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La paix en Terre sainte. Le patriarche de Jérusalem en indique le
chemin
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Le 14.05.2024 -
E.S.M.
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Âgé de 59 ans, originaire de Bergame, frère franciscain, spécialiste de
la Bible et du judaïsme et pendant douze ans custode de Terre sainte, le P.
Pizzaballa est depuis 2016 le patriarche latin de Jérusalem. Le 10 octobre
2023, trois jours après le massacre perpétré par le Hamas qui a fait plus de
1200 victimes innocentes et après l’enlèvement de plus de 240 personnes de
tous âges, il s’était offert lui-même en échange de la liberté des enfants
pris en otage. Son nom figure sur la liste pour un futur conclave.
S.M.
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cardinal Pierbattista Pizzaballa -
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La paix en Terre sainte. Le patriarche de Jérusalem en indique le chemin
Le 14 mai 2024 -
E.S.M. -
Selon le cardinal Pierbattista Pizzaballa, une tragédie « sans
précédent » est en train de se dérouler en Terre sainte. Sans
précédent et sans solution écrite à l’avance, d’une gravité unique
au monde. Parce que le poids des douleurs, des conflits et des
incompréhensions accumulés dans le temps est tel qu’une paix
véritable ne pourra y germer « qu’après un long parcours de
purification de la mémoire », politique et religieuse.
Âgé de 59 ans, originaire de Bergame, frère franciscain, spécialiste de
la Bible et du judaïsme et pendant douze ans custode de Terre sainte, le P.
Pizzaballa est depuis 2016 le patriarche latin de Jérusalem. Le 10 octobre
2023, trois jours après le massacre perpétré par le Hamas qui a fait plus de
1200 victimes innocentes et après l’enlèvement de plus de 240 personnes de
tous âges, il s’était offert lui-même en échange de la liberté des enfants
pris en otage. Son nom figure sur la liste pour un futur conclave.
Il a partagé son opinion sur la guerre en cours à Gaza et sur le rôle que
l’Église peut y jouer dans la « lectio magistralis » qu’il a tenue à Rome le
2 mai dernier à l’aula magna de l’Université pontificale du Latran,
intitulée « Caratteri e criteri per una pastorale della pace », ainsi que,
plus brièvement, dans l’homélie de la messe de sa prise de possession de
l’Église romaine qui lui a été assignée en tant que cardinal, celle de
Sant’Onofrio au Janicule.
Il serait bon de tenir compte de cette « lectio », tant elle est
originale et exigeante, appliquée à une situation indéchiffrable à bien des
aspects. Il n’y a en effet ni analyse ou solution, parmi celles qui sont sur
la table pour les Juifs et les Palestiniens, qui ne se révèle irréaliste ou
contradictoire. Même la solution à deux États, qu’on ne cesse d’évoquer,
n’est que pure abstraction dans l’état actuel des choses.
Le P. Pizzaballa souhaite avant tout rendre tout son sens au mot
« paix ». Il s‘agit « d’une réalité qui vient de Dieu et de la relation avec
lui », c’est « l’accomplissement des promesses messianiques », c’est la paix
« annoncée par Jésus ressuscité ». Donc « toute action pastorale de
l’Église, tout comme chacune de ses œuvres sociales, ne peut jamais être en
aucune façon déconnectée de l’évangélisation ». Et celui qui évangélise sait
qu’il doit « annoncer la paix aux ennemis, précisément comme Pierre le fit à
Corneille, qui était – et il ne faut jamais l’oublier à cette époque –
centurion des forces militaires d’occupation de sa terre ».
Il faut aller à la rencontre du frère-ennemi même en ayant conscience de
ses propres limites, de sa propre faiblesse, comme Jacob qui, quant il
embrassa Ésaü, était boiteux et exténué après sa lutte avec l’ange, et
pourtant il était parvenu à s’exclamer : « J’ai vu ton visage comme on voit
le visage de Dieu » (Genèse 33, 10).
Mais, en plus d’être une réalité divine, la paix est également une
réalité humaine et sociale qui va bien au-delà de la trêve, des armistices,
de l’absence de guerre, parce qu’ « elle se fonde sur la vérité de la
personne humaine ». Ce n’est que « dans le contexte d’un développement
intégral de l’homme, dans le respect de ses droits, qu’une véritable culture
de la paix peut naître », avec les témoins dont « le monde a besoin plus que
jamais, même au prix d’être persécutés ou taxés d’utopistes ou de
visionnaires. Pour la paix, il faut prendre des risques, toujours. Il faut
être disposé à perdre son honneur, à mourir comme Jésus ».
Par conséquent, « notre présence en Terre sainte en tant que croyants ne
peut se réduire à un entre-soi dévotionnel ni se limiter seulement au
service de la charité pour les plus pauvres, mais elle est également
‘parrhésie’ » (cf. Jean 16, 8-11), c’est-à-dire « capacité d’écouter toutes
les voix, mais également de poser un jugement critique et prophétique sur le
présent ».
Il en découle, selon le P. Pizzaballa, une « responsabilité essentielle »
pour tous les responsables religieux au Moyen-Orient, celle de savoir
orienter et guider les communautés : « au lieu d’être le soutien religieux
de régimes politiques peu crédibles, les dirigeants religieux devraient
devenir une voix libre et prophétique en faveur de la justice, des droits
humains et de la paix. »
En effet, la foi religieuse « joue un rôle fondamental pour repenser les
catégories de l’histoire, de la mémoire, de la faute, de la justice, du
pardon, qui met la sphère religieuse au contact direct de la sphère morale,
sociale et politique. On ne dépasse pas les conflits interculturels sans
relire et libérer les lectures diverses et antithétiques de nos propres
histoires religieuses, culturelles et identitaires ».
Et cela « même au risque de payer un prix fort en termes de solitude,
d’incompréhension et de refus ».
Il s’agit là d’un rôle qui est encore à construire. Parce que – nous dit
le P. Pizaballa – « le grand absent dans cette guerre », c’est justement la
parole des responsables religieux. « À quelques exceptions près, ces
derniers mois, on n’a pas entendu de leur part de discours, de réflexions,
de prières différentes de celles de n’importe quel responsable politique ou
social ». Ou pire « on a pu entendre dans la bouche des responsables
religieux locaux un langage exactement opposé à celui de la paix ».
Même le dialogue interreligieux entre chrétiens, musulmans et juifs, doit
franchir le Rubicon : « il ne pourra plus jamais être comme avant ».
Ni comme il est aujourd’hui : « le monde Juif ne s’est pas senti soutenu
par les chrétiens et il l’a exprimé de manière claire. Les chrétiens, à leur
tour, divisés comme toujours sur tout, incapables d’une parole commune, se
sont distingués, si pas divisés, sur le soutien à un camp ou à un autre, ou
bien se sont montrés incertains et désorientés. Les musulmans se sentent
agressés et pointés du doigt comme complices des exactions commises le 7
octobre. Bref, après des années de dialogue interreligieux, nous nous sommes
finalement retrouvés à ne pas nous entendre les uns avec les autres. Et
c’est pour moi, personnellement, une grande douleur mais également une
grande leçon ».
La voie alternative que le patriarche latin de Jérusalem nous invite à
emprunter est « un parcours de purification de la mémoire », dans laquelle
« la paix est étroitement liée au pardon ».
« Les blessures, si elles ne sont pas soignées, croient une attitude de
victimisation et de rage, qui rend la réconciliation difficile, si pas
impossible. Tant qu’il n’y aura pas de la part de tous une purification de
la mémoire commune, tant qu’il n’y aura pas de reconnaissance réciproque du
mal réciproquement commis et subi, bref tant qu’il n’y aura pas une
relecture des relations historiques de chacun, les blessures du passé
continueront à être un fardeau à porter sur les épaules et un critère de
lecture des relations réciproques ».
En effet, dit le P. Pizzaballa, si « tous les accords de paix en Terre
sainte ont de fait échoué jusqu’à présent », c’est justement parce qu’ils
« prétendaient résoudre des années de tragédie sans prendre en compte le
poids énorme des blessures, des douleurs, des rancœurs, de la rage qui
continuait à couver et qui, ces derniers mois, a explosé de manière
extrêmement violente ».
Au contraire, en revanche, l’action de l’Église sera d’autant plus
efficace dans la mesure où elle saura « transformer en résurrection » la
proposition de pardon et de réconciliation. « Sans cette perspective, aucun
projet politique ne pourra jamais fonctionner en Terre sainte, et la paix ne
restera qu’un slogan politique peu crédible ».
Les deux mots clés à associer au pardon, selon le P. Pizzaballa, sont
« vérité » et « justice ».
Certes, il faut reconnaître que « depuis des décennies, l’occupation
israélienne persiste sur les territoires de Cisjordanie », avec par
conséquent la non-reconnaissance des droits élémentaires pour la population
palestinienne en Cisjordanie. Cette « situation d’injustice objective » est
une vérité qu’il faut pouvoir dire.
Et d’autre part, à son tour, l’Israélien peut se demander : « Comment
pourrais-je pardonner à celui qui massacre les miens de manière aussi
barbare ? ». Derrière cette question, il y a une douleur « véritable » qu’il
faut respecter.
Ce sont des questions qui rendent difficile « la communion entre les
catholiques palestiniens et israéliens, dans ce contexte de déchirement et
de polarisation ». Et ce sont ces mêmes questions que le patriarche latin de
Jérusalem s’entend poser tous les jours. Il y a quelques mois, il a donc
rédigé à ce sujet une lettre adressée à ses fidèles :
« Il faut du courage pour être capable de demander justice sans répandre
la haine. Il faut du courage pour demander miséricorde, refuser
l’oppression, promouvoir l’égalité sans exiger l’uniformité, tout en gardant
sa liberté. Il faut du courage aujourd’hui, même dans notre diocèse et dans
nos communautés, pour maintenir l’unité, pour s’écouter les uns les autres,
malgré nos différences d’opinion, de sensibilité et de point de vue ».
L’important, déclare le P. Pizzaballa, c’est de comprendre que « le
pardon, en lui seul, ne suffit pas à construire la paix. La vérité et la
justice, en eux seuls, ne suffisent pas à construire la paix. »
« Il est donc nécessaire que la pastorale de l’Église soit en mesure de
mettre ces trois éléments en situation de dialogue continu, douloureux,
complexe, éreintant et pénible entre eux. Mais il s’agit d’un processus
fructueux et respectueux de Dieu et de l’homme et susceptible de bâtir,
petit à petit, dans le temps que nous avons, des perspectives de paix. Parce
que ce qui sous-tend ces trois manières d’être dans la vie et dans les
relations entre nous, ce n’est pas une idéologie, mais c’est l’amour.
‘L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a
été donné.’ (Romains 5, 5). C’est cet amour qui anime notre désir de paix.
Rien d’autre ».
En conclusion, pour le P. Pizzaballa « la pastorale de la paix dans
l’Église ne consiste en rien d’autre que d’être simplement Église ». Il ne
faut pas céder, dit-il, à la « tentation facile » de suppléer la faiblesse
des organismes internationaux et des pouvoirs locaux pour construire la
paix, en se substituant à eux « dans des dynamiques de négociations
politiques ».
« Ce n’est pas là le rôle de l’Église. La pastorale de la paix a pour
seule référence l’Évangile. Toutes les principes et les critères pour
construire la paix s’y trouvent. Et la contribution que nous pouvons
apporter à la vie sociale de notre diocèse de Jérusalem dans la tourmente
consiste à créer dans la communauté le désir, la disposition et l’engagement
sincère, loyal, positif et concret de rencontre avec l’autre, d’être capable
de l’aimer malgré tout, de l’aider à interpréter sa propre douleur à la
lumière de la foi, de savoir faire l’unité entre la foi et la vie. À partir
de l’écoute de la Parole de Dieu, qui est la source principale de tous les
critères d’interprétation de notre réalité de vie. »
*
On trouvera le texte intégral de la « lectio » du cardinal Pierbattista
Pizzaballa sur le site web du patriarcat latin de Jérusalem ►
Caratteri e criteri per una pastorale della pace
Le 1er mai, interrogé par des journalistes à l’issue de la messe célébrée
dans l’église romaine de Sant’Onofrio, voici la réponse du P. Pizzaballa
concernant les manifestations en faveur du Hamas et contre Israël dans les
universités :
« J’avoue que j’ai de la peine à les comprendre. Les universités sont des
lieux où l’engagement culturel, même s’il est vif, même s’il est dur, doit
être ouvert à 360 degrés, où l’engagement par des idées fortes et même aux
antipodes entre elles doit s’exprimer non pas la violence ou par le boycott,
mais en sachant comment s’engager. Le monde est fait d’opinions diverses qui
doivent se traduire en un engagement commun, non pas en excluant, mais en
raisonnant ».
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sainte :
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 07.05.2024
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