UN CATHOLICISME EN DÉCOMPOSITION ? |
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Le 13 février 2009 -
(E.S.M.)
- Les catholiques contemporains n'ont plus le droit que d'avoir la
religion de leur curé, avec toutes ses idiosyncrasies, ses limitations,
ses tics et ses futilités.
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Le Père
Louis Bouyer (1913-2004)
UN CATHOLICISME EN DÉCOMPOSITION ?
Le 13 février 2009 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- "Il n'y a pas si longtemps que les catholiques ironisaient
de haut sur la pulvérisation du protestantisme en sectes ou en écoles
rivales et antagonistes. Il ne leur a fallu qu'un desserrement du corset
de fer où ils avaient été emprisonnés depuis la Réforme, et auquel la
répression du modernisme avait donné le dernier tour de vis, pour en
arriver, en un clin d'oeil, à une situation pire encore. Chacun ne croit
plus, ne pratique plus que ce qui lui chante. Mais le dernier vicaire ou
le dernier aumônier d'Action Catholique, tout comme le plus ignare des
journalistes, tranche de tout avec une certitude infaillible, se
scandalise quand le pape Benoît XVI (...) se permet d'être d'un autre
avis que le sien, et juge intolérable que d'autres prêtres ou fidèles
puissent ne pas penser comme lui. Certes, on veut
la liberté, mais chacun pour soi, et c'est d'abord la liberté de ne pas
tenir compte de l'avis des autres.
C'est ici le point le plus paradoxal de la situation : qu'au moment où
l'on a perdu tout sens de l'autorité, on voie renaître une espèce de
néo-cléricalisme, des laïcs d'ailleurs comme des clercs, plus borné,
plus intolérant, plus tracassier que rien de ce qu'on avait jamais
encore vu.
Un exemple typique est celui du latin liturgique. Le Concile a maintenu,
dans des termes explicites, le principe de garder cette langue
traditionnelle dans la liturgie occidentale, tout en ouvrant la porte
aux plus larges dérogations toutes les fois que des nécessités
pastorales imposeraient un usage, plus ou moins étendu, de la langue
vulgaire. Mais la messe des clercs qui, jusque là, ne pouvaient même pas
envisager qu'on lui fît sa place au moins pour l'annonce de la Parole de
Dieu, ont aussitôt sauté d'un extrême à l'autre et
ne veulent plus qu'on entende un mot de latin à l'église. "La
parole est aujourd'hui aux laïcs", paraît-il, mais sur ce point comme
sur tous les autres, à condition bien entendu qu'ils s'en tiennent à
répéter docilement ce qu'on leur dit. S'ils protestent et veulent, par
exemple, garder en latin au moins les chants de
l'ordinaire de la messe, avec lesquels ils sont familiarisés, on
leur réplique que leur protestation est sans valeur; ils n'ont pas été
"éduqués", il n'y a donc pas à tenir compte de ce qu'ils disent. C'est
d'autant plus curieux qu'ils réclament précisément ce que le Concile
avait recommandé. Mais le Concile a bon dos : les trois quarts du temps,
quand on en évoque le nom, ce n'est pas à ses décisions ou exhortations
qu'on en appelle, c'est à telle déclaration épiscopale individuelle, que
l'assemblée n'a nullement ratifiée, quand ce n'est pas à ce que tel
théologien ou tel plumitif sans mandat aurait voulu voir le Concile
canoniser, voire même à tel "développement" supposé du Concile, même
quand le développement en question le contredit mot pour mot.
Ce qui est vrai du latin l'est de toute la
liturgie, et c'est d'autant plus grave au moment précis où le
Concile vient de proclamer sa centralité dans la vie et l'activité
entière de l'Église. On soulignait naguère que les Églises
traditionnelles, et l'Église catholique au premier chef, par leur
liturgie objective, soustraire aux manipulations abusives du clergé,
sauvegardaient la liberté spirituelle des fidèles face à la subjectivité
facilement envahissante et oppressive des clercs. Mais de cela, il ne
subsiste rien. Les catholiques contemporains n'ont
plus le droit que d'avoir la religion de leur curé, avec toutes ses
idiosyncrasies, ses limitations, ses tics et ses futilités.
La princesse palatine décrivait à Louis XIV le protestantisme allemand
dans cette formule: "Chez nous, chacun se fait sa petite religion à
soi." Chaque prêtre, ou peu s'en faut, en est là, aujourd'hui, et
les fidèles n'ont plus qu'à dire "amen", bienheureux encore quand la
religion du curé ou du vicaire ne change pas chaque dimanche, au gré de
ses lectures, des bêtises qu'il a vu faire à d'autres, ou de sa pure
fantaisie."
(P. Louis Bouyer, La décomposition
du catholicisme, Paris, 1968, pp. 46-49)
L’œuvre de Louis Bouyer (1913-2004) ne se
caractérise pas seulement par l’intuition fondamentale que la théologie,
la spiritualité et la liturgie sont inséparables dans la vie chrétienne,
parce que chacune est (ou devrait-être)
enracinée dans l’Écriture Sainte.
Car cette vision chrétienne de l’existence engendre un véritable
humanisme, nourrit l’oecuménisme, a son modèle dans la vie monastique et
s’avère en harmonie avec les efforts de Joseph Ratzinger devenu Benoît
XVI.
Lire :
►
L’œuvre de Louis Bouyer, une cathédrale de pensée, de vie, de louange
►
Le Père Louis Bouyer, un théologien de métier
L'œuvre théologique considérable du père Louis Bouyer n'avait pas encore
fait l'objet d'une étude d'ensemble. L'analyse des écrits du théologien
français, perçus dans le contexte de la recherche théologique de son
époque, conduit à repérer certaines idées ou notions fondamentales, qui
reviennent sans cesse malgré la surprenante variété des sujets que
Bouyer aborde. Parmi ces notions, celles de "connaissance" et de
"mystère" sont élaborées. Le renvoi constant de l'un à l'autre de ces
thèmes bibliques engendre une tension vitale, qui exprime finalement la
pratique de l'intelligence croyante. Celle-ci s'appuie sur une
conviction: ce n'est pas la connaissance qui éclaire le mystère; c'est
le mystère qui illumine et approfondit la connaissance.
Une telle prospection des sources théologiques de Bouyer a légitimé la
formulation synthétique d'un itinéraire qui se fonde dans la Parole de
Dieu, épiphanie du mystère, laquelle à son tour exige de l'homme une
réponse à la fois personnelle et communautaire dont la forme et le
modèle est l'Eucharistie. La tâche ecclésiale du
théologien se situe entièrement dans ce dialogue entre l'initiative
divine et la réponse fidèle de l'homme, dans le Christ, Parole faite
chair.
De cet itinéraire on retiendra certains caractères fondamentaux : une
considération attentive des sources liturgiques et de l'expérience
spirituelle; une sensibilité foncièrement œcuménique, une méfiance
spontanée envers les constructions rigidement systématiques. On ne peut
non plus passer sous silence le style du père Bouyer et la tournure
d'une pensée vive, portée par le goût du débat, voire de la polémique.
Avec Louis Bouyer, on se trouve en présence d'un immense théologien
foncièrement enraciné dans la Tradition mais aussi - et peut-être
justement à cause de cela - en présence d'un penseur profondément
original et cohérent.
(Connaissance et mystère.
L'itinéraire théologique de Louis Bouyer -
Éditions du Cerf, Paris 2008, 816 pages)
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Sources : PRO LITURGIA
-
(E.S.M.)
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M. sur Google actualité)
13.02.2009 -
T/Église
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