La pensée de Benoît XVI au centre de
l'Instrumentum Laboris du prochain synode des évêques |
|
Cité du Vatican, le 12 juin 2008 -
(E.S.M.)
-
Ce matin à 11h30 dans la Salle Jean-Paul II de la Salle de presse du Saint
Siège, s'est tenue une conférence de presse de présentation de l'Instrumentum
Laboris de la XIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques
qui se tiendra au Vatican du 5 au 26 octobre 2008 sur le thème : «
La Parole de Dieu dans la vie et la mission de
l'Église ».
|
INSTRUMENTUM LABORIS
SYNODE DES ÉVÊQUES
XIIème ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE
La Parole de Dieu
dans la vie et la mission de l'Église
INSTRUMENTUM LABORIS
Cité du Vatican
2008
Table des Matières
Avant-propos.
Introduction
I. Annonce attendue et accueillie avec faveur.
Douzième Assemblée Générale Ordinaire du Synode
II. L'Instrumentum laboris et son usage.
Points de référence.
Attentes communes.
But du Synode.
Prémisse : Itinéraire historique.
Bonne saison pour les fruits
Incertitudes et questions.
Condition de foi variée et exigeante.
Structure de l'Instrumentum laboris
PREMIÈRE PARTIE
LE MYSTÈRE DE DIEU QUI NOUS PARLE
Chapitre I
A. Dieu, celui qui nous parle. Identité de la Parole de Dieu.
La Parole de Dieu : un chant à plusieurs voix.
Incidences pastorales
B. Au centre, le mystère du Christ et de l'Église.
Dans le cœur de la Parole de Dieu, le mystère du Christ.
Dans le cœur de la Parole de Dieu, le mystère de l'Église
Incidences pastorales
Chapitre II.
A. La Bible, Parole de Dieu inspirée et sa vérité.
Questions.
Les Saintes Écritures, Parole de Dieu inspirée
Tradition, Écritures et Magistère.
Ancien et Nouveau Testament : une unique économie du salut
Incidences pastorales.
B. Comment interpréter la Bible selon la foi de l'Église.
Le problème herméneutique dans la perspective pastorale.
À l'écoute de l'expérience.
Sens de la Parole de Dieu et voie pour y parvenir.
Incidences pastorales.
Chapitre III : Attitude requise chez celui qui écoute la Parole.
Parole efficace.
Le croyant : celui qui écoute la Parole de Dieu dans la foi
Marie, modèle d'accueil de la Parole pour le croyant.
Incidences pastorales.
DEUXIÈME PARTIE
(
lci )
LA PAROLE DE DIEU DANS LA VIE DE L'ÉGLISE
Chapitre IV : La Parole de Dieu vivifie l'Église.
L'Église naît de la Parole de Dieu et vit par elle
La Parole de Dieu soutient l'Église tout au long de son histoire
La Parole de Dieu imprègne et anime, dans la puissance de l'Esprit Saint,
toute la vie de l'Église.
Incidences pastorales.
Chapitre V : La Parole de Dieu dans les multiples services de l'Église.
Ministère de la Parole.
Expérience dans la liturgie et dans la prière.
Motivation théologique et pastorale :
Parole, Esprit, Liturgie et Église
Parole de Dieu et Eucharistie
Parole et économie sacramentelle.
Incidences pastorales.
La Lectio Divina.
Parole de Dieu et service de charité
Exégèse des Saintes Écritures et théologie.
Parole de Dieu dans la vie des croyants
TROISIÈME PARTIE
LA PAROLE DE DIEU DANS LA MISSION DE L'ÉGLISE
Mission de l'Église
Chapitre VI : Pour « que l'accès à la Sainte Écriture soit largement
ouvert » (DV 22)
La mission de l'Église est de proclamer la Parole et de construire le
Royaume de Dieu.
La mission de l'Église se réalise dans l'évangélisation et dans la catéchèse
Chapitre VII : La Parole de Dieu dans les services et dans la formation
du Peuple de Dieu.
Faim et soif de la Parole de Dieu (cf. Am 8,11) : attention aux besoins
du Peuple de Dieu.
« Dans les Saintes Écritures, se manifeste […] l'admirable
condescendance de la Sagesse éternelle » (DV 13)
Les évêques dans le ministère de la Parole
Devoir des prêtres et des diacres
Différents ministres de la Parole de Dieu.
Devoir des laïcs.
Service des personnes consacrées.
La Parole de Dieu doit être en tout temps à la disposition de tous.
Chapitre VIII :Parole de Dieu, grâce de communion
Parole de Dieu, lien œcuménique.
Parole de Dieu, source du dialogue entre chrétiens et juifs
Dialogue interreligieux
Parole de Dieu, levain des cultures modernes.
Parole de Dieu et histoire des hommes
Conclusion.
Parole de Dieu, don à l'Église.
AVANT-PROPOS
La Parole de Dieu par excellence est Jésus-Christ, homme et Dieu. Le Fils
éternel est la Parole qui existe depuis toujours en Dieu, parce qu'elle-même
est Dieu : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et
le Verbe était Dieu » (Jn 1,1). La Parole révèle le mystère de Dieu, Un et
Trin. Prononcée depuis toujours par Dieu le Père dans l'amour de l'Esprit
Saint, la Parole signifie le dialogue, exprime la communion; elle introduit
dans la profondeur de la vie bienheureuse de la Très Sainte Trinité. En
Jésus-Christ, le Verbe éternel,Dieu nous a choisi avant la création du
monde, nous prédestinant à être ses fils adoptifs (cf. Ep 1,4-5). Tandis que
l'Esprit planait sur les eaux et que les ténèbres enveloppaient les abysses
(cf. Gn 1,2), Dieu le Père décida de créer le ciel et la terre à travers la
Parole, par laquelle tout ce qui existe a été fait (cf. Jn 1,3). Aussi, les
traces de la Parole se trouvent-elle dans le monde créé : « Les cieux
racontent la gloire de Dieu, et l'œuvre de ses mains, le firmament l'annonce
» (Ps 18,2). Le chef-d'œuvre de la création, c'est l'homme, fait à l'image
et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1,26-27), l'homme capable de dialoguer
avec le Créateur mais aussi de percevoir dans la création le sceau de son
Auteur, le Verbe créateur, et à travers l'Esprit, de vivre dans la communion
avec celui qui est (cf. Ex 3,14), avec le Dieu vivant et vrai (cf. Je
10,10).
Cette amitié fut interrompue par le péché des premiers parents (cf. Gn
3,1-24) qui enténébra aussi l'accès à Dieu par la création. Dans sa bonté,
Dieu, clément et miséricordieux (cf. 2 Ch 30,9) n'abandonna pas les hommes.
Il choisit un peuple parmi toutes les nations (cf. Gn 22,18) et continua de
lui parler au long des siècles, à travers des patriarches et des prophètes,
des hommes choisis pour conserver vivante l'espérance qui offrait la
consolation aussi aux événements dramatiques de l'histoire du salut. Leurs
paroles inspirées ont été réunies dans les livres de l'Ancien Testament.
Elles ont maintenu en vie l'attente de la venue du Messie, fils de David
(cf. Mt 22,42), rejeton de la racine de Jessé (cf. Is 11,1).
Et ensuite, lors de la plénitude du temps (cf. Ga 4,4), Dieu voulut dévoiler
aux hommes le mystère de sa vie, voilé depuis des siècles et des générations
(cf. Col 1,26), le Fils unique de Dieu s'incarna, « le Verbe s'est fait
chair et il a habité parmi nous » (Jn 1,14). Semblable à nous en toutes
choses, excepté le péché (cf. He 2,17; 4,15), le Verbe de Dieu dut
s'exprimer de manière humaine, par les mots et par les gestes rapportés dans
le Nouveau Testament, et plus spécialement dans les Évangiles. Il s'agit
d'un langage semblable en tout à celui des hommes, excepté dans l'erreur.
Avec les yeux de la foi, dans la fragilité de la nature humaine de
Jésus-Christ, le croyant découvre la splendeur de sa gloire « qu'il tient de
son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1,14). De
même, à travers les paroles des Saintes Écritures, le chrétien est invité à
découvrir la Parole de Dieu, la splendeur de l'Évangile glorieux du Christ
qui est image de Dieu (cf. 2 Co 4,4). Il s'agit d'un processus exigeant,
patient et constant, qui suppose une étude historique et critique
(diachronique aussi) et l'application de toutes les méthodes scientifiques
et littéraires possibles (en vue d’une compréhension synchronique)
auxquelles est soumise toute recherche sur les écritures des hommes.
Eclairés par l'Esprit Saint, don du Seigneur ressuscité, et guidés par le
Magistère, les fidèles scrutent les Écritures et approchent toujours plus
leur pleine signification en rencontrant la Parole de Dieu, la personne du
Seigneur Jésus, celui qui a les Paroles de la vie éternelle (cf. Jn 6,68).
C'est pourquoi le thème de la XIIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode
des Évêques – La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Église –
pourrait être compris dans un sens christologique: Jésus-Christ dans la vie
et dans la mission de l'Église. L'approche christologique s'accompagne
nécessairement de celle pneumatologique, toutes deux conduisant à découvrir
la dimension trinitaire de la révélation. Une telle lecture assure, d'une
part, l'unité de la révélation, du fait que le Seigneur Jésus, Parole de
Dieu, réunit toutes les paroles et tous les gestes rapportés dans les
Saintes Écritures par des auteurs inspirés, et fidèlement conservés dans la
Tradition. Ceci ne vaut pas seulement pour le Nouveau Testament, qui narre
et proclame le mystère de la mort, de la résurrection et de la présence du
Seigneur Jésus dans l'Église, communauté de ses disciples convoqués à
célébrer les Saints Mystères. Ceux-ci, en permettant à la grâce de détruire
le péché (cf. Rm 6,6) s'efforcent de se conformer à leur Maître afin que le
Christ ait la possibilité de vivre en chacun d'eux (cf. Ga 2,20). Mais une
telle lecture concerne aussi l'Ancien Testament qui, lui aussi en témoigne,
selon les mots de Jésus (cf. Jn 5,39; Lc 24,27). D'autre part, la lecture
christologique des Écritures unie à celle pneumatologique permet l'ascension
de la lettre vers l'esprit, des paroles vers la Parole de Dieu. En effet, il
n'est pas rare que les paroles cachent le sens profond, caractéristique des
genres littéraires, de la culture des écrivains inspirés, de la façon de
concevoir le monde et ses lois. Aussi est-il nécessaire de découvrir à
nouveau dans la multiplicité des paroles l'unité de la Parole de Dieu qui,
après ce processus obligatoire et contraignant, resplendit d'une lumière
inattendue qui dépasse de beaucoup la fatigue de la recherche.
Ce double accès complémentaire à la Parole de Dieu se trouve présenté dans
l'Instrumentum laboris, document de travail de la prochaine Assemblée
synodale. Il est le résultat des réponses aux Lineamenta, réunissant les
réflexions des Synodes des Églises orientales catholiques sui iuris, des
Conférences épiscopales, des Dicastères de la Curie romaine, de l'Union des
Supérieurs généraux, ainsi que de personnes désirant apporter leur
contribution à la réflexion ecclésiale sur cet argument important. La
réflexion a été guidée par le Saint-Père Benoît XVI, Pasteur universel de
l'Église, qui, dans de nombreuses interventions, s'est référé au thème des
assises synodales, souhaitant – entre autre – qu'en redécouvrant la Parole
de Dieu, qui est toujours actuelle et jamais dépassée, l'Église puisse
rajeunir et connaître un nouveau printemps. De cette façon, elle pourra,
avec un dynamisme nouveau, assurer sa mission d'évangélisation et de
promotion humaine dans le monde contemporain, qui a soif de Dieu et de sa
parole de foi, d'espérance et de charité.
Le texte de l'Instrumentum laboris contient une mosaïque où prévalent les
aspects positifs à propos de la conscience diffuse de l'importance de la
Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Église. Ont aussi été
signalés des aspects devant être améliorés et intégrés, surtout pour ce qui
touche à un accès plus large aux Écritures et à sa meilleure intelligence
ecclésiale, qui ne pourront pas ne pas aboutir à un zèle apostolique et
pastoral renouvelé, dans l'annonce de la Bonne Nouvelle aux proches et aux
lointains, et dans l'animation des réalités terrestres, en contribuant à
construire un monde plus juste et plus pacifique.
Il faut espérer que l'Instrumentum laboris, rédigé par le XIème Conseil
ordinaire de la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, avec l'aide de
quelques experts, puisse constituer un document valable de réflexion
synodale. Il pourra guider les Pères synodaux sur le chemin descendant et
ascendant dans la redécouverte de la Parole de Dieu, c'est-à-dire de
Jésus-Christ, homme et Dieu. C'est ce qui se produit plus particulièrement
dans les célébrations liturgiques qui ont leur point culminant dans
l'Eucharistie, où la parole prouve son efficacité miraculeuse. En effet,
conformément à la volonté expresse de Jésus-Christ « faites cela en mémoire
de moi » (Lc 22,9), les mots prononcés par le prêtre in persona Christi
capitis – « Prenez […] ceci est mon Corps » (Mc 14,22), « ceci est mon Sang
» (Mc 14,24) - transforment, grâce à l'action de l'Esprit Saint donné par le
Père, le pain dans le Corps, et le vin dans le Sang du Seigneur ressuscité.
À cette source permanente de grâce et de charité, l'Église puise constamment
la lymphe vitale et l'élan nécessaires pour assurer sa mission dans le monde
contemporain, dont les habitants sont appelés à découvrir dans la personne
de Jésus-Christ la Parole de Dieu qui est « le chemin, la vérité et la vie »
(Jn 14,6) pour chaque homme et pour toute l'humanité.
+ Nikola Eterović
Archevêque titulaire de Sisak
Secrétaire Général
Cité du Vatican, en la Solennité de la Pentecôte, 11 mai 2008
Introduction
« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous
avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont
touché du Verbe de vie - car la Vie s'est manifestée : nous l'avons vue,
nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui
était tournée vers le Père et qui nous est apparue - ce que nous avons vu et
entendu, nous vous l'annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec
nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils
Jésus-Christ. Tout ceci, nous vous l'écrivons pour que notre joie soit
complète » (1 Jn 1,1-4).
I. Annonce attendue et accueillie avec faveur
Douzième Assemblée Générale Ordinaire du Synode
1. La prochaine XIIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques,
qui se tiendra du 5 au 26 octobre 2008, a pour thème : La Parole de Dieu
dans la vie et dans la mission de l'Église. L'argument, choisi par Sa
Sainteté Benoît XVI le 6 octobre 2006, a été favorablement et largement
accueilli par l'épiscopat et par le Peuple de Dieu. Pour orienter la
préparation spécifique, des Lineamenta ont été élaborés pour permettre, à la
lumière du Concile Œcuménique Vatican II, de réfléchir sur l'expérience que
l'Église a aujourd'hui de la Parole, dans les différents rites et
traditions, en rappelant les motivations de la foi et en encourageant une
réflexion articulée sur divers aspects de la rencontre avec la Parole de
Dieu.
Des réponses aux Lineamenta et au Questionnaire inhérent sont parvenues des
Églises orientales catholiques sui iuris, des Conférences épiscopales, des
Dicastères de la Curie romaine et de l'Union des Supérieurs généraux, ainsi
que des observations venant d'évêques, de prêtres, de personnes consacrées,
de théologiens et de fidèles laïcs. On peut affirmer que la participation a
été vaste et minutieuse, de la part des Églises particulières de tous les
continents, témoignant que la Parole de Dieu s'étend véritablement dans le
monde entier. Les différentes réflexions ont été réunies et opportunément
synthétisées dans le présent Instrumentum laboris.
II. L'Instrumentum laboris et son usage
Points de référence
2. L'écoute obéissante de la Parole de Dieu est réaffirmée, en communion
avec toute la Tradition de l'Église, et plus particulièrement avec le
Concile Vatican II et, en lui, avec la Constitution dogmatique sur la
Révélation divine Dei Verbum (DV), en syntonie avec les autres documents
conciliaires, comme les Constitutions dogmatiques sur la Sainte Liturgie
Sacrosanctum Concilium (SC) et sur l'Église Lumen gentium (LG), et comme la
Constitution pastorale sur l'Église dans le monde moderne Gaudium et spes (GS).[1]
Deux Notes de la Commission pontificale biblique concernent plus directement
le thème synodal : L'interprétation de la Bible dans l'Église et Le peuple
juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne. Sont également à
consulter, en vertu de leur autorité, le Catéchisme de l'Église catholique
et son Compendium, ainsi que le Directoire général pour la catéchèse.
Une attention particulière doit être accordée au magistère des Papes Pie
XII, Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI sur la Parole de Dieu, ainsi qu'aux
documents des Dicastères de la Curie romaine issus dans les quarante années
qui ont suivi le Concile. À consulter encore les textes sur la Parole de
Dieu dans les Églises particulières et d'autres organismes ecclésiaux
continentaux, régionaux et nationaux. Mais le Synode se réfère plus
spécialement à deux événements : le premier est le précédent Synode sur
l'Eucharistie où se conjugue la Parole de Dieu, en constituant une seule
table pour le Pain de vie (cf. DV 21). Le second événement de grâce
important est celui qui anime le Synode dans ses travaux, puisqu'il se
déroule pendant l'Année paulinienne, dans la mémoire vivante de l'Apôtre qui
fut un témoin et un annonceur exemplaire de la Parole de Dieu, un maître
permanent dans l'Église.
Attentes communes
3. À partir des contributions des Pasteurs, on constate de nombreux points
communs, qui expriment ce qui est attendu du Synode. Parmi les rappels les
plus courants, citons :
- la nécessité de donner la première place à la Parole de Dieu dans la vie
et dans la mission de l'Église, mais en même temps aussi le courage et la
créativité d'une pédagogie de la communication adaptée à l'époque (culture,
contextes de vie actuels, communication) ;
- l'invitation à reconnaître que la Parole de Dieu est Jésus-Christ, ce qui
comporte une lecture de l'ensemble de la Bible considérée dans son mystère,
de façon privilégiée dans la célébration liturgique, en particulier dans
l'Eucharistie du dimanche ;
- la proclamation que l'Esprit Saint conduit à la pleine compréhension de la
Parole de Dieu, en nous donnant de la comprendre et en animant la lecture de
la Bible dans l'Église, dans sa Tradition vivante d'annonce et de charité,
de sorte que pour écouter la Parole de Dieu et lire la Bible, il faut
appartenir à la communauté de l'Église et avoir une attitude de communion et
de service ;
- la certitude que la Bible est la révélation de la Parole de Dieu, même
avec les nombreuses difficultés rencontrées pour la comprendre, plus
spécialement dans l'Ancien Testament ;
- le grand désir des fidèles d'écouter la Parole de Dieu, auquel on répond
par d'importantes initiatives pastorales ; mais est également ressenti avec
urgence le besoin de dépasser l'indifférence, l'ignorance et la confusion
sur les vérités de la foi à propos de la Parole de Dieu, ainsi que le manque
de préparation et de matériel biblique ;
- la nécessité d'une pastorale biblique, mais aussi d'une animation biblique
de toute la pastorale, qui comprenne l'enseignement de toutes les vérités de
la foi ;
- la nécessaire communion dans la foi et dans la pratique de la Parole de
Dieu ; mais, en même temps, il est aussi demandé que chaque Église
particulière assume le devoir d'accueillir la Parole en conformité à sa
situation individuelle ;
- les différentes approches de la Bible dans la Tradition latine et dans la
Tradition orientale, en tenant compte de ce que leur connaissance doit être
diffusée de façon opportune et qu'elles doivent être considérées comme une
richesse ;
- la compétence et la responsabilité des Pasteurs dans le cadre de l'annonce
de la Parole de Dieu, qui exige d'eux une mise à jour permanente de leur
formation ;
- l'urgence que le laïcat ne soit pas seulement un sujet passif, mais
devienne aussi bien un auditeur de la Parole de Dieu qu'un annonceur
correctement préparé, soutenu par la communauté ;
- la certitude que Dieu adresse sa Parole de sagesse à chaque homme, à
partir des plus pauvres, et qu'il désire donc que sa Parole soit insérée
dans la mission, c'est-à-dire qu'elle soit annoncée à tous les peuples comme
une Bonne Nouvelle de libération, de consolation et de salut, en cherchant
le dialogue au sein des Églises et des communautés chrétiennes et avec les
autres religions, et d'autant plus avec les nombreuses cultures, sans
oublier toutes les semences de vérité que la providence de Dieu a déposé en
elles..
But du Synode
4. Le premier but du Synode est de se consacrer au thème de la Parole avec
laquelle « Dieu, qui est invisible (cf. Col 1,15 ; 1 Tm 1,17 ), s'adresse
aux hommes comme à des amis (cf. Ez 33,11 ; Jn 15,14-15), et converse avec
eux (cf. Ba 3,38) pour les inviter à entrer en communion avec lui » (DV 2).
Ce qui comporte l'écoute et l'amour de la Parole du Seigneur, en harmonie
avec la vie concrète des personnes de notre temps. La Parole de Dieu
détermine un appel, créé la communion, envoie en mission, afin que ce que
l'on a reçu pour soi devienne un don pour autrui. Il s'agit donc d'un but
éminemment pastoral et missionnaire : approfondir les raisons doctrinales et
se laisser éclairer par elles signifie étendre et renforcer la pratique de
la rencontre avec la Parole de Dieu comme source de vie dans les différentes
sphères de l'expérience et, suivant les chemins adéquats et praticables,
pouvoir écouter Dieu et parler avec Lui.
a. Concrètement, parmi ses objectifs le Synode se propose d'aider à éclairer
davantage les aspects fondamentaux de la vérité sur la Révélation tels que :
la Parole de Dieu, la foi, la Tradition, la Bible, le Magistère, qui
motivent et garantissent un chemin de foi valable et efficace ; d'encourager
l'amour profond pour les Saintes Écritures, afin que leur accès soit
largement ouvert aux chrétiens (cf. DV 22), en relevant l'unité entre le
pain de la Parole et du Corps du Christ, pour nourrir pleinement la vie des
chrétiens.[2] Il est nécessaire, en outre, de rappeler la circularité
indissoluble entre la Parole de Dieu et la liturgie ; de solliciter en tout
lieu l'exercice de la Lectio Divina, correctement adaptée aux différentes
circonstances ; d'offrir aux pauvres une parole de consolation et
d'espérance. De sorte que ce Synode vise à coopérer à un exercice
herméneutique correct des Écritures, en orientant de façon appropriée le
processus d'évangélisation et d'inculturation nécessaire ; il entend
encourager le dialogue œcuménique, lié étroitement à l'écoute de la Parole
de Dieu; il désire favoriser le dialogue entre juifs et chrétiens et, plus
largement, le dialogue interreligieux et interculturel.
b. Nombre de Pasteurs ont manifesté le désir que la contribution finale du
Synode ne soit pas seulement informative, mais qu'elle concerne la vie,
qu'elle provoque la participation, de sorte que la Parole de Dieu apparaisse
vivante, efficace et pénétrante (cf. He 4,12) grâce à un langage essentiel
que les chrétiens puissent comprendre. À ce propos, il convient de rappeler
que les mots Bible, Saintes Écritures, Livre Sacré, ont une même
signification et il sera possible, à partir du contexte, de comprendre
lorsque l'expression « Parole de Dieu » assume aussi le sens de « Saintes
Écritures ».
PRÉMISSE
Itinéraire historique
« Signes des temps ». Quarante ans après le Concile
« Que la parole du Seigneur accomplisse sa course
et soit glorifiée » (2 Th 3,1)
Bonne saison pour les fruits
5. La Parole de Dieu a produit différents résultats positifs dans la
communauté chrétienne. Au plan objectif et général, on constate les aspects
suivants :
- le renouvellement biblique substantiel dans le cadre liturgique et
catéchétique et, en amont, exégétique et théologique ;
- la pratique naissante mais fructueuse de la Lectio Divina, suivant des
modalités différentes ;
- la diffusion du Livre Sacré grâce à l'apostolat biblique et l'élan de
communautés, groupes et mouvements ecclésiaux ;
- le nombre toujours plus important de nouveaux lecteurs et ministres de la
Parole de Dieu ;
- la disponibilité croissante d'instruments et de matériels dans la
communication contemporaine ;
- l'intérêt pour la Bible dans les milieux culturels.
Incertitudes et questions
6. Toutefois, d'autres aspects restent encore ouverts et problématiques.
Toujours à partir d'un plan objectif de données, dans les Églises locales on
enregistre un peu partout les lacunes qui suivent :
- la Constitution dogmatique Dei Verbum est peu connue en tant que telle ;
- on constate une plus grande familiarité avec la Bible, mais une
connaissance insuffisante de l'ensemble du dépôt de la foi à laquelle elle
appartient ;
- pour ce qui est de l'Ancien Testament, sa difficulté de compréhension et
d'accueil est répandue, avec le risque d'un usage incorrect ;
- l'approche liturgique de la Parole de Dieu durant la Messe laisse souvent
à désirer ;
- un nœud délicat et souffert est celui du rapport entre la Bible et la
science, à propos de l'interprétation du monde et de la vie humaine ;
- en tous cas, d'une manière ou d'une autre, les fidèles restent détachés de
la Bible, dont la fréquentation ne résulte pas être une expérience
généralisée ;
- on rappelle la nécessité de considérer dans sa plénitude le lien étroit
entre les enseignements moraux et les Saintes Écritures, en particulier en
faisant référence aux Dix Commandements et au précepte de l'amour de Dieu et
du prochain, comme au discours sur la Montagne et à l’enseignement de Saint
Paul sur la vie dans l’Esprit;
- enfin, il faut ajouter une double pauvreté quant aux moyens matériels dans
la diffusion de la Bible et dans les formes de communications qui
apparaissent souvent inadéquates.
Condition de foi variée et exigeante
7. Si l'on considère la condition de foi dans ce tableau de lumières et
d'ombres, les contributions des Pasteurs mettent en évidence des points
importants de réflexion, pouvant être regroupés en trois catégories :
personnel, communautaire et social.
a. Au niveau des personnes. Il faut tenir compte du fait que trop de fidèles
hésitent à ouvrir la Bible pour différentes raisons, en particulier parce
qu'ils ont le sentiment qu'il s'agit d'un Livre trop difficile à comprendre.
Chez nombre de chrétiens, le désir intense d'écouter la Parole de Dieu se
réalise dans une expérience plus émotive que convaincue, du fait qu'ils
connaissent peu la doctrine. Cette fracture entre la vérité de foi et
l'expérience de vie se perçoit surtout dans la rencontre liturgique avec la
Parole de Dieu. Il faut ajouter à cela un certain fossé entre les experts et
les Pasteurs et entre les experts et les gens simples des communautés
chrétiennes. Deuxièmement, il faut bien reconnaître que beaucoup de
chrétiens le rapport direct avec les Écritures est encore dans une phase
initiale. À ce sujet, un témoignage particulier est apporté par les
mouvements, tandis qu'il faut reconnaître aux personnes consacrées un rôle
de pointe.
b. Au niveau communautaire. Il ne faut pas oublier que si la Parole de Dieu
a des auditeurs passionnés dans le monde entier, il existe des différences
significatives au sein de l'Église. On pourrait affirmer que dans les
Églises locales d'origine plus récente, ou dans des situations de minorité
numérique, l'usage de la Bible parmi les fidèles est plus étendu
qu'ailleurs. En outre, les formes d'approche sont différentes selon les
contextes de sorte que nous pouvons parler aujourd'hui d'une approche
biblique différenciée en Europe, en Afrique, en Asie, en Amérique et en
Océanie. Et il existe toujours la différence complémentaire de l'usage de la
Parole de Dieu dans les Églises latines et orientales, et pour ce qui est
des autres Églises et communautés ecclésiales.
c. Au niveau social. Se diffusant rapidement, le processus de mondialisation
implique aussi l'Église. Trois facteurs – largement rappelés dans les
réponses – agissent dans la rencontre avec les Saintes Écritures :
- la sécularisation qui détermine une condition de vie facilement exposée à
la dérive du sécularisme consumériste, au relativisme et à l'indifférence
religieuse, en particulier parmi les jeunes générations ;
- le pluralisme religieux et culturel, avec l'émergence de formes gnostiques
et ésotériques dans l'interprétation des Saintes Écritures, et de groupes
religieux indépendants au sein de l'Église catholique. En outre, on assiste
au développement de confrontations difficiles et de conflits douloureux,
surtout pour les minorités chrétiennes dans un milieu non chrétien, à propos
de l'emploi de la Bible ;
- l'aspiration largement ressentie à exprimer la Parole de Dieu comme
libération de la personne de conditions inhumaines, et comme réconfort
concret pour les pauvres et ceux qui souffrent.
Dans le cadre de la nouvelle évangélisation, la transmission de la foi doit
se conjuguer avec la découverte en profondeur de la Parole de Dieu. Il est
souhaitable que la Parole de Dieu soit présentée comme soutien de la foi de
l'Église au long des siècles.
Structure de l'Instrumentum laboris
8. La structure du document s'articule en trois parties : la première partie
est centrée sur l'identité de la Parole de Dieu selon la foi de l'Église ;
la deuxième partie considère la Parole de Dieu dans la vie de l'Église ; la
troisième partie réfléchit sur la Parole de Dieu dans la mission de
l'Église.
Chacune des parties est divisée en chapitres pour rendre la lecture plus
aisée et plus claire. En résumé, le Synode entend méditer et proposer ce
grand mystère de la Parole de Dieu – ce don suprême qu'Il a fait à l'Église
– et rendre grâce pour ce mystère.
PREMIÈRE PARTIE
LE MYSTÈRE DE DIEU QUI NOUS PARLE
« Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux
Pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a
parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi
il a fait les siècles » (He 1,1-2).
Les contributions des Pasteurs ont rappelé plusieurs des thèmes théologiques
les plus significatifs pour l'action pastorale, comme l'identité de la
Parole de Dieu ; le mystère du Christ et de l'Église, centre de la Parole de
Dieu ; la Bible en tant que Parole inspirée, et sa vérité ; l'interprétation
de la Bible selon la foi de l'Église ; l'attitude juste d'écoute de la
Parole de Dieu.
Chapitre I
A. Dieu, celui qui nous parle. Identité de la Parole de Dieu
« Dieu s'adresse aux hommes comme à des amis » (DV 2)
Dei Verbum propose une théologie dialogique de la révélation. Dans ce
dialogue, on trouve trois aspects étroitement réunis : l'amplitude de
signification que le terme « Parole de Dieu » assume dans la Révélation
divine ; le mystère du Christ en tant qu'expression pleine et parfaite de la
Parole de Dieu ; le mystère de l'Église, sacrement de la Parole de Dieu.
La Parole de Dieu : un chant à plusieurs voix
9. La Parole de Dieu est comme un chant à plusieurs voix, du fait que Dieu
la prononce sous des formes diverses et de différentes façons (cf. He 1,1),
tout au long d'une longue histoire et à travers des annonceurs très divers,
mais en laissant apparaître une hiérarchie de significations et de
fonctions.
a. La Parole de Dieu a une patrie, qui est la Trinité, dont elle provient,
qui la soutient et à laquelle elle retourne, témoignage permanent de l'amour
du Père, de l'œuvre de salut du Fils Jésus-Christ, et de l'action féconde de
l'Esprit Saint. À la lumière de la Révélation, la Parole est le Verbe
éternel de Dieu, la deuxième personne de la Très Sainte Trinité, le Fils du
Père, fondement de la communication intratrinitaire et ad extra : « Au
commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était
Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par Lui, et sans Lui rien
ne fut » (Jn 1,1-3 ; cf. Col 1,16).
b. C'est pourquoi le monde créé narre la gloire de Dieu (cf. Ps 19,1). Au
commencement des temps, par sa Parole Dieu a créé l'univers (cf. Gn 1,1), en
mettant sur la création le sceau de sa sagesse, de sorte que toute chose est
sa voix (cf. Si 46,17 ; Ps 68,34). C'est la personne humaine en particulier,
parce que créée à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1,26) qui
reste pour toujours le signe inviolable et l'interprète intelligent de sa
Parole. En effet, de la Parole de Dieu la personne reçoit la capacité
d'entamer le dialogue avec Lui et la création. De sorte que Dieu a fait de
toute la création, et de la personne humaine in primis, un « témoignage
durable de Lui-même » (DV 3). Et puisque « ‘c'est en lui [le Christ] qu'ont
été créées toutes choses, et pour lui … [et que] tout subsiste en lui’ (Col
1,16-17), ‘semences du Verbe’ (AG 11,15), les ‘rayons de la vérité qui
illumine tous les hommes’ (NA 2), […] se trouvent dans les personnes et dans
les traditions religieuses de l'humanité ».[3]
c. « Le Verbe s'est fait chair » (Jn 1,14) : la Parole de Dieu, ultime et
définitive, c'est Jésus-Christ, sa personne, sa mission, son histoire,
intimement liées, conformément au dessein du Père, qui culmine dans la Pâque
et s'accomplit lorsque Jésus remettra le Royaume au Père (cf. 1 Co 15,24).
Il est l'Évangile de Dieu à chaque personne humaine (cf. Mc 1,1).
d. En vue de la Parole de Dieu qui est le Fils incarné, le Père a parlé dans
les temps anciens par les prophètes (cf. He 1,1) et, en vertu de l'Esprit,
les Apôtres continuent d'annoncer Jésus et son Évangile. De sorte que la
Parole de Dieu est exprimée par des mots d'homme, à travers l'annonce des
prophètes et des Apôtres.
e. En fixant – par inspiration divine – les contenus révélés, les Saintes
Écritures attestent de façon authentique qu'elles sont véritablement la
Parole de Dieu (cf. DV 24), entièrement orientées vers Jésus car « ce sont
elles [les Écritures] qui [lui] rendent témoignage » (Jn 5,39). En vertu du
charisme de l'inspiration, les livres des Saintes Écritures ont une force
d'appel direct et concret que n'ont pas d'autres interventions ou textes
humains.
f. Mais la Parole de Dieu ne reste pas enfermée dans les écrits. En effet,
si la Révélation s'est conclue avec la mort du dernier apôtre (cf. DV 4), la
Parole révélée continue d'être annoncée et écoutée dans l'histoire de
l'Église, qui s'engage à la proclamer au monde entier en réponse à son
besoin de salut. Ainsi, la Parole continue sa course dans la prédication
vivante, qui embrasse les différentes formes d'évangélisation, les plus
éminentes étant l'annonce et la catéchèse, la célébration liturgique et le
service de la charité. La prédication, dans le sens qui lui a été donné ici,
sous la puissance de l'Esprit Saint, est Parole du Dieu vivant communiquée
aux personnes vivantes.
g. Comme les fruits provenant des racines, les vérités de foi de l'Église
concernant le dogme et la morale entrent dans le domaine de la Parole de
Dieu.
À partir de ce tableau, il est aisé de comprendre que lorsque la révélation
de Dieu est annoncée dans la foi, il s'agit d'un événement révélateur qui
peut vraiment être appelé Parole de Dieu dans l'Église.
Incidences pastorales
10. Ici, sont rappelées les nombreuses incidences pastorales auxquelles sont
liées nombre de réponses provenant des Églises particulières.
- À la Parole de Dieu doivent être reconnues toutes les qualités d'une
authentique communication interpersonnelle -à partir de la Bible souvent
désignée comme dialogue d'alliance- qui fait que Dieu et la personne se
parlent en tant que membres de la même famille.
- Dans cette perspective, la religion chrétienne ne peut pas être définie
comme la « religion du Livre » en termes absolus, du fait que le Livre
inspiré appartient, de façon vitale, à la totalité du corps de la
Révélation.[4]
- Le monde créé est la manifestation de la Parole de Dieu, et la vie et
l'histoire humaine la contiennent en germe. Dans cette optique, émergent des
questions importantes aujourd'hui, rappelées par de nombreuses contributions
des Pasteurs à propos de la loi naturelle, de l'origine du monde, de la
question écologique.
- Il convient certainement de reprendre la belle notion d' « histoire du
salut » (historia salutis), si chère aux Pères de l'Église et devenue, par
tradition, « Histoire sacrée ». Il faut réussir à faire percevoir tout ce
qu'implique la « religion du Verbe incarné », c'est-à-dire la Parole de
Dieu, qui n'est pas cristallisée dans des formules abstraites et statiques
mais qui connaît une histoire dynamique, faite de personnes et d'événements,
de paroles et d'actions, de développements et de tensions, comme cela
apparaît clairement dans la Bible. L'historia salutis – terminée pour ce qui
est de sa phase constitutive – continue d'être efficace aujourd'hui dans le
temps de l'Église.
- La totalité de la Parole de Dieu est assurée par tous les actes qui
l'expriment, selon le rôle de chacun. De par sa force, vient immédiatement à
l'esprit le fait que les Saintes Écritures sont le milieu vital de l'Église.
D'ailleurs, il est nécessaire que tous les moments du ministère de la Parole
de Dieu soient en interaction réciproque et harmonieuse. Parmi ces signes,
l'annonce, la catéchèse, la liturgie et la diaconie jouent un rôle
fondamental.
- Il reviendra aux Pasteurs d'aider les fidèles à avoir cette vision
harmonieuse de la Parole, en évitant toute forme erronée, réductive ou
ambiguë de compréhension, et en leur donnant la possibilité de devenir des
auditeurs attentifs de la Parole partout où elle résonne, et de goûter les
paroles les plus simples de la Bible.
B. Au centre, le mystère du Christ et de l'Église
« En ces jours qui sont les derniers, Dieu nous a parlé par le Fils » (He
1,2)
Dans le cœur de la Parole de Dieu, le mystère du Christ
11. De façon générale, les chrétiens perçoivent la centralité de la personne
de Jésus-Christ dans la Révélation de Dieu. Mais ils ne savent pas toujours
saisir les raisons de cette importance, ni ils ne comprennent dans quel sens
Jésus est le cœur de la Parole de Dieu ; aussi, ont-ils quelques difficultés
à effectuer une lecture chrétienne de la Bible. C'est un sujet qui revient
dans presque toutes les réponses des Organismes consultés, avec le double
souci d'éviter les équivoques d'une lecture superficielle et fragmentaire
des Écritures, mais surtout d'indiquer la voie sûre pour entrer dans le
Royaume de Dieu et hériter de la vie éternelle. En effet, « la vie
éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et
celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17,3). Ce rapport substantiel
entre la Parole de Dieu et le mystère du Christ prend ainsi forme dans la
Révélation en tant qu'annonce, puis dans l'histoire de l'Église comme
approfondissement inépuisable.
De ce rapport, on ne cite ici que quelques-unes des références théologiques
essentielles ayant une incidence pastorale évidente.
- Toujours à la lumière de Dei Verbum, il est rappelé que Dieu a réalisé un
dessein totalement gratuit : «Il a en effet envoyé son Fils […] pour habiter
parmi les hommes et leur faire connaître les secrets de Dieu (cf. Jn
1,1-18). Jésus-Christ donc, le Verbe fait chair ‘parle les paroles de Dieu’
(Jn 3,34) et achève l'œuvre du salut que le Père lui a confiée (cf. Jn 5,36
; 17,4)» (DV 4). De sorte que, pendant sa vie sur terre et maintenant dans
sa vie au ciel, Jésus assume et réalise tout l'objectif, le sens, l'histoire
et le projet de la Parole de Dieu car, comme le récite Saint Irénée, le
Christ « nous a donné toute nouveauté en se donnant à nous ».[5]
- Le projet de Dieu prévoit une histoire dans la Révélation. Comme l'affirme
l'Auteur de la Lettre aux Hébreux : « Après avoir, à maintes reprises et
sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces
jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, qu'il a établi
héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles » (He 1,1-2).
Cela signifie qu'en Jésus la Parole de Dieu assume les significations qu'il
a données à sa mission : son but est de faire entrer dans le Royaume de Dieu
(cf. Mt 13,1-9) ; elle se manifeste dans ses paroles et dans ses œuvres ;
elle exprime sa puissance dans les miracles ; elle a pour tâche d'animer la
mission des disciples, en les soutenant dans l'amour pour Dieu et le
prochain et dans l'attention aux pauvres ; elle révèle sa pleine vérité dans
le mystère pascal, en attendant la révélation complète ; et maintenant, elle
guide la vie de l'Église dans le temps.
- Mais il est vrai aussi que la Parole de Jésus doit être comprise, comme il
le disait lui-même, selon les Écritures (cf. Lc 24,44-49), c'est-à-dire dans
l'histoire du Peuple de Dieu dans l'Ancien Testament, qui l'a attendu comme
le Messie, et maintenant dans l'histoire de la communauté chrétienne qui
l'annonce par la prédication, le médite dans la Bible, fait l'expérience de
son amitié et de ses orientations. Saint Bernard affirme que sur le plan de
l'Incarnation de la Parole, le Christ est le centre de toutes les Écritures.
La Parole de Dieu, qui pouvait déjà être entendue dans la première Alliance,
est devenue visible dans le Christ.[6]
- On ne peut pas oublier que « tout a été créé par lui et pour lui » (Col
1,16). Jésus assume une centralité cosmique, il est le roi de l'univers,
celui qui donne le sens ultime à toute la réalité. Si la Parole de Dieu est
un chant à plusieurs voix, la clef de son interprétation – de par
l'inspiration de l'Esprit Saint –, c'est le Christ dans la globalité de son
mystère. «La Parole de Dieu qui, au début, était auprès de Dieu, n'est pas,
dans sa plénitude, une multiplicité de paroles: elle n'est pas constituée de
nombreuses paroles, elle est une unique Parole, qui embrasse un grand nombre
d'idées dont chacune est une partie de la Parole dans sa totalité […]. Et si
le Christ nous renvoie aux ‘Écritures’, comme celles qui en témoignent, il
considère les livres des Écritures comme un seul rouleau, car tout ce qui a
été écrit de Lui est résumé en un seul tout ».[7]
Dans le cœur de la Parole de Dieu, le mystère de l'Église
12. En étant mystère du Corps de Jésus, l'Église se trouve à avoir, dans la
Parole, l'annonce de son identité, la grâce de sa conversion, le mandat de
sa mission, la source de sa prophétie et la raison de son espérance. Elle
est intimement constituée par le dialogue avec l'Époux, et elle devient la
destinataire et le témoin privilégié de la Parole aimante et salvifique de
Dieu. Le juste aboutissement de l'écoute de la Parole de Dieu est
d'appartenir toujours plus à ce « mystère » qui fait l'Église ; aussi, la
rencontre permanente avec elle engendre son renouvellement et est la source
d'un « nouveau printemps spirituel ».[8]
Par ailleurs, la conscience vive d'appartenir à l'Église, Corps du Christ,
sera effective dans la mesure où les différents rapports avec la Parole de
Dieu pourront être articulés de façon cohérente : une Parole annoncée, une
Parole méditée et étudiée, une Parole priée et célébrée, une Parole vécue et
propagée. C'est pourquoi la Parole de Dieu n'est pas un dépôt inerte dans
l'Église, mais qu'elle devient règle suprême de la foi et puissance de vie,
qu'elle se développe avec l'assistance de l'Esprit Saint et grandit avec la
contemplation et l'étude qu'en font les croyants, avec l'expérience
personnelle de vie spirituelle et la prédication des évêques (cf. DV 8 ;
21). Ce sont les hommes de Dieu en particulier qui en témoignent, eux qui
ont habité dans la Parole.[9] Il apparaît clairement que la première mission
de l'Église est de transmettre la Parole divine à tous les hommes.
L'histoire atteste que cela s'est produit et continue de se produire
aujourd'hui, après tant de siècles, malgré tous les obstacles, mais avec une
vitalité féconde.
Les premiers mots de Dei Verbum font l'objet d'une réflexion permanente et
d'une application fidèle : « quand il écoute religieusement et proclame
hardiment la Parole de Dieu » (DV 1). Ces mots résument l'essence de
l'Église dans sa double dimension d'écoute et de proclamation de la Parole
de Dieu. Aucun doute ne subsiste : la Parole de Dieu doit occuper la
première place. Ce n'est qu'à travers elle qu'on peut comprendre l'Église.
Elle se définit comme étant l'Église qui écoute. C'est dans la mesure où
elle écoute qu'elle peut aussi être une Église qui proclame. Le Saint-Père
Benoît XVI affirme : « L'Église ne tire pas sa vie d'elle-même, mais de
l'Évangile et c'est à partir de l'Évangile qu'elle ne cesse de s'orienter
dans son pèlerinage ».[10]
Incidences pastorales
13. À partir de la Parole de Dieu, la communauté chrétienne se sent
régénérée et renouvelée à découvrir le visage du Christ. L'affirmation de
Saint Jérôme résonne, claire et péremptoire : « Ignoratio enim Scripturarum,
ignoratio Christi est »[11] (celui qui ne connaît pas les Écritures ne
connaît pas le Christ). Sont ici rappelées certaines urgences pastorales
tirées des réponses aux Lineamenta.
- Développer des lignes organiques de réflexion sur le rapport entre Jésus
et les Saintes Écritures, sur comment il les lit et comment, inversement,
celles-ci aident à le comprendre ;
- présenter de manière simple les critères de lecture chrétienne de la
Bible, en résolvant à cette lumière les éléments difficiles de l'Ancien
Testament ;
- aider les fidèles à reconnaître l'Église, guidée par le Magistère, comme
le lieu vital et permanent d'annonce de la Parole de Dieu ;
- instruire ces chrétiens qui disent ne pas lire la Bible parce qu'ils
préfèrent établir un rapport direct et personnel avec Jésus ;
- grâce à la réalité de Jésus, Seigneur ressuscité et présent dans les
signes sacramentaux, la liturgie doit être considérée comme le lieu
principal de rencontre avec la Parole de Dieu.
- Enfin, dans la communication catéchétique, il ne faut pas oublier que les
Évangiles doivent être choisis en tant que lecture prioritaire, mais qu’ils
doivent aussi être lus en liaison avec les autres livres de l'Ancien et du
Nouveau Testament, et avec les documents du Magistère de l’Église.
Chapitre II
A. La Bible, Parole de Dieu inspirée et sa vérité
« L'Église a toujours témoigné son respect à l'égard des Écritures, tout
comme à l'égard du Corps du Seigneur lui-même » (DV 21)
Questions
14. L'un des problèmes plus fortement ressentis par les Pasteurs est le
rapport entre les Saintes Écritures et la Parole de Dieu, en particulier son
inspiration et sa vérité. On distingue trois niveaux de questions :
- certaines questions sont inhérentes à la nature de la Bible : ce qu'on
entend par inspiration, ou par canon, quel type de vérité revient aux
Écritures, et comment comprendre son historicité ;
- d'autres questions concernent le rapport entre les Écritures et la
Tradition et le Magistère ;
- d'autres encore se rapportent aux pages difficiles de la Bible, plus
spécialement dans l'Ancien Testament. On abordera ces questions dans la
partie qui traite de la Parole de Dieu dans la catéchèse.
Les Saintes Écritures, Parole de Dieu inspirée
15. De nombreuses réponses aux Lineamenta soulèvent des questions à propos
de la façon d'expliquer aux fidèles le charisme de l'inspiration et de la
vérité des Écritures. À ce sujet, il est nécessaire, avant tout, de bien
préciser le rapport entre la Bible et la Parole de Dieu ; de clarifier
l'action de l'Esprit Saint ; de spécifier certains points concernant
l'identité de la Bible.
a. Il faut que soit reconnu le rapport de distinction et de communion entre
la Bible et la Parole de Dieu. C'est la Bible elle-même qui atteste
l'absence de toute coïncidence matérielle entre la Parole de Dieu et les
Écritures. La Parole de Dieu est une réalité vivante, efficace (cf. He 4,
12-13), éternelle (cf. Is 40,8), « toute puissante » (Sg 18,15), créatrice
(cf. Gn 1,3sv.) et instauratrice d'histoire. Pour le Nouveau Testament,
cette Parole c'est le Fils de Dieu lui-même, le Verbe incarné (cf. Jn 1,1sv.
; He 1,2). Au contraire, les Écritures sont l'attestation de ce rapport
entre Dieu et l'homme, elles l'éclairent et l'orientent de façon certaine.
Aussi la Parole de Dieu va-t-elle au-delà du Livre, et rejoint-elle aussi
l'homme à travers le chemin de l'Église, Tradition vivante. Cela implique de
dépasser une interprétation subjective et fermée des Écritures, de sorte
qu'elle doit être lue à l'intérieur d'un processus plus vaste, et même
inépuisable, de la Parole de Dieu, ainsi que le démontre le fait que la
Parole continue d'alimenter la vie de générations dans des temps toujours
nouveaux et différents. Ainsi, la communauté chrétienne devient le sujet de
la transmission de la Parole de Dieu, et en même temps le sujet privilégié
pour saisir le sens profond des Saintes Écritures, la progression de la foi
et, donc, le développement du dogme. En vertu de cette prérogative, depuis
le début l'Église a profondément vénéré les livres bibliques et, par règle
ou canon de la foi dans la Révélation divine, elle en a établi une liste
certaine et définitive : 73 livres, dont 46 dans l'Ancien Testament, et 27
dans le Nouveau.[12]
b. L'Esprit permet à la parole écrite de respirer et situe le Livre dans le
mystère plus vaste de l'Incarnation et de l'Église. C'est pour cela que,
grâce à l'Esprit, la Parole de Dieu est une réalité liturgique et
prophétique ; elle est une annonce (kerygma) avant d'être un livre, elle est
le témoignage de l'Esprit Saint sur la présence du Christ.
c. On peut affirmer en synthèse que :
- le charisme de l'inspiration permet de dire que Dieu est l'auteur de la
Bible, d'une manière qui n'exclut pas l'homme en tant que véritable auteur
lui-même. En effet, à la différence d'une dictée, l'inspiration n'élimine ni
la liberté ni les capacités personnelles de l'écrivain, mais elle les
éclaire et les suscite ;
- même si les Saintes Écritures sont inspirées dans leur totalité, leur
inerrance se réfère uniquement à la « vérité […] que Dieu, en vue de notre
salut, a voulu qu'elle [l'Écriture] fût consignée dans les Saintes Lettres »
(DV 11) ;
- grâce au charisme de l'inspiration, l'Esprit Saint constitue les livres
bibliques en Parole de Dieu, et il les confie à l'Église, afin qu'ils soient
accueillis dans l'obéissance de la foi ;
- dans son ensemble et son unité organique, le Canon constitue le critère
permettant d'interpréter le Livre Saint ;
- la Bible étant la Parole de Dieu en langage des hommes, son interprétation
se fait de façon harmonieuse, suivant des critères littéraires,
philosophiques et théologiques, toujours sous la force unifiante de la foi
et la guide du Magistère.[13]
Tradition, Écritures et Magistère
16. Le Concile Vatican II insiste sur l'unité d'origine et sur les
nombreuses connexions entre la Traditions et les Écritures, que l'Église
accueille « avec un égal sentiment de piété, avec un égal respect » (DV 9).
Rappelons à ce sujet que la Parole de Dieu, devenue dans le Christ Évangile
et Bonne Nouvelle (cf. Rm 1,16), et comme telle confiée à la prédication
apostolique, continue sa course à travers :
- en premier lieu, le flux de la Tradition vivante manifestée par «tout ce
que [l'Église] est elle-même, tout ce qu'elle croit » (DV 8), comme le
culte, l'enseignement, la charité, la sainteté, le martyre ;
- mais aussi les Saintes Écritures qui, par inspiration de l'Esprit Saint,
dans l'immutabilité de l'écriture, conservent justement de cette Tradition
vivante les éléments constitutifs et originaux : « cette Tradition sainte et
la Sainte Écriture des deux Testaments sont donc comme le miroir dans lequel
l'Église, pendant son pèlerinage sur terre, contemple Dieu, de qui elle
reçoit tout, jusqu'à ce qu'elle soit arrivée à son terme: Le voir face à
face tel qu'Il est (cf. 1 Jn 3,2) » (DV 7).
Enfin, c'est au Magistère de l'Église – qui n'est pas supérieur à la Parole
de Dieu – qu'il revient « d'interpréter authentiquement la Parole de Dieu
écrite ou transmise […] puisque […] il écoute pieusement la parole, la garde
religieusement, l'explique fidèlement » (DV 10). En résumé, une vraie
lecture des Écritures comme Parole de Dieu ne peut se faire qu'in Ecclesia,
selon son enseignement.
Ancien et Nouveau Testament : une unique économie du salut
17. Un problème aigu que connaissent les catholiques est celui de la
reconnaissance de l'Ancien Testament en tant que Parole de Dieu et, en
particulier, son rapport avec le mystère du Christ et de l'Église. En raison
aussi de difficultés exégétiques non résolues, on assiste à une certaine
résistance devant des pages de l'Ancien Testament qui semblent
incompréhensibles, et donc exposées à la sélection arbitraire, au refus.
Selon la foi de l'Église, l'Ancien Testament doit être considéré comme une
partie de l'unique Bible des chrétiens, partie constitutive de la Révélation
et, donc, de la Parole de Dieu. D'où le besoin d'une formation urgente à la
lecture chrétienne de l'Ancien Testament, en reconnaissant le rapport qui
lie les deux Testaments et les valeurs permanentes de l'Ancien (cf. DV
15-16).[14]Nous sommes aidés en cela par la pratique liturgique, qui
proclame toujours le texte sacré de l'Ancien Testament comme page
essentielle pour une pleine compréhension du Nouveau Testament, ainsi que
l'atteste Jésus lui-même dans l'épisode d'Emmaüs, où le Maître « commençant
par Moïse et parcourant tous les Prophètes, […] leur interpréta dans toutes
les Écritures ce qui le concernait » (Lc 24,27). L'affirmation augustinienne
« Novum in Vetere latet et in Novo Vetus patet » (le Nouveau Testament est
celé dans l'Ancien, et l'Ancien est révélé dans le Nouveau)[15] est tout à
fait précise. Saint Grégoire le Grand affirme : « Ce que l'Ancien Testament
a promis, le Nouveau l'a fait voir ; ce que l'Ancien annonce de façon
voilée, le Nouveau le proclame ouvertement comme étant actuel. Aussi
l'Ancien Testament est-il la prophétie du Nouveau ; et le meilleur
commentaire de l'Ancien Testament est le Nouveau Testament ».[16] Les
implications pratiques de cette doctrine sont nombreuses et vitales.
Incidences pastorales
18. On ressent de façon toujours plus consciente qu'une lecture
superficielle de la Bible est insuffisante. On constate que différents
groupes bibliques, partis avec enthousiasme à la découverte du Livre Sacré,
se dissolvent ensuite progressivement, le bon terrain venant à manquer –
c'est-à-dire la Parole de Dieu perçue dans son mystère de grâce – comme le
dit Jésus dans la parabole du semeur (cf. Mt 13,20-21). Dans cette optique,
sont proposées les implications suivantes :
a. Du fait que les Écritures sont intimement liées à l'Église, celle-ci
assume un rôle essentiel pour accéder à la Parole dans l'authenticité de sa
source, devenant ainsi le critère pour comprendre correctement la Tradition,
du fait que la liturgie comme la catéchèse tirent leur substance de la
Bible. Ainsi que cela a déjà été mentionné, les livres des Saintes Écritures
libèrent une force d'appel direct et concret que n'ont pas d'autres
interventions ou textes ecclésiaux.
b. Il faut ensuite considérer la distinction – dans ses effets pratiques –
entre la Tradition apostolique constitutive et les traditions ecclésiales.
En effet, tandis que la première émane des apôtres et transmet ce qu'ils ont
appris de Jésus et de l'Esprit Saint lui-même, les traditions ecclésiales
sont nées au cours des temps dans les Églises locales et sont une forme
d'adaptation de la « grande Tradition ».[17] En outre, il faut évaluer la
portée décisive de la reconnaissance canonique réalisée par l'Église à
propos des Écritures en en garantissant l'authenticité face à la
prolifération de livres inauthentiques ou apocryphes. Les interprétations
gnostiques vulgarisées aujourd'hui à propos de la vérité sur les origines
chrétiennes obligent à expliquer ce qu'est le Canon des Livres Sacrés et
comment il est né. On oriente ainsi opportunément la traduction et la
diffusion des Écritures et on justifie la reconnaissance indispensable de la
part de l'Église. Il reste à reprendre la comparaison entre les Écritures,
la Tradition et les signes de la Parole de Dieu dans le monde créé, en
particulier avec l'homme et son histoire, car chaque créature est parole de
Dieu, puisqu'elle proclame Dieu.[18]
c. Lorsqu'il propose des orientations ou proclame des définitions,
l'intention du Magistère n'est pas de limiter la lecture personnelle des
Écritures. Au contraire, il offre un cadre sûr de références où la recherche
peut s'exercer. Hélas, l'enseignement du Magistère et la valeur des
différents niveaux de déclarations ne sont pas toujours bien connus et
acceptés. Le Synode est une occasion pour redécouvrir Dei Verbum et les
documents pontificaux postérieurs. En particulier, il convient de noter
l'orientation pour la compréhension et l'usage de la Parole de Dieu dans la
Bible donnée par le Saint-Père Benoît XVI dans plusieurs de ses
interventions magistrales.
d. Dans le sillage de la Tradition vivante, et donc en tant que service
authentique à la Parole de Dieu, il faut également considérer l'instrument
du Catéchisme, à partir du premier Symbole de la foi, noyau de tout le
Catéchisme, et jusqu'aux différentes expositions promues le long des siècles
dans l'Église. Une attestation plus récente de celles-ci est le Catéchisme
de l'Église catholique, et les Catéchismes respectifs dans les Églises
locales.
e. À ce point, il devient nécessaire de considérer comme fondamentale une
distinction qui aura de nombreuses répercussions dans la pratique pastorale
: la rencontre avec les Écritures dans les grandes actions ecclésiales,
comme la liturgie et la catéchèse, c'est-à-dire là où la Bible se situe dans
un contexte de ministère public; il y a aussi la rencontre immédiate, comme
la Lectio Divina, les cours bibliques, les groupes bibliques. Ce sont là des
voies à promouvoir aujourd'hui du fait que, d'une manière ou d'une autre, le
Peuple de Dieu s'éloigne de l'usage direct et personnelle des Écritures.
f. Quant à l'Ancien Testament, celui-ci doit être compris comme une étape
dans le développement de la foi et de la compréhension de Dieu. Son
caractère figuré et son rapport avec la mentalité scientifique et historique
de notre temps doivent être clarifiés. En même temps, nombre de ses passages
qui renferment une force spirituelle, sapientielle et culturelle unique,
permettent une riche catéchèse sur les réalités humaines, et manifestent les
étapes du chemin de foi de tout un peuple. La connaissance et la lecture des
Évangiles n'excluent pas qu'une ultérieure méditation de l'Ancien Testament
apporte à la lecture et à l'intelligence du Nouveau Testament une profondeur
toujours plus importante.
g. Enfin, dans une optique pastorale très concrète, il convient de signaler
certaines observations pouvant aider à mieux discerner le rapport que les
fidèles ont avec la doctrine de la foi. En général, les fidèles distinguent
la Bible des autres textes religieux et la considèrent comme plus importante
dans la vie de foi mais, dans la pratique, beaucoup préfèrent les textes
spirituels plus simples à comprendre, les messages et les écrits édifiants
ou différentes manifestations de la piété populaire. On pourrait dire que le
peuple rencontre la Parole de Dieu de façon pratique, en la vivant plus
qu'en en voulant connaître les origines et les motivations. C'est une
situation à la fois de positivité et de fragilité. Il faut savoir parler aux
gens en reconnaissant leur façon de comprendre. Aider les fidèles à
comprendre ce qu'est la Bible, pourquoi elle existe, ce qu'elle apporte à la
foi et comment l'utiliser devient un devoir nécessaire dans les activités
pastorales.
B. Comment interpréter la Bible selon la foi de l'Église
« Vivante est la Parole de Dieu, efficace » (He 4,12)
Le problème herméneutique dans la perspective pastorale
19. Le problème herméneutique, dans lequel se situent l'actualisation de la
Parole de Dieu et l'inculturation,[19] est une question délicate et
importante. En effet, Dieu propose aux hommes non pas quelques informations
plus ou moins curieuses, et pas même d'ordre purement humain ou
scientifique, mais il leur communique sa Parole de vérité et de salut, ce
qui exige, de la part de celui qui écoute, une compréhension intelligente,
vitale, responsable, et donc actuelle. Cela comporte le double mouvement de
reconnaître le sens authentique de la Parole dite ou écrite, comme le
Seigneur la communique à travers les auteurs sacrés, mais aussi que la
Parole soit significative pour ceux qui l'écoutent aujourd'hui encore.
À l'écoute de l'expérience
20. Des réponses des évêques il ressort que, malgré l'apparence contraire,
l'interprétation de la Parole reste accessible. De nombreux chrétiens – en
communauté ou individuellement – étudient la Parole de Dieu, disponibles à
comprendre ce que Dieu dit et à y obéir scrupuleusement. Et bien, cette
disponibilité de la foi est pour l'Église une possibilité précieuse de faire
comprendre et d’appliquer correctement les Textes Sacrés. Aujourd'hui, cette
opportunité (kairos) vaut encore davantage d'une certaine façon, puisque
s'ouvre une nouvelle confrontation entre la Parole de Dieu et les sciences
des hommes, en particulier dans la sphère de la recherche philosophique,
scientifique et historique. Ce contact entre la Parole et la culture
engendre une grande richesse de vérités et de valeurs sur Dieu, sur l'homme
et sur les choses. Aussi, la raison interpelle-t-elle la foi, et est-elle
sollicitée à son tour par celle-ci à collaborer pour atteindre une vérité et
une vie en accord avec la Révélation de Dieu et les attentes de l'humanité.
Mais il existe aussi les risques d'une interprétation arbitraire et
réductive, dus surtout au fondamentalisme, de sorte que, d'une part on voit
se manifester le désir de rester fidèle au Texte et, de l'autre, on
méconnaît la nature même des textes, en risquant de graves erreurs et en
provoquant aussi des conflits inutiles.[20] Il existe aussi ce qui est
appelé les « lectures idéologiques de la Bible », selon des compréhensions a
priori rigides d'ordre spirituel ou social et politique, ou tout simplement
humaines, sans support de la foi (cf. 2 P 1,19-20; 3,16), jusqu'à des formes
d'opposition et de séparation entre la forme écrite, attestée surtout dans
la Bible, la forme vivante de l'annonce et l'expérience de vie des croyants.
En général, on note une connaissance moindre ou imprécise des règles
herméneutiques de la Parole.
Sens de la Parole de Dieu et voie pour y parvenir
21. À la lumière du Concile Vatican II et du Magistère successif,[21]
certains aspects semblent devoir faire aujourd'hui l'objet d'une attention
et d'une réflexion spécifiques, en vue d'une communication pastorale
adéquate : la Bible, livre de Dieu et de l'homme, doit être lue en unifiant
correctement le sens historique et littéral et le sens théologique et
spirituel – ou plus simplement le sens spirituel.[22] La Note, déjà citée,
de la Commission Pontificale Biblique en donne la définition suivante : « En
règle générale, on peut définir le sens spirituel, compris selon la foi
chrétienne, comme le sens exprimé par les textes bibliques, lorsqu'on les
lit sous l'influence de l'Esprit Saint dans le contexte du mystère pascal du
Christ et de la vie nouvelle qui en résulte. Le contexte existe
effectivement. Le Nouveau Testament y reconnaît l'accomplissement des
Écritures. Il est donc normal de relire les Écritures à la lumière de ce
nouveau contexte, qui est celui de la vie dans l'Esprit ».[23]
Cela signifie que la méthode historique et critique est nécessaire pour une
exégèse correcte, une fois adéquatement enrichie par d'autres formes
d'approche[24] mais, pour atteindre le sens plénier des Écritures, il est
nécessaire d'utiliser des critères théologiques, tels que les repropose Dei
Verbum: « contenu et [...] unité de l'Écriture tout entière, compte tenu de
la Tradition vivante de l'Église tout entière, et de l'analogie de la foi »
(DV 12).[25] Aujourd'hui, on perçoit à ce propos la nécessité d'approfondir
ultérieurement la réflexion théologique et pastorale, pour former nos
communautés à une intelligence droite et fructueuse. Le Pape Benoît XVI
affirme : « j'ai profondément à cœur que les théologiens apprennent à lire
et à aimer l'Écriture de la manière dont, selon Dei Verbum, le Concile l'a
voulu : qu'ils voient l'unité intérieure de l'Écriture – ce qui est
aujourd'hui facilité par l' ‘exégèse canonique’ (qui se trouve sans aucun
doute encore à un timide stade initial) – et qu'ils fassent ensuite de
celle-ci une lecture spirituelle, qui n'est pas quelque chose d'extérieure à
caractère édifiant, mais en revanche une immersion intérieure dans la
présence de la Parole. Cela me semble une tâche très importante de faire
quelque chose dans ce sens, de contribuer à ce que, côte à côte, avec et
dans l'exégèse historico-critique, soit véritablement donnée une
introduction l'Écriture vivante comme Parole de Dieu actuelle ».[26]
Incidences pastorales
22. Le Peuple de Dieu doit être éduqué à découvrir cet immense horizon de la
Parole de Dieu, en faisant en sorte que la lecture de la Bible ne soit pas
compliquée. Ce qui est vrai c'est que les choses les plus importantes qui se
trouvent dans la Bible sont aussi celles qui sont liées plus directement à
l'existence, par exemple la vie de Jésus. Nous rappelons ici quelques-uns
des points centraux pour une juste interprétation du Livre Sacré.
a. Il faut rappeler avant tout l'interprétation de la Parole de Dieu qui a
lieu chaque fois que l'Église se réunit pour célébrer les mystères divins. À
ce sujet, l'Introduction au Lectionnaire, qui est proclamé dans
l'Eucharistie, rappelle : « Puisque, par la volonté du Christ lui-même, le
nouveau Peuple de Dieu se distingue par l'admirable variété de ses membres,
ainsi tout aussi différents sont les devoirs et les rôles qui reviennent à
chacun à propos de la Parole de Dieu : aux fidèles, il revient de l'écouter
et de la méditer ; à ceux qui en vertu de leur ordination ont une charge de
magistère ou à ceux auxquels est confié l’exercice de ce ministère, il
revient de l’exposer. Ainsi dans la doctrine, dans la vie et dans le culte,
l’Église perpétue et transmet à toutes les générations tout ce qu’elle-même
est et tout ce qu’elle croit de manière à tendre incessamment à travers les
siècles à la plénitude de la vérité divine, jusqu'à ce que s'accomplisse en
elle la Parole de Dieu ».[27]
b. Il convient de préciser que « le sens spirituel n'est pas à confondre
avec les interprétations subjectives dictées par l'imagination ou la
spéculation intellectuelle. Il résulte de la mise en rapport de trois
niveaux de réalités : le texte biblique [dans son sens littéral], le mystère
pascal et les circonstances présentes de vie dans l'Esprit ».[28] Dans tous
les cas, il faut partir du texte biblique, premier et irremplaçable dans
l'action pastorale également.
c. Tout en reconnaissant que, de façon générale, la Notede la Commission
Pontificale Biblique intitulée L'interprétation de la Bible dans l'Église
n'a pas dépassé le cercle des experts, il faut s'engager à aider les
lecteurs croyants à connaître les lois élémentaires d'une approche du texte
biblique. Les matériels élaborés dans ce sens constituent une aide de grande
valeur.
d. Dans cette perspective, il faut prendre en considération, comprendre
correctement et récupérer l'exégèse extraordinaire des Pères[29] ainsi que
la grande intuition médiévale des « quatre sens des Écritures », qui n'ont
aucunement perdu leur intérêt ; on ne doit pas négliger les différentes
résonances et traditions que la Bible suscite dans la vie du Peuple de Dieu,
dans les personnages des saints, des maîtres spirituels et des témoins. Tout
comme il faut considérer l'apport des sciences théologiques et humaines; l’«
histoire des effets » (Wirkungsgeschichte), dans l'art plus spécialement,
peut constituer un témoignage fécond de lecture spirituelle. Et comme,
aujourd'hui, la Bible est aussi lue par les non-chrétiens, qui mettent en
lumière sa valeur anthropologique, il peut être enrichissant d'interpréter
correctement cet aspect. Les Saintes Écritures doivent être lues en
communion avec l'Église en tous lieux et en tous temps, avec les grands
témoins de la Parole, depuis premiers Pères jusqu'aux saints et au Magistère
d'aujourd'hui.[30]
e. Il faut mettre l'accent sur la demande présentée au Synode non seulement
d'affronter les problèmes classiques de la Bible, mais aussi de mettre
celle-ci en rapport avec les problèmes actuels tels que la bioéthique et
l'inculturation. Ce que l'on peut dire avec une expression couramment
employée par les groupes bibliques : « comment est-il possible d'aller de la
vie au texte, et du texte à la vie », ou encore « comment lire la Bible avec
la vie, et la vie avec la Bible ? »
f. Il convient de signaler, du point de vue de la communication de la foi,
un problème nouveau de l'herméneutique biblique. Il concerne non seulement
la compréhension du langage biblique, mais aussi la connaissance de la
culture actuelle, toujours moins liée à la parole orale ou écrite, et
davantage orientée vers une culture électronique, avec la conséquence que la
proclamation traditionnelle de la Parole peut être perçue comme ennuyeuse
par les auditeurs, submergés par les techniques informatiques.
Chapitre III
Attitude requise chez celui qui écoute la Parole
« Écoute, mon peuple » (Ps 50,7)
Des réponses des évêques aux Lineamenta, il ressort qu'il est nécessaire de
cultiver dans le peuple une relation orante, personnelle et communautaire
avec la Parole de Dieu, celle-ci suscitant et nourrissant la réponse de la
foi.
Parole efficace
23. L'événement de la Parole a pour sujets Dieu, qui l'annonce, et le
destinataire – individu ou communauté. Dieu parle, mais si le croyant
n'écoute pas, la Parole est seulement prononcée, et non accueillie. C'est
pourquoi on peut dire que la révélation biblique est la rencontre de Dieu
avec le peuple, dans l'expérience de l'unique Parole, et que tous deux font
la Parole. La foi agit, la Parole la crée.
Le texte de He 4,12-13, et celui d'Is 55,9-11 avec d'autres encore,
affirment l'infaillible efficacité de la Parole de Dieu. Comment comprendre
cette efficacité ? La question devient encore plus nécessaire à partir d'un
fait avancé dans différentes contributions des évêques : certains chrétiens
néophytes attribuent à la lecture du Livre Sacré une valeur magique, sans
qu'il y ait un engagement spécifique et personnel de responsabilité. En
réalité, la Parole de Dieu déploie son efficacité – comme l'affirme la
parabole du semeur (cf. Mc 4,1-20) – lorsque tous les obstacles sont
éliminés et qu'existent les conditions pour que la graine de la Parole
puisse fructifier.
Et quant au type d'efficacité propre à la Parole de Dieu, un autre texte
évangélique est source de lumière en employant l'image de la graine qui doit
mourir pour porter des fruits : le Christ parle de sa mort nécessaire pour
réaliser le dessein du salut. La croix est, de façon directe, puissance et
sagesse de Dieu ; l'Évangile est la « parole de la croix » écrit Saint Paul
aux chrétiens de Corinthe (1 Co 1,18). L'efficacité de la Parole est donc de
l'ordre de la croix. La Parole et la croix sont deux réalités situées à un
même niveau. Leur puissance réside entièrement dans le dynamisme de l'amour
divin qui les traverse : « car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son
Fils unique » (Jn 3,16 ; cf. Rm 5,8). Celui qui, croyant en l'amour de Dieu,
prononce la Parole trouve le fruit de cette Parole. Alors, celle-ci assume
toute sa puissance, se réalise et se fait véritablement personnelle.
Le croyant : celui qui écoute la Parole de Dieu dans la foi
24. « À Dieu qui révèle, il faut apporter ‘l'obéissance de la foi’ ». À Lui
qui se donne dans la Parole, l'homme, en l'écoutant, « s'en remet tout
entier librement » (DV 5). L'homme qui, en vertu de l'intime structure de la
personne, est celui qui écoute la Parole, reçoit de Dieu la grâce de
répondre dans la foi. Ce qui comporte, de la part de la communauté et de
chaque croyant, une attitude d'adhésion totale à une proposition de pleine
communion avec Dieu et de remise confiante à sa volonté (cf. DV 2). Cette
attitude de foi dans la communion se manifestera pour chaque rencontre avec
la Parole de Dieu, dans la prédication vivante et dans la lecture de la
Bible. Ce n'est pas un hasard si Dei Verbum applique au Livre Sacré ce
qu'elle affirme globalement pour la Parole de Dieu: « il s'adresse aux
hommes comme à des amis […] pour les inviter à entrer en communion avec lui
» (DV 2). « Dans les Livres saints, le Père qui est aux cieux s'avance de
façon très aimante à la rencontre de ses fils, engage conversation avec eux
» (DV 21). La Révélation est une communion d'amour, que les Écritures
expriment souvent par le mot d'alliance. En bref, il s'agit d'une attitude
de prière, d'un « dialogue entre Dieu et l'homme, car ‘c'est à lui que nous
nous adressons quand nous prions; c'est lui que nous écoutons, quand nous
lisons les oracles divins’»[31] (DV 25).
La Parole de Dieu transforme la vie de ceux qui l'abordent en ayant la foi.
La Parole ne s'épuise jamais, elle est nouvelle chaque jour. Mais pour qu'il
en soit ainsi, il faut une foi qui écoute. Les Écritures attestent à
plusieurs reprises que c'est l'écoute qui fait d'Israël le Peuple de Dieu :
« Maintenant, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, je vous
tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples » (Ex 19,5 ; cf. Je
11,4). L'écoute engendre une appartenance, un lien, elle fait entrer dans
l'alliance. Dans le Nouveau Testament, l'écoute est dirigée vers la personne
de Jésus, Fils de Dieu : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma
faveur, écoutez-le » (Mt 17,5 et par.).
Le croyant est quelqu'un qui écoute. Celui qui écoute reconnaît la présence
de celui qui parle et désire s'impliquer avec lui ; celui qui écoute creuse
au fond de lui un espace pour que l'autre vienne y habiter ; celui qui
écoute s'ouvre avec confiance à celui qui parle. C'est pour cela que les
évangiles demandent le discernement à propos de ce qu'on écoute (cf. Mc
4,24) et de comment on écoute (cf. Lc 8,18) : en effet, nous sommes ce que
nous écoutons ! La figure anthropologique que la Bible entend construire est
donc celle d'un homme capable d'écouter, habité par un cœur qui écoute (cf.
1 R 3,9). Cette écoute n'étant pas la simple audition de phrases bibliques,
mais bien le discernement pneumatique de la Parole de Dieu, elle a besoin de
la foi et elle doit se dérouler dans l'Esprit Saint.
Marie, modèle d'accueil de la Parole pour le croyant
25. Dans l'histoire du salut émergent de grands personnages d'auditeurs et
d'évangélisateurs de la Parole de Dieu : Abraham, Moïse, les prophètes,
Saints Pierre et Paul, les autres apôtres, les évangélistes. Tous, en
écoutant fidèlement la Parole du Seigneur et en la communiquant, ont préparé
un espace pour le Royaume de Dieu.
Dans cette perspective, un rôle central est celui assumé par la Vierge
Marie, qui a vécu de façon incomparable sa rencontre avec la Parole de Dieu,
qui est Jésus lui-même. C'est pour cette raison qu'elle constitue le modèle
providentiel de toute écoute et de toute annonce. Déjà formée à la
familiarité avec la Parole de Dieu à travers l'expérience si intense des
Écritures du peuple auquel elle appartient, à partir de l'événement de
l'Annonciation et jusqu'à la Croix – et même jusqu'à Pentecôte – c'est dans
la foi que Marie de Nazareth accueille, médite la Parole de Dieu, la fait
sienne et la vit intensément (cf. Lc 1,38 ; 2,19.51 ; Ac 17,11). Avec son
OUI, initial et permanent, à la Parole de Dieu, elle sait regarder autour
d'elle et elle vit les urgences du quotidien, en étant consciente que ce
qu'elle reçoit en don du Fils est un don pour tous : dans le service à
Elisabeth, à Cana et au pied de la croix (cf. Lc 1,39 ; Jn 2,1-12 ;
19,25-27). En vertu de cela, les mots que Jésus prononce en sa présence lui
conviennent parfaitement : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui
écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique » (Lc 8,21). « Étant
profondément pénétrée par la Parole de Dieu, elle peut devenir la mère de la
Parole incarnée ».[32]
En particulier, il faut prendre en considération sa façon d'écouter la
Parole. Le texte de l'Évangile « quant à Marie, elle conservait avec soin
toutes ces choses, les méditant en son cœur » (Lc 2,19) signifie qu'elle
écoutait et connaissait les Écritures, qu'elle les méditait dans son cœur
avec une espèce de processus intérieur de maturation, là où l'intelligence
ne fait qu'un avec le cœur. Marie recherchait le sens spirituel des
Écritures et elle le trouvait en le rapportant (symballousa) aux paroles, à
la vie de Jésus et aux événements qu'elle découvrait progressivement dans
son histoire personnelle. Marie est notre modèle à la fois dans l'accueil de
la foi et de la Parole, et dans l'étude de celle-ci. Il ne lui suffit pas de
l'accueillir, elle s'y arrête. Non seulement elle la possède, mais en même
temps elle lui donne toute sa valeur. Elle y adhère mais aussi elle la
développe. Ainsi, Marie devient un symbole pour nous, pour la foi des gens
simples et pour celle des docteurs de l'Église qui étudient, évaluent et
définissent la façon de professer l'Évangile.
En accueillant la Bonne Nouvelle, Marie se dévoile comme le type idéal de
l'obéissance de la foi, elle devient une icône vivante de l'Église au
service de la Parole. Pour Isaac de l’Étoile : « Dans les Écritures,
inspirées par Dieu, ce qui est dit de façon générale pour l'Église vierge et
mère, s'applique individuellement à Marie, vierge et mère […] L'Église est
l'héritière universelle du Seigneur, Marie l'est tout spécialement, et
chaque âme fidèle de manière particulière. Dans le tabernacle du sein de
Marie, le Christ est resté pendant neuf mois; dans le tabernacle de la foi
de l'Église, il reste jusqu'à la fin du monde, dans la connaissance et dans
l'amour de l'âme fidèle pour l'éternité ».[33] Marie enseigne à ne pas
rester étranger et spectateur d'une Parole de vie, mais à participer, en
réalisant le « me voici » des prophètes (cf. Is 6,8), et en nous laissant
conduire par l'Esprit Saint qui habite en nous. Elle « magnifie » le
Seigneur en découvrant dans sa vie la miséricorde de Dieu, qui la rend «
bienheureuse » parce qu'elle « a cru en l'accomplissement de ce qui lui a
été dit de la part du Seigneur » (Lc 1,45). Saint Ambroise dit que tout
chrétien qui croit conçoit et engendre le Verbe de Dieu. S'il n'existe
qu'une unique mère du Christ selon la chair, selon la foi, au contraire, le
Christ est le fruit de tous.[34]
Incidences pastorales
26. Les incidences pastorales relatives à la foi dans la Parole de Dieu sont
importantes.
a. Il est possible de lire la Bible sans avoir la foi, mais sans la foi il
est impossible d'écouter la Parole de Dieu. Un groupe biblique n'est valable
que si, alors qu'il procède à la lecture des textes sacrés, il s'éduque à la
foi, conformant la vie chrétienne aux indications offertes par la Bible et
éclairant avec la foi les moments difficiles.
b. Il faut s'adresser à l'homme d'aujourd'hui de façon positive et
encourageante, en offrant de multiples suggestions pour aborder le texte, la
lecture spirituelle, la prière, le partage de la Parole. Il s'agit avant
tout d'aborder la Parole non pas tant comme un dépôt de références
dogmatiques ou pastorales que comme une source d'eau vive, dans la joyeuse
surprise d'écouter le Seigneur dans le contexte de vie propre à chacun. Il
s'agit de mettre en œuvre le cercle herméneutique complet : croire pour
comprendre, comprendre pour croire ; la foi recherche l'intelligence,
l'intelligence s'ouvre à la foi. Le récit d'Emmaüs est un modèle exemplaire
de rencontre du croyant avec la Parole incarnée elle-même (cf. Lc 24,13-35).
c. « Écoute, Israël », « Shemà Israel » : tel est le premier commandement du
Peuple de Dieu (cf. Dt 6,4). « Écoute » : c'est aussi le premier mot de la
Règle de Saint Benoît. Dieu invite les fidèles à écouter avec l'oreille du
cœur. Dans la Bible, le cœur n'est pas seulement le siège des sentiments ou
de l'émotion ; il est aussi le centre le plus profond de la personne, là où
se prennent les décisions. C'est pourquoi le silence est nécessaire, un
silence qui se prolonge au-delà des mots. L'Esprit Saint fait entendre et
comprendre la Parole de Dieu, en s'unissant silencieusement à notre esprit
(cf. Rm 8,26-27).
d. Il nous faut écouter comme Marie et avec Marie, mère et éducatrice de la
Parole de Dieu. Il existe la forme simple et universelle d'écoute de la
Parole dans la prière, que sont les mystères du Rosaire. Jean-Paul II a mis
en lumière sa richesse biblique, en le définissant « résumé de l'Évangile »,
où l'énonciation du mystère « laisse parler Dieu » et permet de « contempler
avec Marie le visage du Christ ».[35] Plus encore, tout comme la Vierge
Marie, temple de l'Esprit, dans une vie silencieuse, humble et cachée,
l'Église tout entière doit être éduquée à témoigner de ce rapport étroit
entre la Parole et le Silence, la Parole et l'Esprit de Dieu. L'écoute de la
Parole effectuée dans la foi devient ensuite pour le croyant compréhension,
méditation, communion, partage et mise en œuvre. On entrevoit ici les traits
de la Lectio Divina comme étant la voie privilégiée pour aborder la Bible
avec foi.
e. Il convient de rappeler que l'attitude de foi concerne la Parole de Dieu
dans tous ses signes et langages. C'est une foi qui reçoit de la Parole une
communication de vérité à travers le récit ou la formule doctrinale ; une
foi qui reconnaît la Parole de Dieu comme le premier encouragement à une
conversion efficace, comme la lumière pour répondre aux nombreuses questions
que se posent les croyants, comme le guide à un discernement sapientiel de
la réalité, une sollicitation à faire la Parole (cf. Lc 8,21) et pas
seulement à la lire ou à la prononcer et, pour finir, la source permanence
de consolation et d'espérance. Il s'ensuit le devoir de reconnaître et
d'assurer la première place à la Parole de Dieu dans la vie de chaque
croyant, en l'accueillant telle que l'Église l'annonce, la comprend,
l'explique et la vit.
Enfin, pour nombre de personnes qui ne savent pas lire, il est nécessaire de
préparer des services opportuns de communication de la Parole traduite dans
les langues appropriées.
Lire la suite : Deuxième partie :
►
(
lci )
Ce texte peut être reproduit par les Conférences
épiscopales, ou avec leur autorisation, à condition que son contenu ne soit
pas modifié et que deux exemplaires de la publication soient envoyés à la
Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, 00120 Cité du Vatican.
Autres langues:
[Allemand,
Anglais,
Espagnol,
Français (vatican),
Italien,
Latin
Polonais,
Portugais]
►
Les
Lineamenta
de la XIIè Assemblée générale ordinaire qui se déroulera du 5 au 26 octobre
2008
Sources : www.vatican.va
-
E.S.M.
© Copyright 2008 - Libreria Editrice Vatican
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 12.06.2008 -
T/Synode 2008 |