Benoît XVI a fait le point sur la politique du
Vatican dans le monde |
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Rome, le 09 janvier 2008 -
(E.S.M.) - Dans son discours de début d’année
au corps diplomatique, Benoît XVI a fait le point sur la politique du
Vatican dans le monde. Mais il en a dit beaucoup plus aux fidèles
pendant la messe de l'Épiphanie. Il a prêché sa théologie de l'histoire.
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Benoît XVI
lors de la messe de l'Epiphanie -
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Benoît XVI a fait le point sur la politique du Vatican dans le monde
Une étoile immuable pour la diplomatie de l'Église:
celle des Mages
Dans son discours de début d’année au corps diplomatique, Benoît XVI a fait
le point sur la politique du Vatican dans le monde. Mais il en a dit
beaucoup plus aux fidèles pendant la messe de l'Épiphanie. Il a prêché sa
théologie de l'histoire. La voici :
par Sandro Magister
Le lundi après l’Épiphanie, dans la Sala Regia du Palais Apostolique
du Vatican, le pape a adressé au corps diplomatique accrédité près le
Saint-Siège son traditionnel discours de vœux pour le nouvel an.
Les observateurs trouvent dans les discours comme celui-là une synthèse de
la géopolitique internationale de l’Église. Et, en effet, le texte que le
pape a lu aux diplomates était le résultat du travail consciencieux des
services du Vatican qui s’occupent des rapports avec les états et avec les
organismes internationaux.
A la fin du discours, cependant, on retrouvait, bien reconnaissable, la
touche personnelle de Benoît XVI. En ces mots:
"La diplomatie est, d'une certaine façon, l'art de l'espérance. Elle vit de
l'espérance et cherche à en discerner même les signes les plus ténus. La
diplomatie doit donner de l'espérance. La célébration de Noël vient chaque
année nous rappeler que, quand Dieu s'est fait petit enfant, l'Espérance est
venue habiter dans le monde, dans le cœur de la famille humaine".
De l’art de la diplomatie à ce "petit enfant" qu’est Jésus, il y a un saut
vertigineux. Pourtant, c’est justement là – selon Benoît XVI – que se situe
la mission originelle de l’Église, sa vision du monde, sa théologie de
l’histoire.
Devant le corps diplomatique, le pape n’a fait étinceler cette vision
grandiose que l’espace d’un instant.
Vingt-quatre heures auparavant, en revanche, pendant l’homélie de la messe
de l’Épiphanie qu’il célébrait en la basilique Saint-Pierre, Benoît XVI a
développé cette vision dans sa totalité. Il l’a fait avec une force
synthétique et une imagination fertile peut-être sans égales dans sa
précédente prédication.
Les Mages qui parviennent jusqu’à Jésus en suivant l’étoile – a expliqué le
pape – ont fait l’inverse de ce qui s’est produit à Babel. L’Épiphanie est
déjà Pentecôte. Elle est la bénédiction de Dieu qui sauve et réconcilie les
hommes et les nations. L’enfant de Bethléem marque le début des "derniers
temps". L’Église "ne remplit parfaitement sa mission que lorsqu’elle reflète
en elle-même la lumière du Christ Seigneur et vient ainsi en aide aux
peuples du monde sur la voie de la paix et du vrai progrès."
Le pape a prononcé son homélie en italien et les services du Vatican n’ont
fourni aucune traduction dans une autre langue
(sauf chez
Homélie). Il s’agit pourtant d’un texte
capital pour comprendre ce pontificat, un texte sans lequel le discours au
corps diplomatique du lundi 7 janvier reste incomplet et incompréhensible.
Voici donc l’homélie complète que Benoît XVI a
prononcée pendant la messe célébrée à Saint-Pierre le 6 janvier 2008, fête
de l’Épiphanie :
"Nous avons tous besoin du courage des mages..."
par le pape Benoît XVI
Chers frères et sœurs, aujourd’hui nous célébrons le Christ, lumière du
monde, et sa manifestation aux hommes. Le jour de Noël, le message de la
liturgie était le suivant: "Hodie descendit lux magna super terram",
aujourd’hui une grande lumière descend sur la terre (Missel Romain). A
Bethléem, cette "grande lumière" est apparue à un petit groupe de personnes,
un minuscule "reste d’Israël": la Vierge Marie, Joseph son époux et quelques
bergers. Une lumière humble, à l’image du vrai Dieu; une flammèche allumée
dans la nuit: un nouveau-né fragile, qui crie dans le silence du monde...
Mais cette naissance cachée et ignorée était accompagnée de l’hymne de
louanges de l’armée céleste, qui chantait la gloire et la paix
(cf. Luc 2,13-14).
Ainsi, cette lumière, si modeste que fût son apparition sur la terre, se
projetait avec puissance dans les cieux: la naissance du Roi des Juifs avait
été annoncée par l’apparition d’une étoile, visible de très loin. C’est là
le témoignage de "quelques mages", venus à Jérusalem depuis l’Orient peu
après la naissance de Jésus, au temps du roi Hérode (cf.
Mathieu 2, 1-2).
Une fois encore, le ciel et la terre, le cosmos et l’histoire s’appellent et
se répondent. Les anciennes prophéties trouvent un écho dans le langage des
astres. "De Jacob monte une étoile, d’Israël surgit un sceptre"
(Nombres 24,17), avait annoncé le voyant païen
Balaam, appelé à maudire le peuple d’Israël et qui au contraire l’avait béni
parce que – lui révéla Dieu - "ce peuple est béni"
(Nombres 22,12).
Chromace d’Aquilée, dans son commentaire de l’Évangile de Matthieu, établit
un lien entre Balaam et les Mages. Il écrit: "Le premier prophétisa la venue
du Christ; les autres le suivirent avec les yeux de la foi". Il ajoute une
observation importante: "Tous aperçurent l’Étoile, mais tous n’en comprirent
pas le sens. De la même manière notre Seigneur et Sauveur est né pour tous,
mais tous ne l’ont pas accueilli (ivi, 4,1-2).
Ici apparaît le sens, dans une perspective historique, du symbole de la
lumière appliqué à la naissance du Christ: ce dernier exprime la bénédiction
spéciale de Dieu sur la descendance d’Abraham, destinée à s’étendre à tous
les peuples du monde.
L’épisode de l’Évangile que nous commémorons au moment de l’Épiphanie – la
visite des Mages à l’Enfant Jésus à Bethléem – nous renvoie ainsi aux
origines de l’histoire du peuple de Dieu, c’est-à-dire à la vocation
d’Abraham.
Nous sommes au chapitre 12 du Livre de la Genèse. Les 11 premiers chapitres
sont semblables à de grandes fresques qui répondent à certaines questions
fondamentales de l’humanité: quelle est l’origine de l’univers et du genre
humain ? D’où vient le mal ? Pourquoi existe-t-il différentes langues et
civilisations ?
Parmi les récits initiaux de la Bible, apparaît une première "alliance",
établie par Dieu avec Noé, après le déluge. Il s’agit d’une alliance
universelle, qui concerne l’humanité toute entière: le nouveau pacte avec la
famille de Noé est aussi un pacte avec "toute chair".
Puis, avant la vocation d’Abraham, on trouve une autre grande fresque très
importante pour comprendre le sens de l’Epiphanie: celle de la tour de
Babel. Le texte sacré affirme qu’à l’origine "la terre entière se servait de
la même langue et des mêmes mots" (Genèse 11,1).
Par la suite, les hommes dirent: "Allons, bâtissons-nous une ville et une
tour dont le sommet touche le ciel. Faisons-nous un nom afin de ne pas être
dispersés sur toute la surface de la terre" (Genèse 11, 4).
La conséquence de ce péché d’orgueil, semblable à celui d’Adam et Eve, a été
la confusion des langues et la dispersion de l’humanité sur toute la surface
de la terre (cf. Genèse 11, 7-8). Voilà ce que
signifie "Babel". Ce fut une sorte de malédiction, semblable à l’expulsion
du paradis terrestre.
C’est à ce moment que commence l’histoire de la bénédiction, avec la
vocation d’Abraham: c’est le début du grand dessein de Dieu de faire de
l’humanité une famille par l’alliance avec un peuple nouveau, choisi par lui
pour être une bénédiction au milieu de tous les peuples de la terre
(cf. Genèse 12,1-3).
Ce plan divin est encore en cours et il a connu son point culminant dans le
mystère du Christ.
Depuis lors ont commencé les "derniers temps", en ce sens que le dessein a
été entièrement révélé et réalisé dans le Christ, mais qu’il demande à être
accueilli par l’histoire de l’homme, qui reste toujours une histoire de
fidélité de la part de Dieu et malheureusement aussi d’infidélité de la part
de nous les hommes. L’Église elle-même, dépositaire de la bénédiction, est
sainte et composée de pécheurs, marquée par la tension entre le "déjà" et le
"pas encore". Dans la plénitude des temps, Jésus-Christ est venu accomplir
l’alliance: Lui-même, vrai Dieu et vrai homme, est le Sacrement de la
fidélité de Dieu à son dessein de salut pour l’humanité toute entière, pour
nous tous.
L’arrivée des mages venus d’Orient à Bethléem pour adorer le nouveau-né
Messie, est le signe de la manifestation du Roi universel aux peuples et à
tous les hommes qui cherchent la vérité.
C’est le début d’un mouvement opposé à celui de Babel: de la confusion vers
la compréhension, de la dispersion à la réconciliation. Nous percevons ainsi
un lien entre l’Épiphanie et la Pentecôte: si le Noël du Christ, qui est la
Tête, est aussi le Noël de l’Église, son corps, nous voyons dans les Mages
les peuples qui s’agrègent au reste d’Israël, annonçant ainsi le grand signe
de l’"Église polyglotte", accompli par l’Esprit Saint cinquante jours après
Pâques. L’amour fidèle et tenace de Dieu, qui n’a jamais manqué à son
alliance de génération en génération, est le "mystère" dont parle saint Paul
dans ses lettres, y compris dans le passage de la Lettre aux Ephésiens
proclamé tout à l’heure au cours de la messe. L’Apôtre affirme qu’"il a eu
connaissance de ce mystère par révélation" (Éphésiens 3,2) et qu’il est
chargé de le faire connaître.
Ce "mystère" de la fidélité de Dieu constitue l’espérance de l’histoire.
Certes, des poussées de division et d’oppression, qui déchirent l’humanité à
cause du péché et du combat des égoïsmes, s’y opposent. Au cours de
l’histoire, l’Église est au service de ce "mystère" de bénédiction pour
l’humanité toute entière. Dans ce mystère de la fidélité de Dieu, l’Église
ne remplit parfaitement sa mission que lorsqu’elle reflète en elle-même la
lumière du Christ Seigneur et vient ainsi en aide aux peuples du monde sur
la voie de la paix et du vrai progrès.
En effet cette parole que Dieu nous a révélée par la bouche du prophète
Isaïe est toujours valable: "Les ténèbres couvrent la terre et un
brouillard, les cités, mais sur toi le Seigneur va se lever et sa gloire,
sur toi, est en vue" (Isaïe 60,2). Ce que le prophète annonce à Jérusalem
s’accomplit dans l’Église du Christ: "Les nations vont marcher vers ta
lumière et les rois vers la clarté de ton lever" (Isaïe 60,3).
Avec Jésus-Christ, la bénédiction d’Abraham s’est étendue à tous les
peuples, à l’Église universelle en tant que nouvel Israël qui accueille en
son sein l’humanité toute entière.
Mais aujourd’hui encore, ce que disait le prophète reste vrai à bien des
égards: "un brouillard couvre les cités" et notre histoire. En effet, on ne
peut pas dire que la globalisation soit synonyme d’ordre mondial, bien au
contraire. Les conflits pour la suprématie économique et l’accaparement des
ressources énergétiques ou hydriques et des matières premières rendent
difficile le travail de ceux qui, à tous les niveaux, s’efforcent de
construire un monde juste et solidaire.
Nous avons besoin d’une plus grande espérance, pour pouvoir préférer le bien
de tous au luxe de quelques uns et à la misère du plus grand nombre. "Cette
grande espérance ne peut être que Dieu seul... Non pas n'importe quel dieu,
mais le Dieu qui possède un visage humain" ("Spe
Salvi", n° 31):
le Dieu qui s’est manifesté dans l’Enfant de Bethléem et dans le
Crucifié-Ressuscité.
S’il y a une grande espérance, l’on peut persévérer dans la sobriété. Si la
vraie espérance fait défaut, on cherche le bonheur dans l’ivresse, dans le
superflu, dans les excès, et l’on détruit soi-même et le monde. La
modération n’est donc pas seulement une règle ascétique, mais aussi une voie
de salut pour l’humanité. Il est désormais évident que ce n’est qu’en
adoptant un mode de vie sobre, accompagné par un engagement sérieux pour une
distribution équitable des richesses, qu’il sera possible d’instaurer un
ordre de développement juste et durable.
Pour cela, il faut des hommes qui nourrissent une grande espérance et qui
possèdent donc beaucoup de courage: le courage des Mages, qui ont entrepris
un long voyage en suivant une étoile et qui ont su s’agenouiller devant un
Enfant et lui offrir leurs précieux dons. Nous avons tous besoin de ce
courage, enraciné dans une solide espérance. Que Marie nous l’obtienne, en
nous accompagnant au cours de notre pèlerinage terrestre avec sa protection
maternelle. Amen!
Et le pape a dit aux diplomates...
Dans le discours que Benoît XVI a lu le 7 janvier au corps diplomatique
accrédité près le Saint-Siège, les passages les plus significatifs sont
consacrés au dialogue interculturel et interreligieux et aux "droits fondés
sur ce qui est permanent et essentiel à la personne humaine".
Concernant le dialogue interreligieux, le pape a exprimé à nouveau sa
gratitude pour la lettre que lui ont adressée en octobre dernier 138
personnalités musulmanes. Il a souhaité que puisse en sortir une
"collaboration sur des thèmes d'intérêt mutuel, comme la dignité de la
personne humaine, la recherche du bien commun, la construction de la paix et
le développement".
Concernant les droits essentiels de la personne, Benoît XVI a dénoncé les
violations de la liberté religieuse, les pièges tendus "à l'intégrité de la
famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme" et "les attaques
continuelles perpétrées, sur tous les continents, contre la vie humaine":
"Je voudrais rappeler, avec tant de chercheurs et de scientifiques, que les
nouvelles frontières de la bioéthique n'imposent pas un choix entre la
science et la morale, mais qu'elles exigent plutôt un usage moral de la
science. D'autre part, rappelant l'appel du pape Jean-Paul II à l'occasion
du grand Jubilé de l'An 2000, je me réjouis que, le 18 décembre dernier,
l'assemblée générale des Nations Unies ait adopté une résolution appelant
les États à instituer un moratoire sur l'application de la peine de mort et
je souhaite que cette initiative stimule le débat public sur le caractère
sacré de la vie humaine".
On devine facilement dans ces derniers mots une référence aussi au
"moratoire mondial sur l’avortement" demandé par un nombre croissant de voix
aux orientations culturelles et religieuses très diverses.
Le texte intégral du
discours que Benoît XVI a lu le 7 janvier 2008 au corps diplomatique :
Benoît XVI s'adresse au corps diplomatique
Sources:
La chiesa.it
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 09.01.2008 - BENOÎT XVI
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