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La diplomatie vaticane a une rivale dans la place, qui a le Pape de
son côté
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Le 25 juillet 2023 -
E.S.M.
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La cohabitation entre la Communauté de Sant’Egidio et la
Secrétairerie d’État et son réseau diplomatique n’a jamais été pacifique. Et
c’est encore moins le cas aujourd’hui que sa proximité s’est muée en un
siège en règle. Avec le Pape qui leur ouvre les portes.
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Bergoglio et le fondateur de la
Communauté Andrea Riccardi -
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La diplomatie vaticane a une rivale dans la place, qui a le Pape de son côté
Le 25 juillet 2023 -
E.S.M. -
La diplomatie vaticane connaît des années de vaches maigres. Il est
vrai que le Saint-Siège entretient des relations avec presque tous
les États du monde, à part la Chine, l’Arabie Saoudite et quelques
rares autres. Et depuis le début de cette année, des ambassadeurs
ont également été échangés avec
Oman et même avec le
Vietnam, dont le président Vo Van Thuong est en visite à Rome
ces jours-ci, accueillera bientôt un représentant permanent du
Saint-Siège.
Cependant, il y a trop de nonciatures vides, dont certaines sont
importantes, pour lesquelles on peine à trouver un titulaire. Il
s’agit de celles du Bangladesh, de la Bolivie, de Cameroun et de la
Guinée Équatoriale, de la République Démocratique du Congo, de la
Corée et de la Mongolie, du Costa Rica, du Maroc, du Mozambique, du
Nicaragua, de la Pologne, de la Roumanie et de la Moldavie, de
l’Afrique du Sud avec ses voisins le Botswana, l’Eswatini, le
Lesotho et la Namibie, la Tanzanie et le Venezuela.
En ce qui concerne le
Nicaragua, il faut préciser qu’il n’y a pas de nonce parce que
ce dernier a été expulsé le 12 mars 2022 sur ordre du tyrannique
président Daniel Ortega et que la persécution dévastatrice de
l’Église de ce pays est allée crescendo depuis lors, pour culminer
par la condamnation à 26 ans de prison ferme infligée à l’héroïque
évêque Rolando Álvarez, que le Vatican a sans succès tenté de
troquer contre l’un de ses envoyés en exil, une solution
cependant refusée par l’évêque lui-même.
Ensuite, il y a les nonciatures dont les titulaires ont dépassé
l’âge limite de 7 ans mais qui restent en poste : en Syrie, aux
États-Unis, en Italie, en Israël, en Albanie. Le Pape François a
d’ailleurs décerné la pourpre cardinalice aux trois premiers.
Mais ce qui a surtout pesé négativement, c’est la perte d’autorité
de la Secrétairerie d’État. Paul VI lui avait attribué un rôle très
central, au Vatican, un rôle que François a fortement redimensionné
avec sa réforme de la Curie.
La maladresse dont la Secrétairerie d’État a fait preuve dans
l’affaire de Londres, qui devrait être jugée à la fin de cette
année, lui a fait faire pâle figure dans les médias du monde entier.
Mais c’est surtout la modestie des résultats de ses activités
internationales qui a encouragé encore davantage le Pape à recourir
à d’autres acteurs pour ses « missions » diplomatiques, des acteurs
complètement hors du sérail, voire en bonne partie concurrents et
rivaux de la Secrétairerie d’État elle-même.
Cette concurrence s’exerce particulièrement dans les domaines
internationaux russo-ukrainiens et chinois.
Dans ces deux cas, le Pape François semble plus attiré par la
géopolitique actuelle de la Communauté de Sant’Egidio que par celle
de la Secrétairerie d’État.
*
Concernant l’agression de la Russie contre l’Ukraine, la distance
entre les positions de la Secrétairerie d’État et celles des
représentants de la Communauté est plus flagrante que jamais depuis
que le Pape a désigné comme son « envoyé » d’abord à Kiev et puis à
Moscou et enfin à Washington le cardinal Matteo Zuppi, membre
historique de Sant’Egidio.
Pourtant alors qu’aussi bien le cardinal secrétaire d’État Pietro
Parolin que, et avec des paroles plus nettes encore, le ministre des
affaires étrangères du Vatican Paul Gallagher ont a plusieurs
reprise approuvé la défense armée de la nation ukrainienne, son
réarmement et l’intangibilité de ses frontières, le cardinal Zuppi
et ses comparses – du fondateur de la Communauté Andrea Riccardi
(sur la photo) au responsable des relations internationales Mario
Giro – sont toujours quant à eux restés vagues ou ouvertement
opposés, depuis le début de l’agression russe.
Kiev et à Washington étaient bien conscients de cela en recevant le
cardinal Zuppi, c’est d’autant plus vrai que cela a donné lieu à des
accords sur le plan strictement humanitaire, pour l’échange des
prisonniers et pour le rapatriement des enfants ukrainiens déportés
en Russie.
Il en va de même à Moscou où cependant Vladimir Poutine
a bu du petit lait devant l’opposition bien connue de l’envoyé
du Pape à un réarmement de l’Ukraine ainsi que l’aversion ouverte du
Pape François lui-même pour le « bellicisme » de l’Occident et sa
sympathie en revanche pour un plus grand rôle alternatif du « Global
South » en Afrique, en Asie et en Amérique Latine.
En outre, à Moscou, Sant’Egidio a depuis des années une ligne
directe avec le patriarcat orthodoxe qui – notamment grâce à la
« mission » de Zuppi en compagnie du spécialiste de la Russie et
vice-président de la Communauté Adriano Roccucci – consent à
raccommoder la déchirure infligée par les intempérances verbales du
Pape qui avait publiquement accusé le patriarche Cyrille d’être l’
« enfant de chœur de Poutine ».
*
En ce qui concerne les rapports du Saint-Siège avec la Chine,
François n’a pas encore assigné à Sant’Egidio un rôle de premier
plan. Mais il semble très sensible aux arguments systématiquement
mis en avant par le spécialiste de la Communauté en la matière,
Agostino Giovagnoli, professeur d’histoire contemporaine à
l’Université catholique de Milan et membre de l’Institut Confucius
de Milan, une émanation directe du régime de Pékin.
L’un des pierres d’achoppement entre le Saint-Siège et la Chine
consiste en l’application de l’accord
secret sur la nomination des évêques ratifié entre les deux
parties en septembre 2018, et jusqu’ici prolongé en l’état tous les
deux ans.
En quasi cinq ans, les nouvelles nominations ne dépassent pas quatre,
avec plus d’un tiers des diocèses qui continuent à être privés de titulaire.
C’est également pour cela que la Secrétairerie d’État, qui était pourtant
l’artisan de l’accord, s’est toujours exprimée avec prudence sur le sujet,
sans triomphalisme et en laissant au contraire transparaître le souhait
d’améliorations de l’accord lui-même.
Mais Giovagnoli, au contraire, ne tarit pas d’éloges sur les bienfaits de
cet accord. Tout comme le Pape François, bien que ces derniers mois les
autorités chinoises ont installé deux évêques sans même prévenir Rome, dans
deux diocèses dont le second est de première importance, puisqu’il s’agit de
celui de Shanghai.
En fait, Giovagnoli n’a pas craint d’aller jusqu’à dire du bien de cette
double
humiliation. Dans un commentaire publié dans le quotidien « Avvenire »
de la Conférence épiscopale italienne présidée par Zuppi, il a fait
remarquer qu’à Shanghai, il ne s’agissait pas vraiment d’une nouvelle
consécration épiscopale, pour laquelle l’accord secret imposant
l’approbation préalable de Rome serait d’application, mais du simple
transfert d’un évêque d’un siège à l’autre, effectué de manière certes non
consensuelle mais pas illégitime.
Mais est-ce vraiment le cas ? L’accord secret ne concerne-t-il que les
nouvelles nominations et pas les transferts d’un évêque d’un diocèse à
l’autre ? La Secrétairerie d’État – qui connaît bien l’accord –semble penser
différemment.
Le 15 juillet, le Saint-Siège a communiqué que le pape lui-même a accepté
d’installer à Shanghai l’évêque transféré unilatéralement par Pékin, un
certain Joseph Shen Bin, souvent présent aux meetings internationaux de
Sant’Egidio et à ce point proche du régime qu’il est également
vice-président de la Conférence consultative du peuple chinois, l’organe
composé de plus de deux mille délégués chargés d’approuver les décisions du
président Xi Jinping et du leadership du parti.
Mais le même jour, le Secrétaire d’État Pietro Parolin a publié un
communiqué détaillé en cinq points dans lequel il affirme que même les
transferts d’évêques d’un diocèse à l’autre effectués de manière « non
consensuelle » sont contraires à « l’application correcte de l’accord ». Et
il poursuit ainsi : « Il est important, et je dirais même indispensable, que
toutes les nominations épiscopales en Chine, y compris les transferts,
soient effectués de manière consensuelle, comme convenu ». Soit le contraire
de ce que prétend Sant’Egidio.
*
La concurrence entre la Secrétairerie d’État et la Communauté de
Sant’Egidio ne date pas d’hier et remonte à plusieurs années. Elle n’a
jamais été amicale ni dépourvue d’incidents.
L’accord au Mozambique de 1992, auquel avait alors pris part le jeune
prêtre Zuppi, est sans cesse vanté comme étant le premier accord qui aurait
révélé au monde la capacité de la Communauté d’agir comme un artisan de
paix.
Mais un article détaillé de huit pages sur « Le Mozambique après 25
années d’indépendance », sorti dans « La Civiltà Cattolica » daté du 16
décembre 2000 sous la plume du jésuite José Augusto Alves de Sousa et publié
avec l’autorisation préalable de la Secrétairerie d’État ne fait pas la
moindre allusion au rôle de pacificateur joué par la Communauté dans ces
circonstances.
Puis, entre 1994 et 1995, il y a eu le tournant de la guerre civile en
Algérie.
Là, Sant’Egidio est entré en rupture non seulement avec la prudente
diplomatie vaticane mais surtout avec les évêques locaux, qui ont vertement
critiqué la plateforme d’accord signée à Rome au siège de la Communauté
entre les belligérantes, sans le moindre engagement à mettre un terme aux
meurtres et au massacres, et qui légitimait au contraire les commanditaires.
« Oui, les ‘amis’ de Sant’Egidio sont ceux qui ont tué », a déclaré
l’archevêque d’Alger, Henri Teissier. Et un autre évêque, celui d’Oran,
Pierre Claverie, fut assassiné peu après par des islamistes fanatiques.
Et ce n’est pas tout. Même le ministre des affaires étrangères italien de
l’époque Lamberto Dini avait publiquement désavoué la « diplomatie
parallèle » de la Communauté. Et l’ambassadeur de l’époque à Alger, Franco
De Courten, qui a rédigé
un livre
sur cette affaire, a qualifié de désastreux le rôle joué par les hommes de
Sant’Egidio. Sans parler des critiques cinglantes de la part des militants
démocrates algériens, à commencer par la musulmane libérale
Khalida
Messaoudi.
Quelques années plus tard, en 2013, c’est au
Sénégal que l’activisme de Sant’Egidio a causé un incident aux dépens de
la Secrétairerie d’État.
La Communauté était intervenue là-bas pour « faciliter » un accord entre
le gouvernement de Dakar et les factions indépendantistes de la région de la
Casamance. Mais quand elle déplaça le lieu des négociations entre les
émissaires des parties en conflit à Rome, à son propre siège, cela donna au
Sénégal l’impression que le Vatican était derrière cette opération, contre
la volonté du gouvernement de Dakar, qui ne voulait justement pas
internationaliser ce qu’il considérait comme étant une affaire intérieure.
Pour y remédier, le nonce au Sénégal de l’époque, l’archevêque Luis
Mariano Montemayor, avait du publier une déclaration dans laquelle le
Saint-Siège se dissociait entièrement des initiatives de Sant’Egidio,
coordonnées par Mario Giro, qui était à l’époque le conseiller d’Andrea
Riccardi, alors ministre pour la coopération internationale dans le
gouvernement italien.
Bref, la cohabitation entre la Communauté de Sant’Egidio et la
Secrétairerie d’État et son réseau diplomatique n’a jamais été pacifique. Et
c’est encore moins le cas aujourd’hui que sa proximité s’est muée en un
siège en règle. Avec le Pape qui leur ouvre les portes.
Un article de
Sandro Magister, vaticaniste à
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 25.07.2023
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