Dieu, souligne Benoît XVI, nous connaît par
notre nom |
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Le 21 décembre 2007 -
(E.S.M.)
- Cette page clôture le chapitre six
consacré aux disciples. Benoît XVI explique qu'en raison précisément de
la diversité de leurs origines, de leurs tempéraments et de leurs
mentalités, les Douze incarnent l'Église de tous les temps et la
difficulté de sa mission qui est de purifier les hommes et de les unir
dans le zèle de Jésus Christ.
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Luc
debout à la droite de Jésus
(du Titien) -
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Dieu, souligne Benoît XVI, nous connaît par notre nom, il nous appelle par
notre nom
Sixième chapitre - Les disciples
1) Le choix des douze
►Benoît
XVI
2) Quel est, d'après ce texte, le but assigné aux envoyés ?
►Benoît
XVI
3)
Les Douze sont nommés un à un
Revenons au texte initial de Marc. Après l'indication de leur mission, les
Douze sont nommés un à un. Comme nous l'avons déjà dit, rappelle Benoît XVI,
c'est la dimension
prophétique de leur mission qui est suggérée par là. Dieu nous connaît par
notre nom, il nous appelle par notre nom. Il ne saurait être question ici de
dresser un portrait, inspiré par la Bible et par la Tradition, de chacune
des personnes qui composent le groupe des Douze. L'important pour nous est
de connaître la composition du groupe, qui est extrêmement hétérogène.
Deux d'entre eux sont issus du parti des zélotes : Simon, que Luc appelle
« le zélote » (6, 15), Matthieu et Marc « le Cananéen », ce qui signifie la
même chose ainsi que l'ont montré des recherches récentes, et Judas dont le
nom « Iscariote » peut signifier simplement « l'homme de Kériot », mais peut
également le désigner comme sicaire, une variante radicale des zélotes. « Le
zèle (zelos) pour la Loi », qui a donné son nom à ce mouvement, prenait
modèle sur les grands « zélateurs » de l'histoire d'Israël : de Pinhas qui
tua devant la communauté tout entière un
Israélite idolâtre (cf. Nb 25y 6-13), en passant par Élie qui fît égorger
les prêtres de Baal sur le mont Carmel (cf. 1 R 18), jusqu'à Mattathias,
l'ancêtre des Maccabées, qui, à l'époque hellénistique, donna le signal du
soulèvement contre le roi Antiochus qui tentait d'anéantir la foi d'Israël,
et qui tua un conformiste qui, obéissant au décret du roi, s'apprêtait à
sacrifier sur l'autel des dieux (cf. 1 M 2, 17-28). Les zélotes
considéraient cette suite historique de grands « zélateurs » comme un
héritage qui les engageait et qu'ils devaient appliquer maintenant aux
Romains occupant le pays.
Dans une autre partie du groupe des Douze, indique Benoît XVI, nous trouvons Lévi-Matthieu, le
publicain qui travaillait en étroite collaboration avec le pouvoir établi et
que sa condition rangeait nécessairement dans la catégorie des pécheurs
publics. Le groupe principal des Douze est constitué par des pêcheurs du lac
de Génézareth : Simon, auquel le Seigneur allait donner le nom de
Képhas-Pierre, dirigeait une coopérative de pêche
(cf. Lc 5, 10) dans
laquelle il travaillait avec son frère aîné André et les fils de Zébédée,
Jean et Jacques, auxquels le Seigneur donna le nom de « Boanergès »,
c'est-à-dire fils du tonnerre, un nom que certains chercheurs ont voulu,
sans doute à tort, rapprocher du mouvement des zélotes. Le Seigneur fait
allusion par là à leur tempérament impétueux que l'Évangile de Jean vient
d'ailleurs confirmer en tout point. Pour finir, il y a deux hommes qui
portent des noms grecs, Philippe et André, à qui, le dimanche des Rameaux,
quelques personnes venues assister à la Pâque juive et parlant grec
s'adressèrent en demandant à voir Jésus (cf.
Jn 12,21-22).
On peut supposer que les Douze dans leur ensemble étaient des Juifs croyants
et pratiquants, qui attendaient le salut d'Israël. Mais leur situation
concrète et leur façon de
concevoir le salut faisaient d'eux des hommes extrêmement différents. On
peut donc imaginer à quel point il a été difficile de les guider peu à peu
vers le chemin nouveau et mystérieux de Jésus, quelles tensions il a fallu
surmonter et, par exemple, combien il aura fallu de purifications pour
calmer l'ardeur des zélotes, afin qu'elle finisse par ne faire plus qu'un
avec « le zèle » de Jésus dont nous parle l'Évangile de Jean
(cf. 2, 17), un
zèle qui trouve son accomplissement sur la croix. En raison précisément de
la diversité de leurs origines, de leurs tempéraments et de leurs
mentalités, les Douze incarnent l'Église de tous les temps et la difficulté
de sa mission qui est de purifier les hommes et de les unir dans le zèle de
Jésus Christ.
Seul Luc raconte que Jésus forma un second groupe de soixante-dix
(ou
soixante-douze) disciples qu'il envoya en les chargeant d'une mission
semblable à celle des Douze (10, 1-12). Comme le chiffre douze, soixante-dix
(ou soixante-douze, les manuscrits varient sur ce point) est aussi un
chiffre symbolique. En combinant les éléments donnés par le Deutéronome
(32,
8) et par l'Exode (1, 5), soixante-dix était considéré comme le nombre des
peuples de la terre. Selon le Livre de l'Exode
(1, 5), soixante-dix
personnes accompagnaient Jacob lorsqu'il entra en Égypte : « Les descendants
de Jacob étaient, en tout, soixante-dix personnes. » Dans la version du
Deutéronome, plus récente, dont la réception fut générale, il est dit : «
Quand le Très-Haut [...] répartit les fils d'Adam, il fixa les frontières
des peuples suivant le nombre des fils d'Israël » (Dt 32, 8). On se référait
là aux soixante-dix membres de la maison de Jacob lors de l'émigration vers
l'Égypte. À côté des douze fils qui constituent Israël à l'origine, il y a
les soixante-dix qui représentent le monde dans sa totalité
et qui, d'une manière ou d'une autre, sont ainsi mis eux aussi en rapport
avec Jacob, avec Israël.
Cette tradition constitue l'arrière-plan de la légende transmise par la
Lettre d'Aristée à Philocrate
(SCh, n. 89) selon laquelle la traduction en grec de
l'Ancien Testament, au IIIe siècle av. J.-C., a été faite par soixante-dix
érudits (ou soixante-douze, c'est-à-dire six membres de chacune des douze
tribus d'Israël) sous l'influence d'une inspiration particulière de
l'Esprit-Saint. Cette légende a permis qu'on interprète l'œuvre en question
comme l'ouverture de la foi d'Israël aux autres peuples.
Et la Bible de la Septante a effectivement joué un rôle déterminant dans le
fait qu'à la fin de l'Antiquité, un grand nombre d'hommes engagés dans une
quête spirituelle se sont tournés vers le Dieu d'Israël. Les mythes de
l'époque antique avaient perdu leur crédibilité, le monothéisme
philosophique ne suffisait pas à guider les hommes vers une relation vivante
à Dieu. Un grand nombre d'hommes cultivés trouvèrent alors une nouvelle
approche de Dieu dans le monothéisme d'Israël, qui n'était pas une
construction philosophique, mais un don reçu dans le cadre d'une histoire de
la foi. Dans un grand nombre de villes se créa le cercle des « craignant
Dieu », des « païens » pieux, qui ne pouvaient ni ne voulaient devenir des
Juifs à part entière, mais qui participaient à la liturgie synagogale, et
donc à la foi d'Israël. C'est dans ce cercle qu'au temps du christianisme
primitif, l'évangélisation a trouvé ses premiers appuis et qu'elle s'est
propagée. Dès lors, ces hommes pouvaient appartenir pleinement au Dieu
d'Israël, car désormais, à travers Jésus tel que Paul le proclamait, ce Dieu
était réellement devenu le Dieu de tous les hommes. Dès lors, par la foi en
Jésus Fils de Dieu, ils pouvaient faire totalement partie du peuple de Dieu.
Lorsque Luc évoque un groupe
des soixante-dix à côté de la communauté des Douze, cela signifie clairement
qu'en eux s'annonce le caractère universel de l'Évangile, qui est destiné à
tous les peuples de la terre.
Sans doute convient-il d'évoquer ici une autre singularité de l'évangéliste
Luc. En 8, 1-3, il rapporte que Jésus, qui allait prêchant en compagnie des
Douze, était aussi accompagné de femmes. Luc cite trois noms et ajoute : «
Et beaucoup d'autres qui les aidaient de leurs ressources »
(8, 3). La
différence qui existe entre les Douze et les femmes dans leur existence de
disciple est évidente : leurs missions respectives sont de nature tout à
fait différente. Mais Luc souligne pourtant un aspect qui apparaît
d'ailleurs également dans les autres Évangiles sous de multiples formes. Un
« grand nombre » de femmes faisait partie de la communauté des croyants plus
restreinte ; elles accompagnaient Jésus de leur foi, ce qui est tout à fait
essentiel dans la constitution de cette communauté, comme on le verrait de
manière particulièrement frappante au pied de la croix et lors de la
résurrection.
Peut-être est-il judicieux d'attirer ici l'attention sur quelques traits
spécifiques de l'évangéliste Luc. De la même façon qu'il est
particulièrement sensible à l'importance des femmes, il est l'évangéliste
des pauvres et, chez lui, on doit reconnaître « l'option prioritaire pour
les pauvres ».
À l'égard des Juifs aussi, il se montre particulièrement compréhensif, et
les passions soulevées par la séparation qui se fait jour entre synagogue et
Église naissante, si elles ont laissé des traces chez Matthieu et chez Jean,
sont absentes des écrits de Luc. La façon dont il conclut l'histoire du vin
nouveau et des outres vieilles ou neuves me semble tout à fait
caractéristique. Marc dit : « Personne ne met du vin
nouveau dans de vieilles outres ; autrement la fermentation fait éclater les
outres, et l'on perd à la fois le vin et les outres. À vin nouveau, outres
neuves » (Mc 2, 22). Le texte de Matthieu est similaire
(cf. 9, 17). Luc
nous transmet la même conversation, mais il ajoute en conclusion : « Jamais
celui qui a bu du vieux ne désire du nouveau. Car il dit : "C'est le vieux
qui est bon" » (Lc 5, 39). On est certainement en droit d'interpréter cet
ajout comme une parole pleine de compréhension vis-à-vis de ceux qui veulent
en rester « au vieux vin ».
Pour conclure, exprime Benoît XVI, tout en restant dans le domaine des spécificités de Luc, nous
avons vu à maintes reprises que cet évangéliste accordait une attention
particulière à la prière de Jésus,
source de sa prédication et de son
action. Il nous montre que tout ce que fait et dit Jésus vient du fait qu'il
est intimement uni à son Père, du dialogue entre le Père et le Fils. Si nous
pouvons être convaincus que les Saintes Écritures sont « inspirées »,
qu'elles ont mûri de façon particulière sous l'inspiration de
l'Esprit-Saint, nous pouvons également être convaincus que, précisément dans
les aspects spécifiques à la tradition lucanienne, nous est conservée une
dimension essentielle de la figure originelle de Jésus.
Fin du sixième chapitre
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"Jésus de Nazareth"
Sources: www.vatican.va
-
E.S.M.
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(E.S.M.) 21.12.2007 - BENOÎT XVI
- T/J.N. |