Le cardinal Ouellet nous conte le pape Benoît XVI |
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Le 21 janvier 2008 -
(E.S.M.) - Le cardinal Ouellet nous précise
que le pape Benoît XVI, est un homme humble de l’Église, maintenant
exposé à tous, doué d’une grande sensibilité artistique et d’une
courtoisie exquise, tout en possédant une intelligence extraordinaire et
une forte capacité de discernement intellectuel et spirituel.
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Mgr Marc
Ouellet a été élevé au rang de cardinal par le pape Jean-Paul II, à l'âge de
59 ans.
Le cardinal Ouellet nous conte le pape Benoît XVI
Première partie :
Benoît XVI : pasteur, collègue et ami : (ici)
(deuxième partie)
À un autre niveau d’implication, j’ai pu collaborer avec lui dans la
fondation d’une association dont le but était de promouvoir la spiritualité
et la théologie de Hans Urs von Balthasar, Henri de Lubac et Adrienne von
Speyr. Avec quelques amis qui travaillaient ensemble sous son patronage
personnel, nous avons ouvert à Rome en 1990 une maison de discernement et de
formation pour jeunes hommes intéressés à la prêtrise et la vie religieuse.
Très conscient que l’héritage de Balthasar était précieux, le cardinal
Ratzinger appuya l’initiative et se fit un devoir de visiter la Casa
Balthasar presque chaque année, lors de l’Assemblée générale des associés.
Nous avons beaucoup aimé partager avec lui les trouvailles et les problèmes
de nos étudiants. Nos meilleurs souvenirs ont trait aux périodes de questions
soulevées par les étudiants; il y répondait chaque fois avec grand soin pour
leur plus grand profit. Là comme en plusieurs autres occasions, j’ai admiré
sa capacité d’adaptation à son auditoire; il parlait toujours avec clarté et
simplicité.
À cet égard, je me rappelle très vivement sa conversation avec les enfants
sur la Place Saint-Pierre,
en octobre 2005, durant le Synode sur l’Eucharistie. C’était un énorme
rassemblement d’environ 100 000 jeunes qui avaient célébré leur première
communion durant l’Année eucharistique. Pendant 25 minutes, le pape Benoît a accueilli leurs questions concernant la Sainte Eucharistie et
répondu sans aucune note. Une fois de plus, j’ai pu apprécier son talent
extraordinaire pour la catéchèse et le dialogue. Comme je me tenais près de
lui avec un cardinal qui n’avait probablement pas voté pour lui au Conclave,
je me souviens d’avoir entendu ce dernier y aller, avec stupeur et
émerveillement, d’une déclaration éloquente: « c’est l’homme de la situation
à la bonne place! ». Je rêve de réaliser un jour la même expérience avec les
jeunes de mon diocèse qui se préparent au Congrès eucharistique
international de 2008 à Québec.
Avant d’aller plus loin, en me rappelant mon expérience du ministère du pape
Benoît, je voudrais mentionner nos contacts dans le domaine du
dialogue oecuménique. Comme j’étais désigné secrétaire du Conseil pontifical
pour l’unité chrétienne, une controverse se continuait à Rome entre le
cardinal Walter Kasper et le cardinal Joseph Ratzinger sur l’ecclésiologie,
plus précisément sur la relation et la priorité entre l’Église universelle
et les églises locales. Je me suis trouvé coincé, pour parler ainsi, entre
deux grands théologiens pour lesquels j’avais beaucoup d’estime et de
respect. Je me souviens alors que je présidais l’assemblée plénière du
Conseil pontifical pour l’unité, où le cardinal Ratzinger et le cardinal
Kasper discutaient de nouveau à ce sujet, qu’ils étaient unanimes sur
l’interprétation de la célèbre subsistit in d’une Église unique dans
l’Église catholique. Le premier félicita alors le second pour avoir rédigé à
nouveau plus positivement ce que l’Église catholique a en commun avec les
autres Églises et les communautés locales, sans en arriver à la pleine unité
dans tous les moyens de salut.
Je me souviens de cet événement comme d’un moment de dialogue authentique
avec la Curie, qui a même conduit à une meilleure collaboration entre la
Congrégation pour la doctrine de la foi et le Conseil pour l’unité
chrétienne, entre lesquels avaient émergé des tensions à la suite du
document
Dominus Jesus, publié en l’an 2000. Après l’échec de la Conférence de
Baltimore entre l’Orthodoxie et l’Église catholique la même année et la
création de quatre diocèses catholiques en Russie en 2002, la relation entre
les deux Églises est passée, vous le savez probablement, par une phase de
refroidissement. Aucune rencontre officielle n’a eu lieu, aucune visite de
Jean-Paul II n’a été possible en Russie, aucune réponse cordiale n’a été
apportée aux gestes catholiques comme l’envoi de reliques ou de l’icône de
Notre- Dame-de-Kazan, conservée pendant des années dans la chapelle du Pape
qui rêvait de l’apporter lui-même à Moscou. Benoît XVI réaffirma rapidement
son intention de poursuivre l’initiative œcuménique de l’Église catholique
dans le sillage de Vatican II et il réussit en quelques mois à restaurer le
dialogue officiel avec l’Orthodoxie. Nous lui sommes infiniment redevables;
nos efforts pour de meilleures relations ont ainsi été récompensés. Je crois
d’ailleurs que dans le futur, des progrès signifiants
sont devenus possibles.
Mon expérience avec le cardinal Ratzinger, comme collègue, m’a permis de
reconnaître en lui une personne de grande sagesse. Celle-ci se manifestait
toujours par son ouverture et une grande écoute, par sa capacité de résumer
et de reformuler les enjeux et sa prudence à tirer une conclusion quand il
sentait qu’une question n’était pas assez mûrie pour être finalisée. Je me
rappelle de quelques ébauches précédentes de l’encyclique
Ecclesia De Eucharistia (Jean-Paul II), publiée en 2003 dans sa forme
finale. Pour éviter de tomber dans une approche trop juridique, il a réussi
à atteindre un consensus sur l’aspect doctrinal de l’Eucharistie dans
l’encyclique, réservant par ailleurs les aspects disciplinaires pour un
document séparé :
Redemptionis Sacramentum. Cette sage décision a
permis une meilleure réception de l’Encyclique, sans renoncer à corriger
certaines distorsions et des abus liturgiques.
La Journée mondiale de la jeunesse (JMJ)
à Cologne fut probablement l’apex, le point culminant, du défi de Benoît
XVI pour sa première année de ministère pontifical. Je savais les attentes
de l’Archevêque de Cologne, le cardinal Meisner, avec qui j’avais conversé à
plusieurs reprises avant le Conclave. Il faisait face à cet événement avec
une appréhension bien compréhensible après le décès de Jean-Paul II. Après
l’élection de Joseph Ratzinger, je revois Mgr Meisner marchant en procession
pour saluer son ami, désormais le pape Benoît XVI, et revenant à sa place
tout en pleurs devant cet extraordinaire revirement de situation. Pour
l’Allemagne, l’élection de Joseph Ratzinger signifiait non seulement une
grande nouvelle pour la jeunesse et particulièrement la Journée mondiale de
la jeunesse, mais pour le dire carrément en un mot, il signifiait la
rédemption du pays, la fin de l’ère de tristesse d’après la Seconde guerre
mondiale. Ce choix inaugurait pour elle un horizon d’espérance et de
renouvellement spirituel.
Le voyage du Pape fut un succès extraordinaire, malgré quelques difficultés
dans l’organisation locale. Comme je l’avais prévu, Benoît XVI passa le test
avec succès auprès des jeunes; il leur parlait avec
des mots de foi et d’amour très clairs et inspirants. On l’écoutait
attentivement et on le saluait avec enthousiasme. Je n’oublierai jamais le
panorama
de
Marienfeld du samedi soir, avec un million de jeunes tenant haut leurs
chandelles en célébrant leur foi au Christ ressuscité. À la fin de la
soirée, le pape Benoît clôtura la célébration avec la bénédiction
eucharistique en silence et sortit rapidement de l’estrade. J’ai entendu un
cardinal italien dire: « Il aurait dû ajouter quelque chose de personnel
pour aider ces jeunes à passer la nuit! » Mais plusieurs autres disaient: «
Quelle clôture appropriée! » Aucun autre commentaire
pour distraire l’homme du principal but de notre rassemblement, à savoir
Jésus-Christ, dont nous adorons la divine présence dans le Saint Sacrement
et les pas duquel nous sommes appelés à suivre dans la foi et l’amour.
En faisant ainsi, le pape Benoît annonçait son propre style, plus
discret et plus réservé, mais très conscient que la papauté ou le ministère
papal est là pour témoigner de Jésus-Christ, en évitant les tentations
d’autoglorification ou d’ecclésiocentrisme. Le pape Jean-Paul II, quoique
doué d’autres talents, était aussi très clair à ce sujet: il faut avant tout
témoigner ainsi du Christ.
La visite du Pape en Allemagne a ému plusieurs personnes, par sa manière
simple et cordiale de s’approcher des gens. Je me rappelle comment les Juifs
furent touchés à la synagogue de Cologne, après avoir entendu son
allocution, et avec quelle chaleur ils lui donnaient la main; ou encore
l’enthousiasme du leader des Luthériens, après ma rencontre avec lui, en
partageant nos pensées sur les futures orientations du dialogue oecuménique.
Un des moments les plus marquants à mes yeux fut la célébration des Vêpres
avec un groupe de plus de
5000 séminaristes ; on m’y a demandé de livrer un bref témoignage
sur ma propre vocation, en présence du Saint-Père. Pendant que je le
saluais, immédiatement après mon intervention de cinq minutes, je fus frappé
de le voir si ému par quelques détails de mon histoire personnelle, mais il
était heureux de souligner en quelques mots ce qu’il ne savait pas. Ceci est
bien plus que la simple courtoisie d’un ami, c’est le signe de son sens
authentique de la paternité spirituelle.
Le pape Benoît n’est pas du tout un intellectuel distant, comme
l’ont parfois dépeint les médias, totalement concerné par l’orthodoxie
académique. Il n’a jamais été une telle personne. Il
est un homme humble de l’Église, maintenant exposé à tous, doué d’une grande
sensibilité artistique et d’une courtoisie exquise, tout en possédant une
intelligence extraordinaire et une forte capacité de discernement
intellectuel et spirituel. Nous avons eu une démonstration
extraordinaire de son talent et de ses compétences au dernier Synode , lors
de l’ouverture de la première session, à travers notamment la belle
méditation personnelle qu’il nous a partagée. Quelques jours plus tard,
à la fin d'une session d'après-midi, il improvisa une allocution
théologique de quinze minutes qui se révéla un chef d’oeuvre de sagesse et
de leadership.
(Homélie lors de l'ouverture du Synode)
Sa
première encyclique
suit la même inspiration, nous appelant à approfondir l’essence de
notre foi chrétienne, en légitimant d’une manière nouvelle et fructueuse
l’activité charitable de l’Église. Dieu est Amour et nous sommes la
communauté d’amour mandatée par Lui, avec la mission d’annoncer concrètement
la Bonne Nouvelle aux nations. Je remercie Dieu chaque
jour pour le don de ce pape Benoît XVI, qui est certainement l’homme de
l’heure, à ce moment de la vie de l’Église et du monde. Je me sens
appelé à marcher avec lui, non seulement pour être un ami, mais en premier
lieu choisi par le Christ pour témoigner de la Vérité et de la Vie. Je pense
que nous sommes bénis de Dieu à travers le don de ce successeur de Pierre,
qui pourra heureusement relever le défi de suivre Jean-Paul II, le Grand.
Puissions-nous accueillir et comprendre ce qu’il dit pour notre propre
édification, puisque nous avons grand besoin de sa sagesse pour être
confirmés dans notre foi et nourris dans notre recherche de bonheur, d’unité
et de paix.
Marc Cardinal Ouellet
Archevêque de Québec
Table :
Québec 2008
Sources: www.vatican.va
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E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 21.01.2008 - BENOÎT XVI
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