Ci-dessus moteur de recherche


ACCUEIL

BENOÎT XVI

LÉON XIV

CHRIST MISERICORDIEUX

L'EVANGILE DU JOUR

LA FAMILLE

TEXTES DU VATICAN

JEAN PAUL II

FARNESE LOUIS-CHARLES

ACTUALITE DE L'EGLISE

CATECHESES

LITURGIE

LES JEUNES

FIDELES LAICS

JOUR DU SEIGNEUR

SERVANTS DE MESSE

SPIRITUALITE

THEOLOGIE

VOCATIONS

VOYAGE APOSTOLIQUE

GALERIE PHOTOS

TV VATICAN

MEDITATIONS

QUI SOMMES NOUS

NOUS CONTACTER
 
BIBLIOTHEQUE
.
STATISTIQUES
 
Ouverture du site
19 Avril 2005
 

Benoît XVI :  Le Dieu de la foi et le Dieu des philosophes

Le 08 mai 2023 - E.S.M. -  La religion antique a d'ailleurs été ruinée à cause de cet abîme entre le Dieu de la foi et le Dieu des philosophes, à cause de la totale disjonction entre la raison et la piété. Parce que l'on n'avait pas réussi à unir les deux, mais séparé toujours davantage la raison et la piété, le Dieu de la foi et le Dieu des philosophes, la ruine de la religion antique était devenue inévitable.

L’alpha, l'oméga et le chrisme - Pour agrandir l'image ► Cliquer  

 

Benoît XVI : Le Dieu de la foi et le Dieu des philosophes

Article précédent : Benoît XVI : L'idée du nom

I. L'OPTION DE L'ÉGLISE PRIMITIVE POUR LA PHILOSOPHIE

    Le choix dont témoigne l'image biblique de Dieu a dû être répété aux origines du christianisme et de l'Église ; au fond, il doit être renouvelé dans chaque situation spirituelle ; il demeure toujours à la fois une exigence et un don. La prédication et la foi chrétiennes primitives se retrouvaient dans un monde saturé de dieux, affrontées à nouveau au problème qui s'était posé à Israël à ses débuts, et dans ses luttes avec les grandes puissances pendant et après l'exil. Il s'agissait à nouveau de définir le Dieu confessé par la foi chrétienne. Le choix du christianisme, il est vrai, pouvait se rattacher à la longue lutte qui l'avait précédé, notamment à la dernière phase dont témoigne le Deutéro-Isaïe et la littérature sapientielle; il pouvait profiter du progrès réalisé par la traduction grecque de l'Ancien Testament, et finalement des écrits du Nouveau Testament, spécialement de l'Évangile de Jean. A la suite de cette longue histoire, la chrétienté primitive a opéré son choix et son travail de purification de façon décidée et audacieuse, en se prononçant pour le Dieu des philosophes contre les dieux des religions. Aux païens qui demandaient : « A qui correspond le Dieu des chrétiens ? à Zeus peut-être, ou à Hermès ou à Dionysos ou à quel autre ? » le chrétien répondait : « A aucun de tous ceux-là ! A aucun de ces dieux que vous priez. Notre Dieu est précisément celui que vous n'invoquez pas, l'Être Suprême dont parlent vos philosophes. » L'Église primitive a catégoriquement repoussé toutes les religions antiques, les considérant toutes comme imposture et fantasmagorie. « Le Dieu que nous vénérons, disait-elle, c'est l'Être même que les philosophes ont reconnu comme le principe de tout être, comme le Dieu supérieur à toutes les puissances ; c'est Lui seul notre Dieu. » Un tel choix et une telle option représentent un processus qui n'est ni moins providentiel ni moins décisif pour l'avenir que ne l'a été le choix de «.El » et de « jah » contre Moloch et Baal, et l'évolution ultérieure des deux, devenus « Elohim » et « Yahvé », vers l'idée d'être. Le choix ainsi opéré signifiait l'option pour le logos contre toute espèce de mythos, la démythologisation définitive du monde et de la religion. Ce choix pour le logos contre le mythos a-t-il été la bonne voie ? Pour répondre, nous devons retenir tout ce que nous avons dit jusqu'à présent sur l'évolution interne de la pensée biblique au sujet de Dieu. Les derniers pas avaient, en fait, déjà orienté en ce sens, dans le monde hellénistique, la pensée chrétienne. Il faut noter aussi que le monde antique lui-même connaissait parfaitement le dilemme entre le Dieu de la foi et le Dieu des philosophes. Entre les dieux mythiques des religions et la connaissance philosophique de Dieu s'était développée au cours de l'histoire une tension toujours accrue, manifestée dans la critique des mythes par les philosophes, de Xénophane à Platon. Ce dernier tenta même de supprimer le mythe homérique classique pour le remplacer par un mythe nouveau, conforme au logos. La recherche actuelle découvre de plus en plus l'existence d'un étonnant parallélisme réel et temporel, entre la critique philosophique des mythes en Grèce et la critique prophétique des dieux en Israël. Les deux, il est vrai, partent de présupposés totalement différents et poursuivent des buts divergents. Mais le mouvement opposant le logos au mythos, tel qu'il s'est produit dans l'esprit grec au temps du rationalisme philosophique, pour aboutir finalement à la chute des dieux, présente un étroit parallélisme avec le mouvement entrepris par les prophètes et la littérature sapientielle pour démythologiser les puissances divines en faveur du Dieu unique. Les deux mouvements, malgré toutes les divergences, coïncident dans une même tendance vers le logos. Le rationalisme philosophique et la contemplation « physique » de l'être ont évincé de plus en plus l'apparence mythique, sans supprimer toutefois la forme religieuse du culte des dieux. La religion antique a d'ailleurs été ruinée à cause de cet abîme entre le Dieu de la foi et le Dieu des philosophes, à cause de la totale disjonction entre la raison et la piété. Parce que l'on n'avait pas réussi à unir les deux, mais séparé toujours davantage la raison et la piété, le Dieu de la foi et le Dieu des philosophes, la ruine de la religion antique était devenue inévitable. La religion chrétienne devrait s'attendre à un sort identique, si elle se laissait entraîner à une semblable coupure par rapport à la raison et à un repli pareil dans le religieux pur. C'est l'attitude que prône Schleiermacher ; et nous la trouvons aussi en un certain sens, assez paradoxalement, chez Karl Barth, le grand critique et adversaire de Schleiermacher.

     La destinée opposée du mythe et de l'Évangile dans le monde antique, la fin du mythe et la victoire de l'Évangile sont à expliquer essentiellement, au point de vue de l'histoire de la pensée, à partir du rapport antinomique établi dans les deux cas entre religion et philosophie, entre foi et raison. Le paradoxe de la philosophie antique consiste, sous le rapport de l'histoire des religions, dans le fait d'avoir détruit le culte au niveau de la pensée, et essayé en même temps de le légitimer au niveau de la religion ; en d'autres termes : elle n'était pas révolutionnaire en matière de religion mais tout au plus réformiste ; pour elle, la religion était une question de règle de vie et non une question de vérité. Paul, à la suite de la littérature sapientielle, a décrit très exactement ce processus, avec le langage de la prédication prophétique et des discours de sagesse de l'Ancien Testament, dans la lettre aux Romains (1, 18-31). Déjà le livre de la Sagesse (Sg 13-15) évoque ce destin fatal de la religion antique, ainsi que le paradoxe inhérent à la dissociation entre la vérité et la piété. Les idées largement développées là, Paul les résume en quelques versets, où il décrit le sort de la religion antique dans ce cadre de la séparation du logos et du mythos : « car ce qu'on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu en effet le leur a manifesté... mais bien qu'ayant connu Dieu, ils ne lui ont rendu comme à un Dieu ni gloire ni actions de grâces... ils ont changé la gloire de Dieu incorruptible contre une représentation, simple image d'hommes corruptibles, d'oiseaux, de quadrupèdes, de reptiles » (Rm 1, 19-23).

    La religion ne suit pas le chemin du logos, elle reste attaché au mythos, dont pourtant elle a perçu la vacuité. A partir de ce moment-là, sa chute devient inévitable. En se coupant de la vérité la religion finit par n'être plus considérée que comme une simple institutio vitæ, comme un simple cadre de vie, un certain style de vie. A l'encontre de cette situation, la position chrétienne a été vigoureusement décrite par Tertullien dans cette expression superbe et audacieuse : «
Le Christ s'est désigné comme la Vérité et non pas comme la Coutume 15. » C'est là, à mon sens, une très grande affirmation de la théologie des Pères. La lutte de l'Église primitive et la tâche permanente qui incombe à la foi chrétienne, si elle veut rester elle-même, s'y trouvent résumées avec une densité extraordinaire. A l'idolâtrie de la consuetudo romana, des traditions de la ville de Rome qui avait fait de ses coutumes la norme ultime de la conduite, s'oppose le droit exclusif de la vérité. Le christianisme s'est rangé de façon décisive du côté de celle-ci, et par le fait même il s'est détourné d'une conception de la religion réduite à n'être qu'un système de cérémonies, susceptible à la rigueur de recevoir un certain sens au prix d'un effort d'interprétation.

    Ajoutons encore une remarque pour préciser ce qui précède. L'antiquité était arrivée à concilier rationnellement le dilemme de sa religion, de sa coupure d'avec la vérité reconnue par la philosophie, grâce à l'idée d'une triple théologie : physique, politique et mythique. Elle avait justifié la disjonction entre le mythos et le logos par la considération de la sensibilité populaire et du bien de l'État, la théologie mythique s'accordant avec une théologie politique. Autrement dit, elle avait opposé vérité et coutume, utilité et vérité. Les défenseurs de la philosophie néo-platonicienne ont fait un pas de plus. Ils donnaient du mythe une interprétation ontologique, en l'expliquant comme une théologie symbolique et en essayant de l'utiliser, au moyen d'une exégèse, comme voie d'accès à la vérité. Or ce qui ne peut survivre que grâce à une interprétation, en fait, a déjà cessé de vivre. Naturellement, l'esprit humain se porte vers la vérité elle-même et non pas vers ce qui, par les détours d'une méthode d'interprétation, est présenté comme étant compatible avec la vérité, mais il n'a plus aucune espèce de vérité.


    Il est frappant de voir à quel point ces deux procédés sont d'actualité. A un moment où la vérité du fait chrétien semble se dissoudre et disparaître, on voit se dessiner à nouveau, dans la lutte du christianisme pour son existence, les deux méthodes précisément par lesquelles le polythéisme antique, sans y réussir, a essayé de faire face à son agonie. D'une part, on abandonne la sphère de la vérité rationnelle pour se cantonner dans un domaine de pure religiosité, de pure foi, de pure révélation. Cet abandon, qu'on le veuille ou non, ressemble étrangement à celui du logos par la religion antique, à la fuite devant la vérité vers la simple coutume, devant la physis vers la politique. D'autre part, précise 
Benoît XVI,  il y a ce que j'appellerais en bref un christianisme d'interprétation. Grâce à la méthode d'interprétation, on supprime le scandale chrétien, en le dépouillant de son caractère choquant. Mais, de la sorte, on substitue à sa réalité une simple phraséologie ; on prend un détour inutile pour dire la vérité simple, que, par une exégèse compliquée, on donne comme le sens véritable.

    A l'encontre, l'option chrétienne primitive est radicalement différente. La foi chrétienne - nous l'avons vu - a opté contre les dieux des religions pour le Dieu des philosophes, c'est-à-dire contre le mythos de la seule coutume pour la vérité de l'être lui-même. D'où le reproche d'athéisme adressé aux premiers chrétiens. L'Église primitive, en effet, refusait tout l'univers de l'antique religio, le déclarant inacceptable et le rejetant comme de vaines coutumes contraires à la vérité. Quant au Dieu des philosophes qui avait trouvé grâce, l'antiquité lui attribuait peu d'importance au point de vue religieux ; on le considérait comme une réalité académique, étrangère à la religion.
Le laisser subsister, ne reconnaître que lui seul, apparaissait comme irréligion, négation de la religion et athéisme. Le soupçon d'athéisme contre lequel le christianisme primitif eut à se défendre, met en évidence son orientation spirituelle, son option contre la religio et la coutume dépourvue de vérité, pour la seule vérité de l'être.


Note :
15. Dominus noster Christus veritatem se, non consuetudinem cognominavit : « De virginibus velandis I, 1, » dans» Corpus chrlstianorum seu nova Patrum collectio (CChr), II, 1209.

A suivre : Benoît XVI : Transformation du Dieu des Philosophes

 

Les lecteurs qui désirent consulter les derniers articles publiés par le site Eucharistie Sacrement de la Miséricorde, peuvent cliquer sur le lien suivant  E.S.M. sur Google actualité

Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -  E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 08.05.2023

 

 » Sélection des derniers articles  
page précédente haut de page page suivante