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Benoît XVI : LA SITUATION DE L'HOMME DEVANT LE
PROBLÈME DE DIEU
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Le
20 février 2023 -
(E.S.M.)
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Sans doute, celui qui cherche à parler foi, à des gens conditionnés
par la vie et la mentalité modernes, peut effectivement se faire
l'effet d'un clown ou plutôt d'un être sorti d'un antique
sarcophage, et qui serait venu avec son costume et son langage
anachroniques au milieu du monde moderne, incapable de le comprendre
et d'être compris par lui.
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Benoît XVI et ses livres !
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INTRODUCTION
« Je crois - Amen »
1. La foi dans le monde d'aujourd'hui
DOUTE ET FOI
Quiconque
aborde de nos jours le problème de la foi devant des auditeurs peu ou pas
familiarisés, de par leur profession ou le milieu ambiant, avec le langage
et la pensée de l'Église, ressentira bien vite la singularité, voire
l'étrangeté de son entreprise. Rapidement il aura l'impression de se trouver
dans une situation comparable à celle admirablement décrite par Kierkegaard
dans son célèbre apologue, et récemment reprise par Harvey Cox dans La
Cité séculière : celle du clown criant « au feu1 ! ».
L'histoire se passe au Danemark; le feu s'était brusquement déclaré dans un
cirque ambulant. Aussitôt le directeur envoya le clown, déjà costumé pour le
spectacle, au village voisin, où le feu menaçait de se communiquer également
à travers les chaumes. Le clown se rendit en hâte au village pour appeler
les gens au secours du cirque en détresse. Mais les villageois, accourus aux
cris du clown, crurent à un stratagème habile pour les attirer au spectacle
et se mirent à l'applaudir en riant jusqu'aux larmes. Le clown avait plutôt
envie de pleurer. Il s'efforça en vain de les conjurer et de leur démontrer
qu'il ne s'agissait pas d'une plaisanterie, mais que le cirque était bel et
bien la proie des flammes. Plus il insistait, plus on riait, plus on
trouvait son jeu excellent. Quand finalement le feu eut gagné le village, il
était trop tard pour intervenir. Tous deux, cirque et village, furent
pareillement ravagés.
Cox se sert de cet apologue pour illustrer la situation du
théologien moderne; le clown, impuissant à se faire comprendre, en serait le
symbole. Affublé de ses habits du Moyen Age ou de toute autre époque
écoulée, il n'est pas pris au sérieux. Quoi qu'il dise, son rôle le classe
et le catalogue immédiatement. Quelque air qu'il prenne ou quelque effort
qu'il fasse pour exposer le sérieux de la situation, il sera toujours
regardé comme un clown. D'avance on connaît son boniment et l'on sait qu'il
donne une représentation sans rapport avec le réel. Aussi peut-on l'écouter
tranquillement, sans se laisser troubler par ses propos. C'est là une image
assez fidèle de la triste réalité dans laquelle se trouve aujourd'hui le
théologien qui veut enseigner; elle donne une idée de l'impossibilité de
briser les routines et de montrer que la théologie est
une affaire éminemment sérieuse qui intéresse la vie humaine.
Mais à y regarder de plus près, il faut reconnaître que cet
apologue - en dépit de son riche contenu de vérité et de matière à réflexion
- simplifie trop les choses. Car tout se passe, comme si le clown,
c'est-à-dire le théologien, possédait toute la vérité et en apportait un
message lumineux. Les villageois au contraire, chez lesquels il se rend,
c'est-à-dire les gens qui n'ont pas la foi, seraient plongés dans une
ignorance totale, dont il faudrait les sortir en les instruisant. Que le
clown change donc de costume, enlève ses fards et tout sera bien. La chose,
en réalité, est-elle aussi simple ? Suffirait-il vraiment de réaliser l'aggiornamento,
d'enlever le maquillage, de laïciser le langage et de professer un
christianisme sans religion, pour résoudre le problème ? Ce changement de
costume spirituel fera-t-il accourir joyeusement les hommes à l'appel, pour
conjurer le feu dont ils seraient menacés d'après le théologien ? Un tel
espoir paraît plutôt naïf, à la vue de cette théologie
démaquillée, habillée à la moderne, telle
qu'elle s'affiche aujourd'hui en beaucoup d'endroits. Sans doute,
celui qui cherche à parler foi, à des gens conditionnés par la vie et la
mentalité modernes, peut effectivement se faire l'effet d'un clown ou plutôt
d'un être sorti d'un antique sarcophage, et qui serait venu avec son costume
et son langage anachroniques au milieu du monde
moderne, incapable de le comprendre et d'être compris par lui.
Cependant s'il a assez de sens critique, il remarquera que la difficulté ne
se limite pas à une simple question de forme ou de crise vestimentaire. S'il
va au fond des choses, cette entreprise étrange devant les hommes de notre
temps lui fera connaître non seulement la difficulté de se faire comprendre,
mais lui révélera en même temps l'insécurité de sa
propre foi, la puissance de l'incroyance qui se met au travers de sa propre
volonté de croire. S'il veut sincèrement rendre compte de la foi
chrétienne, il sera forcé de voir que le malentendu ne vient pas uniquement
de son costume, qu'il devrait changer, pour arriver à convaincre les autres.
Contrairement à ce qu'il pouvait d'abord penser, il devra constater que sa
situation ne diffère pas tellement de celle des autres, car il s'apercevra
de la présence des mêmes obstacles dans les deux camps, sans doute sous des
formes différentes.
Chez le croyant tout d'abord, il y a la
menace du doute qui, dans des moments de tentation, fait apparaître
brutalement la fragilité de ce qu'il croyait être l'évidence. Prenons
quelques exemples : Voici Thérèse de Lisieux, sainte si aimable et
apparemment d'une simplicité sans problème. Elle avait grandi dans une
atmosphère religieuse à l'abri de tout danger. Du début à la fin, son
existence était entièrement imprégnée, jusque dans les moindres détails, de
la foi de l'Église, au point que le monde de l'invisible était devenu une
partie de sa vie quotidienne, ou plutôt qu'elle y vivait constamment et
qu'elle semblait pouvoir le toucher; impossible d'imaginer la sainte sans
lui. Pour elle, la « religion » était une donnée naturelle de son existence;
elle en usait comme nous autres nous pouvons user des réalités concrètes de
notre vie. Or voilà que, précisément, elle qui paraissait parfaitement
abritée et assurée, elle nous a laissé sur les dernières semaines de sa
passion, des révélations bouleversantes. Ses propres sœurs en furent
tellement effrayées qu'elles jugèrent bon d'en atténuer l'expression dans
les écrits qu'elle a laissés. Il a fallu attendre les éditions nouvelles du
texte original, pour connaître des phrases comme celle-ci : « Des pensées,
telles que les pires matérialistes peuvent en avoir, m'assaillent. »
Son esprit est pressé par tous les arguments possibles
contre la foi. Elle paraît en avoir perdu tout sentiment; elle se
sent enfoncée dans la « peau des pécheurs2 ». Autrement dit :
dans un monde qui a toutes les apparences de sécurité, un homme aperçoit
subitement le gouffre béant sous le solide appareil, étayé par les vérités
conventionnelles. Dans une telle situation, des questions éventuellement
controversées - par exemple l'Assomption ou le nouveau style de la
confession - deviennent tout à fait secondaires. La question du tout ou du
rien se pose alors; c'est l'unique alternative. Et nulle part n'apparaît un
point solide, où l'on pourrait se raccrocher dans cette chute précipitée.
Partout où le regard se porte, il ne peut voir que
l'abîme sans fond du néant.
Paul Claudel a dépeint cette condition du croyant, dans une
image grandiose et suggestive, à la première scène du « Soulier de Satin
». Un missionnaire Jésuite, frère du héros Rodrigue, cet homme mondain,
cet aventurier errant et oscillant sans cesse entre Dieu et le monde,
apparaît comme un naufragé sur la scène. Son bateau a été coulé par les
pirates; lui-même, attaché à un tronçon du grand mât, flotte sur les vagues
déchaînées de l'océan 3. Son dernier monologue ouvre la pièce : «
Seigneur, je Vous remercie de m'avoir ainsi attaché! Et parfois il m'est
arrivé de trouver vos commandements pénibles, et ma volonté en présence de
votre règle perplexe, rétive. Mais aujourd'hui il n'y a pas moyen d'être
plus serré à Vous que je ne le suis et j'ai beau vérifier chacun de mes
membres, il n'y en a plus un seul qui de Vous soit capable de s'écarter si
peu. Et c'est vrai que je suis attaché à la croix, mais la croix où je suis
n'est plus attachée à rien. Elle flotte sur la mer 4 »
Attaché à la croix; mais la croix n'est plus attachée à rien,
elle flotte sur l'abîme. Cette image reproduit, on ne peut mieux, la
condition du croyant. Seule une simple planche ballottée sur le néant paraît
le retenir, et il semble que l'on puisse déjà prévoir le moment où il sera
fatalement englouti dans les flots. Oui, une simple planche le rattache à
Dieu, mais, il faut le dire, elle le rattache à Lui indéfectiblement ; il
sait que ce bois est finalement plus fort que le néant qui bouillonne
au-dessous, dont la puissance cependant demeure une menace permanente du
présent.
Cette image présente encore une autre dimension, qui me
paraît d'ailleurs plus importante. Car ce Jésuite n'est pas seul. En lui
transparaît «quelque sorte le destin de Rodrigue; en lui est présent le
destin de ce frère mécréant qui a tourné le dos à Dieu, parce qu'il s'est
imaginé que son affaire n'est pas d'attendre, mais « de conquérir et de
posséder... comme s'il pouvait être ailleurs que là où Vous êtes ».
Nous ne suivrons pas Claudel dans les méandres de son poème
et nous ne poursuivrons pas l'entrelacement des destinées apparemment
opposées, dont le poète se sert comme fil conducteur, jusqu'au moment où la
destinée du conquérant Rodrigue rejoint celle de son frère Jésuite :
esclave, échoué sur un bateau, il peut s'estimer heureux quand une vieille
nonne le prend avec elle comme une vile denrée, avec des chaudrons fêlés et
de vieux chiffons qu'elle était venue glaner. Revenons plutôt à notre propre
situation pour dire : si le croyant ne peut exercer sa
foi que sur l'océan du néant, de la tentation et du doute, si cet océan de
l'incertitude est le seul endroit où il puisse l'exercer, l'incroyant, à son
tour, a lui aussi ses problèmes; ce serait une erreur de le considérer
simplement comme un homme qui n'a pas la foi. Comme nous avons trouvé
le croyant accablé de problèmes, continuellement menacé de chute dans le
vide, ainsi nous serons amenés à constater l'enchevêtrement des destinées
humaines dans le cas de l'incroyant : il est loin de pouvoir mener une
existence exempte de trouble. En effet, malgré sa fière attitude de pur
positiviste, débarrassé depuis longtemps de toute tentation de spéculation
métaphysique, ne jurant que par les certitudes sensibles, il ne pourra
jamais se débarrasser de la question lancinante qui est de savoir si en
définitive le positivisme est la vérité. Ce qui arrive
au croyant, aux prises avec les flots du doute, arrive également à
l'incroyant, qui éprouve le doute de son incroyance; il ne peut
affirmer que cet univers visible, qu'il décrète être le Tout, constitue
vraiment tout le réel. Il ne sera jamais entièrement certain du caractère
clos de ce monde visible qui embrasse, selon lui, la réalité totale; il
restera toujours tenaillé par le problème de la foi qui est peut-être quand
même l'expression de la réalité. Ainsi donc le croyant sera toujours menacé
par l'incroyance et l'incroyant sera toujours menacé par la foi et la
tentation au sujet de son monde sensible qu'il croit définitivement clos. Il
est impossible d'éluder le dilemme de la condition humaine. Celui qui veut
échapper à l'incertitude de la foi tombera dans l'incertitude de
l'incroyance, car en dernière analyse il sera toujours incertain en face du
problème de la foi. C'est dans le refus de la foi qu'apparaît
l'impossibilité du refus de la foi.
Il sera peut-être intéressant, à ce propos, d'écouter une
histoire juive, notée par Martin Buber; elle permettra de mettre en lumière
ce dilemme de la condition humaine : « Un rationaliste, homme très instruit,
qui avait entendu parler du Berditschever, était venu le trouver pour
discuter avec lui, dans l'intention de réfuter ses preuves en faveur de la
foi. En entrant dans la chambre du Zaddik, il le trouva, un livre à la main,
allant et venant, abîmé dans une méditation profonde. D'abord le Zaddik ne
fit aucunement attention à cet hôte; finalement il s'arrêta devant lui et le
regardant furtivement, il lui dit : « Mais peut-être cela est-il vrai. » Le
savant essaya en vain de se ressaisir, ses genoux se mirent à trembler,
tellement le Zaddik était effrayant à voir, tellement ses paroles étaient
effrayantes à entendre. Alors le rabbi Levi lizchak se tourna vers lui et
lui dit calmement : « Mon fils, les Grands de la Thora, avec qui tu as
discuté, ont perdu leur temps, car tu es parti avec un sourire moqueur. Ils
n'ont pas pu « étaler sur la table » la preuve péremptoire de Dieu et de son
royaume. Moi non plus, je ne le pourrai pas. Cependant, mon fils, réfléchis
bien, peut-être cela est-il vrai. » Le rationaliste essaya de répliquer de
son mieux, mais l'écho répété de ce « peut-être
» finit par emporter sa résistance5.
Nous tenons là, me semble-t-il, - malgré l'étrangeté du cadre - une
description très précise de la situation de l'homme en face du problème de
Dieu. Personne n'est capable de fournir une preuve mathématique de Dieu et
de son royaume; le croyant lui-même en est incapable pour son propre usage.
Mais l'incroyant aura beau vouloir y trouver une justification, il
n'échappera pas à cet inquiétant « peut-être cela
est-il vrai ! » Voilà l'inévitable pierre d'achoppement sur laquelle
il butera fatalement et qui lui fera expérimenter l'impossibilité de refuser
la foi dans le refus lui-même. Autrement dit, le croyant comme l'incroyant,
chacun à sa manière, connaîtra le doute et la foi, s'ils ne cherchent pas à
se faire illusion à eux-mêmes et à se dissimuler la vérité de leur être.
Personne ne peut échapper entièrement à la foi; chez l'un la foi sera
présente contre le doute, chez l'autre, grâce au doute et sous la forme du
doute. C'est une loi fondamentale de la destinée
humaine, qu'elle réalise son existence dans cette dialectique permanente
entre le doute et la foi, entre la tentation et la certitude. De
cette façon, le doute, qui empêche l'un et l'autre de se claquemurer dans
leur tour d'ivoire, pourrait devenir un lieu de communion. Loin de se
replier sur eux-mêmes, ils y trouveront une occasion d'ouverture réciproque.
Le croyant partagera ainsi la destinée de l'incroyant, et celui-ci, grâce au
doute, ressentira le défi lancé inexorablement par la foi.
1. H. Cox, La cité séculière, Pari», 1968.
2. M. MORÉB, « La table des pécheurs », dans Dieu vivant, n°
24, pp. 13-104. - Morée se réfère surtout aux Enquêtes et Publications de A.
Combes; cf. en particulier : Le problème de 1' « Histoire d'une âme » et des
œuvres complètes de sainte Thérèse de Lisieux, Paris, 1950.
3. Cela rappelle, de manière frappante, le texte de la
Sagesse 10, 4, qui a pris tant d'importance dans la théologie de la croix du
christianisme primitif : « La terre submergée, c'est la Sagesse qui la
sauva, en dirigeant le juste à travers les flots sur un bois sans valeur. »
- Pour l'utilisation de ce texte dans la théologie patristique. cf. H.
RAHNBR, Symbole der Kirche, Salzburg, 1964, pp. 504-547.
4. P. CLAUDEL, « Soulier de Satin », Théâtre, t. II, Bibliothèque de la
Pléiade, Pari», 1956, pp. 652-653.
5. M. BUBER, Werke, III, MOnchen-Heidelberg, 1963, p. 348.
(à suivre : LE SAUT DANS LA FOI)
En complément nous ajoutons une page passée un peu inaperçue et qui concerne
" le scandale des abus sexuels”, article du pape émérite Benoît XVI.
Ce n'est pas uniquement l'Eglise qui est concernée mais toute la société.
Parmi les libertés que la révolution de 1968
chercha à conquérir, il y avait cette liberté sexuelle totale, qui
n’admettait plus aucune norme.
J’essaie, écrit Benoit XVI de montrer que dans les années 60, s’est produit
un événement monstrueux, pratiquement sans précédent à l’échelle de
l’histoire. On peut dire que dans les 20 ans allant de 1960 à 1980, les
normes jusqu’alors en vigueur sur les questions de sexualité ont
complètement volé en éclat, résultant en une absence de normes,
qu’entre-temps on s’est efforcé de rattraper.
Cité du Vatican
11 avril 2019, article du pape émérite Benoît XVI
Dans son numéro du mois d’avril, le mensuel du clergé bavarois Klerusblatt a
publié un texte du pape émérite Benoît XVI intitulé « L’Église et le
scandale des abus sexuels ». Texte qu’il a jugé nécessaire d’écrire,
souligne-il dans une courte introduction, du fait de l’ampleur et de la
gravité des faits concernant les abus sur mineurs et « afin de lancer un
signal fort et de rechercher un nouvel élan afin de rendre l’Église de
nouveau véritablement crédible… » Un travail divisé en trois parties. Une
première dans laquelle Benoît XVI « essaie très brièvement de présenter le
contexte social général du sujet, sans lequel le problème ne peut être
compris ». Une deuxième où, dit-il, « j’essaie d’ébaucher les conséquences
de cette situation dans la formation et la vie des prêtres ». Une troisième,
enfin, où il développe « quelques perspectives en vue d’une réponse
appropriée de l’Église ». La Documentation catholique vous propose une
traduction intégrale du texte tirée de l’original allemand du document écrit
par le pape émérite.
Du 21 au 24 février 2019, à l’invitation du pape
François, les présidents des Conférences épiscopales du monde entier se sont
réunis au Vatican pour discuter de la crise de la foi et de l’Église, qui a
été ressentie à l’échelle mondiale suite aux révélations choquantes d’abus
perpétrés sur des mineurs par les clercs. L’ampleur et la gravité des faits
communiqués à propos de ces événements ont profondément ébranlé les prêtres
et les laïcs et conduit nombre d’entre eux a remettre en question la foi de
l’Église en tant que telle. Il était nécessaire ici, de lancer un signal
fort et de rechercher un nouvel élan afin de rendre l’֤Église de nouveau
véritablement crédible en tant que lumière parmi les peuples et force au
service de la lutte contre les puissances destructrices.
Comme j’œuvrais moi-même à un poste de responsabilité, en tant que pasteur
dans l’Église, au moment où a éclaté publiquement cette crise, et alors
qu’elle enflait, je me devais de me demander – même si, en tant que pape
émérite, je n’assume plus de responsabilité directe – comment je pouvais
contribuer, avec le recul, à un nouvel élan. Ainsi, pendant la période
allant de l’annonce de la rencontre à la venue effective des présidents des
Conférences épiscopales, j’ai rassemblé des notes qui puissent me permettre,
au moyen de quelques remarques, d’apporter mon aide dans ce moment
difficile. Après avoir pris contact avec le Secrétaire d’État, le cardinal
Parolin et le Saint-père lui-même, il me semble opportun de publier le texte
dans le Klerusblatt(1).
Mon travail est divisé en trois parties. Dans la première,
j’essaie très brièvement de présenter le contexte social général du sujet,
sans lequel le problème ne peut être compris. J’essaie
de montrer que dans les années 60, s’est produit un événement monstrueux,
pratiquement sans précédent à l’échelle de l’histoire. On peut dire que dans
les 20 ans allant de 1960 à 1980, les normes jusqu’alors en vigueur sur les
questions de sexualité ont complètement volé en éclat, résultant en une
absence de normes, qu’entre-temps on s’est efforcé de rattraper.
Dans la deuxième partie, j’essaie d’ébaucher les conséquences de cette
situation dans la formation et la vie des prêtres.
Enfin, dans une troisième partie, je voudrais développer quelques
perspectives en vue d’une réponse appropriée de l’Église.
I.
1. L’affaire commence par l’initiation – prescrite et soutenue par l’État –
des enfants et des jeunes à la nature de la sexualité. En Allemagne, Mme
Strobel, alors ministre de la Santé, a fait réaliser un film dans lequel, à
des fins d’information, tout ce qui jusqu’alors ne pouvait être présenté
publiquement, y compris les rapports sexuels, était désormais montré.
Ce qui, tout d’abord, était uniquement destiné à
l’initiation des jeunes a été par la suite reconnu comme une possibilité.
La « Sexkoffer » (valise sexuelle) (2), éditée par le gouvernement
autrichien, a produit des effets similaires. Les films à caractère sexuel et
pornographique sont alors devenus une réalité, au point d’être projetés dans
les cinémas de gare (Bahnhofskinos) (3). Je me souviens encore d’avoir vu,
un jour que je marchais dans la ville de Ratisbonne, une foule immense faire
la queue devant un grand cinéma, chose que nous n’avions vue auparavant
qu’en temps de guerre, lors de distributions exceptionnelles. Je me rappelle
aussi être arrivé dans cette ville le jour du Vendredi saint de l’année
1970, et avoir vu collée sur tous les panneaux publicitaires une affiche
représentant en grand format deux personnes complètement nues et étroitement
enlacées.
Parmi les libertés que la révolution de 1968 chercha à conquérir, il
y avait cette liberté sexuelle totale, qui n’admettait plus aucune norme.
La propension à la violence qui a caractérisé ces années-là est étroitement
liée à cet effondrement moral. En effet, aucun film à caractère sexuel
n’était plus autorisé dans les avions en raison de la violence qu’ils
pouvaient susciter au sein de la petite communauté des passagers. Parce que
les excès dans le domaine vestimentaire provoquaient également des
agressions, les chefs d’établissement essayèrent aussi d’introduire les
uniformes scolaires afin de créer un climat propice à l’apprentissage.
Faisant partie de la physionomie de la révolution de
68, la pédophilie pouvait être diagnostiquée
comme étant autorisée et appropriée. Pour les jeunes gens dans
l’Église, mais pas uniquement pour eux, ce fut une période très difficile à
bien des égards. Je me suis toujours demandé comment les jeunes dans cette
situation pouvaient aller vers le sacerdoce et l’accepter avec toutes ses
conséquences. L’effondrement en grande partie des vocations sacerdotales, au
cours de ces années, et le nombre excessif de retours à la vie laïque furent
une conséquence de tous ces événements.
2. Indépendamment de ces évolutions, mais au cours de la même période,
s’est produit un effondrement de la théologie morale catholique,
laissant l’Église sans défense face aux différents processus à l’œuvre dans
la société. J’essaie d’esquisser très brièvement les circonstances de cette
évolution. Jusqu’à Vatican II, la théologie morale catholique était
largement fondée sur la loi naturelle, les Écritures saintes n’étaient
évoquées qu’en toile de fond ou à titre d’exemple. Dans l’effort mené par le
Concile en vue d’une nouvelle compréhension de la Révélation, l’option de la
loi naturelle a été amplement écartée et une théologie morale entièrement
basée sur la Bible a été revendiquée. Je me souviens encore de la façon dont
la faculté jésuite de Francfort avait demandé à un jeune prêtre extrêmement
doué (Schüller) de bâtir une morale entièrement fondée sur l’Écriture. La
belle thèse du père Schüller constitue une première étape vers l’édification
d’une morale fondée sur l’Écriture. Puis le père Schüller fut envoyé en
Amérique afin de poursuivre ses études et revint avec la conviction que la
morale ne pouvait être systématiquement représentée par la seule Bible. Il
s’est ensuite essayé à une théologie morale plus pragmatique sans pour
autant pouvoir apporter de réponse à la crise en matière de morale.
Enfin, la thèse selon laquelle la morale ne pouvait être déterminée qu’en
fonction de la finalité de l’action humaine s’est largement imposée.
L’ancien adage « La fin justifie les moyens » ne pouvait pas être corroboré
de manière aussi grossière mais ce schéma de pensée est devenu déterminant.
Il ne pouvait donc plus rien y avoir désormais de bon ou de mal en soi, mais
seulement des appréciations relatives. Il n’y avait plus le bien, mais
seulement le relativement meilleur à l’instant précis et en fonction des
circonstances.
Cette crise relative à l’établissement et la représentation de la morale
catholique a atteint des proportions dramatiques à la fin des années 1980 et
dans les années 1990. Le 5 janvier 1989, fut publiée la Déclaration de
Cologne, signée par 15 professeurs de théologie catholiques. Elle évoquait
divers points de crispation dans les rapports entre le Magistère épiscopal
et la tâche revenant à la théologie. Ce texte, qui dans un premier temps
n’excéda pas le niveau habituel de protestations, suscita rapidement un
tollé général contre le magistère de l’֤Église et atteignit un niveau de
contestation visible et audible qui, dans le monde entier, s’éleva contre
les textes doctrinaux de Jean-Paul II alors attendus (4).
Le pape Jean-Paul II, qui connaissait très bien la situation de la théologie
morale et la suivait avec attention, a commencé à travailler sur une
encyclique qui devait repositionner correctement les choses. Parue le 6 août
1993, sous le titre Veritatis splendor (5),
elle a suscité de violentes réactions de la part des théologiens moralistes.
Auparavant, c’est le Catéchisme de l’Église catholique qui systématiquement
représentait de manière convaincante la morale décrétée par l’Église.
Je ne puis oublier la manière dont le théologien moraliste allemand de
l’époque, Franz Böckle, rentré dans sa Suisse natale pour y passer la
retraite, annonça dans la perspective des décisions qui seraient
potentiellement prises dans l’encyclique splendeur
de la vérité - veritatis splendor,
que si l’encyclique devait déterminer qu’il y avait
des actions pouvant toujours et en toutes circonstances être considérées
comme mauvaises, il ferait entendre sa voix en ayant recours à toutes
les forces qui lui restaient. Le Bon Dieu lui a épargné l’exécution de cette
décision ; Franz Böckle est décédé le 8 juillet 1991.
L’encyclique a été publiée le 6 août 1993 et comportait en effet la
conclusion qu’il existe des actions qui ne peuvent jamais être bonnes.
Le pape était pleinement conscient du poids de cette décision en
cette période précise et il avait justement interrogé, en ce qui concerne
cette partie de ses écrits, les meilleurs spécialistes qui ne participaient
pas à la rédaction de l’encyclique. Il ne pouvait et
ne devait laisser planer aucun doute sur le fait que la morale en terme
d’estimation du bien, devait respecter une limite ultime. Il existe des
biens qui ne peuvent être l’objet de concessions. Il existe des valeurs
auxquelles on ne peut renoncer que pour une valeur plus grande encore et qui
se situent même au-delà de la préservation de la vie physique. Il y a
le martyre. Dieu est bien plus que la vie physique. Une vie qui serait
achetée au moyen de la négation de Dieu, une vie qui serait fondée sur un
dernier mensonge, est une non-vie. Le martyre est une catégorie essentielle
de la vie chrétienne. Le fait que, dans la théorie défendue par Franz Böckle
et bien d’autres, le martyre ne soit, au fond, plus moralement nécessaire,
montre que c’est ici que l’essence même du christianisme est en jeu.
Entre-temps, en matière de théologie morale, il était toutefois devenu
urgent de se poser une autre question : était largement admis l’argument
selon lequel le magistère ecclésial détenait l’ultime compétence («
infaillibilité ») uniquement sur le sujet de la foi elle-même, les questions
relatives à la morale ne pouvaient faire l’objet de décisions infaillibles
de la part du magistère de l’Église. Il y a certainement quelque chose de
vrai dans cet argument, qui mérite d’être discuté plus loin.
Néanmoins, il existe un minimum de principes moraux
indissolublement liés aux principes fondateurs de la foi et qui doivent être
défendus si l’on ne veut pas réduire la foi à une théorie mais la
reconnaître dans son droit au regard de la vie concrète. Tout cela
montre clairement à quel point la question de l’autorité de l’Église en
matière de morale reste fondamentale. Ceux qui nient à
l’Église une compétence ultime en matière d’enseignement, dans ce domaine,
la réduisent au silence, précisément là où la frontière entre la vérité et
le mensonge est en jeu.
Indépendamment de cette question, s’est développée, au sein de nombreux
cercles de théologie morale, la thèse selon laquelle l’Église n’a pas et ne
peut avoir sa propre morale. Il y est soutenu que toutes les thèses morales
connaîtraient également des parallèles dans les autres religions et qu’en la
matière, un proprium chrétien ne peut donc exister. Mais la question
du proprium d’une morale biblique ne trouve pas de réponse dans le
fait qu’on puisse aussi trouver un parallèle pour chaque phrase dans les
autres religions. Il s’agit plutôt de l’ensemble de la morale biblique qui,
en tant que telle, est nouvelle et différente vis-à-vis de ces éléments
individuels. La doctrine morale des Saintes Écritures
a la particularité, au final, de s’ancrer dans l’image de Dieu, dans la
croyance en un Dieu unique, qui s’est manifesté en Jésus-Christ et qui a
vécu en tant qu’être humain.
Le décalogue est l’application de la croyance biblique en Dieu, à la vie
humaine. L’image de Dieu et la morale vont de pair
et engendrent la nouveauté particulière de l’attitude chrétienne
envers le monde et la vie humaine. Par ailleurs, le christianisme a été
décrit dès le début par le terme
La foi est un cheminement, une façon de vivre. Dans l’Église primitive, le
catéchuménat fut créé, face à une culture de plus en plus dépourvue de
morale, comme un lieu de vie où la particularité et la nouveauté du mode de
vie chrétien puissent être pratiquées et en même temps protégées du mode de
vie ordinaire. Je pense qu’aujourd’hui encore, quelque chose de semblable
aux communautés catéchuménales est nécessaire pour que la vie chrétienne
puisse s’affirmer à sa manière.
II.
Premières réactions de l’Église
1. Le processus de désintégration de la conception chrétienne de la morale,
préparé de longue date et toujours en cours, a connu dans les années 1960,
comme j’ai essayé de le montrer, un tournant radical sans précédent. Cette
désintégration de l’autorité de l’Église en matière d’enseignement moral a
dû nécessairement avoir un impact sur ses divers lieux de vie. Dans le
contexte de la rencontre des présidents des Conférences épiscopales du monde
entier avec le pape François, la question de la vie sacerdotale, et de celle
des séminaires, revêt un intérêt particulier. Le problème de la préparation
au ministère sacerdotal dans les séminaires relève en réalité d’un constat :
l’échec, en grande partie, de la forme que prenait jusque-là cette
préparation.
Dans divers séminaires se sont constitués des clubs homosexuels, qui ont agi
plus ou moins ouvertement et en ont considérablement modifié le climat. Dans
un séminaire situé dans le sud de l’Allemagne, vivaient ensemble des
candidats au sacerdoce et d’autres au ministère laïc de référent pastoral.
Au moment des repas, se retrouvaient ensemble les séminaristes et les
référents pastoraux, dont certains mariés étaient accompagnés de leur épouse
et de leurs enfants, et d’autres célibataires rejoints par leur petite-amie.
L’atmosphère qui régnait dans ce séminaire ne pouvait aider à préparer à la
vocation sacerdotale. Le Saint-Siège était au courant de ces problèmes sans
avoir été précisément informé. Dans un premier temps, une visite apostolique
a été organisée dans les séminaires situés aux États-Unis.
Après Vatican II, les critères de sélection et de nomination des évêques ont
également été modifiés, les relations de ces derniers avec leurs séminaires
ont aussi évolué. Le critère en matière de nomination des nouveaux évêques
était devenu avant tout la « conciliarité », ce qui, bien évidemment,
pouvait être compris de fort différente manière. En fait, dans de nombreux
segments de l’Église, l’esprit conciliaire était synonyme
d’attitude critique ou négative vis-à-vis de la
tradition qui existait jusqu’alors et qu’il convenait dorénavant de
remplacer par un nouveau rapport au monde radicalement
ouvert. Un évêque, qui auparavant avait été recteur de séminaire,
avait permis que soient projetés aux séminaristes des films pornographiques,
dans l’intention, soi-disant, de les rendre résistants à tout comportement
contraire à la foi. Il y avait – et pas uniquement aux États-Unis d’Amérique
– des évêques qui rejetaient la tradition catholique dans son ensemble et
cherchaient à faire émerger dans leur diocèse une sorte de
nouvelle « catholicité » moderne.
Il est peut-être intéressant de noter que dans un nombre non négligeable de
séminaires, les étudiants surpris à lire mes livres étaient considérés comme
inaptes à la prêtrise. Mes livres, considérés comme de la mauvaise
littérature étaient cachés et lus presque uniquement en cachette.
Les visites qui suivirent ne permirent pas d’apprendre quoi que ce soit de
nouveau, car manifestement, différentes forces s’étaient unies pour
dissimuler la situation réelle. Une deuxième visite fut organisée et apporta
davantage de renseignements substantiels, mais demeura dans l’ensemble sans
conséquences. Toutefois, la situation dans les séminaires s’est globalement
consolidée depuis les années 1970. Néanmoins, les vocations sacerdotales ne
se sont plus accrues que de manière sporadique, la situation dans l’ensemble
ayant pris une tournure différente.
2. Autant que je m’en souvienne, la question de la pédophilie n’est devenue
brûlante qu’à partir de la seconde moitié des années 80. Entre-temps,
c’était déjà devenu une affaire publique aux États-Unis. Les évêques ont
donc recherché l’aide de Rome parce que le Droit canon, tel qu’il est rédigé
dans le nouveau Code, ne semblait pas suffisant pour prendre les mesures qui
s’imposaient. Rome et les canonistes romains se sont donc tout d’abord
heurtés à ces difficultés. Selon eux, la suspension temporaire de la charge
sacerdotale devait être suffisante pour permettre d’épurer et de clarifier
la situation. Cela ne pouvait pas être accepté par les évêques américains,
car les prêtres restaient de ce fait au service de l’évêque et donc
directement liés à eux. Un renouvellement et un approfondissement du droit
pénal délibérément trop souple du nouveau Code de droit canon commencèrent
lentement à prendre forme.
À cela s’est ajouté un problème fondamental dans la perception du droit
pénal. Seul ce qu’on appelle le « garantisme » était encore considéré comme
« conciliaire ». C’est-à-dire que, par-dessus tout, les droits des prévenus
devaient être garantis, à tel point que toute condamnation était
pratiquement exclue. En contrepartie des moyens de défense souvent
inadéquats dont disposaient les théologiens inculpés, leur droit à la
défense par le biais du « garantisme » fut étendu de telle sorte qu’une
condamnation ne soit guère possible.
À cette occasion, je me permets une petite parenthèse. Compte tenu de
l’ampleur des défaillances en termes de pédophilie, des paroles de Jésus
nous sont revenues à l’esprit : « Celui qui est un scandale, une occasion de
chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour
lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et
qu’on le jette à la mer » (Mc 9, 42). Ces paroles dans leur sens
originel ne traitent pas d’abus sexuels perpétrés sur des enfants.
L’expression « Ces petits », dans le langage de Jésus, signifie les simples
fidèles qui peuvent être déconcertés dans leur foi par l’arrogance
intellectuelle de ceux qui se croient intelligents. Ici, également, Jésus
protège le don du dépôt de la foi en menaçant d’une sévère punition tous
ceux qui leur font du mal. L’interprétation moderne de ce verset n’est pas
fausse en soi, mais elle ne doit pas occulter le sens d’origine. Il démontre
clairement, contrairement à tout « garantisme », que ce n’est pas seulement
le droit du prévenu qui est important et requiert une garantie. Les biens
élevés, tels que la foi, sont tout aussi importants. Un droit canon
équilibré, correspondant à l’ensemble du message de Jésus, ne doit donc pas
constituer une garantie uniquement pour le prévenu, dont le respect est un
droit légal. Il doit également protéger la foi, qui elle aussi est un bien
légal important. Un droit canon correctement constitué doit donc comporter
une double garantie : la protection légale du prévenu et la protection
légale du bien qui est en jeu. Quand on énonce aujourd’hui cette vision
précise et qu’on en vient à la question de la protection de la foi en tant
que bien légal, on a généralement affaire à des gens qui font la sourde
oreille. La foi, au sens général du droit, ne semble plus avoir le rang de
bien à protéger. C’est une situation préoccupante, qui doit être considérée
et prise au sérieux par les pasteurs de l’Église.
Je voudrais maintenant ajouter aux brèves remarques sur la situation de la
formation des prêtres, au moment où la crise a éclaté publiquement, quelques
précisions sur les évolutions du droit canon en la matière. En principe, la
Congrégation pour le clergé est responsable des délits commis par les
prêtres. Mais puisque, à cette époque, le « garantisme » dominait largement
la situation, j’ai convenu avec le pape Jean-Paul II qu’il serait approprié
de confier la compétence sur ces délits à la Congrégation pour la doctrine
de la foi, sous l’intitulé Delicta Maiora contra fidem. Cette
attribution donnait aussi la possibilité d’infliger la peine maximale,
c’est-à-dire l’exclusion du clergé, qui n’aurait pas pu être imposée sur
d’autres bases légales. Ce n’était aucunement un stratagème pour être en
mesure d’attribuer la sanction maximale, mais une conséquence de
l’importance de la foi pour l’Église. En fait, il est essentiel de percevoir
que ces fautes commises par des clercs, au final, abîment la foi :
ce n’est que lorsque la foi ne détermine plus le
comportement des hommes que de tels délits sont possibles. Toutefois,
la sévérité de la sanction présuppose également que des preuves claires de
l’infraction soient établies, cet aspect du « garantisme » restant en
vigueur. En d’autres termes, afin d’être en mesure d‘imposer légalement la
peine maximale, une véritable procédure pénale est nécessaire. Mais c’est
ainsi que les diocèses et le Saint-Siège se sont retrouvés submergés. Nous
avons mis en place une forme minimale de procès pénal et laissé au
Saint-Siège la possibilité de reprendre lui-même le processus quand le
diocèse ou l’administration métropolitaine n’est pas en mesure de le faire.
En tout cas, le procès doit être examiné par la Congrégation pour la
doctrine de la foi afin de garantir les droits de l’inculpé. Enfin, à la
Feria IV (c’est-à-dire l’Assemblée des membres de la Congrégation), nous
avons créé une instance d’appel afin d’avoir également la possibilité d’un
recours contre le procès. Parce que tout cela dépassait les capacités de la
Congrégation pour la doctrine de la foi, et que les retards se sont
accumulés, qu’il fallait empêcher en raison de la nature du sujet, le pape
François a entrepris de nouvelles réformes.
III.
1. Que devons-nous faire ? Devons-nous créer une autre Église pour remettre
les choses correctement en place ? Eh bien, cette expérience a déjà été
tentée et a déjà échoué. Seule l’obéissance et l’amour envers notre Seigneur
Jésus-Christ peuvent nous indiquer le droit chemin. Alors essayons tout
d’abord de comprendre de nouveau et de l’intérieur, ce que le Seigneur
attendait et attend toujours de nous.
Tout d’abord, je dirais que si nous voulons vraiment résumer très brièvement
le contenu de la foi tel qu’il est exposé dans la Bible, nous devons dire
que le Seigneur a entamé avec nous une histoire d’amour dans laquelle il
veut récapituler toute la création. Faire contrepoids au mal qui nous
menace, nous et le monde entier, ne peut au final que consister à adhérer à
cet amour. C’est le véritable contrepoids vis-à-vis du mal.
La puissance du mal résulte de notre refus d’aimer Dieu. Celui qui se
confie à l’amour de Dieu est racheté. Nous ne pouvons être rachetés si nous
sommes incapables d’aimer Dieu. Apprendre à aimer Dieu est donc la voie de
la rédemption des hommes.
Essayons maintenant de déployer un peu plus ce contenu essentiel de la
Révélation divine. Nous pouvons dire alors que le premier don fondamental
que la foi nous offre réside dans l‘assurance que Dieu existe. Un monde sans
Dieu ne peut être qu’un monde sans signification. Car d’où vient tout ce qui
est ? En tout cas, il n’a pas de fondement spirituel. Il est là tout
simplement et n’a ni aucun but ni aucun sens. Il n’y a alors aucune norme en
matière de bien et de mal. Ne peut donc prévaloir que ce qui est le plus
fort. La puissance est alors le seul principe. La vérité ne compte pas, elle
n’existe même pas réellement. Seulement quand les choses ont un fondement
spirituel, quand elles sont voulues et pensées, quand il existe un Dieu
créateur, un Dieu qui est bon et veut le bien – alors la vie de l’homme peut
aussi avoir un sens.
Que Dieu existe en tant que créateur et mesure de toutes choses est d’abord
un besoin primordial. Mais un Dieu qui ne s’exprimerait pas du tout, ne se
ferait pas connaître, resterait une hypothèse et ne pourrait donc pas régir
la forme de nos vies. Afin que Dieu soit véritablement Dieu dans la création
consciente, nous devons nous attendre à ce qu’il s’exprime sous une forme
quelconque. Il l’a fait de multiples manières, mais surtout dans l’appel qui
a été lancé à Abraham et qui a donné à ceux qui étaient à la recherche de
Dieu l’orientation qui mène au-delà de toute attente : Dieu lui-même devient
une créature, parle comme un homme, et s’adresse à nous, êtres humains.
Ainsi, la phrase « Dieu est » se transforme en message de la Bonne nouvelle,
précisément parce qu’il est plus que la connaissance, parce qu’il crée et
est l’amour. Amener les hommes à en prendre de nouveau conscience est la
tâche première et fondamentale qui nous est confiée par le Seigneur.
Une société où Dieu est absent – une société qui ne le
connaît pas et le traite comme s’il était inexistant est une société qui
perd sa mesure. C’est à notre époque qu’a été inventé le slogan de la
mort de Dieu. Lorsque Dieu meurt dans une société, elle devient libre, nous
a-t-on assurés. En vérité, la mort de Dieu dans une société signifie aussi
la fin de sa liberté, car elle perd son sens, ce sens qui lui donnait son
orientation. Et parce que disparaît aussi le compas qui nous montre la
direction en nous apprenant à faire la distinction entre le bien et le mal.
La société occidentale est une société dans laquelle Dieu est absent de
l’espace public et n’a plus rien à lui dire. Et c’est pourquoi c’est une
société où la mesure de l’humanité se perd de plus en plus. Sur certains
points, il apparaît manifeste que le mal et ce qui détruit l’homme est
devenu une évidence. Il en est de même pour la pédophilie. Récemment encore
théorisée comme tout à fait appropriée, elle s’est propagée de plus en plus.
Et maintenant nous constatons, avec une vive émotion, que des choses
arrivent à nos enfants et à nos jeunes qui menacent de les détruire. Que
cela puisse se passer au sein de l’Église et parmi les prêtres doit nous
ébranler tout particulièrement. Pourquoi la pédophilie a-t-elle atteint un
tel niveau ? En dernière analyse, l’explication réside
dans l’absence de Dieu. Nous-mêmes, chrétiens et prêtres, ne parlons
pas volontiers de Dieu, parce que ce discours ne semble pas concret. Après
le séisme de la Seconde Guerre mondiale, en Allemagne, nous avions
explicitement placé notre Constitution sous la responsabilité de Dieu en
tant que principe directeur. Un demi-siècle plus tard, il n’était plus
possible d’inclure la responsabilité devant Dieu comme critère de référence
dans la Constitution européenne. Dieu est considéré comme la préoccupation
partisane d’un petit groupe et ne peut plus constituer un critère de
référence pour l’ensemble de la communauté. Cette décision est le reflet de
la situation de l’Occident, où Dieu est devenu
l’affaire privée d’une minorité.
La première tâche qui doit résulter du séisme moral
que nous vivons actuellement, consiste à recommencer à s’efforcer de
vivre de Dieu et de lui consacrer notre vie. Avant toutes choses, nous
devons nous-mêmes réapprendre à reconnaître Dieu comme le fondement de notre
vie et à ne pas le mettre de côté comme un terme quelconque, irréel et vide
de sens. Je n’oublierai jamais la mise en garde que m’adressa un jour le
grand théologien Hans Urs von Balthazar dans une de ses lettres : « Ne
présupposez pas le Dieu trine, père, fils et Saint-Esprit, proposez-les ! »
De fait, même en théologie, Dieu est souvent considéré comme une évidence,
mais concrètement, on ne traite pas de lui. Le sujet Dieu semble si irréel,
si éloigné des choses qui nous préoccupent. Et pourtant tout devient
différent si au lieu de présupposer Dieu, on le propose. Autrement dit, il
ne faut pas le laisser à l’arrière-plan, mais le reconnaître comme l’élément
central de notre pensée, de notre discours et de notre action.
2. Dieu s’est fait homme pour nous. L’homme sa créature est si proche de son
cœur qu’il s’est uni à lui, entrant ainsi concrètement dans l’histoire
humaine. Il nous parle, il vit avec nous, il souffre avec nous et pour nous,
il a lui-même endossé la mort. De tout cela nous parlons de manière
approfondie en théologie, avec des mots et des pensées savantes. Mais c’est
justement là que réside le danger : en devenant des maîtres de la foi au
lieu d’être renouvelés et gouvernés par elle.
Considérons cela en partant d’un point capital, la célébration de la sainte
Eucharistie. La façon dont nous traitons l’Eucharistie ne peut que susciter
de l’inquiétude. Le concile Vatican II s’est à juste titre préoccupé de
replacer ce sacrement de la présence du corps et du sang du Christ, de sa
personne, de sa souffrance, de sa mort et de sa résurrection au centre de la
vie chrétienne et de la vie ecclésiale. Et en partie, c’est ce qui s’est
vraiment produit et, sincèrement, nous en rendons grâce au Seigneur.
Pourtant, c’est une autre attitude qui prévaut : ce n’est pas la pleine
révérence envers la présence de la mort et de la résurrection du Christ qui
domine, mais une façon de la contourner qui détruit la grandeur du mystère.
La baisse de la participation à la célébration eucharistique dominicale
montre combien nous, chrétiens d’aujourd’hui, apprécions peu la grandeur du
don que constitue sa présence réelle. L’Eucharistie est réduite à un geste
cérémoniel quand il est tenu pour acquis que la courtoisie exige qu’elle
soit offerte à tous lors des fêtes de famille ou en diverses occasions comme
les mariages et les obsèques, pour des raisons de parenté.
L’évidence avec laquelle, en maints endroits, les personnes présentes
reçoivent tout simplement le Saint-Sacrement montre que dans la communion
n’est perçu qu’un geste cérémoniel. Donc, quand nous pensons à ce qu’il faut
faire, il devient clair que nous n’avons pas besoin d’une autre Église que
nous aurions imaginée. Ce qui est bien plus nécessaire, c’est le renouveau
de la foi en la réalité de Jésus-Christ qui nous est donnée dans le
sacrement.
Lors des discussions avec les victimes d’actes pédophiles, j’ai été amené à
prendre de plus en plus conscience de ce besoin impératif. Une jeune femme
qui avait été servante d’autel m’a raconté que l’aumônier, son supérieur
hiérarchique dans le cadre de cette tâche, amorçait toujours les sévices
sexuels qu’il lui faisait subir en disant : « Ceci est mon corps qui sera
livré pour toi ». Que cette jeune-femme ne puisse plus entendre les mots de
la prière eucharistique sans ressentir dans sa chair le supplice de l’abus
subi est une évidence. Oui, nous devons instamment implorer le pardon du
Seigneur et, surtout, nous devons l’invoquer et lui demander de nous
enseigner à nouveau la grandeur de sa souffrance et de son sacrifice. Et
nous devons faire notre possible pour protéger le don de la sainte
Eucharistie de tout abus.
3. Et là est, en définitive, le mystère de l’Église. La phrase par laquelle
Romano Guardini, il y a près de 100 ans, exprimait l’espérance joyeuse qui
avait été instillée en lui et en beaucoup d’autres à cette époque reste
inoubliable : « Un événement d’une importance inédite a commencé : l’Église
se réveille dans les âmes ». Il voulait, ainsi, dire que l’Église n’était
plus simplement vécue et perçue comme un dispositif extérieur à nos vies,
comme une sorte d’autorité, mais qu’elle commençait à être perçue comme
étant présente dans les cœurs, non comme quelque chose de simplement
extérieur, mais comme quelque chose qui nous touche à l’intérieur de
nous-mêmes. Environ un demi-siècle plus tard, en reconsidérant ce processus
et en regardant ce qui s’était passé, j’ai ressenti l’envie d’inverser la
phrase : « l’Église meurt dans les âmes ». En
effet, l’Église d’aujourd’hui est largement considérée comme une sorte
d’appareil politique. On ne parle pratiquement plus d’elle qu’en termes de
catégories politiques, et cela s’applique jusqu’aux évêques, qui expriment
en grande partie leur vision de l’Église de demain d’un point de vue
essentiellement politique. La crise provoquée par les nombreux cas d’abus
commis par des prêtres nous incite presque à voir l’Église comme quelque
chose de lamentable que nous devons maintenant reprendre rigoureusement en
mains et refaçonner. Mais une Église conçue par nous-mêmes ne peut
constituer une espérance.
Jésus lui-même a comparé l’Église à un filet de pêche dans lequel se
trouvent de bons et de mauvais poissons, que Dieu lui-même à la fin sépare.
Il y a aussi la parabole de l’Église considérée comme un champ où pousse le
bon grain semé par Dieu lui-même, mais aussi les mauvaises herbes qu’« un
ennemi » a aussi secrètement semées. En fait, les mauvaises herbes qui
poussent dans le champ de Dieu, c’est-à-dire l’Église, ne sont que trop
visibles, et les mauvais poissons qui se trouvent dans le filet montrent
tout autant leur force. Néanmoins, le champ reste le champ de Dieu et le
filet reste le filet de pêche de Dieu. Et en tout temps, il n’y a pas
seulement de mauvaises herbes et de mauvais poissons, mais aussi la semence
de Dieu et de bons poissons. Proclamer pareillement les deux avec vigueur ne
relève pas d’une fausse apologétique, il s’agit, et c’est indispensable, de
servir la vérité.
À ce propos, il est nécessaire de se référer à un texte important dans
l’Apocalypse de Jean. Le diable est identifié comme l’accusateur de nos
frères, qui les accusait jour et nuit devant Dieu (Ap 12, 10).
L’Apocalypse reprend ainsi une réflexion qui se situe au centre du cadre
narratif du livre de Job (Job 1 et 2, 10 ; 42, 7-16). Il y est dit
que le diable essaie de déprécier, devant Dieu, la droiture de Job, au
prétexte qu’elle n’est qu’extérieure. C’est précisément ce que dit
l’Apocalypse : le diable veut prouver qu’il n’y a pas d’homme juste ; que la
droiture des hommes n’est qu’une manifestation extérieure. Si l’on pouvait
s’approcher un peu plus près, le vernis de la droiture ternirait bien vite.
Le récit commence par une dispute entre Dieu et le diable, au cours de
laquelle Dieu qualifie Job d’homme vraiment juste. Des exemples vont être
passés en revue pour savoir qui a tort ou raison. Enlevez-lui ce qu’il
possède et vous verrez qu’il ne reste rien de sa piété, fait valoir le
diable. Dieu lui permet d’essayer, et Job se tire favorablement de la
situation. Maintenant, le diable le pousse un peu plus loin sur, et dit : «
Peau pour peau ! L’homme donne tout ce qu’il a pour sauver sa vie. Mais
étends la main, touche à ses os et à sa chair, je parie qu’il te maudira en
face ! » (Job 2, 4). Alors Dieu accorde au diable une seconde
tentative. Il est également autorisé à toucher la peau de Job. Seul le tuer
lui est refusé. Il est clair, pour les chrétiens, que Job, qui se dresse
devant Dieu comme un exemple pour toute l’humanité, est Jésus-Christ. Dans
l’Apocalypse, le drame de l’humanité nous est présenté dans toute son
amplitude. Le Dieu créateur est confronté au diable, qui dénigre toute
l’humanité et toute la création. Il dit non seulement à Dieu, mais surtout
au peuple : Regardez ce que ce Dieu a fait. Une belle création, soi-disant.
En réalité, elle est, dans son intégralité, totalement misérable et
répugnante. Le dénigrement de la création est en réalité le dénigrement de
Dieu. Il veut prouver que Dieu lui-même n’est pas bon et nous détourner de
lui.
L’actualité de ce que nous dit l’Apocalypse est ici évidente. Aujourd’hui,
l’accusation à l’encontre de Dieu vise avant tout à nous présenter son
Église sous un jour extrêmement mauvais et donc à nous en détourner. L’idée
que nous pourrions-nous mêmes créer une Église meilleure est en fait une
proposition du diable au moyen de laquelle il veut nous détourner du Dieu
vivant à travers une logique mensongère à laquelle nous succombons trop
facilement. Non, même aujourd’hui, l’Église n’est pas seulement composée de
mauvais poissons et de mauvaises herbes. L’Église de Dieu existe encore
aujourd’hui, et c’est aussi l’instrument par lequel Dieu nous sauve. Il est
très important d’opposer aux mensonges et aux demi-vérités du diable toute
la vérité : oui, le péché existe dans l’Église et le mal aussi. Mais même
aujourd’hui, la sainte Église existe, et elle est indestructible. Il y a
également aujourd’hui beaucoup de gens qui humblement croient, souffrent et
aiment et en qui le vrai Dieu, le Dieu aimant, se montre à nous. Dieu a
aussi ses témoins (« martyrs ») dans le monde d’aujourd’hui. Nous devons
juste être éveillés pour les voir et les entendre.
Le mot « martyr » est tiré du droit procédural. Dans le procès contre le
diable, Jésus-Christ est le premier et le véritable témoin de Dieu, le
premier martyr qui sera dès lors suivi par d’autres, innombrables. L’Église
d’aujourd’hui est plus que jamais une Église des martyrs et donc témoin du
Dieu vivant. Quand nous regardons autour de nous et écoutons avec un cœur
attentif, partout aujourd’hui, surtout parmi les gens ordinaires, mais aussi
dans les hauts rangs de l’Église, nous trouvons des témoins qui, par leur
vie et leurs souffrances, se tiennent auprès de Dieu. C’est une paresse du
cœur que de ne pas vouloir le percevoir. L’une des grandes tâches
essentielles de notre proclamation de l’Évangile est, dans la mesure du
possible, d’établir des lieux de vie de la foi et, avant tout, de les
trouver et de les reconnaître.
Je vis dans une maison, au sein d’une petite communauté de gens qui
découvrent continuellement, et au quotidien, de tels témoins du Dieu vivant
et m’en font part joyeusement. Voir et trouver l’Église vivante est une
tâche merveilleuse qui nous rend forts et nous permet constamment de nous
réjouir dans la foi.
En conclusion de ces réflexions, je tiens à remercier le pape François pour
tout ce qu’il fait, afin de nous montrer encore et encore la lumière de
Dieu, qui même aujourd’hui n’a pas disparu. Merci, Saint-Père !
Benoît XVI
(1) « La Gazette du clergé », un mensuel destiné au clergé dans la plupart
des diocèses de Bavière, en Allemagne.
(2) La « Sexkoffer » est une « valise », contenant du matériel d’éducation
sexuelle utilisé dans les écoles autrichiennes et éditée à la fin des années
1980 par le gouvernement autrichien.
(3) Après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à la fin des années 1980, les
gares allemandes étaient équipées de salles de cinéma pour les voyageurs
entre deux trains. Y étaient diffusés les actualités, des films de série B
ou à caractère érotique.
(4) cf. D. Mieth, Kölner Erklärung, LThK, VI3, 196. Autour de la Déclaration
de Cologne (DC 1989, n. 1979, p. 240-245).
(5) Pape Jean-Paul II, Lettre encyclique
splendeur de la vérité - veritatis splendor, 6 août 1993 ; DC 1993, n.
2081, p. 901-944.
►
La lettre de Benoît XVI sur le rapport de Munich
►
Benoît XVI se défend
Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 20.02.2023
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