreneurs un authentique esprit de vérité et d'honnêteté, visant
à la recherche du bien commun et non du profit personnel.
Telles sont les thématiques plus que jamais actuelles auxquelles la
prochaine Semaine sociale des catholiques italiens consacrera son attention.
A tous ceux qui y prendront part, a conclu Benoît XVI, j'assure un souvenir
particulier dans la prière et, tout en souhaitant un travail fécond et
fructueux pour le bien de l'Église de tout le peuple d'Italie, j'adresse à
tous une Bénédiction apostolique particulière.
Du Vatican, le 12 octobre 2007
BENEDICTUS PP. XVI
Sources: www.vatican.va
© Copyright 2007 - Libreria Editrice Vatican - Vat/121007
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 07.11.2007 -
BENOÎT XVI
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