Dans la symphonie de la création, dit
Benoît XVI, il y a un solo, c’est Jésus |
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Rome, le 09 janvier 2009 -
(E.S.M.)
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De l'étoile des Mages à la "structure intelligente" qui régit l’univers: la
réponse du pape aux savants qui nient Dieu. Une enquête parmi les
mathématiciens montre que beaucoup sont croyants, l'un d'eux étant même
théologien.
Dans son homélie de la fête de l'Épiphanie, Benoît
XVI est revenu sur un sujet qui lui est très cher: le rapport entre la foi
et la science.
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Dans la "symphonie" de la création, dit Benoît XVI, il y a un "solo" qui
donne sens au tout : ce "solo", c’est
Jésus
Tous les nombres de la foi. Quand Ratzinger joue les Galilée
Le 09 janvier 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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De l'étoile des Mages à la "structure intelligente" qui régit l’univers : la
réponse du pape aux savants qui nient Dieu. Une enquête parmi les
mathématiciens montre que beaucoup sont croyants, l'un d'eux étant même
théologien.
Dans son
homélie de la fête de l'Épiphanie, Benoît
XVI est revenu sur un sujet qui lui est très cher: le rapport entre la foi
et la science.
Le pape s’est inspiré de l’étoile des Mages qui – a-t-il noté – "étaient
selon toute probabilité des astronomes" comme le fut Galilée. Mais il a
conseillé de ne pas limiter le regard à une pure contemplation du ciel
étoilé. "Les étoiles, les planètes, l’univers entier – a-t-il dit – ne sont
pas gouvernés par une force aveugle, ils n’obéissent pas aux dynamiques de
la seule matière". Au-dessus de tout, il n’y a pas "un moteur froid et
anonyme", mais ce Dieu que Dante a défini, au dernier vers de la Divine
Comédie, comme "l’amour qui meut le soleil et les autres étoiles", ce Dieu
qui s’est incarné au milieu des hommes et leur a donné la vie. Dans la
"symphonie" de la création – a continué le pape – il y a un "solo" qui donne
sens au tout : ce "solo", c’est Jésus.
2009, année du quatrième centenaire des premières observations de Galileo
Galilei au télescope, sera célébrée partout dans le monde comme l’année de
l’astronomie. Elle sera aussi consacrée spécialement à Charles Darwin et aux
théories cosmologiques qu’il a inspirées. A ce double rendez-vous, le pape
donne l'impression d’arriver bien équipé.
C’est ce qu’a aussi fait comprendre un passage-clé du
discours-programme
qu’il a adressé à la curie romaine le 22 décembre:
"La foi en l’Esprit créateur est un contenu essentiel du Credo chrétien.
Le fait que la matière porte en elle-même une structure mathématique et soit
pleine d’esprit est la base sur laquelle reposent les sciences de la nature
modernes. C’est seulement parce que la matière est structurée de manière
intelligente que notre esprit peut l’interpréter et la remodeler activement.
Le fait que cette structure intelligente provienne du même Esprit créateur
qui nous a donné l’esprit à nous aussi, implique à la fois un devoir et une
responsabilité. La foi à propos de la création est le fondement ultime de
notre responsabilité envers la terre. Celle-ci n’est pas simplement pour
nous une propriété que nous pouvons exploiter selon nos intérêts et nos
désirs, mais plutôt un don du Créateur qui en a conçu l’organisation
intrinsèque, nous donnant ainsi les orientations auxquelles nous devons nous
tenir en tant qu’administrateurs de sa création. Le fait que la terre, le
cosmos, reflètent l’Esprit créateur, signifie aussi que leurs structures
rationnelles qui, au-delà de l'ordre mathématique, deviennent presque
palpables par l'expérience, comportent aussi une orientation éthique.
L’Esprit qui les a façonnés est plus que la mathématique: c’est le Bien en
personne qui, à travers le langage de la création, nous indique la route de
la vie droite".
Ce qui frappe, dans ce passage, c’est que le pape insiste plusieurs fois sur
la structure mathématique de l'univers.
Les mathématiques sont en effet une science exacte qui, aujourd’hui, est
souvent opposée à Dieu comme étant sa négation "scientifique", définitive.
Des savants de renommée mondiale comme l'anglais Richard Dawkins et
l'italien Piergiorgio Odifreddi associent avec insistance les mathématiques
à une profession d’athéisme. Leurs thèses, diffusées par des conférences,
des articles et des livres à succès, tendent à devenir un langage et une
pensée communs.
Les objections de ces mathématiciens athées ont été exprimées en mots
simples par Giovanni, lycéen romain de 17 ans, lors d’un
dialogue avec le pape (voir la question
5) sur une place Saint-Pierre pleine de jeunes, le 6 avril 2006 :
"Saint-Père, nous sommes souvent conduits à croire que la science et la foi
sont ennemies entre elles; que la logique mathématique a tout découvert; que
le monde est le fruit du hasard, et que si les mathématiques n'ont pas
découvert le théorème-Dieu c'est tout simplement parce que Dieu n'existe
pas".
A ces objections, Benoît XVI a répondu textuellement ceci :
"Le grand Galilée a dit que Dieu a écrit le livre de la nature sous la forme
du langage mathématique. Il était convaincu que Dieu nous a donné deux
livres: celui de l'Écriture Sainte et celui de la nature. Et le langage de
la nature - telle était sa conviction - sont les mathématiques; celles-ci
sont donc un langage de Dieu, du Créateur.
"Réfléchissons à présent sur ce que sont les mathématiques: en soi, il
s'agit d'un système abstrait, d'une invention de l'esprit humain, qui comme
tel, dans sa pureté, n'existe pas. Il est toujours réalisé de manière
approximative, mais - comme tel - c'est un système intellectuel, c'est une
grande, géniale invention de l'esprit humain. La chose surprenante est que
cette invention de notre esprit humain est vraiment la clef pour comprendre
la nature, que la nature est réellement structurée de façon mathématique et
que nos mathématiques, inventées par notre esprit, sont réellement
l'instrument pour pouvoir travailler avec la nature, pour la mettre à notre
service, pour l'instrumentaliser à travers la technique.
"Cela me semble une chose presque incroyable qu'une invention de l'esprit
humain et la structure de l'univers coïncident: les mathématiques, que nous
avons inventées, nous donnent réellement accès à la nature de l'univers et
nous le rendent utilisable. La structure intellectuelle du sujet humain et
la structure objective de la réalité coïncident donc: la raison subjective
et la raison objective dans la nature sont identiques. Je pense que cette
coïncidence entre ce que nous avons pensé et la façon dont se réalise et se
comporte la nature est une énigme et un grand défi, car nous voyons que, à
la fin, c'est 'une' raison qui les relie toutes les deux: notre raison ne
pourrait pas découvrir cette autre, s'il n'existait pas une raison identique
à la source de toutes les deux.
"Dans ce sens, il me semble précisément que les mathématiques - dans
lesquelles, en tant que telles, Dieu ne peut apparaître - nous montrent la
structure intelligente de l'univers. Certes, il existe également les
théories du chaos, mais elles sont limitées car si le chaos prenait le
dessus, toute la technique deviendrait impossible. Ce n'est que parce que
notre mathématique est fiable que la technique est fiable. Notre science,
qui permet finalement de travailler avec les énergies de la nature, suppose
une structure fiable, intelligente, de la matière. Et ainsi, nous voyons
qu'il y a une rationalité subjective et une rationalité objective de la
matière, qui coïncident. Naturellement, personne ne peut prouver - comme on
le prouve par l'expérience, dans les lois techniques - que les deux soient
réellement le fruit d'une unique intelligence, mais il me semble que cette
unité de l'intelligence, derrière les deux intelligences, apparaisse
réellement dans notre monde. Et plus nous pouvons instrumentaliser le monde
avec notre intelligence, plus apparaît le dessein de la Création.
"A la fin, pour arriver à la question définitive, je dirais: ou Dieu existe,
ou il n'existe pas. Il n'existe que deux options. Ou l'on reconnaît la
priorité de la raison, de la Raison créatrice qui est à l'origine de tout et
est le principe de tout - la priorité de la raison est également la priorité
de la liberté - ou l'on soutient la priorité de l'irrationnel, selon
laquelle tout ce qui fonctionne sur notre terre ou dans notre vie ne serait
qu'occasionnel, marginal, un produit irrationnel - la raison serait un
produit de l'irrationalité. On ne peut pas en ultime analyse 'prouver' l'un
ou l'autre projet, mais la grande option du Christianisme est l'option pour
la rationalité et pour la priorité de la raison. Cela me semble une
excellente option, qui nous montre que derrière tout se trouve une grande
intelligence, à laquelle nous pouvons nous fier.
"Mais le véritable problème contre la foi aujourd'hui me semble être le mal
dans le monde: on se demande comment il peut être compatible avec cette
rationalité du Créateur. Et ici, nous avons véritablement besoin du Dieu qui
s'est fait chair et qui nous montre qu'Il n'est pas une raison mathématique,
mais que cette raison originelle est également Amour. Si nous regardons les
grandes options, l'option chrétienne est également aujourd'hui la plus
rationnelle et la plus humaine. C'est pourquoi nous pouvons élaborer avec
confiance une philosophie, une vision du monde qui soit fondée sur cette
priorité de la raison, sur cette confiance que la Raison créatrice est
amour, et que cet amour est Dieu".
* * *
De cette argumentation de Benoît XVI ressortent deux éléments. Le premier
est que la raison mathématique ne peut pas nier Dieu mais pas non plus le
prouver. Mais elle rapproche de Lui. Et elle montre que Dieu est en
définitive "une excellente option". C’est là que réapparaît l'invitation à
vivre "veluti si Deus daretur", comme si Dieu existait, que Ratzinger a
lancée plusieurs fois y compris "aux amis incroyants", comme Pascal l’avait
fait avant lui.
Le second élément est que la raison mathématique ne peut pas tout dire de
Dieu, parce que Dieu "est aussi Amour". Dans son dialogue de 2006 avec les
jeunes, Benoît XVI s’était limité au simple énoncé de cette thèse. Mais,
pour en connaître le développement, il suffit de lire en entier son
homélie
de l'Épiphanie de cette année.
* * *
Reste la question : la négation de Dieu est-elle vraiment si répandue chez
les savants d’aujourd’hui et en particulier chez les mathématiciens ?
A lire l'enquête qu’"Avvenire", le quotidien de la conférence des évêques
d’Italie, publie par tranches depuis un mois, la réponse est non.
C’est justement sur "Nombres et foi", c’est-à-dire sur la compatibilité
entre raison mathématique et foi en Dieu qu’"Avvenire" interroge d’éminents
mathématiciens. L'image qui en résulte est celle d’un milieu scientifique
beaucoup plus ouvert à la foi que ne l’affirme la "vulgate" des médias.
Jusqu’à présent, les interviewés ont été:
– le 11 décembre 2008, Antonio Ambrosetti, professeur titulaire d’analyse
mathématique à l’École normale supérieure de Pise pendant de nombreuses
années et maintenant à l’École internationale supérieure d’études avancées
de Trieste;
– le 16 décembre, Lucia Alessandrini, professeur titulaire de géométrie à
l'université de Parme;
– le 19 décembre, Giandomenico Boffi, professeur titulaire d’algèbre à
l'université de Chieti et Pescara;
– le 24 décembre, Marco Andreatta, professeur titulaire de géométrie et
doyen de la faculté des sciences à l'université de Trente;
– le 6 janvier 2009, Giovanni Pistone, professeur titulaire de probabilités
à l’École Polytechnique de Turin.
Ce dernier est membre de l’Église évangélique vaudoise et diplômé en
théologie, alors que ceux qui précèdent sont catholiques. L'enquête d’"Avvenire"
se limite à l'Italie, mais on trouve dans les réponses des interviewés de
fréquentes références à d’autres pays. Parmi les maîtres qu’ils citent, il y
a aussi des hommes à la foi fervente, notamment Ennio De Giorgi, l’un des
plus éminents mathématiciens du XXe siècle.
L'enquête continue. On peut parier sans grand risque que l’un des prochains
interviewés sera Giorgio Israël, juif et professeur titulaire de
mathématiques complémentaires à l'Université de Rome "La Sapienza", grand
admirateur de Benoît XVI.
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 09.01.2009 -
T/Benoît XVI |