Benoît XVI rejette la thèse du
créationnisme |
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Le 15 février 2009 -
(E.S.M.)
- Benoît XVI reconnaît des aspects positifs à l’apport de Darwin à la
science mais il critique fermement une théorie de l’évolution qui cache
ses propres lacunes et ne veut pas voir les questions qui se posent
au-delà des capacités méthodologiques de la science naturelle.
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La
"nouvelle théorie de l'évolution"
Benoît XVI rejette la thèse du créationnisme
Dieu ou Darwin : un pseudo-combat par
Marion Guében Baugniet
Le 15 février 2009 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
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Depuis quelques mois, Darwin revient en force dans l’actualité. À la
suite de consignes ministérielles, il se manifeste avec bruit et sans
nuances dans les écoles. Avec pour effet de s’entendre interroger par
des élèves de l’enseignement catholique : « Tu
es pour qui ? Pour Dieu ou pour Darwin
?? » Récemment un professeur de l’ULB
(Belgique)
a amené son public au comble de l’hilarité en caricaturant
les chrétiens confrontés à Adam, la pomme, le serpent. Que se passe-t-il
? Pourquoi cette soudaine agression des darwinistes autour d’un thème
qui paraissait ne plus devoir générer de polémiques ? En réaction,
semble-t-il, à des résurgences du créationnisme chez certains
fondamentalistes aux États-Unis, l’Europe a cru devoir se mettre sur
pied de guerre pour dénoncer une « menace de l’obscurantisme religieux
contre la Science ». En fait, l’on s’aperçoit que l’évolution reste une
question très controversée. Il n’est pas facile d’y voir clair, tant les
amalgames et parfois la mauvaise foi sont fréquents en ces matières. Et
le chrétien, qui ouvre sa Bible au chapitre de la Genèse, que lui
faut-il comprendre ?
I. CRÉATION
Le récit de la Création par lequel s’ouvre l’Ancien Testament ne doit
pas être pris au pied de la lettre. Le scribe, saisi d’une inspiration
d’origine divine, a tenu à évoquer une vérité profonde et essentielle,
en se servant d’images telles qu’elles parlent au peuple de son temps.
Pour trouver la clé des événements bibliques, il est essentiel de
recourir à une bonne exégèse sans jamais perdre de vue que les Écritures
veillent à nous exposer le pourquoi des choses plutôt que le comment.
La Bible veut nous dire essentiellement que Dieu est le créateur du
monde et son sauveur. Il n’est donc pas de foi que Dieu ait créé
le monde en six jours, comme la Genèse le raconte de façon métaphorique.
Et Mgr Léonard insiste à juste titre sur le fait que les créationnistes
fondamentalistes rendent un très mauvais service à la philosophie, à la
foi et à la théologie en s’en tenant au fixisme, c’est-à-dire la
doctrine selon laquelle les animaux et les plantes ont été créés
subitement et isolément par espèces fixes et immuables.
En d’autres termes, la création n’est pas une fabrication artisanale.
Elle est avant tout une relation de dépendance originelle : les
créatures reçoivent leur être
(leur existence et leur essence)
de Dieu comme la Source de tout être, mais dès lors que les lois de la
Nature sont établies, Dieu peut agir par l’intermédiaire des causes
naturelles. Et ce n’est donc pas à la création que s’oppose l’évolution,
c’est au fixisme.
Creatio continua. Dieu n’agit pas seulement au point de départ.
Il opère en permanence. Il nous tient tous en tout instant entre Ses
mains en nous communiquant Son souffle. Si Dieu abandonnait la création,
celle-ci retomberait aussitôt dans le néant. Saint Paul dit que Dieu «
opère tout en tous » et « Il soutient tout
l’Univers par sa Parole puissante. »
II. ÉVOLUTION
Au Ve siècle, saint Augustin déjà distinguait la création originelle par
laquelle Dieu a fait toutes choses dans leurs raisons causales, et la
création dans le cours des temps. Les raisons causales sont les
virtualités déposées à l’origine dans les éléments du monde ; sous
l’action de la Providence, ces virtualités produisent de nouvelles
créatures, chacune en son temps.
Et en suivant la pensée de saint Thomas, au XIIIe siècle, on constate
que l’idée de l’évolution peut d’une certaine manière aussi s’y
intégrer.
a) Le darwinisme.
Déjà annoncé par le naturaliste français Lamarck, Charles Darwin, publie
en 1859 De l’origine des espèces. Servi par un don exceptionnel de
l’observation et déployant un zèle immense, Darwin a réalisé une œuvre
qui restera prégnante dans l’histoire des idées, selon l’affirmation du
cardinal Schönborn, peu suspect pourtant d’être un disciple forcené du
darwinisme !
En développant sa théorie, Darwin a tenté de donner une explication
mécaniste de l’évolution des espèces. Le mécanisme central en est la
sélection naturelle (struggle for life)
qui opère au niveau des populations en sélectionnant les individus les
plus forts, les mieux adaptés à leur environnement. Il s’agirait d’un
processus continu de transformations aléatoires au fil des âges allant
de l’invertébré à l’homo sapiens. Au départ toutefois, Darwin n’avait
aucune prétention philosophique. C’est à la suite de la violente
polémique lancée contre lui par l’Église anglicane qu’il se met à
radicaliser sa position, déclarant que l’homme est d’origine animale et
qu’il n’y a pas de cause finaliste à son apparition. Il semble bien nier
de ce fait le Dieu créateur. Encore qu’en d’autres circonstances, il le
glorifie…
b) Le néo-darwinisme.
Enrichi par d’autres apports, dont la découverte de l’ADN en 1953, le
néo-darwinisme devient une synthèse multidisciplinaire dans laquelle
l’évolution part d’un fondement génétique, les mutations aléatoires,
pour être ensuite passée au crible de la sélection naturelle. Mais ce
modèle ignore le sens de l’évolution en ceci que tout changement est
imprédictible. Autrement dit, l’homme n’a aucune raison d’être au monde.
Il pourrait aussi bien régresser à l’état animal, disparaître,.... Exit
tout sens métaphysique. C’est à partir des années 1960 que les
idéologies vont se saisir du darwinisme pour en
faire une arme de combat contre la croyance religieuse. La
théorie dite synthétique de l’évolution deviendra la position dominante
adoptée « officiellement » par la communauté scientifique
internationale. Ses implications philosophiques déterminent pour une
large part nos décisions en matière bioéthique, politique et sociale. Le
plus surprenant est que personne ou presque ne semble plus s’apercevoir
qu’il ne s’agit que d’une théorie.
Jean Staune, fondateur de l’Université interdisciplinaire de Paris,
s’étonne de la virulence des néo-darwiniens comme de l’impossibilité à
questionner leurs postulats. Pourtant il est un adepte convaincu de
l’évolution tout en étant un chrétien convaincu. Or oser croire en Dieu
peut suffire pour se faire rejeter par les tenants de Darwin dans le
camp créationniste. D’où l’équivoque délibérément entretenue aujourd’hui
dans l’enseignement scolaire sous couleur de sauver la jeunesse de
l’obscurantisme. Largement relayée par les media, elle imprègne la
pensée ambiante, sans oublier toute une sous-culture entretenant un
chaos mental où opère la désinformation. L’exemple le plus percutant de
cette docu-fiction est incontestablement L’Odyssée de l’espèce
(2003) où des faits établis se
mélangent avec des hypothèses plus ou moins étayées.
En fait, ce qui était, au départ, considéré comme une désaliénation
(du créationnisme) par la
science s’est transformé en scientisme dogmatique. En d’autres termes,
les scientifiques athées ne veulent pas reconnaître que beaucoup de
chrétiens, en plein accord avec leur foi, croient en l’évolution, et
même une évolution scientifique, mais pas en tous points celle de Darwin
; ces scientifiques-là préfèrent répéter que tous les chrétiens sont des
créationnistes fondamentalistes ou adeptes du fixisme.
c) De quelle évolution parle l’Église ?
C’est toute la question ! Tâchons d’y voir clair.
L’Église catholique rejette assez rapidement la théorie du darwinisme.
En 1907, Pie X défend la théologie naturelle dans l’encyclique
Pascendi Dominici gregis et condamne toute dépendance de la foi à l’égard de la
raison critique. Bien que Pie XI ait résolument affirmé l’intérêt de
l’Église pour la science en créant l’Observatoire du Vatican, il n’en
faudra pas moins attendre Vatican II pour que l’Église fasse son
aggiornamento en commençant par la réhabilitation de Teilhard de
Chardin, grâce aussi au concours déterminant du Père de Lubac. Un
nouveau seuil sera franchi avec Jean-Paul II lorsqu’il avancera en
octobre 1996 : l’évolution est plus qu’une hypothèse. Il aura toutefois
soin de préciser : « Mais plutôt que de la théorie de l’évolution, il
convient de parler des théories de l’évolution. Cette pluralité tient
d’une part à la diversité des explications qui ont été proposées au
mécanisme de l’évolution, et d’autre part aux diverses philosophies
auxquelles on se réfère […] Les théories de l’évolution qui, en fonction
des philosophies qui les inspirent, considèrent l’esprit comme un simple
épiphénomène de la matière, sont incompatibles avec la vérité de
l’homme. Elles sont d’ailleurs incapables de fonder la dignité de la
personne ».
Venons-en à Benoît XVI. Déjà en 1968, le cardinal Ratzinger tente de
préciser l’apport de la science par rapport à la théologie. Sa position
est alors très nettement avant-gardiste, tout en étant dans le fil de
l’inspiration du Concile : « La théorie de l’évolution ne supprime pas
la foi ; elle ne la confirme pas non plus. Mais elle la pousse à se
comprendre elle-même plus profondément ». Et de faire référence à
Teilhard de Chardin pour dépasser l’alternative radicale et simpliste entre
matérialisme et spiritualisme, hasard et sens. En 1981, il reviendra
avec force sur l’articulation entre évolution et création : deux
approches qui se complètent et ne s’excluent pas. Il s’oppose nommément
à Jacques Monod qui met à la place de la volonté divine, le hasard, la
loterie censés nous avoir produits. Lors de l’accession de Benoît XVI au
pontificat, les positions néo-darwinistes se sont encore durcies.
Désormais, dans le langage de la majorité des scientifiques, le concept
de l’évolution est devenu quasiment indissociable de la théorie du Chaos
lequel aurait présidé à la genèse du cosmos. Lors de sa première
homélie, le nouveau pape souligne que nous ne sommes pas le produit
accidentel et dépourvu de sens de l’évolution.
Chacun de nous est
d’abord le fruit d’une pensée de Dieu. Nous sommes tous et
toutes aimés de Dieu dès notre conception. De plus en plus à ses yeux,
s’il est bien entendu que l’évolution est compatible avec la création et
avec la foi chrétienne, il est essentiel à présent de rejeter l’option
d’une existence irrationnelle et insensée qui ne serait que le fruit du
hasard, et d’une raison qui ne serait de ce fait qu’un produit de
l’irrationalité. À la suite d’un séminaire sur ces questions, Benoît XVI
en fait paraître les conclusions dans un ouvrage
Création et l'évolution
(avril 2007).
Il y rejette la thèse du créationnisme
(donc le fixisme)
qui lui-même rejette la science. La position créationniste est basée sur
une interprétation de la Bible que l’Église catholique ne partage pas.
Toutefois, Benoît XVI n’adopte pas pleinement les revendications de la
théorie de l’évolution telle que la conçoit Darwin. Et ceci pour
plusieurs raisons que nous étudierons plus loin. Il reconnaît certes des
aspects positifs à l’apport de Darwin à la science mais il critique
fermement une théorie de l’évolution qui cache ses propres lacunes et ne
veut pas voir les questions qui se posent au-delà des capacités
méthodologiques de la science naturelle.
Pour dire un mot de l’Intelligent Design : l’appellation est bonne. Mais
c’est le nom dont s’est emparé abusivement un courant
néo-fondamentaliste américain. Et tant l’observatoire du Vatican que la
communauté scientifique l’ont relégué à l’étage des pseudo-sciences et
en ont dénoncé la méthodologie. C’est à un autre niveau que se situe
Benoît XVI lorsqu’il affirme que le monde est né d’un processus
d’évolution très complexe mais qu’au fond il est issu du Logos. Donc de
la Raison. Dès lors « Création » signifie un progetto intelligente che è
il cosmo
(un projet, un plan intelligent qui est le cosmos).
Nos derniers papes n’ont cessé d’encourager les chercheurs à poursuivre
leurs travaux : car la foi en Christ n’a rien à redouter de la Vérité.
III. ANNE DAMBRICOURT ET LES ÉVOLUTIONNISTES
NON-DARWINIENS
Pierre Teilhard de Chardin, le grand mystique de l’Évolution ! Sans
adhérer en tous points à ses vues, on ne peut qu’admirer la vision
d’ensemble qu’il a eue de la science et de la foi chrétienne. Citons
aussi, chacun selon son école, le grand paléontologue Conway Morris, le
généticien américain Michaël Denton, le Prix Nobel suisse Werner Arber,
P.-P. Grassé, ex-titulaire de la chaire de l’évolution à la Sorbonne, le
Professeur Jérôme Lejeune, le scientifique bouddhiste Varela, etc..
La plus interpellante de ces paléontologues non-darwiniens d’aujourd’hui
est sans conteste la Française, Anne Dambricourt-Malassé, avec sa
découverte révolutionnaire. Chercheur au CNRS, qui propose un autre
regard sur l’origine de l’homme. Le principe de l’évolution ? oui ! mais
elle en explique le mécanisme par un phénomène interne à l’homme : «
le moteur de l’évolution n’est donc pas extérieur, mais à l’intérieur de
chacun de nous ». En étudiant l’évolution d’un os situé à la base du
crâne, le sphénoïde, l’os le plus complexe et le plus différencié du
crâne, A.D. a découvert qu'il subissait une torsion sur lui-même,
toujours dans le même sens, à chaque saut d'espèce. Cette torsion
s'accompagne de ce que la chercheuse nomme la « contraction cranio-faciale
». Cette étude, A.D. l'a menée en comparant les os crâniens des singes,
petits et grands, anciens et contemporains, ceux de l'Australopithèque,
de l'homo erectus, de l'homo habilis, du Néandertalien et de nous-mêmes,
hommes de Cro-Magnon (homo sapiens).
Soit des mesures sur 60 millions d'années, appliquées à tous les crânes
d'hominiens disponibles !
Il y a 7 millions d’années, quand apparaît l’australopithèque bipède
dont la mâchoire est beaucoup plus rentrée et le prognathisme moins
développé, l’homme est déjà là en puissance. Plus la mâchoire rentre,
plus cela tire sur la colonne vertébrale et plus l’homme se relève, ce
qui génère la bipédie.
Chaque torsion supplémentaire du fameux os sphénoïde coïncide avec une
restructuration complète du squelette en gestation, sans qu'il ne perde
rien toutefois, de la logique organisationnelle générale propre à
l'espèce qui lui donne naissance. À chaque saut d'espèce, c'est un être
totalement inédit, restructuré de la tête aux pieds, qui voit le jour,
restructuration basée sur l'architecture du squelette de l'espèce
précédente. Ainsi cette restructuration serait-elle la marque d'un
mouvement, ce qui fait dire à A.D. que l'homme est un processus en
cours, qui se développe en dedans de l’homme. Autrement dit, l'évolution
existe bien mais elle n'est pas seulement le fruit d'une adaptation de
l'homme au milieu extérieur. Car l'os sphénoïde n'a aucune raison de
subir une torsion sur lui-même par adaptation de l'homme à un milieu
spécifique. Le phénomène métamorphique ne peut se produire qu'au stade
de l'embryon. Pour que l’homo sapiens fasse son apparition, il a fallu
qu'il soit enfanté par une mère qui n'était pas homo sapiens, mais à son
stade précédent. Ici, l'évolution est bien un processus intérieur, au
fonctionnement observable, mais aux causes inexpliquées : « Chaque fois
que l'on franchit une étape au cours de l'évolution, c'est que l'embryon
a su intégrer un flot d'instabilité de façon harmonieuse et non
chaotique, en conservant la logique de la refonte embryonnaire ».
Les crânes ont révélé à A.D.que l’hominisation s’inscrit dans une
logique chronologique stable, extrêmement têtue, et qui, des premiers
singes, mène droit au cerveau pensant en déroulant le fil d’Ariane d’un
processus évolutif qui ne doit rien au hasard. La contraction croissante
de la base du crâne est toujours suivie d’une complexification du
cerveau (donc intelligence accrue).
Pour elle, les « sauts » d’une espèce à l’autre pourraient être
assimilés à des créations successives, intégrées dans une même
trajectoire évolutive, soumise à des « attracteurs ».
Selon Jean Staune, Anne Dambricourt est la seule qui permet de concilier
la continuité biologique propre à l’évolution et la rupture entre
l’homme et l’animal.
Les chaînons manquants ?
L’évolution due à l’adaptation aux fluctuations de l’environnement selon
Darwin serait-elle donc non fondée ? A.D. répond qu’il faut distinguer.
La micro évolution darwinienne explique en gros comment, à l’intérieur
d’un même plan, on se promène d’une variété à l’autre. Mais seulement au
sein d’une même espèce. Comment passe-t-on d’un plan d’ensemble à un
autre plan d’ensemble ? Quid de cette continuité voulue par la logique
de l’évolution darwinienne ? Avec beaucoup d’honnêteté, Charles Darwin
exprime son incompréhension : « Pourquoi donc chaque formation
géologique, dans chacune des couches qui la compose, ne grouille-t-elle
pas de formes intermédiaires ? La géologie ne révèle aucunement une
série organique bien graduée, et c’est en cela peut-être que consiste
l’objection la plus sérieuse qu’on puisse faire à ma théorie. » Il
est évidemment question ici des célèbres chaînons manquants. S’il est
vrai que tout a évolué à partir d’un premier germe, il devrait alors y
avoir d’innombrables stades intermédiaires. On ne
les trouve pas. Comment se fait-il que les néo-darwiniens,
manifestement moins honnêtes que leur maître, cherchent à ignorer cette
incontournable réalité.
La théorie du Chaos. Le Néandertalien : une erreur du hasard ?
AD ne nie pas la réalité du chaos. Elle en dénonce l’utilisation et la
généralisation abusives. Il y a selon elle une logique qui se déploie
imperturbablement à travers le halo du hasard, et elle ajoute : on
pourrait même dire une logique qui se nourrit du hasard.
En matière d’évolution, le chaos peut certes intervenir. Cela se passe
il y a quelque cent vingt mille ans. Brusquement apparaît en Europe un
être totalement imprédictible : le Néandertalien. Son os sphénoïde, au
lieu de se contracter comme à chaque saut d’espèce, s’allonge. En écho,
la face se projette vers l’avant et le front s’affaisse. Le cerveau
grossit, oui, mais son drainage sanguin régresse. Il a une énorme langue
et pousse sans doute des cris puissants, mais peut-il seulement
articuler des mots clairs ? Ce n’est pas du tout certain.
Bref, toutes les corrélations se sont rompues entre les tissus. Le chaos
s’est introduit dans le jeu. Le Néandertalien disparaîtra sans
descendance. Disparition qui plonge la communauté scientifique dans une
immense perplexité. De même que l’absence de croisement entre la
population de Néandertal et celle de Cro-Magnon, qui cependant ont
cohabité pendants des millénaires. Il s’agit donc bien de deux espèces
distinctes.
C’est alors ici une fluctuation chaotique ? Oui, répond A.D., mais elle
fait remarquer : chaotique par rapport à une logique qui, elle, est
prédictible. En effet, on pouvait prévoir que si un nouveau plan devait
émerger, il y aurait une contraction cranio-faciale intensifiée, un
front haut au stade adulte, des lobes frontaux plus développés, des
méninges mieux oxygénées, un appareil phonatoire favorisé par la
verticalisation de l’ensemble, une meilleure capacité à prononcer des
phrases (ce qui consomme beaucoup d’oxygène), une conscience symbolique
plus élevée, une meilleure maîtrise de son milieu… Voilà ce qu’on aurait
prédit. Et c’est ce qui est arrivé : notre ancêtre Cro-Magnon était donc
attendu.
Anne Dambricourt est loin de prétendre qu’elle a élucidé tout le
mystère. Mais grâce à son patient travail de scientifique intuitive et
pointue, elle a enrichi l’approche de la genèse de l’être humain d’un
apport impressionnant. De « saut » en « saut », elle a retracé le fil
menant au sapiens, dont les propriétés émergentes sont la conscience et
la quête de Sens. Ce qui, pour nombre de scientifiques du jour, est
insupportable. Car puisqu’ils postulent que l’homme est né du hasard et
qu’ils nient tout sens à son évolution, cet homme pourrait tout aussi
bien régresser, voire disparaître. Tandis que si l’homme est
prédictible, et que son apparition s’inscrit dans l’évolution évoquée
ci-dessus, il y a forcément une cause finaliste à son origine, une
programmation, un projet intelligent.
Un dernier mot au sujet d’Anne Dambricourt. Il serait temps que la
communauté scientifique cesse d’incriminer la chrétienne pour
disqualifier la scientifique car, indifférente à la foi au départ, c’est
son travail de paléontologue qui l’a menée à rencontrer Teilhard de Ch.
Personnalité courageuse, et forte des faits concrets qui étayent sa
thèse, elle fait face au tollé de ses détracteurs
(moins nombreux cependant aujourd’hui).
Peu lui importe le risque de retombées négatives sur sa carrière. Ce qui
lui fait souci, c’est qu’elle subodore la nature philosophique de la
motivation sous-jacente de ses opposants. Beaucoup de leaders
intellectuels et scientifiques vont jusqu’à nier la possibilité même de
se poser des questions sur le Sens. Comme si l’on pouvait nier cela
rationnellement ! Les directions d’avenir nous sont accessibles, le Sens
pas encore. Sa négation est une très grave mutilation de la nature
humaine.
CONCLUSION
Comment conclure… alors que le champ des spéculations est illimité,
qu’il continue à générer des tonnes de commentaires controversés et que,
si l’homme, tout sapiens soit-il, poursuit vaille que vaille son travail
de défrichement, il ne peut toujours capter de l’ineffable Vérité que
des lueurs ?
Attachons-nous plutôt aux pas de notre Pape Benoît XVI en précisant un point de son
approche. Si le pape rejette avec force le concept du hasard comme cause
première de la création, il ne l’exclut pas de façon absolue. Si bien
que, « moyennant l’hypothèse de la subsomption du chaos par l’ordre, ou
du hasard par la raison, le Saint-Père peut ainsi espérer réconcilier à
la manière de Teilhard de Chardin la raison théologique et la raison
scientifique »
(V.Aucante) Dans une
homélie à la veillée pascale
(2006),
loin de rejeter l’évolution et ses opérations, Benoît XVI considérera
même que l’évolution permet de saisir analogiquement la résurrection et
la formation de l’homme nouveau : « La résurrection du Christ est la
plus grande « mutation », le saut absolument le plus décisif dans une
dimension totalement nouvelle qui soit jamais advenue dans la longue
histoire de la vie et de ses développements : un saut d’un ordre
complètement nouveau, qui nous concerne et qui concerne toute l’histoire
».
Bibliographie
- Charles DARWIN, De l’origine des espèces, 1859
- Episcopat allemand, La foi de l’Église, catéchisme pour adultes
- cardinal Christoph SCHÖNBORN, Hasard ou plan de Dieu , 2007
- Mgr A.-M. LÉONARD aborde ce sujet dans les Communications du Diocèse
de Namur, nov. 2007, pp. 339-444
- Vincent AUCANTE, Création et évolution : la pensée de Benoît XVI » ,
NRT n°130, 2008
- Anne DAMBRICOURT-MALASSÉ, Le cerveau de l’évolution, entretien
- http://www.nouvellescles.com/article.php3?id_article=444
- Anne DAMBRICOURT-MALASSÉ, La logique de l’évolution, entretien
- http://www.nouvellescles.com/article.php3?id_article=508
La bataille de l’évolution, La Nef n° 170, avril 2006
La fin du néo-darwinisme , La Nef n° 185, septembre 2007
D’où vient l’homme ? Famille Chrétienne n°1563, 4 janvier 2008
Marion Guében Baugniet
64, av. Joséphine-Charlotte
1330 RIXENSART (Belgique)
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Sources : (E.S.M.)
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
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15.02.2009 -
T/Église
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