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19 Avril 2005
 

La pensée de Benoît XVI au centre de l'Instrumentum Laboris du prochain synode des évêques

 

Cité du Vatican, le 12 juin 2008  - (E.S.M.) - Ce matin à 11h30 dans la Salle Jean-Paul II de la Salle de presse du Saint Siège, s'est tenue une conférence de presse de présentation de l'Instrumentum Laboris de la XIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques qui se tiendra au Vatican du 5 au 26 octobre 2008 sur le thème : « La Parole de Dieu dans la vie et  la mission de l'Église ».

INSTRUMENTUM LABORIS

SYNODE DES ÉVÊQUES
XIIème ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE


La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l'Église

INSTRUMENTUM LABORIS

Cité du Vatican
2008


Table des Matières

Avant-propos.

Introduction

I. Annonce attendue et accueillie avec faveur.
Douzième Assemblée Générale Ordinaire du Synode

II. L'Instrumentum laboris et son usage.
Points de référence.
Attentes communes.
But du Synode.


Prémisse : Itinéraire historique.
Bonne saison pour les fruits
Incertitudes et questions.
Condition de foi variée et exigeante.
Structure de
l'Instrumentum laboris

PREMIÈRE PARTIE

LE MYSTÈRE DE DIEU QUI NOUS PARLE

Chapitre I

A. Dieu, celui qui nous parle. Identité de la Parole de Dieu.
La Parole de Dieu : un chant à plusieurs voix.
Incidences pastorales


B. Au centre, le mystère du Christ et de l'Église.
Dans le cœur de la Parole de Dieu, le mystère du Christ.
Dans le cœur de la Parole de Dieu, le mystère de l'Église
Incidences pastorales


Chapitre II.

A. La Bible, Parole de Dieu inspirée et sa vérité.
Questions.
Les Saintes Écritures, Parole de Dieu inspirée
Tradition, Écritures et Magistère.
Ancien et Nouveau Testament : une unique économie du salut
Incidences pastorales.


B. Comment interpréter la Bible selon la foi de l'Église.
Le problème herméneutique dans la perspective pastorale.
À l'écoute de l'expérience.
Sens de la Parole de Dieu et voie pour y parvenir.
Incidences pastorales
.

Chapitre III : Attitude requise chez celui qui écoute la Parole.

Parole efficace.
Le croyant : celui qui écoute la Parole de Dieu dans la foi
Marie, modèle d'accueil de la Parole pour le croyant.
Incidences pastorales.


DEUXIÈME PARTIE  ( lci )

LA PAROLE DE DIEU DANS LA VIE DE L'ÉGLISE

Chapitre IV : La Parole de Dieu vivifie l'Église.

L'Église naît de la Parole de Dieu et vit par elle
La Parole de Dieu soutient l'Église tout au long de son histoire
La Parole de Dieu imprègne et anime, dans la puissance de l'Esprit Saint, toute la vie de l'Église.
Incidences pastorales.


Chapitre V : La Parole de Dieu dans les multiples services de l'Église.

Ministère de la Parole.
Expérience dans la liturgie et dans la prière.
Motivation théologique et pastorale :

Parole, Esprit, Liturgie et Église
Parole de Dieu et Eucharistie
Parole et économie sacramentelle.
Incidences pastorales.
La
Lectio Divina.
Parole de Dieu et service de charité
Exégèse des Saintes Écritures et théologie.
Parole de Dieu dans la vie des croyants

TROISIÈME PARTIE

LA PAROLE DE DIEU DANS LA MISSION DE L'ÉGLISE

Mission de l'Église

Chapitre VI : Pour « que l'accès à la Sainte Écriture soit largement ouvert » (DV 22)

La mission de l'Église est de proclamer la Parole et de construire le Royaume de Dieu.
La mission de l'Église se réalise dans l'évangélisation et dans la catéchèse


Chapitre VII : La Parole de Dieu dans les services et dans la formation du Peuple de Dieu.

Faim et soif de la Parole de Dieu (cf. Am 8,11) : attention aux besoins du Peuple de Dieu.
« Dans les Saintes Écritures, se manifeste
[…] l'admirable condescendance de la Sagesse éternelle » (DV 13)
Les évêques dans le ministère de la Parole
Devoir des prêtres et des diacres
Différents ministres de la Parole de Dieu.
Devoir des laïcs.
Service des personnes consacrées.
La Parole de Dieu doit être en tout temps à la disposition de tous.


Chapitre VIII :Parole de Dieu, grâce de communion

Parole de Dieu, lien œcuménique.
Parole de Dieu, source du dialogue entre chrétiens et juifs
Dialogue interreligieux
Parole de Dieu, levain des cultures modernes.
Parole de Dieu et histoire des hommes


Conclusion.

Parole de Dieu, don à l'Église.

AVANT-PROPOS

La Parole de Dieu par excellence est Jésus-Christ, homme et Dieu. Le Fils éternel est la Parole qui existe depuis toujours en Dieu, parce qu'elle-même est Dieu : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu » (Jn 1,1). La Parole révèle le mystère de Dieu, Un et Trin. Prononcée depuis toujours par Dieu le Père dans l'amour de l'Esprit Saint, la Parole signifie le dialogue, exprime la communion; elle introduit dans la profondeur de la vie bienheureuse de la Très Sainte Trinité. En Jésus-Christ, le Verbe éternel,Dieu nous a choisi avant la création du monde, nous prédestinant à être ses fils adoptifs (cf. Ep 1,4-5). Tandis que l'Esprit planait sur les eaux et que les ténèbres enveloppaient les abysses (cf. Gn 1,2), Dieu le Père décida de créer le ciel et la terre à travers la Parole, par laquelle tout ce qui existe a été fait (cf. Jn 1,3). Aussi, les traces de la Parole se trouvent-elle dans le monde créé : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l'œuvre de ses mains, le firmament l'annonce » (Ps 18,2). Le chef-d'œuvre de la création, c'est l'homme, fait à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1,26-27), l'homme capable de dialoguer avec le Créateur mais aussi de percevoir dans la création le sceau de son Auteur, le Verbe créateur, et à travers l'Esprit, de vivre dans la communion avec celui qui est (cf. Ex 3,14), avec le Dieu vivant et vrai (cf. Je 10,10).

Cette amitié fut interrompue par le péché des premiers parents (cf. Gn 3,1-24) qui enténébra aussi l'accès à Dieu par la création. Dans sa bonté, Dieu, clément et miséricordieux (cf. 2 Ch 30,9) n'abandonna pas les hommes. Il choisit un peuple parmi toutes les nations (cf. Gn 22,18) et continua de lui parler au long des siècles, à travers des patriarches et des prophètes, des hommes choisis pour conserver vivante l'espérance qui offrait la consolation aussi aux événements dramatiques de l'histoire du salut. Leurs paroles inspirées ont été réunies dans les livres de l'Ancien Testament. Elles ont maintenu en vie l'attente de la venue du Messie, fils de David (cf. Mt 22,42), rejeton de la racine de Jessé (cf. Is 11,1).

Et ensuite, lors de la plénitude du temps (cf. Ga 4,4), Dieu voulut dévoiler aux hommes le mystère de sa vie, voilé depuis des siècles et des générations (cf. Col 1,26), le Fils unique de Dieu s'incarna, « le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1,14). Semblable à nous en toutes choses, excepté le péché (cf. He 2,17; 4,15), le Verbe de Dieu dut s'exprimer de manière humaine, par les mots et par les gestes rapportés dans le Nouveau Testament, et plus spécialement dans les Évangiles. Il s'agit d'un langage semblable en tout à celui des hommes, excepté dans l'erreur. Avec les yeux de la foi, dans la fragilité de la nature humaine de Jésus-Christ, le croyant découvre la splendeur de sa gloire « qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1,14). De même, à travers les paroles des Saintes Écritures, le chrétien est invité à découvrir la Parole de Dieu, la splendeur de l'Évangile glorieux du Christ qui est image de Dieu (cf. 2 Co 4,4). Il s'agit d'un processus exigeant, patient et constant, qui suppose une étude historique et critique (diachronique aussi) et l'application de toutes les méthodes scientifiques et littéraires possibles (en vue d’une compréhension synchronique) auxquelles est soumise toute recherche sur les écritures des hommes. Eclairés par l'Esprit Saint, don du Seigneur ressuscité, et guidés par le Magistère, les fidèles scrutent les Écritures et approchent toujours plus leur pleine signification en rencontrant la Parole de Dieu, la personne du Seigneur Jésus, celui qui a les Paroles de la vie éternelle (cf. Jn 6,68).

C'est pourquoi le thème de la XIIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques – La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Église – pourrait être compris dans un sens christologique: Jésus-Christ dans la vie et dans la mission de l'Église. L'approche christologique s'accompagne nécessairement de celle pneumatologique, toutes deux conduisant à découvrir la dimension trinitaire de la révélation. Une telle lecture assure, d'une part, l'unité de la révélation, du fait que le Seigneur Jésus, Parole de Dieu, réunit toutes les paroles et tous les gestes rapportés dans les Saintes Écritures par des auteurs inspirés, et fidèlement conservés dans la Tradition. Ceci ne vaut pas seulement pour le Nouveau Testament, qui narre et proclame le mystère de la mort, de la résurrection et de la présence du Seigneur Jésus dans l'Église, communauté de ses disciples convoqués à célébrer les Saints Mystères. Ceux-ci, en permettant à la grâce de détruire le péché (cf. Rm 6,6) s'efforcent de se conformer à leur Maître afin que le Christ ait la possibilité de vivre en chacun d'eux (cf. Ga 2,20). Mais une telle lecture concerne aussi l'Ancien Testament qui, lui aussi en témoigne, selon les mots de Jésus (cf. Jn 5,39; Lc 24,27). D'autre part, la lecture christologique des Écritures unie à celle pneumatologique permet l'ascension de la lettre vers l'esprit, des paroles vers la Parole de Dieu. En effet, il n'est pas rare que les paroles cachent le sens profond, caractéristique des genres littéraires, de la culture des écrivains inspirés, de la façon de concevoir le monde et ses lois. Aussi est-il nécessaire de découvrir à nouveau dans la multiplicité des paroles l'unité de la Parole de Dieu qui, après ce processus obligatoire et contraignant, resplendit d'une lumière inattendue qui dépasse de beaucoup la fatigue de la recherche.

Ce double accès complémentaire à la Parole de Dieu se trouve présenté dans l'Instrumentum laboris, document de travail de la prochaine Assemblée synodale. Il est le résultat des réponses aux Lineamenta, réunissant les réflexions des Synodes des Églises orientales catholiques sui iuris, des Conférences épiscopales, des Dicastères de la Curie romaine, de l'Union des Supérieurs généraux, ainsi que de personnes désirant apporter leur contribution à la réflexion ecclésiale sur cet argument important. La réflexion a été guidée par le Saint-Père Benoît XVI, Pasteur universel de l'Église, qui, dans de nombreuses interventions, s'est référé au thème des assises synodales, souhaitant – entre autre – qu'en redécouvrant la Parole de Dieu, qui est toujours actuelle et jamais dépassée, l'Église puisse rajeunir et connaître un nouveau printemps. De cette façon, elle pourra, avec un dynamisme nouveau, assurer sa mission d'évangélisation et de promotion humaine dans le monde contemporain, qui a soif de Dieu et de sa parole de foi, d'espérance et de charité.

Le texte de l'Instrumentum laboris contient une mosaïque où prévalent les aspects positifs à propos de la conscience diffuse de l'importance de la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Église. Ont aussi été signalés des aspects devant être améliorés et intégrés, surtout pour ce qui touche à un accès plus large aux Écritures et à sa meilleure intelligence ecclésiale, qui ne pourront pas ne pas aboutir à un zèle apostolique et pastoral renouvelé, dans l'annonce de la Bonne Nouvelle aux proches et aux lointains, et dans l'animation des réalités terrestres, en contribuant à construire un monde plus juste et plus pacifique.

Il faut espérer que l'Instrumentum laboris, rédigé par le XIème Conseil ordinaire de la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, avec l'aide de quelques experts, puisse constituer un document valable de réflexion synodale. Il pourra guider les Pères synodaux sur le chemin descendant et ascendant dans la redécouverte de la Parole de Dieu, c'est-à-dire de Jésus-Christ, homme et Dieu. C'est ce qui se produit plus particulièrement dans les célébrations liturgiques qui ont leur point culminant dans l'Eucharistie, où la parole prouve son efficacité miraculeuse. En effet, conformément à la volonté expresse de Jésus-Christ « faites cela en mémoire de moi » (Lc 22,9), les mots prononcés par le prêtre in persona Christi capitis – « Prenez […] ceci est mon Corps » (Mc 14,22), « ceci est mon Sang » (Mc 14,24) - transforment, grâce à l'action de l'Esprit Saint donné par le Père, le pain dans le Corps, et le vin dans le Sang du Seigneur ressuscité. À cette source permanente de grâce et de charité, l'Église puise constamment la lymphe vitale et l'élan nécessaires pour assurer sa mission dans le monde contemporain, dont les habitants sont appelés à découvrir dans la personne de Jésus-Christ la Parole de Dieu qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6) pour chaque homme et pour toute l'humanité.

+ Nikola Eterović
Archevêque titulaire de Sisak
Secrétaire Général


Cité du Vatican, en la Solennité de la Pentecôte, 11 mai 2008

Introduction

« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie - car la Vie s'est manifestée : nous l'avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue - ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Tout ceci, nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète » (1 Jn 1,1-4).

I. Annonce attendue et accueillie avec faveur

Douzième Assemblée Générale Ordinaire du Synode

1. La prochaine XIIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, qui se tiendra du 5 au 26 octobre 2008, a pour thème : La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Église. L'argument, choisi par Sa Sainteté Benoît XVI le 6 octobre 2006, a été favorablement et largement accueilli par l'épiscopat et par le Peuple de Dieu. Pour orienter la préparation spécifique, des Lineamenta ont été élaborés pour permettre, à la lumière du Concile Œcuménique Vatican II, de réfléchir sur l'expérience que l'Église a aujourd'hui de la Parole, dans les différents rites et traditions, en rappelant les motivations de la foi et en encourageant une réflexion articulée sur divers aspects de la rencontre avec la Parole de Dieu.

Des réponses aux Lineamenta et au Questionnaire inhérent sont parvenues des Églises orientales catholiques sui iuris, des Conférences épiscopales, des Dicastères de la Curie romaine et de l'Union des Supérieurs généraux, ainsi que des observations venant d'évêques, de prêtres, de personnes consacrées, de théologiens et de fidèles laïcs. On peut affirmer que la participation a été vaste et minutieuse, de la part des Églises particulières de tous les continents, témoignant que la Parole de Dieu s'étend véritablement dans le monde entier. Les différentes réflexions ont été réunies et opportunément synthétisées dans le présent Instrumentum laboris.

II. L'Instrumentum laboris et son usage

Points de référence

2. L'écoute obéissante de la Parole de Dieu est réaffirmée, en communion avec toute la Tradition de l'Église, et plus particulièrement avec le Concile Vatican II et, en lui, avec la Constitution dogmatique sur la Révélation divine Dei Verbum (DV), en syntonie avec les autres documents conciliaires, comme les Constitutions dogmatiques sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium (SC) et sur l'Église Lumen gentium (LG), et comme la Constitution pastorale sur l'Église dans le monde moderne Gaudium et spes (GS).[1] Deux Notes de la Commission pontificale biblique concernent plus directement le thème synodal : L'interprétation de la Bible dans l'Église et Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne. Sont également à consulter, en vertu de leur autorité, le Catéchisme de l'Église catholique et son Compendium, ainsi que le Directoire général pour la catéchèse.

Une attention particulière doit être accordée au magistère des Papes Pie XII, Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI sur la Parole de Dieu, ainsi qu'aux documents des Dicastères de la Curie romaine issus dans les quarante années qui ont suivi le Concile. À consulter encore les textes sur la Parole de Dieu dans les Églises particulières et d'autres organismes ecclésiaux continentaux, régionaux et nationaux. Mais le Synode se réfère plus spécialement à deux événements : le premier est le précédent Synode sur l'Eucharistie où se conjugue la Parole de Dieu, en constituant une seule table pour le Pain de vie (cf. DV 21). Le second événement de grâce important est celui qui anime le Synode dans ses travaux, puisqu'il se déroule pendant l'Année paulinienne, dans la mémoire vivante de l'Apôtre qui fut un témoin et un annonceur exemplaire de la Parole de Dieu, un maître permanent dans l'Église.

Attentes communes

3. À partir des contributions des Pasteurs, on constate de nombreux points communs, qui expriment ce qui est attendu du Synode. Parmi les rappels les plus courants, citons :

- la nécessité de donner la première place à la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Église, mais en même temps aussi le courage et la créativité d'une pédagogie de la communication adaptée à l'époque (culture, contextes de vie actuels, communication) ;

- l'invitation à reconnaître que la Parole de Dieu est Jésus-Christ, ce qui comporte une lecture de l'ensemble de la Bible considérée dans son mystère, de façon privilégiée dans la célébration liturgique, en particulier dans l'Eucharistie du dimanche ;

- la proclamation que l'Esprit Saint conduit à la pleine compréhension de la Parole de Dieu, en nous donnant de la comprendre et en animant la lecture de la Bible dans l'Église, dans sa Tradition vivante d'annonce et de charité, de sorte que pour écouter la Parole de Dieu et lire la Bible, il faut appartenir à la communauté de l'Église et avoir une attitude de communion et de service ;

- la certitude que la Bible est la révélation de la Parole de Dieu, même avec les nombreuses difficultés rencontrées pour la comprendre, plus spécialement dans l'Ancien Testament ;

- le grand désir des fidèles d'écouter la Parole de Dieu, auquel on répond par d'importantes initiatives pastorales ; mais est également ressenti avec urgence le besoin de dépasser l'indifférence, l'ignorance et la confusion sur les vérités de la foi à propos de la Parole de Dieu, ainsi que le manque de préparation et de matériel biblique ;

- la nécessité d'une pastorale biblique, mais aussi d'une animation biblique de toute la pastorale, qui comprenne l'enseignement de toutes les vérités de la foi ;

- la nécessaire communion dans la foi et dans la pratique de la Parole de Dieu ; mais, en même temps, il est aussi demandé que chaque Église particulière assume le devoir d'accueillir la Parole en conformité à sa situation individuelle ;

- les différentes approches de la Bible dans la Tradition latine et dans la Tradition orientale, en tenant compte de ce que leur connaissance doit être diffusée de façon opportune et qu'elles doivent être considérées comme une richesse ;

- la compétence et la responsabilité des Pasteurs dans le cadre de l'annonce de la Parole de Dieu, qui exige d'eux une mise à jour permanente de leur formation ;

- l'urgence que le laïcat ne soit pas seulement un sujet passif, mais devienne aussi bien un auditeur de la Parole de Dieu qu'un annonceur correctement préparé, soutenu par la communauté ;

- la certitude que Dieu adresse sa Parole de sagesse à chaque homme, à partir des plus pauvres, et qu'il désire donc que sa Parole soit insérée dans la mission, c'est-à-dire qu'elle soit annoncée à tous les peuples comme une Bonne Nouvelle de libération, de consolation et de salut, en cherchant le dialogue au sein des Églises et des communautés chrétiennes et avec les autres religions, et d'autant plus avec les nombreuses cultures, sans oublier toutes les semences de vérité que la providence de Dieu a déposé en elles..

But du Synode

4. Le premier but du Synode est de se consacrer au thème de la Parole avec laquelle « Dieu, qui est invisible (cf. Col 1,15 ; 1 Tm 1,17 ), s'adresse aux hommes comme à des amis (cf. Ez 33,11 ; Jn 15,14-15), et converse avec eux (cf. Ba 3,38) pour les inviter à entrer en communion avec lui » (DV 2). Ce qui comporte l'écoute et l'amour de la Parole du Seigneur, en harmonie avec la vie concrète des personnes de notre temps. La Parole de Dieu détermine un appel, créé la communion, envoie en mission, afin que ce que l'on a reçu pour soi devienne un don pour autrui. Il s'agit donc d'un but éminemment pastoral et missionnaire : approfondir les raisons doctrinales et se laisser éclairer par elles signifie étendre et renforcer la pratique de la rencontre avec la Parole de Dieu comme source de vie dans les différentes sphères de l'expérience et, suivant les chemins adéquats et praticables, pouvoir écouter Dieu et parler avec Lui.

a. Concrètement, parmi ses objectifs le Synode se propose d'aider à éclairer davantage les aspects fondamentaux de la vérité sur la Révélation tels que : la Parole de Dieu, la foi, la Tradition, la Bible, le Magistère, qui motivent et garantissent un chemin de foi valable et efficace ; d'encourager l'amour profond pour les Saintes Écritures, afin que leur accès soit largement ouvert aux chrétiens (cf. DV 22), en relevant l'unité entre le pain de la Parole et du Corps du Christ, pour nourrir pleinement la vie des chrétiens.[2] Il est nécessaire, en outre, de rappeler la circularité indissoluble entre la Parole de Dieu et la liturgie ; de solliciter en tout lieu l'exercice de la Lectio Divina, correctement adaptée aux différentes circonstances ; d'offrir aux pauvres une parole de consolation et d'espérance. De sorte que ce Synode vise à coopérer à un exercice herméneutique correct des Écritures, en orientant de façon appropriée le processus d'évangélisation et d'inculturation nécessaire ; il entend encourager le dialogue œcuménique, lié étroitement à l'écoute de la Parole de Dieu; il désire favoriser le dialogue entre juifs et chrétiens et, plus largement, le dialogue interreligieux et interculturel.

b. Nombre de Pasteurs ont manifesté le désir que la contribution finale du Synode ne soit pas seulement informative, mais qu'elle concerne la vie, qu'elle provoque la participation, de sorte que la Parole de Dieu apparaisse vivante, efficace et pénétrante (cf. He 4,12) grâce à un langage essentiel que les chrétiens puissent comprendre. À ce propos, il convient de rappeler que les mots Bible, Saintes Écritures, Livre Sacré, ont une même signification et il sera possible, à partir du contexte, de comprendre lorsque l'expression « Parole de Dieu » assume aussi le sens de « Saintes Écritures ».

PRÉMISSE

Itinéraire historique

« Signes des temps ». Quarante ans après le Concile

« Que la parole du Seigneur accomplisse sa course
et soit glorifiée
» (2 Th 3,1)

Bonne saison pour les fruits

5. La Parole de Dieu a produit différents résultats positifs dans la communauté chrétienne. Au plan objectif et général, on constate les aspects suivants :

- le renouvellement biblique substantiel dans le cadre liturgique et catéchétique et, en amont, exégétique et théologique ;

- la pratique naissante mais fructueuse de la Lectio Divina, suivant des modalités différentes ;

- la diffusion du Livre Sacré grâce à l'apostolat biblique et l'élan de communautés, groupes et mouvements ecclésiaux ;

- le nombre toujours plus important de nouveaux lecteurs et ministres de la Parole de Dieu ;

- la disponibilité croissante d'instruments et de matériels dans la communication contemporaine ;

- l'intérêt pour la Bible dans les milieux culturels.

Incertitudes et questions

6. Toutefois, d'autres aspects restent encore ouverts et problématiques. Toujours à partir d'un plan objectif de données, dans les Églises locales on enregistre un peu partout les lacunes qui suivent :

- la Constitution dogmatique Dei Verbum est peu connue en tant que telle ;

- on constate une plus grande familiarité avec la Bible, mais une connaissance insuffisante de l'ensemble du dépôt de la foi à laquelle elle appartient ;

- pour ce qui est de l'Ancien Testament, sa difficulté de compréhension et d'accueil est répandue, avec le risque d'un usage incorrect ;

- l'approche liturgique de la Parole de Dieu durant la Messe laisse souvent à désirer ;

- un nœud délicat et souffert est celui du rapport entre la Bible et la science, à propos de l'interprétation du monde et de la vie humaine ;

- en tous cas, d'une manière ou d'une autre, les fidèles restent détachés de la Bible, dont la fréquentation ne résulte pas être une expérience généralisée ;

- on rappelle la nécessité de considérer dans sa plénitude le lien étroit entre les enseignements moraux et les Saintes Écritures, en particulier en faisant référence aux Dix Commandements et au précepte de l'amour de Dieu et du prochain, comme au discours sur la Montagne et à l’enseignement de Saint Paul sur la vie dans l’Esprit;

- enfin, il faut ajouter une double pauvreté quant aux moyens matériels dans la diffusion de la Bible et dans les formes de communications qui apparaissent souvent inadéquates.


Condition de foi variée et exigeante

7. Si l'on considère la condition de foi dans ce tableau de lumières et d'ombres, les contributions des Pasteurs mettent en évidence des points importants de réflexion, pouvant être regroupés en trois catégories : personnel, communautaire et social.

a. Au niveau des personnes. Il faut tenir compte du fait que trop de fidèles hésitent à ouvrir la Bible pour différentes raisons, en particulier parce qu'ils ont le sentiment qu'il s'agit d'un Livre trop difficile à comprendre. Chez nombre de chrétiens, le désir intense d'écouter la Parole de Dieu se réalise dans une expérience plus émotive que convaincue, du fait qu'ils connaissent peu la doctrine. Cette fracture entre la vérité de foi et l'expérience de vie se perçoit surtout dans la rencontre liturgique avec la Parole de Dieu. Il faut ajouter à cela un certain fossé entre les experts et les Pasteurs et entre les experts et les gens simples des communautés chrétiennes. Deuxièmement, il faut bien reconnaître que beaucoup de chrétiens le rapport direct avec les Écritures est encore dans une phase initiale. À ce sujet, un témoignage particulier est apporté par les mouvements, tandis qu'il faut reconnaître aux personnes consacrées un rôle de pointe.

b. Au niveau communautaire. Il ne faut pas oublier que si la Parole de Dieu a des auditeurs passionnés dans le monde entier, il existe des différences significatives au sein de l'Église. On pourrait affirmer que dans les Églises locales d'origine plus récente, ou dans des situations de minorité numérique, l'usage de la Bible parmi les fidèles est plus étendu qu'ailleurs. En outre, les formes d'approche sont différentes selon les contextes de sorte que nous pouvons parler aujourd'hui d'une approche biblique différenciée en Europe, en Afrique, en Asie, en Amérique et en Océanie. Et il existe toujours la différence complémentaire de l'usage de la Parole de Dieu dans les Églises latines et orientales, et pour ce qui est des autres Églises et communautés ecclésiales.

c. Au niveau social. Se diffusant rapidement, le processus de mondialisation implique aussi l'Église. Trois facteurs – largement rappelés dans les réponses – agissent dans la rencontre avec les Saintes Écritures :

- la sécularisation qui détermine une condition de vie facilement exposée à la dérive du sécularisme consumériste, au relativisme et à l'indifférence religieuse, en particulier parmi les jeunes générations ;

- le pluralisme religieux et culturel, avec l'émergence de formes gnostiques et ésotériques dans l'interprétation des Saintes Écritures, et de groupes religieux indépendants au sein de l'Église catholique. En outre, on assiste au développement de confrontations difficiles et de conflits douloureux, surtout pour les minorités chrétiennes dans un milieu non chrétien, à propos de l'emploi de la Bible ;

- l'aspiration largement ressentie à exprimer la Parole de Dieu comme libération de la personne de conditions inhumaines, et comme réconfort concret pour les pauvres et ceux qui souffrent.

Dans le cadre de la nouvelle évangélisation, la transmission de la foi doit se conjuguer avec la découverte en profondeur de la Parole de Dieu. Il est souhaitable que la Parole de Dieu soit présentée comme soutien de la foi de l'Église au long des siècles.

Structure de l'Instrumentum laboris

8. La structure du document s'articule en trois parties : la première partie est centrée sur l'identité de la Parole de Dieu selon la foi de l'Église ; la deuxième partie considère la Parole de Dieu dans la vie de l'Église ; la troisième partie réfléchit sur la Parole de Dieu dans la mission de l'Église.

Chacune des parties est divisée en chapitres pour rendre la lecture plus aisée et plus claire. En résumé, le Synode entend méditer et proposer ce grand mystère de la Parole de Dieu – ce don suprême qu'Il a fait à l'Église – et rendre grâce pour ce mystère.


PREMIÈRE PARTIE

LE MYSTÈRE DE DIEU QUI NOUS PARLE

« Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles » (He 1,1-2).

Les contributions des Pasteurs ont rappelé plusieurs des thèmes théologiques les plus significatifs pour l'action pastorale, comme l'identité de la Parole de Dieu ; le mystère du Christ et de l'Église, centre de la Parole de Dieu ; la Bible en tant que Parole inspirée, et sa vérité ; l'interprétation de la Bible selon la foi de l'Église ; l'attitude juste d'écoute de la Parole de Dieu.

Chapitre I


A. Dieu, celui qui nous parle. Identité de la Parole de Dieu

« Dieu s'adresse aux hommes comme à des amis » (DV 2)

Dei Verbum propose une théologie dialogique de la révélation. Dans ce dialogue, on trouve trois aspects étroitement réunis : l'amplitude de signification que le terme « Parole de Dieu » assume dans la Révélation divine ; le mystère du Christ en tant qu'expression pleine et parfaite de la Parole de Dieu ; le mystère de l'Église, sacrement de la Parole de Dieu.

La Parole de Dieu : un chant à plusieurs voix

9. La Parole de Dieu est comme un chant à plusieurs voix, du fait que Dieu la prononce sous des formes diverses et de différentes façons (cf. He 1,1), tout au long d'une longue histoire et à travers des annonceurs très divers, mais en laissant apparaître une hiérarchie de significations et de fonctions.

a. La Parole de Dieu a une patrie, qui est la Trinité, dont elle provient, qui la soutient et à laquelle elle retourne, témoignage permanent de l'amour du Père, de l'œuvre de salut du Fils Jésus-Christ, et de l'action féconde de l'Esprit Saint. À la lumière de la Révélation, la Parole est le Verbe éternel de Dieu, la deuxième personne de la Très Sainte Trinité, le Fils du Père, fondement de la communication intratrinitaire et ad extra : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par Lui, et sans Lui rien ne fut » (Jn 1,1-3 ; cf. Col 1,16).

b. C'est pourquoi le monde créé narre la gloire de Dieu (cf. Ps 19,1). Au commencement des temps, par sa Parole Dieu a créé l'univers (cf. Gn 1,1), en mettant sur la création le sceau de sa sagesse, de sorte que toute chose est sa voix (cf. Si 46,17 ; Ps 68,34). C'est la personne humaine en particulier, parce que créée à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1,26) qui reste pour toujours le signe inviolable et l'interprète intelligent de sa Parole. En effet, de la Parole de Dieu la personne reçoit la capacité d'entamer le dialogue avec Lui et la création. De sorte que Dieu a fait de toute la création, et de la personne humaine in primis, un « témoignage durable de Lui-même » (DV 3). Et puisque « ‘c'est en lui [le Christ] qu'ont été créées toutes choses, et pour lui … [et que] tout subsiste en lui’ (Col 1,16-17), ‘semences du Verbe’ (AG 11,15), les ‘rayons de la vérité qui illumine tous les hommes’ (NA 2), […] se trouvent dans les personnes et dans les traditions religieuses de l'humanité ».[3]

c. « Le Verbe s'est fait chair » (Jn 1,14) : la Parole de Dieu, ultime et définitive, c'est Jésus-Christ, sa personne, sa mission, son histoire, intimement liées, conformément au dessein du Père, qui culmine dans la Pâque et s'accomplit lorsque Jésus remettra le Royaume au Père (cf. 1 Co 15,24). Il est l'Évangile de Dieu à chaque personne humaine (cf. Mc 1,1).

d. En vue de la Parole de Dieu qui est le Fils incarné, le Père a parlé dans les temps anciens par les prophètes (cf. He 1,1) et, en vertu de l'Esprit, les Apôtres continuent d'annoncer Jésus et son Évangile. De sorte que la Parole de Dieu est exprimée par des mots d'homme, à travers l'annonce des prophètes et des Apôtres.

e. En fixant – par inspiration divine – les contenus révélés, les Saintes Écritures attestent de façon authentique qu'elles sont véritablement la Parole de Dieu (cf. DV 24), entièrement orientées vers Jésus car « ce sont elles [les Écritures] qui [lui] rendent témoignage » (Jn 5,39). En vertu du charisme de l'inspiration, les livres des Saintes Écritures ont une force d'appel direct et concret que n'ont pas d'autres interventions ou textes humains.

f. Mais la Parole de Dieu ne reste pas enfermée dans les écrits. En effet, si la Révélation s'est conclue avec la mort du dernier apôtre (cf. DV 4), la Parole révélée continue d'être annoncée et écoutée dans l'histoire de l'Église, qui s'engage à la proclamer au monde entier en réponse à son besoin de salut. Ainsi, la Parole continue sa course dans la prédication vivante, qui embrasse les différentes formes d'évangélisation, les plus éminentes étant l'annonce et la catéchèse, la célébration liturgique et le service de la charité. La prédication, dans le sens qui lui a été donné ici, sous la puissance de l'Esprit Saint, est Parole du Dieu vivant communiquée aux personnes vivantes.

g. Comme les fruits provenant des racines, les vérités de foi de l'Église concernant le dogme et la morale entrent dans le domaine de la Parole de Dieu.

À partir de ce tableau, il est aisé de comprendre que lorsque la révélation de Dieu est annoncée dans la foi, il s'agit d'un événement révélateur qui peut vraiment être appelé Parole de Dieu dans l'Église.

Incidences pastorales

10. Ici, sont rappelées les nombreuses incidences pastorales auxquelles sont liées nombre de réponses provenant des Églises particulières.

- À la Parole de Dieu doivent être reconnues toutes les qualités d'une authentique communication interpersonnelle -à partir de la Bible souvent désignée comme dialogue d'alliance- qui fait que Dieu et la personne se parlent en tant que membres de la même famille.

- Dans cette perspective, la religion chrétienne ne peut pas être définie comme la « religion du Livre » en termes absolus, du fait que le Livre inspiré appartient, de façon vitale, à la totalité du corps de la Révélation.[4]

- Le monde créé est la manifestation de la Parole de Dieu, et la vie et l'histoire humaine la contiennent en germe. Dans cette optique, émergent des questions importantes aujourd'hui, rappelées par de nombreuses contributions des Pasteurs à propos de la loi naturelle, de l'origine du monde, de la question écologique.

- Il convient certainement de reprendre la belle notion d' « histoire du salut » (historia salutis), si chère aux Pères de l'Église et devenue, par tradition, « Histoire sacrée ». Il faut réussir à faire percevoir tout ce qu'implique la « religion du Verbe incarné », c'est-à-dire la Parole de Dieu, qui n'est pas cristallisée dans des formules abstraites et statiques mais qui connaît une histoire dynamique, faite de personnes et d'événements, de paroles et d'actions, de développements et de tensions, comme cela apparaît clairement dans la Bible. L'historia salutis – terminée pour ce qui est de sa phase constitutive – continue d'être efficace aujourd'hui dans le temps de l'Église.

- La totalité de la Parole de Dieu est assurée par tous les actes qui l'expriment, selon le rôle de chacun. De par sa force, vient immédiatement à l'esprit le fait que les Saintes Écritures sont le milieu vital de l'Église. D'ailleurs, il est nécessaire que tous les moments du ministère de la Parole de Dieu soient en interaction réciproque et harmonieuse. Parmi ces signes, l'annonce, la catéchèse, la liturgie et la diaconie jouent un rôle fondamental.

- Il reviendra aux Pasteurs d'aider les fidèles à avoir cette vision harmonieuse de la Parole, en évitant toute forme erronée, réductive ou ambiguë de compréhension, et en leur donnant la possibilité de devenir des auditeurs attentifs de la Parole partout où elle résonne, et de goûter les paroles les plus simples de la Bible.

B. Au centre, le mystère du Christ et de l'Église

« En ces jours qui sont les derniers, Dieu nous a parlé par le Fils » (He 1,2)

Dans le cœur de la Parole de Dieu, le mystère du Christ

11. De façon générale, les chrétiens perçoivent la centralité de la personne de Jésus-Christ dans la Révélation de Dieu. Mais ils ne savent pas toujours saisir les raisons de cette importance, ni ils ne comprennent dans quel sens Jésus est le cœur de la Parole de Dieu ; aussi, ont-ils quelques difficultés à effectuer une lecture chrétienne de la Bible. C'est un sujet qui revient dans presque toutes les réponses des Organismes consultés, avec le double souci d'éviter les équivoques d'une lecture superficielle et fragmentaire des Écritures, mais surtout d'indiquer la voie sûre pour entrer dans le Royaume de Dieu et hériter de la vie éternelle. En effet, « la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17,3). Ce rapport substantiel entre la Parole de Dieu et le mystère du Christ prend ainsi forme dans la Révélation en tant qu'annonce, puis dans l'histoire de l'Église comme approfondissement inépuisable.

De ce rapport, on ne cite ici que quelques-unes des références théologiques essentielles ayant une incidence pastorale évidente.

- Toujours à la lumière de Dei Verbum, il est rappelé que Dieu a réalisé un dessein totalement gratuit : «Il a en effet envoyé son Fils […] pour habiter parmi les hommes et leur faire connaître les secrets de Dieu (cf. Jn 1,1-18). Jésus-Christ donc, le Verbe fait chair ‘parle les paroles de Dieu’ (Jn 3,34) et achève l'œuvre du salut que le Père lui a confiée (cf. Jn 5,36 ; 17,4)» (DV 4). De sorte que, pendant sa vie sur terre et maintenant dans sa vie au ciel, Jésus assume et réalise tout l'objectif, le sens, l'histoire et le projet de la Parole de Dieu car, comme le récite Saint Irénée, le Christ « nous a donné toute nouveauté en se donnant à nous ».[5]

- Le projet de Dieu prévoit une histoire dans la Révélation. Comme l'affirme l'Auteur de la Lettre aux Hébreux : « Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles » (He 1,1-2). Cela signifie qu'en Jésus la Parole de Dieu assume les significations qu'il a données à sa mission : son but est de faire entrer dans le Royaume de Dieu (cf. Mt 13,1-9) ; elle se manifeste dans ses paroles et dans ses œuvres ; elle exprime sa puissance dans les miracles ; elle a pour tâche d'animer la mission des disciples, en les soutenant dans l'amour pour Dieu et le prochain et dans l'attention aux pauvres ; elle révèle sa pleine vérité dans le mystère pascal, en attendant la révélation complète ; et maintenant, elle guide la vie de l'Église dans le temps.

- Mais il est vrai aussi que la Parole de Jésus doit être comprise, comme il le disait lui-même, selon les Écritures (cf. Lc 24,44-49), c'est-à-dire dans l'histoire du Peuple de Dieu dans l'Ancien Testament, qui l'a attendu comme le Messie, et maintenant dans l'histoire de la communauté chrétienne qui l'annonce par la prédication, le médite dans la Bible, fait l'expérience de son amitié et de ses orientations. Saint Bernard affirme que sur le plan de l'Incarnation de la Parole, le Christ est le centre de toutes les Écritures. La Parole de Dieu, qui pouvait déjà être entendue dans la première Alliance, est devenue visible dans le Christ.[6]

- On ne peut pas oublier que « tout a été créé par lui et pour lui » (Col 1,16). Jésus assume une centralité cosmique, il est le roi de l'univers, celui qui donne le sens ultime à toute la réalité. Si la Parole de Dieu est un chant à plusieurs voix, la clef de son interprétation – de par l'inspiration de l'Esprit Saint –, c'est le Christ dans la globalité de son mystère. «La Parole de Dieu qui, au début, était auprès de Dieu, n'est pas, dans sa plénitude, une multiplicité de paroles: elle n'est pas constituée de nombreuses paroles, elle est une unique Parole, qui embrasse un grand nombre d'idées dont chacune est une partie de la Parole dans sa totalité […]. Et si le Christ nous renvoie aux ‘Écritures’, comme celles qui en témoignent, il considère les livres des Écritures comme un seul rouleau, car tout ce qui a été écrit de Lui est résumé en un seul tout ».[7]

Dans le cœur de la Parole de Dieu, le mystère de l'Église

12. En étant mystère du Corps de Jésus, l'Église se trouve à avoir, dans la Parole, l'annonce de son identité, la grâce de sa conversion, le mandat de sa mission, la source de sa prophétie et la raison de son espérance. Elle est intimement constituée par le dialogue avec l'Époux, et elle devient la destinataire et le témoin privilégié de la Parole aimante et salvifique de Dieu. Le juste aboutissement de l'écoute de la Parole de Dieu est d'appartenir toujours plus à ce « mystère » qui fait l'Église ; aussi, la rencontre permanente avec elle engendre son renouvellement et est la source d'un « nouveau printemps spirituel ».[8]

Par ailleurs, la conscience vive d'appartenir à l'Église, Corps du Christ, sera effective dans la mesure où les différents rapports avec la Parole de Dieu pourront être articulés de façon cohérente : une Parole annoncée, une Parole méditée et étudiée, une Parole priée et célébrée, une Parole vécue et propagée. C'est pourquoi la Parole de Dieu n'est pas un dépôt inerte dans l'Église, mais qu'elle devient règle suprême de la foi et puissance de vie, qu'elle se développe avec l'assistance de l'Esprit Saint et grandit avec la contemplation et l'étude qu'en font les croyants, avec l'expérience personnelle de vie spirituelle et la prédication des évêques (cf. DV 8 ; 21). Ce sont les hommes de Dieu en particulier qui en témoignent, eux qui ont habité dans la Parole.[9] Il apparaît clairement que la première mission de l'Église est de transmettre la Parole divine à tous les hommes. L'histoire atteste que cela s'est produit et continue de se produire aujourd'hui, après tant de siècles, malgré tous les obstacles, mais avec une vitalité féconde.

Les premiers mots de Dei Verbum font l'objet d'une réflexion permanente et d'une application fidèle : « quand il écoute religieusement et proclame hardiment la Parole de Dieu » (DV 1). Ces mots résument l'essence de l'Église dans sa double dimension d'écoute et de proclamation de la Parole de Dieu. Aucun doute ne subsiste : la Parole de Dieu doit occuper la première place. Ce n'est qu'à travers elle qu'on peut comprendre l'Église. Elle se définit comme étant l'Église qui écoute. C'est dans la mesure où elle écoute qu'elle peut aussi être une Église qui proclame. Le Saint-Père Benoît XVI affirme : « L'Église ne tire pas sa vie d'elle-même, mais de l'Évangile et c'est à partir de l'Évangile qu'elle ne cesse de s'orienter dans son pèlerinage ».[10]

Incidences pastorales

13. À partir de la Parole de Dieu, la communauté chrétienne se sent régénérée et renouvelée à découvrir le visage du Christ. L'affirmation de Saint Jérôme résonne, claire et péremptoire : « Ignoratio enim Scripturarum, ignoratio Christi est »[11] (celui qui ne connaît pas les Écritures ne connaît pas le Christ). Sont ici rappelées certaines urgences pastorales tirées des réponses aux Lineamenta.

- Développer des lignes organiques de réflexion sur le rapport entre Jésus et les Saintes Écritures, sur comment il les lit et comment, inversement, celles-ci aident à le comprendre ;

- présenter de manière simple les critères de lecture chrétienne de la Bible, en résolvant à cette lumière les éléments difficiles de l'Ancien Testament ;

- aider les fidèles à reconnaître l'Église, guidée par le Magistère, comme le lieu vital et permanent d'annonce de la Parole de Dieu ;

- instruire ces chrétiens qui disent ne pas lire la Bible parce qu'ils préfèrent établir un rapport direct et personnel avec Jésus ;

- grâce à la réalité de Jésus, Seigneur ressuscité et présent dans les signes sacramentaux, la liturgie doit être considérée comme le lieu principal de rencontre avec la Parole de Dieu.

- Enfin, dans la communication catéchétique, il ne faut pas oublier que les Évangiles doivent être choisis en tant que lecture prioritaire, mais qu’ils doivent aussi être lus en liaison avec les autres livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, et avec les documents du Magistère de l’Église.

Chapitre II

A. La Bible, Parole de Dieu inspirée et sa vérité

« L'Église a toujours témoigné son respect à l'égard des Écritures, tout comme à l'égard du Corps du Seigneur lui-même » (DV 21)

Questions

14. L'un des problèmes plus fortement ressentis par les Pasteurs est le rapport entre les Saintes Écritures et la Parole de Dieu, en particulier son inspiration et sa vérité. On distingue trois niveaux de questions :

- certaines questions sont inhérentes à la nature de la Bible : ce qu'on entend par inspiration, ou par canon, quel type de vérité revient aux Écritures, et comment comprendre son historicité ;

- d'autres questions concernent le rapport entre les Écritures et la Tradition et le Magistère ;

- d'autres encore se rapportent aux pages difficiles de la Bible, plus spécialement dans l'Ancien Testament. On abordera ces questions dans la partie qui traite de la Parole de Dieu dans la catéchèse.

Les Saintes Écritures, Parole de Dieu inspirée

15. De nombreuses réponses aux Lineamenta soulèvent des questions à propos de la façon d'expliquer aux fidèles le charisme de l'inspiration et de la vérité des Écritures. À ce sujet, il est nécessaire, avant tout, de bien préciser le rapport entre la Bible et la Parole de Dieu ; de clarifier l'action de l'Esprit Saint ; de spécifier certains points concernant l'identité de la Bible.

a. Il faut que soit reconnu le rapport de distinction et de communion entre la Bible et la Parole de Dieu. C'est la Bible elle-même qui atteste l'absence de toute coïncidence matérielle entre la Parole de Dieu et les Écritures. La Parole de Dieu est une réalité vivante, efficace (cf. He 4, 12-13), éternelle (cf. Is 40,8), « toute puissante » (Sg 18,15), créatrice (cf. Gn 1,3sv.) et instauratrice d'histoire. Pour le Nouveau Testament, cette Parole c'est le Fils de Dieu lui-même, le Verbe incarné (cf. Jn 1,1sv. ; He 1,2). Au contraire, les Écritures sont l'attestation de ce rapport entre Dieu et l'homme, elles l'éclairent et l'orientent de façon certaine. Aussi la Parole de Dieu va-t-elle au-delà du Livre, et rejoint-elle aussi l'homme à travers le chemin de l'Église, Tradition vivante. Cela implique de dépasser une interprétation subjective et fermée des Écritures, de sorte qu'elle doit être lue à l'intérieur d'un processus plus vaste, et même inépuisable, de la Parole de Dieu, ainsi que le démontre le fait que la Parole continue d'alimenter la vie de générations dans des temps toujours nouveaux et différents. Ainsi, la communauté chrétienne devient le sujet de la transmission de la Parole de Dieu, et en même temps le sujet privilégié pour saisir le sens profond des Saintes Écritures, la progression de la foi et, donc, le développement du dogme. En vertu de cette prérogative, depuis le début l'Église a profondément vénéré les livres bibliques et, par règle ou canon de la foi dans la Révélation divine, elle en a établi une liste certaine et définitive : 73 livres, dont 46 dans l'Ancien Testament, et 27 dans le Nouveau.[12]

b. L'Esprit permet à la parole écrite de respirer et situe le Livre dans le mystère plus vaste de l'Incarnation et de l'Église. C'est pour cela que, grâce à l'Esprit, la Parole de Dieu est une réalité liturgique et prophétique ; elle est une annonce (kerygma) avant d'être un livre, elle est le témoignage de l'Esprit Saint sur la présence du Christ.

c. On peut affirmer en synthèse que :

- le charisme de l'inspiration permet de dire que Dieu est l'auteur de la Bible, d'une manière qui n'exclut pas l'homme en tant que véritable auteur lui-même. En effet, à la différence d'une dictée, l'inspiration n'élimine ni la liberté ni les capacités personnelles de l'écrivain, mais elle les éclaire et les suscite ;

- même si les Saintes Écritures sont inspirées dans leur totalité, leur inerrance se réfère uniquement à la « vérité […] que Dieu, en vue de notre salut, a voulu qu'elle [l'Écriture] fût consignée dans les Saintes Lettres » (DV 11) ;

- grâce au charisme de l'inspiration, l'Esprit Saint constitue les livres bibliques en Parole de Dieu, et il les confie à l'Église, afin qu'ils soient accueillis dans l'obéissance de la foi ;

- dans son ensemble et son unité organique, le Canon constitue le critère permettant d'interpréter le Livre Saint ;

- la Bible étant la Parole de Dieu en langage des hommes, son interprétation se fait de façon harmonieuse, suivant des critères littéraires, philosophiques et théologiques, toujours sous la force unifiante de la foi et la guide du Magistère.[13]

Tradition, Écritures et Magistère

16. Le Concile Vatican II insiste sur l'unité d'origine et sur les nombreuses connexions entre la Traditions et les Écritures, que l'Église accueille « avec un égal sentiment de piété, avec un égal respect » (DV 9). Rappelons à ce sujet que la Parole de Dieu, devenue dans le Christ Évangile et Bonne Nouvelle (cf. Rm 1,16), et comme telle confiée à la prédication apostolique, continue sa course à travers :

- en premier lieu, le flux de la Tradition vivante manifestée par «tout ce que [l'Église] est elle-même, tout ce qu'elle croit » (DV 8), comme le culte, l'enseignement, la charité, la sainteté, le martyre ;

- mais aussi les Saintes Écritures qui, par inspiration de l'Esprit Saint, dans l'immutabilité de l'écriture, conservent justement de cette Tradition vivante les éléments constitutifs et originaux : « cette Tradition sainte et la Sainte Écriture des deux Testaments sont donc comme le miroir dans lequel l'Église, pendant son pèlerinage sur terre, contemple Dieu, de qui elle reçoit tout, jusqu'à ce qu'elle soit arrivée à son terme: Le voir face à face tel qu'Il est (cf. 1 Jn 3,2) » (DV 7).

Enfin, c'est au Magistère de l'Église – qui n'est pas supérieur à la Parole de Dieu – qu'il revient « d'interpréter authentiquement la Parole de Dieu écrite ou transmise […] puisque […] il écoute pieusement la parole, la garde religieusement, l'explique fidèlement » (DV 10). En résumé, une vraie lecture des Écritures comme Parole de Dieu ne peut se faire qu'in Ecclesia, selon son enseignement.

Ancien et Nouveau Testament : une unique économie du salut

17. Un problème aigu que connaissent les catholiques est celui de la reconnaissance de l'Ancien Testament en tant que Parole de Dieu et, en particulier, son rapport avec le mystère du Christ et de l'Église. En raison aussi de difficultés exégétiques non résolues, on assiste à une certaine résistance devant des pages de l'Ancien Testament qui semblent incompréhensibles, et donc exposées à la sélection arbitraire, au refus. Selon la foi de l'Église, l'Ancien Testament doit être considéré comme une partie de l'unique Bible des chrétiens, partie constitutive de la Révélation et, donc, de la Parole de Dieu. D'où le besoin d'une formation urgente à la lecture chrétienne de l'Ancien Testament, en reconnaissant le rapport qui lie les deux Testaments et les valeurs permanentes de l'Ancien (cf. DV 15-16).[14]Nous sommes aidés en cela par la pratique liturgique, qui proclame toujours le texte sacré de l'Ancien Testament comme page essentielle pour une pleine compréhension du Nouveau Testament, ainsi que l'atteste Jésus lui-même dans l'épisode d'Emmaüs, où le Maître « commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, […] leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Lc 24,27). L'affirmation augustinienne « Novum in Vetere latet et in Novo Vetus patet » (le Nouveau Testament est celé dans l'Ancien, et l'Ancien est révélé dans le Nouveau)[15] est tout à fait précise. Saint Grégoire le Grand affirme : « Ce que l'Ancien Testament a promis, le Nouveau l'a fait voir ; ce que l'Ancien annonce de façon voilée, le Nouveau le proclame ouvertement comme étant actuel. Aussi l'Ancien Testament est-il la prophétie du Nouveau ; et le meilleur commentaire de l'Ancien Testament est le Nouveau Testament ».[16] Les implications pratiques de cette doctrine sont nombreuses et vitales.

Incidences pastorales

18. On ressent de façon toujours plus consciente qu'une lecture superficielle de la Bible est insuffisante. On constate que différents groupes bibliques, partis avec enthousiasme à la découverte du Livre Sacré, se dissolvent ensuite progressivement, le bon terrain venant à manquer – c'est-à-dire la Parole de Dieu perçue dans son mystère de grâce – comme le dit Jésus dans la parabole du semeur (cf. Mt 13,20-21). Dans cette optique, sont proposées les implications suivantes :

a. Du fait que les Écritures sont intimement liées à l'Église, celle-ci assume un rôle essentiel pour accéder à la Parole dans l'authenticité de sa source, devenant ainsi le critère pour comprendre correctement la Tradition, du fait que la liturgie comme la catéchèse tirent leur substance de la Bible. Ainsi que cela a déjà été mentionné, les livres des Saintes Écritures libèrent une force d'appel direct et concret que n'ont pas d'autres interventions ou textes ecclésiaux.

b. Il faut ensuite considérer la distinction – dans ses effets pratiques – entre la Tradition apostolique constitutive et les traditions ecclésiales. En effet, tandis que la première émane des apôtres et transmet ce qu'ils ont appris de Jésus et de l'Esprit Saint lui-même, les traditions ecclésiales sont nées au cours des temps dans les Églises locales et sont une forme d'adaptation de la « grande Tradition ».[17] En outre, il faut évaluer la portée décisive de la reconnaissance canonique réalisée par l'Église à propos des Écritures en en garantissant l'authenticité face à la prolifération de livres inauthentiques ou apocryphes. Les interprétations gnostiques vulgarisées aujourd'hui à propos de la vérité sur les origines chrétiennes obligent à expliquer ce qu'est le Canon des Livres Sacrés et comment il est né. On oriente ainsi opportunément la traduction et la diffusion des Écritures et on justifie la reconnaissance indispensable de la part de l'Église. Il reste à reprendre la comparaison entre les Écritures, la Tradition et les signes de la Parole de Dieu dans le monde créé, en particulier avec l'homme et son histoire, car chaque créature est parole de Dieu, puisqu'elle proclame Dieu.[18]

c. Lorsqu'il propose des orientations ou proclame des définitions, l'intention du Magistère n'est pas de limiter la lecture personnelle des Écritures. Au contraire, il offre un cadre sûr de références où la recherche peut s'exercer. Hélas, l'enseignement du Magistère et la valeur des différents niveaux de déclarations ne sont pas toujours bien connus et acceptés. Le Synode est une occasion pour redécouvrir Dei Verbum et les documents pontificaux postérieurs. En particulier, il convient de noter l'orientation pour la compréhension et l'usage de la Parole de Dieu dans la Bible donnée par le Saint-Père Benoît XVI dans plusieurs de ses interventions magistrales.

d. Dans le sillage de la Tradition vivante, et donc en tant que service authentique à la Parole de Dieu, il faut également considérer l'instrument du Catéchisme, à partir du premier Symbole de la foi, noyau de tout le Catéchisme, et jusqu'aux différentes expositions promues le long des siècles dans l'Église. Une attestation plus récente de celles-ci est le Catéchisme de l'Église catholique, et les Catéchismes respectifs dans les Églises locales.

e. À ce point, il devient nécessaire de considérer comme fondamentale une distinction qui aura de nombreuses répercussions dans la pratique pastorale : la rencontre avec les Écritures dans les grandes actions ecclésiales, comme la liturgie et la catéchèse, c'est-à-dire là où la Bible se situe dans un contexte de ministère public; il y a aussi la rencontre immédiate, comme la Lectio Divina, les cours bibliques, les groupes bibliques. Ce sont là des voies à promouvoir aujourd'hui du fait que, d'une manière ou d'une autre, le Peuple de Dieu s'éloigne de l'usage direct et personnelle des Écritures.

f. Quant à l'Ancien Testament, celui-ci doit être compris comme une étape dans le développement de la foi et de la compréhension de Dieu. Son caractère figuré et son rapport avec la mentalité scientifique et historique de notre temps doivent être clarifiés. En même temps, nombre de ses passages qui renferment une force spirituelle, sapientielle et culturelle unique, permettent une riche catéchèse sur les réalités humaines, et manifestent les étapes du chemin de foi de tout un peuple. La connaissance et la lecture des Évangiles n'excluent pas qu'une ultérieure méditation de l'Ancien Testament apporte à la lecture et à l'intelligence du Nouveau Testament une profondeur toujours plus importante.

g. Enfin, dans une optique pastorale très concrète, il convient de signaler certaines observations pouvant aider à mieux discerner le rapport que les fidèles ont avec la doctrine de la foi. En général, les fidèles distinguent la Bible des autres textes religieux et la considèrent comme plus importante dans la vie de foi mais, dans la pratique, beaucoup préfèrent les textes spirituels plus simples à comprendre, les messages et les écrits édifiants ou différentes manifestations de la piété populaire. On pourrait dire que le peuple rencontre la Parole de Dieu de façon pratique, en la vivant plus qu'en en voulant connaître les origines et les motivations. C'est une situation à la fois de positivité et de fragilité. Il faut savoir parler aux gens en reconnaissant leur façon de comprendre. Aider les fidèles à comprendre ce qu'est la Bible, pourquoi elle existe, ce qu'elle apporte à la foi et comment l'utiliser devient un devoir nécessaire dans les activités pastorales.

B. Comment interpréter la Bible selon la foi de l'Église

« Vivante est la Parole de Dieu, efficace » (He 4,12)

Le problème herméneutique dans la perspective pastorale

19. Le problème herméneutique, dans lequel se situent l'actualisation de la Parole de Dieu et l'inculturation,[19] est une question délicate et importante. En effet, Dieu propose aux hommes non pas quelques informations plus ou moins curieuses, et pas même d'ordre purement humain ou scientifique, mais il leur communique sa Parole de vérité et de salut, ce qui exige, de la part de celui qui écoute, une compréhension intelligente, vitale, responsable, et donc actuelle. Cela comporte le double mouvement de reconnaître le sens authentique de la Parole dite ou écrite, comme le Seigneur la communique à travers les auteurs sacrés, mais aussi que la Parole soit significative pour ceux qui l'écoutent aujourd'hui encore.

À l'écoute de l'expérience

20. Des réponses des évêques il ressort que, malgré l'apparence contraire, l'interprétation de la Parole reste accessible. De nombreux chrétiens – en communauté ou individuellement – étudient la Parole de Dieu, disponibles à comprendre ce que Dieu dit et à y obéir scrupuleusement. Et bien, cette disponibilité de la foi est pour l'Église une possibilité précieuse de faire comprendre et d’appliquer correctement les Textes Sacrés. Aujourd'hui, cette opportunité (kairos) vaut encore davantage d'une certaine façon, puisque s'ouvre une nouvelle confrontation entre la Parole de Dieu et les sciences des hommes, en particulier dans la sphère de la recherche philosophique, scientifique et historique. Ce contact entre la Parole et la culture engendre une grande richesse de vérités et de valeurs sur Dieu, sur l'homme et sur les choses. Aussi, la raison interpelle-t-elle la foi, et est-elle sollicitée à son tour par celle-ci à collaborer pour atteindre une vérité et une vie en accord avec la Révélation de Dieu et les attentes de l'humanité.

Mais il existe aussi les risques d'une interprétation arbitraire et réductive, dus surtout au fondamentalisme, de sorte que, d'une part on voit se manifester le désir de rester fidèle au Texte et, de l'autre, on méconnaît la nature même des textes, en risquant de graves erreurs et en provoquant aussi des conflits inutiles.[20] Il existe aussi ce qui est appelé les « lectures idéologiques de la Bible », selon des compréhensions a priori rigides d'ordre spirituel ou social et politique, ou tout simplement humaines, sans support de la foi (cf. 2 P 1,19-20; 3,16), jusqu'à des formes d'opposition et de séparation entre la forme écrite, attestée surtout dans la Bible, la forme vivante de l'annonce et l'expérience de vie des croyants. En général, on note une connaissance moindre ou imprécise des règles herméneutiques de la Parole.

Sens de la Parole de Dieu et voie pour y parvenir

21. À la lumière du Concile Vatican II et du Magistère successif,[21] certains aspects semblent devoir faire aujourd'hui l'objet d'une attention et d'une réflexion spécifiques, en vue d'une communication pastorale adéquate : la Bible, livre de Dieu et de l'homme, doit être lue en unifiant correctement le sens historique et littéral et le sens théologique et spirituel – ou plus simplement le sens spirituel.[22] La Note, déjà citée, de la Commission Pontificale Biblique en donne la définition suivante : « En règle générale, on peut définir le sens spirituel, compris selon la foi chrétienne, comme le sens exprimé par les textes bibliques, lorsqu'on les lit sous l'influence de l'Esprit Saint dans le contexte du mystère pascal du Christ et de la vie nouvelle qui en résulte. Le contexte existe effectivement. Le Nouveau Testament y reconnaît l'accomplissement des Écritures. Il est donc normal de relire les Écritures à la lumière de ce nouveau contexte, qui est celui de la vie dans l'Esprit ».[23]

Cela signifie que la méthode historique et critique est nécessaire pour une exégèse correcte, une fois adéquatement enrichie par d'autres formes d'approche[24] mais, pour atteindre le sens plénier des Écritures, il est nécessaire d'utiliser des critères théologiques, tels que les repropose Dei Verbum: « contenu et [...] unité de l'Écriture tout entière, compte tenu de la Tradition vivante de l'Église tout entière, et de l'analogie de la foi » (DV 12).[25] Aujourd'hui, on perçoit à ce propos la nécessité d'approfondir ultérieurement la réflexion théologique et pastorale, pour former nos communautés à une intelligence droite et fructueuse. Le Pape Benoît XVI affirme : « j'ai profondément à cœur que les théologiens apprennent à lire et à aimer l'Écriture de la manière dont, selon Dei Verbum, le Concile l'a voulu : qu'ils voient l'unité intérieure de l'Écriture – ce qui est aujourd'hui facilité par l' ‘exégèse canonique’ (qui se trouve sans aucun doute encore à un timide stade initial) – et qu'ils fassent ensuite de celle-ci une lecture spirituelle, qui n'est pas quelque chose d'extérieure à caractère édifiant, mais en revanche une immersion intérieure dans la présence de la Parole. Cela me semble une tâche très importante de faire quelque chose dans ce sens, de contribuer à ce que, côte à côte, avec et dans l'exégèse historico-critique, soit véritablement donnée une introduction l'Écriture vivante comme Parole de Dieu actuelle ».[26]

Incidences pastorales

22. Le Peuple de Dieu doit être éduqué à découvrir cet immense horizon de la Parole de Dieu, en faisant en sorte que la lecture de la Bible ne soit pas compliquée. Ce qui est vrai c'est que les choses les plus importantes qui se trouvent dans la Bible sont aussi celles qui sont liées plus directement à l'existence, par exemple la vie de Jésus. Nous rappelons ici quelques-uns des points centraux pour une juste interprétation du Livre Sacré.

a. Il faut rappeler avant tout l'interprétation de la Parole de Dieu qui a lieu chaque fois que l'Église se réunit pour célébrer les mystères divins. À ce sujet, l'Introduction au Lectionnaire, qui est proclamé dans l'Eucharistie, rappelle : « Puisque, par la volonté du Christ lui-même, le nouveau Peuple de Dieu se distingue par l'admirable variété de ses membres, ainsi tout aussi différents sont les devoirs et les rôles qui reviennent à chacun à propos de la Parole de Dieu : aux fidèles, il revient de l'écouter et de la méditer ; à ceux qui en vertu de leur ordination ont une charge de magistère ou à ceux auxquels est confié l’exercice de ce ministère, il revient de l’exposer. Ainsi dans la doctrine, dans la vie et dans le culte, l’Église perpétue et transmet à toutes les générations tout ce qu’elle-même est et tout ce qu’elle croit de manière à tendre incessamment à travers les siècles à la plénitude de la vérité divine, jusqu'à ce que s'accomplisse en elle la Parole de Dieu ».[27]

b. Il convient de préciser que « le sens spirituel n'est pas à confondre avec les interprétations subjectives dictées par l'imagination ou la spéculation intellectuelle. Il résulte de la mise en rapport de trois niveaux de réalités : le texte biblique [dans son sens littéral], le mystère pascal et les circonstances présentes de vie dans l'Esprit ».[28] Dans tous les cas, il faut partir du texte biblique, premier et irremplaçable dans l'action pastorale également.

c. Tout en reconnaissant que, de façon générale, la Notede la Commission Pontificale Biblique intitulée L'interprétation de la Bible dans l'Église n'a pas dépassé le cercle des experts, il faut s'engager à aider les lecteurs croyants à connaître les lois élémentaires d'une approche du texte biblique. Les matériels élaborés dans ce sens constituent une aide de grande valeur.

d. Dans cette perspective, il faut prendre en considération, comprendre correctement et récupérer l'exégèse extraordinaire des Pères[29] ainsi que la grande intuition médiévale des « quatre sens des Écritures », qui n'ont aucunement perdu leur intérêt ; on ne doit pas négliger les différentes résonances et traditions que la Bible suscite dans la vie du Peuple de Dieu, dans les personnages des saints, des maîtres spirituels et des témoins. Tout comme il faut considérer l'apport des sciences théologiques et humaines; l’« histoire des effets » (Wirkungsgeschichte), dans l'art plus spécialement, peut constituer un témoignage fécond de lecture spirituelle. Et comme, aujourd'hui, la Bible est aussi lue par les non-chrétiens, qui mettent en lumière sa valeur anthropologique, il peut être enrichissant d'interpréter correctement cet aspect. Les Saintes Écritures doivent être lues en communion avec l'Église en tous lieux et en tous temps, avec les grands témoins de la Parole, depuis premiers Pères jusqu'aux saints et au Magistère d'aujourd'hui.[30]

e. Il faut mettre l'accent sur la demande présentée au Synode non seulement d'affronter les problèmes classiques de la Bible, mais aussi de mettre celle-ci en rapport avec les problèmes actuels tels que la bioéthique et l'inculturation. Ce que l'on peut dire avec une expression couramment employée par les groupes bibliques : « comment est-il possible d'aller de la vie au texte, et du texte à la vie », ou encore « comment lire la Bible avec la vie, et la vie avec la Bible ? »

f. Il convient de signaler, du point de vue de la communication de la foi, un problème nouveau de l'herméneutique biblique. Il concerne non seulement la compréhension du langage biblique, mais aussi la connaissance de la culture actuelle, toujours moins liée à la parole orale ou écrite, et davantage orientée vers une culture électronique, avec la conséquence que la proclamation traditionnelle de la Parole peut être perçue comme ennuyeuse par les auditeurs, submergés par les techniques informatiques.

Chapitre III

Attitude requise chez celui qui écoute la Parole

« Écoute, mon peuple » (Ps 50,7)

Des réponses des évêques aux Lineamenta, il ressort qu'il est nécessaire de cultiver dans le peuple une relation orante, personnelle et communautaire avec la Parole de Dieu, celle-ci suscitant et nourrissant la réponse de la foi.

Parole efficace

23. L'événement de la Parole a pour sujets Dieu, qui l'annonce, et le destinataire – individu ou communauté. Dieu parle, mais si le croyant n'écoute pas, la Parole est seulement prononcée, et non accueillie. C'est pourquoi on peut dire que la révélation biblique est la rencontre de Dieu avec le peuple, dans l'expérience de l'unique Parole, et que tous deux font la Parole. La foi agit, la Parole la crée.

Le texte de He 4,12-13, et celui d'Is 55,9-11 avec d'autres encore, affirment l'infaillible efficacité de la Parole de Dieu. Comment comprendre cette efficacité ? La question devient encore plus nécessaire à partir d'un fait avancé dans différentes contributions des évêques : certains chrétiens néophytes attribuent à la lecture du Livre Sacré une valeur magique, sans qu'il y ait un engagement spécifique et personnel de responsabilité. En réalité, la Parole de Dieu déploie son efficacité – comme l'affirme la parabole du semeur (cf. Mc 4,1-20) – lorsque tous les obstacles sont éliminés et qu'existent les conditions pour que la graine de la Parole puisse fructifier.

Et quant au type d'efficacité propre à la Parole de Dieu, un autre texte évangélique est source de lumière en employant l'image de la graine qui doit mourir pour porter des fruits : le Christ parle de sa mort nécessaire pour réaliser le dessein du salut. La croix est, de façon directe, puissance et sagesse de Dieu ; l'Évangile est la « parole de la croix » écrit Saint Paul aux chrétiens de Corinthe (1 Co 1,18). L'efficacité de la Parole est donc de l'ordre de la croix. La Parole et la croix sont deux réalités situées à un même niveau. Leur puissance réside entièrement dans le dynamisme de l'amour divin qui les traverse : « car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique » (Jn 3,16 ; cf. Rm 5,8). Celui qui, croyant en l'amour de Dieu, prononce la Parole trouve le fruit de cette Parole. Alors, celle-ci assume toute sa puissance, se réalise et se fait véritablement personnelle.

Le croyant : celui qui écoute la Parole de Dieu dans la foi

24. « À Dieu qui révèle, il faut apporter ‘l'obéissance de la foi’ ». À Lui qui se donne dans la Parole, l'homme, en l'écoutant, « s'en remet tout entier librement » (DV 5). L'homme qui, en vertu de l'intime structure de la personne, est celui qui écoute la Parole, reçoit de Dieu la grâce de répondre dans la foi. Ce qui comporte, de la part de la communauté et de chaque croyant, une attitude d'adhésion totale à une proposition de pleine communion avec Dieu et de remise confiante à sa volonté (cf. DV 2). Cette attitude de foi dans la communion se manifestera pour chaque rencontre avec la Parole de Dieu, dans la prédication vivante et dans la lecture de la Bible. Ce n'est pas un hasard si Dei Verbum applique au Livre Sacré ce qu'elle affirme globalement pour la Parole de Dieu: « il s'adresse aux hommes comme à des amis […] pour les inviter à entrer en communion avec lui » (DV 2). « Dans les Livres saints, le Père qui est aux cieux s'avance de façon très aimante à la rencontre de ses fils, engage conversation avec eux » (DV 21). La Révélation est une communion d'amour, que les Écritures expriment souvent par le mot d'alliance. En bref, il s'agit d'une attitude de prière, d'un « dialogue entre Dieu et l'homme, car ‘c'est à lui que nous nous adressons quand nous prions; c'est lui que nous écoutons, quand nous lisons les oracles divins’»[31] (DV 25).

La Parole de Dieu transforme la vie de ceux qui l'abordent en ayant la foi. La Parole ne s'épuise jamais, elle est nouvelle chaque jour. Mais pour qu'il en soit ainsi, il faut une foi qui écoute. Les Écritures attestent à plusieurs reprises que c'est l'écoute qui fait d'Israël le Peuple de Dieu : « Maintenant, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples » (Ex 19,5 ; cf. Je 11,4). L'écoute engendre une appartenance, un lien, elle fait entrer dans l'alliance. Dans le Nouveau Testament, l'écoute est dirigée vers la personne de Jésus, Fils de Dieu : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le » (Mt 17,5 et par.).

Le croyant est quelqu'un qui écoute. Celui qui écoute reconnaît la présence de celui qui parle et désire s'impliquer avec lui ; celui qui écoute creuse au fond de lui un espace pour que l'autre vienne y habiter ; celui qui écoute s'ouvre avec confiance à celui qui parle. C'est pour cela que les évangiles demandent le discernement à propos de ce qu'on écoute (cf. Mc 4,24) et de comment on écoute (cf. Lc 8,18) : en effet, nous sommes ce que nous écoutons ! La figure anthropologique que la Bible entend construire est donc celle d'un homme capable d'écouter, habité par un cœur qui écoute (cf. 1 R 3,9). Cette écoute n'étant pas la simple audition de phrases bibliques, mais bien le discernement pneumatique de la Parole de Dieu, elle a besoin de la foi et elle doit se dérouler dans l'Esprit Saint.

Marie, modèle d'accueil de la Parole pour le croyant

25. Dans l'histoire du salut émergent de grands personnages d'auditeurs et d'évangélisateurs de la Parole de Dieu : Abraham, Moïse, les prophètes, Saints Pierre et Paul, les autres apôtres, les évangélistes. Tous, en écoutant fidèlement la Parole du Seigneur et en la communiquant, ont préparé un espace pour le Royaume de Dieu.

Dans cette perspective, un rôle central est celui assumé par la Vierge Marie, qui a vécu de façon incomparable sa rencontre avec la Parole de Dieu, qui est Jésus lui-même. C'est pour cette raison qu'elle constitue le modèle providentiel de toute écoute et de toute annonce. Déjà formée à la familiarité avec la Parole de Dieu à travers l'expérience si intense des Écritures du peuple auquel elle appartient, à partir de l'événement de l'Annonciation et jusqu'à la Croix – et même jusqu'à Pentecôte – c'est dans la foi que Marie de Nazareth accueille, médite la Parole de Dieu, la fait sienne et la vit intensément (cf. Lc 1,38 ; 2,19.51 ; Ac 17,11). Avec son OUI, initial et permanent, à la Parole de Dieu, elle sait regarder autour d'elle et elle vit les urgences du quotidien, en étant consciente que ce qu'elle reçoit en don du Fils est un don pour tous : dans le service à Elisabeth, à Cana et au pied de la croix (cf. Lc 1,39 ; Jn 2,1-12 ; 19,25-27). En vertu de cela, les mots que Jésus prononce en sa présence lui conviennent parfaitement : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique » (Lc 8,21). « Étant profondément pénétrée par la Parole de Dieu, elle peut devenir la mère de la Parole incarnée ».[32]

En particulier, il faut prendre en considération sa façon d'écouter la Parole. Le texte de l'Évangile « quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur » (Lc 2,19) signifie qu'elle écoutait et connaissait les Écritures, qu'elle les méditait dans son cœur avec une espèce de processus intérieur de maturation, là où l'intelligence ne fait qu'un avec le cœur. Marie recherchait le sens spirituel des Écritures et elle le trouvait en le rapportant (symballousa) aux paroles, à la vie de Jésus et aux événements qu'elle découvrait progressivement dans son histoire personnelle. Marie est notre modèle à la fois dans l'accueil de la foi et de la Parole, et dans l'étude de celle-ci. Il ne lui suffit pas de l'accueillir, elle s'y arrête. Non seulement elle la possède, mais en même temps elle lui donne toute sa valeur. Elle y adhère mais aussi elle la développe. Ainsi, Marie devient un symbole pour nous, pour la foi des gens simples et pour celle des docteurs de l'Église qui étudient, évaluent et définissent la façon de professer l'Évangile.

En accueillant la Bonne Nouvelle, Marie se dévoile comme le type idéal de l'obéissance de la foi, elle devient une icône vivante de l'Église au service de la Parole. Pour Isaac de l’Étoile : « Dans les Écritures, inspirées par Dieu, ce qui est dit de façon générale pour l'Église vierge et mère, s'applique individuellement à Marie, vierge et mère […] L'Église est l'héritière universelle du Seigneur, Marie l'est tout spécialement, et chaque âme fidèle de manière particulière. Dans le tabernacle du sein de Marie, le Christ est resté pendant neuf mois; dans le tabernacle de la foi de l'Église, il reste jusqu'à la fin du monde, dans la connaissance et dans l'amour de l'âme fidèle pour l'éternité ».[33] Marie enseigne à ne pas rester étranger et spectateur d'une Parole de vie, mais à participer, en réalisant le « me voici » des prophètes (cf. Is 6,8), et en nous laissant conduire par l'Esprit Saint qui habite en nous. Elle « magnifie » le Seigneur en découvrant dans sa vie la miséricorde de Dieu, qui la rend « bienheureuse » parce qu'elle « a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur » (Lc 1,45). Saint Ambroise dit que tout chrétien qui croit conçoit et engendre le Verbe de Dieu. S'il n'existe qu'une unique mère du Christ selon la chair, selon la foi, au contraire, le Christ est le fruit de tous.[34]

Incidences pastorales

26. Les incidences pastorales relatives à la foi dans la Parole de Dieu sont importantes.

a. Il est possible de lire la Bible sans avoir la foi, mais sans la foi il est impossible d'écouter la Parole de Dieu. Un groupe biblique n'est valable que si, alors qu'il procède à la lecture des textes sacrés, il s'éduque à la foi, conformant la vie chrétienne aux indications offertes par la Bible et éclairant avec la foi les moments difficiles.

b. Il faut s'adresser à l'homme d'aujourd'hui de façon positive et encourageante, en offrant de multiples suggestions pour aborder le texte, la lecture spirituelle, la prière, le partage de la Parole. Il s'agit avant tout d'aborder la Parole non pas tant comme un dépôt de références dogmatiques ou pastorales que comme une source d'eau vive, dans la joyeuse surprise d'écouter le Seigneur dans le contexte de vie propre à chacun. Il s'agit de mettre en œuvre le cercle herméneutique complet : croire pour comprendre, comprendre pour croire ; la foi recherche l'intelligence, l'intelligence s'ouvre à la foi. Le récit d'Emmaüs est un modèle exemplaire de rencontre du croyant avec la Parole incarnée elle-même (cf. Lc 24,13-35).

c. « Écoute, Israël », « Shemà Israel » : tel est le premier commandement du Peuple de Dieu (cf. Dt 6,4). « Écoute » : c'est aussi le premier mot de la Règle de Saint Benoît. Dieu invite les fidèles à écouter avec l'oreille du cœur. Dans la Bible, le cœur n'est pas seulement le siège des sentiments ou de l'émotion ; il est aussi le centre le plus profond de la personne, là où se prennent les décisions. C'est pourquoi le silence est nécessaire, un silence qui se prolonge au-delà des mots. L'Esprit Saint fait entendre et comprendre la Parole de Dieu, en s'unissant silencieusement à notre esprit (cf. Rm 8,26-27).

d. Il nous faut écouter comme Marie et avec Marie, mère et éducatrice de la Parole de Dieu. Il existe la forme simple et universelle d'écoute de la Parole dans la prière, que sont les mystères du Rosaire. Jean-Paul II a mis en lumière sa richesse biblique, en le définissant « résumé de l'Évangile », où l'énonciation du mystère « laisse parler Dieu » et permet de « contempler avec Marie le visage du Christ ».[35] Plus encore, tout comme la Vierge Marie, temple de l'Esprit, dans une vie silencieuse, humble et cachée, l'Église tout entière doit être éduquée à témoigner de ce rapport étroit entre la Parole et le Silence, la Parole et l'Esprit de Dieu. L'écoute de la Parole effectuée dans la foi devient ensuite pour le croyant compréhension, méditation, communion, partage et mise en œuvre. On entrevoit ici les traits de la Lectio Divina comme étant la voie privilégiée pour aborder la Bible avec foi.

e. Il convient de rappeler que l'attitude de foi concerne la Parole de Dieu dans tous ses signes et langages. C'est une foi qui reçoit de la Parole une communication de vérité à travers le récit ou la formule doctrinale ; une foi qui reconnaît la Parole de Dieu comme le premier encouragement à une conversion efficace, comme la lumière pour répondre aux nombreuses questions que se posent les croyants, comme le guide à un discernement sapientiel de la réalité, une sollicitation à faire la Parole (cf. Lc 8,21) et pas seulement à la lire ou à la prononcer et, pour finir, la source permanence de consolation et d'espérance. Il s'ensuit le devoir de reconnaître et d'assurer la première place à la Parole de Dieu dans la vie de chaque croyant, en l'accueillant telle que l'Église l'annonce, la comprend, l'explique et la vit.

Enfin, pour nombre de personnes qui ne savent pas lire, il est nécessaire de préparer des services opportuns de communication de la Parole traduite dans les langues appropriées.

Lire la suite : Deuxième partie :  ( lci )

Ce texte peut être reproduit par les Conférences épiscopales, ou avec leur autorisation, à condition que son contenu ne soit pas modifié et que deux exemplaires de la publication soient envoyés à la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, 00120 Cité du Vatican.

Autres langues:
[Allemand, Anglais, Espagnol, Français (vatican), Italien, Latin Polonais, Portugais]

Les Lineamenta de la XIIè Assemblée générale ordinaire qui se déroulera du 5 au 26 octobre 2008

Sources :  www.vatican.va - E.S.M.

© Copyright 2008 - Libreria Editrice Vatican

Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 12.06.2008 - T/Synode 2008

 

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