Pour le pape Benoît XVI l'Écriture respire l'odeur d'humus du pays des patriarches |
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Le 12 octobre 2008 -
(E.S.M.)
- Dans leurs interventions, certains Pères du synode s'interrogent. Au
moment du concile Vatican II, J. Ratzinger était un jeune évêque mais,
déjà, combien lucide. Il n'est pas étonnant de trouver dans ses écrits
d'il y a 40 ans les réponses aux inquiétudes de nos évêques. Messieurs
les évêques, Benoît XVI est pape depuis 3½ ans,
l'avons-nous écouté, sinon, n'aggravons-nous pas la situation, n'avons-nous rien de mieux à
proposer que les sectes ?
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Et si on
écoutait, plutôt que de s'amuser ?
Pour le pape Benoît XVI l'Écriture respire "l'odeur d'humus" du pays des
patriarches
Il faut que l'Église écoute, avant tout, pour pouvoir devenir une Église qui
enseigne
- La première session
(première partie)
►
Le pape a fait ses classes sur les bancs de Vatican II
- La première session
(deuxième partie)
Le 12 octobre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
-
J. Ratzinger écrivit un long commentaire de
Dei Verbum pour l'ouvrage de Vorgrimler sur les documents du concile. Ce
qui lui paraissait le plus important était l'incorporation en ce texte des
avancées théologiques des cent dernières années sur la compréhension de
l'autorité tant de la Tradition que de l'Écriture. La Tradition constitue
l'environnement vivant qui témoigne de la signification de l'Écriture;
l'Écriture est l'âme de toute réflexion chrétienne sur la révélation :
telles sont les deux idées clefs.
(Commentary, p. 156-159)
Il trouva particulièrement heureuse la préface de
Dei Verbum. L'incipit du document - Dei verbum religiose audiens et
fidenter proclamans : « écoutant religieusement et
proclamant hardiment la parole de Dieu » - donne immédiatement le ton
de ce qui va suivre. Plus important encore, il laisse entendre que le
concile se gardera d'un ecclésiocentrisme déplacé, et finalement
destructeur.
S'il a parfois pu apparaître que le concile tendait à donner un reflet
ecclésiologique de lui-même, dans lequel l'Église se meut selon sa propre
orbite et se prend pour objet central de sa propre proclamation, au lieu de
pointer constamment au delà d'elle-même, il en va tout différemment dans ce
texte : ici, la vie de l'Église, dans sa totalité, et comme hier, est
ouverte vers le haut, et tout son être est recueilli en une attitude
d'écoute de ce qui est la seule source de ce qu'elle a à dire.
(Commentary, p. 167)
Par ses réflexions sur la révélation, le concile aurait pertinemment pu
revendiquer de « marcher dans les pas » de Trente et de Vatican I. Dans son
égale fidélité à ces deux prédécesseurs - tout en dépassant leurs
perspectives -, il offre, selon J. Ratzinger, un parfait exemple
de ce qu'est le développement dogmatique, une relecture intérieure du dogme
au sein même de l'histoire du dogme.
Quant au texte dans son ensemble, Joseph Ratzingerle trouva digne d'éloges, malgré quelques insuffisances ça et là. Son
inquiétude principale à l'égard de la version finale concernait l'optimisme
sotériologique. Le mystère d'iniquité - le péché - et son coût atroce pour
l'homme-Dieu au Calvaire tendaient à fondre, pensait-il, sous le chaud
soleil d'une ère d'optimisme. Gardant sans doute à l'esprit la puissante
tradition de l'exégèse luthérienne du début de l'épître aux Romains, cité en
Dei Verbum I, il posait la question :
Puisque l'on traite du salut, ne devrait-on pas aussi mentionner le
mystère de la colère de Dieu qui pèse si lourdement, explicitement, sur ces
chapitres ?
(idem, p. 174).
Et il concluait en disant que l'optimisme pastoral d'une époque préoccupée
avant tout de compréhension et de réconciliation - peut-être avait-il à
l'esprit l'axiome de Madame de Staël selon lequel « tout comprendre,
c'est tout pardonner » - semblait avoir « rendu le concile quelque peu
aveugle à une part non négligeable du témoignage de l'Écriture ». Le salut
de Dieu s'adresse avant tout au pécheur, pour sa justification; la grâce est
donnée par le jugement de la Croix.
Cette question du « sur-optimisme » conciliaire n'était pas négligeable, et
demeurait posée; malgré tout, elle ne gâcha pas le plaisir que lui causait
l'ensemble du texte. Quelques-unes de ses
appréciations les plus chaleureuses concernaient la louange de l'Écriture
dans
Dei Verbum. Dans la tradition latine qui va de saint Jérôme
à l'auteur de l'Imitation de Jésus-Christ en passant par saint
Augustin, l'Église a parlé de la Bible comme du «
pain de vie » qui nous est offert sur la table de la Parole. Il
se réjouissait du caractère concret de l'Écriture :
"Elle respire l'« odeur d'humus »
du pays des patriarches ;
elle nous communique le ton des paroles sans faille
des prophètes, la façon dont Israël priait en ses jours de bonheur, comme en
ceux de tristesse; elle nous fait connaître la voix de
Jésus-Christ - à travers de nombreuses expressions araméennes
particulièrement frappantes, transmises sans être traduites ; nous
l'entendons parler sa langue native; nous le rencontrons par delà les
siècles, tel qu'il vivait, homme parmi les hommes".
(idem, p. 263).
Mais, conscient qu'il y avait là un risque de romantisme littéraire, Joseph
Ratzinger saluait aussi l'assurance avec laquelle le concile
s'exprimait sur le statut théologique de l'Écriture.
Nous chérissons l'Écriture parce qu'à travers l'inspiration divine qui
saisit les auteurs sacrés, elle nous fait partager le dialogue fondamental
que Dieu a établi avec l'homme. En théologie, elle doit être ce que
les fondations sont à l'édifice, la force vitale à l'organisme, l'âme au
corps. La piété, elle aussi, doit être renouvelée par
une meilleure adhésion à l'Écriture, dont la lecture privée se trouve
couronnée par l'écoute du texte proclamé dans l'assemblée liturgique.
La révérence solennelle envers le Livre dans la liturgie quotidienne du
concile était aux yeux de J. Ratzinger le meilleur rappel de la
relation de l'Église avec la Parole : il faut que
l'Église écoute, avant tout, pour pouvoir devenir une Église qui enseigne.
Joseph Ratzinger n'imaginait cependant pas qu'une telle
recommandation passionnée de la Bible pût aller sans aucun problème. Il
attira l'attention sur la difficulté que certains éprouvaient à relier
l'exégèse à la théologie systématique, sur la tendance des biblistes à
avancer en solitaires, déconnectant leur récepteur du réseau des lignes
théologiques. Il mit en garde contre toute tentative de séparer l'Écriture
de la totalité ecclésiale, qui conduirait inévitablement «
soit au
biblicisme, soit au modernisme, soit aux deux à la fois
»
(idem, p. 267). Il nota de
quelle manière les ébauches successives de Dei Verbum tendaient à
exclure de l'exégèse la notion de progrès : « quand on traite des propriétés
essentielles de l'homme, le modèle fondé sur le progrès s'effondre»
(idem, p. 266). Cette notion de
progrès en exégèse serait en tout cas anathème pour les Églises orthodoxes,
pour qui la règle d'interprétation de la Bible a toujours été celle de la
foi de l'Église indivise des premiers temps, et pour les protestants
orthodoxes dont la réforme du XVIe siècle était précisément basée sur la
négation d'une progression linéaire continue. Joseph Ratzinger
n'avait pas non plus manqué de relever les propos acerbes du bibliste
luthérien Ernst Käsemann sur le péril qu'il y a à recourir à l'exégèse pour
défendre le kérygme, la proclamation de foi chrétienne. Käsemann avait écrit
:
II me semble plus sûr d'avancer les yeux fermés dans un champ de mines.
Est-il possible d'oublier un instant que nous sommes quotidiennement
abreuvés par un flot d'idées douteuses, voire abstruses, dans les domaines
de l'exégèse, de l'histoire et de la théologie, au point que nos débats
académiques ont progressivement dégénéré en une guérilla à l'échelle du
monde entier [...] ? Pouvons-nous nous libérer de cette massa perditionis
« Masse de perdition » [NdT]
Pouvons-nous exercer notre art autrement qu'en sachant que ceux qui doivent
nous guider se tiennent depuis déjà longtemps à l'extérieur ?
(Commentary, p. 193)
Tout en considérant que Käsemann exagérait dans les
faits, Joseph Ratzinger pressentait qu'il avait raison sur
le principe.
À sa grande satisfaction, les évêques, conscients du problème,
recommandèrent d'avoir recours, pour guider l'exégèse,
aux Pères de
l'Église, et aux vénérables liturgies tant de l'Occident que de l'Orient.
Ainsi, le concile pourrait maintenir la préférence tridentine pour le texte
de la Vulgate, même sous une forme moins stricte. Car la Vulgate, qui était
la Bible des Pères latins, nous montre de quelle façon l'ancienne Église
d'Occident comprenait les Écritures. La Bible doit être étudiée avec les
instruments exégétiques les plus modernes, mais dans le contexte
herméneutique du « sens de l'Église
», et dans ce cadre l'exégète doit se
laisser guider par le magistère. J. Ratzinger était néanmoins
suffisamment réaliste pour s'attendre à une certaine tension entre
utilisateurs d'outils modernes d'exégèse et gardiens du contexte
herméneutique, et pour décourager ceux qui espéraient que cette tension
puisse un jour être complètement éliminée.
Le sensus Ecclesia, qui doit donc être le critère ultime de
l'exégète, repose sur la Tradition, que l'autorité magistérielle interprète
au service de la parole de Dieu. Cet usage organique et « total » du terme «
tradition », qui alors appelle une majuscule, n'est pas celui du concile de
Trente. Alors que Trente s'intéressait aux différentes traditiones
(au pluriel)
qui réglaient la vie de l'Église, notamment sur le plan
liturgique, Dei Verbum, redevable sur ce point au dominicain français Yves
Congar et à ses sources favorites - l'École catholique de Tübingen du XIXe
siècle -, revint à une notion plus ancienne du terme, celle où la Tradition
désigne la totalité du contexte ecclésial dans lequel a lieu la lecture des
Écritures. La Tradition se transmet par l'enseignement, par la vie et par le
culte, comme Joseph Ratzinger le fait remarquer dans une
digression explicative qui prendra par la suite de l'importance dans le
débat avec les théologiens « dissidents » :
On la retrouve non seulement dans les affirmations explicitement
traditionnelles de la doctrine de l'Église, mais aussi à travers les
éléments inexprimés - et souvent inexprimables - de la liturgie du culte
chrétien de Dieu et de la vie de l'Église.
(Commentary, p. 184)
Cependant, il fait observer qu'en décrivant ainsi la Tradition comme la
perpétuation de tout ce que l'Église est et croit, le concile n'a pas réussi
à créer les conditions d'une saine critique de certains éléments de cette
Tradition. J. Ratzinger pensait qu'au lieu de s'épuiser en de
vains efforts pour résoudre la question héritée du bas moyen âge, et
toujours en suspens à Trente, de la «complétude quantitative de l'Écriture»,
(En théologie fondamentale, il est licite d'interpréter
l'autorité de l'Écriture dans le sens que toute la Révélation s'y trouve
materialiter, mais pas nécessairement formaliter, et dans ce cas, le recours
à la Tradition est requis pour en dévoiler le sens complet ; ainsi peut-on
distinguer la « complétude quantitative de l'Écriture » de sa complétude
qualitative). les Pères conciliaires auraient
mieux fait d'élaborer des critères d'une critique éventuelle - parfois
nécessaire - des traditions au sein de l'Église. Quant à sa crainte que
l'enseignement de Dei Verbum sur la Tradition n'aboutisse au
lendemain du
concile à entériner tout ce qui s'est fait dans l'Église selon le principe
«si cela est, cela est bon», on voit à présent combien peu elle avait de
raison d'être.
Joseph Ratzinger termina son compte rendu de la première session
du concile par une action de grâces, mais avec aussi une certaine réserve
quant au futur. D'un côté, l'événement conciliaire, considéré au début par
certains avec scepticisme, s'était révélé d'une valeur irremplaçable.
(Die erste Sitzungsperiode, p. 56-57).
Ses premiers textes étaient les «fruits précieux» de la «catholicité
horizontale» des évêques du monde entier, chacun apportant au « collège »
de l'assemblée conciliaire son expérience personnelle et celle de son église
dans sa particularité. D'un autre côté, Joseph Ratzinger mettait
en garde : il devait être clair qu'il y avait des choses que le concile ne
pourrait pas réaliser. Il ne pourrait de lui-même extirper de l'Église toute
la faiblesse humaine. La nécessité d'un renouveau se fera sentir jusqu'à la
fin de ce monde, jusqu'au retour du Seigneur. De même, le concile ne
pourrait avoir pour résultat immédiat cette réunion de tous les chrétiens si
souvent présente sur les lèvres et dans le cœur des Pères conciliaires au
moment où commençait la préparation de la deuxième session. Le concile
pouvait montrer l'importance de la part de l'héritage chrétien détenue en
commun, et encourager à sentir « le poids de cette unité fondamentale ».
Mais la réalisation de l'unité plénière ne pourrait être confiée qu'à la
patience et aux efforts d'un travail quotidien.
(Die erste Sitzungsperiode, p. 56-57)
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Benoît XVI et Jean-Paul II présentent ce point commun d'être des intellectuels racés
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Sources : Introduction à la théologie de Joseph Ratzinger
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
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12.10.2008 -
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