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19 Avril 2005
 

Benoît XVI : Transformation du Dieu des Philosophes

Le 11 mai 2023 - E.S.M. -  L'unité paradoxale du Dieu de la foi et du Dieu des philosophes, base de l'image chrétienne de Dieu, est exprimée dans le Symbole par la juxtaposition des deux attributs : « Père » et « Maître de toutes choses. » Le deuxième titre - « Pantocrator » en grec - évoque la formule vétéro-testamentaire de « Yahvé Sabaoth » dont il est impossible d'établir le véritable sens. Littéralement elle signifie : « Dieu des multitudes », « Dieu des puissances » ; parfois la Septante traduit par « Seigneur des puissances »

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II. TRANSFORMATION DU DIEU DES PHILOSOPHES

    Mais il reste à voir l'autre aspect du processus. En optant pour le seul Dieu des philosophes, en affirmant qu'il était le Dieu à qui l'on pouvait s'adresser et qui parle à l'homme, la foi chrétienne lui a donné une signification toute nouvelle ; elle l'a dégagé de ses formes académiques par une transformation profonde. Considéré jusque-là comme un être neutre, Concept suprême et ultime, conçu comme l'Être pur ou la Pensée pure, ce Dieu restait éternellement replié sur lui-même, sans relation avec l'homme et son petit univers. Ce Dieu des philosophes, dont l'éternité et l'immutabilité excluaient tout rapport avec le changement et le devenir, apparaît maintenant à la foi comme le Dieu des hommes. Loin d'être uniquement pensée de la Pensée, éternelle mathématique de l'univers, II est aussi Agapè, puissance d'amour créateur. En ce sens, il y a dans la foi chrétienne une expérience analogue à celle que fit Pascal en cette nuit lumineuse, où il écrivit sur un papier (qu'il portait dans la suite cousu dans la doublure de sa veste) ces mots : « Feu. Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants. » Face à un Dieu redevenu de la pure mathématique, il avait refait l'expérience du Buisson ardent ; il avait discerné la raison de cette Géométrie éternelle de l'univers : un Dieu qui est Amour créateur, qui est Buisson ardent d'où jaillit un nom qui le fait entrer dans le monde de l'homme. En ce sens, il y a dans la foi l'expérience que le Dieu des philosophes est tout autre qu'ils ne l'avaient imaginé, sans cesser d'être ce qu'ils avaient trouvé. On ne le connaît vraiment qu'après avoir compris qu'il est la vérité et le principe de tout être en même temps que le Dieu de la foi et le Dieu des hommes.

    Pour se rendre compte de la transformation subie par le concept philosophique de Dieu par suite de son identification au Dieu de la foi, il suffit de prendre un texte biblique. Par exemple, chez Luc 15, 10, la parabole de la brebis perdue et de la drachme perdue. Au départ, il y a le scandale des scribes et des pharisiens, choqués de voir Jésus se mettre à table avec les pécheurs. En réponse, Jésus évoque l'homme, propriétaire de cent brebis, qui, à la suite de la perte d'une seule, va à sa recherche ; quand il la retrouve, il en ressent une joie plus grande que pour ses quatre-vingt-dix-neuf autres qui étaient restées. La parabole de la drachme perdue et retrouvée, procurant une joie plus grande que les autres non perdues, va dans le même sens : « C'est ainsi qu'il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf autres justes, qui n'ont pas besoin de repentir » (15, 7). Par cette parabole Jésus justifie et caractérise son œuvre et sa mission d'Envoyé de Dieu. Il nous instruit non seulement sur les rapports de Dieu et de l'homme mais aussi sur la nature même de Dieu.


    Si nous essayons de dégager l'enseignement du texte, nous devrons dire : le Dieu que nous y rencontrons, nous apparaît, ainsi que dans maints textes de l'Ancien Testament, très anthropomorphe et très peu philosophique ; il a des passions humaines, il se réjouit, il cherche, il attend, il va à la rencontre. Il n'est pas l'insensible géométrie de l'univers, il n'est pas une justice neutre, dominant les choses sans être troublé par les sentiments d'un cœur ; il a un cœur, il aime, il a tout le comportement inexplicable de celui qui aime. Nous voyons ainsi à quel point la pensée purement philosophique a été transformée ; nous voyons également à quel point nous sommes encore restés en deçà de cette identification du Dieu de la foi et du Dieu des philosophes, combien nous sommes incapables de la réaliser pleinement. N'est-ce pas, au fond, la cause de notre fausse image de Dieu et de notre fausse compréhension de la réalité chrétienne ?


    La majorité des hommes d'aujourd'hui accordent volontiers, sous une forme ou sous une autre, qu'il existe quelque chose comme un « Être suprême ». Mais on trouve plutôt incompréhensible qu'il ait à s'occuper des hommes ; nous avons le sentiment - et même celui qui cherche à croire ne peut s'en défendre entièrement - que l'on a affaire à un anthropomorphisme naïf, à une mentalité parfaitement primitive, excusable pour l'homme vivant encore dans un petit univers où l'on prenait le disque terrestre pour le centre de toutes choses, et où Dieu n'avait d'autre occupation que de le contempler du haut du ciel. Mais aujourd'hui, pensons-nous, alors que nous savons combien tout cela est faux, combien la terre est insignifiante dans l'immense cosmos, et combien aussi, par voie de conséquence, le grain de poussière qu'est l'homme est insignifiant en face des dimensions cosmiques, dans ce contexte, il paraît insensé de croire à un Être suprême s'intéressant à l'homme, à son monde minuscule et misérable, à ses soucis, à ses péchés et à ses vertus. Or, en croyant parler ainsi dignement de Dieu, nous en avons, en fait, une opinion bien mesquine et trop humaine, comme s'il devait, pour ne pas perdre de vue l'ensemble, se limiter à un choix. De la sorte, nous le représentons avec une conscience limitée comme la nôtre, obligé de se fixer sur un point, incapable d'embrasser le Tout.


    Face à cette conception mesquine, il faut évoquer l'épigraphe, placée par Hölderlin en tête de son Hyperion et qui pourrait nous rappeler l'image chrétienne de la vraie grandeur de Dieu : « Non carceri maximo, contineri tamen a minimo, divinum est ne pas être enfermé par ce qu'il y a de plus grand, se laisser enfermer par ce qu'il y a de plus petit, voilà qui est divin. » L'Esprit infini qui porte en Lui la totalité de l'être, dépasse ce qu'il y a de plus grand, car le plus grand est peu de chose pour Lui ; II pénètre dans ce qu'il y a de plus petit, car rien n'est trop petit pour Lui. Dépasser le plus grand et pénétrer au cœur du plus petit, voilà précisément la véritable essence de l'Esprit absolu. En même temps apparaît ici un renversement des valeurs de maximum et de minimum, de plus grand et de plus petit, qui est caractéristique de la conception chrétienne du réel. Pour l'Esprit qui porte et embrasse tout l'univers, un esprit, un cœur d'homme capable d'aimer, dépasse en grandeur tous les systèmes de voies lactées. Les critères quantitatifs sont dépassés, un nouvel ordre de grandeurs apparaît, suivant lequel l'infinie petitesse est la véritable grandeur.
16.

    Un autre préjugé peut ici encore être démasqué. Il nous paraît tout naturel, en fin de compte, que l'infiniment grand, l'Esprit absolu soit exempt de sensibilité et de passion et qu'il ne soit en fait que pure mathématique de l'univers. Spontanément, nous insinuons par là que penser est supérieur à aimer, alors que le message de l'Évangile et l'image chrétienne de Dieu corrigent en cela la philosophie, en nous apprenant que l'amour dépasse la pensée pure. La Pensée absolue est amour et non pas une Pensée indifférente; elle est créatrice parce qu'elle est amour.


En résumé, nous dirions que la foi, en se rattachant sciemment au Dieu des philosophes, a opéré deux corrections essentielles de la pensée philosophique :


a) Le Dieu des philosophes est essentiellement ordonné à lui-même, il est pure Pensée, se contemplant elle-même. Le Dieu de la foi, au contraire, est défini fondamentalement par la catégorie de la relation. Il est l'Immensité créatrice qui embrasse la totalité. Ainsi se dessine une nouvelle image du monde, un ordre du monde tout nouveau : la perfection de l'être n'est plus dans l'indépendance de celui qui se suffit à lui-même et qui subsiste en lui-même. La réalisation suprême de l'être inclut au contraire l'élément relationnel. Est-il besoin de souligner quelle révolution cela doit représenter pour l'orientation existentielle de l'homme, si la grandeur suprême n'est plus constituée par l'autarcie absolue, fermée sur elle-même, si cette grandeur est au contraire aussi relation, puissance créatrice, qui crée, porte et aime d'autres êtres...


b) Le Dieu des philosophes est Pensée pure ; cela suppose à la base, la conception que la pensée, la pensée seule, est divine. Le Dieu de la foi est Amour. Pour Lui, penser, c'est aimer. Cette conception repose sur la conviction qu'aimer est divin. Le logos de l'univers, la Pensée créatrice originelle est en même temps Amour; cette Pensée est créatrice, parce que, comme Pensée, elle est amour, et comme amour, pensée. Il y a identité originelle entre vérité et amour; réalisées en perfection, ce ne sont pas deux réalités juxtaposées ni surtout opposées, mais elles forment un seul et même être, l'unique Absolu. Ici apparaît également le point d'attache pour la confession du Dieu un et trine, dont nous aurons à reparler.


III. REFLET DU PROBLÈME DANS LE SYMBOLE


    L'unité paradoxale du Dieu de la foi et du Dieu des philosophes, base de l'image chrétienne de Dieu, est exprimée dans le Symbole par la juxtaposition des deux attributs : « Père » et « Maître de toutes choses. » Le deuxième titre - « Pantocrator » en grec - évoque la formule vétéro-testamentaire de « Yahvé Sabaoth » dont il est impossible d'établir le véritable sens. Littéralement elle signifie : « Dieu des multitudes », « Dieu des puissances » ; parfois la Septante traduit par « Seigneur des puissances ». Quoi qu'il en soit de son origine, on peut dire que cette expression vise à désigner Dieu comme le Maître du ciel et de la terre ; dans une intention polémique contre la religion astrologique de Babylone, elle voulait surtout le présenter comme le Seigneur à qui même les astres appartiennent, ceux-ci ne pouvant exister comme puissances divines indépendantes : les astres ne sont pas des dieux, mais les instruments de Dieu, à sa disposition comme les armées le sont à leur chef. Le mot Pantocrator revêt donc d'abord un sens cosmique ; par la suite il prend aussi un sens politique ; il désigne Dieu comme le Souverain de tous les seigneurs
17. En appelant Dieu à la fois « Père » et « Maître de toutes choses », le Credo a joint un concept familial à un concept de puissance cosmique, pour décrire l'unique Dieu. Par là, il exprime exactement le problème de l'image chrétienne de Dieu : la tension entre la puissance absolue et l'amour absolu, entre l'éloignement absolu et la proximité absolue, entre l'Être absolu et l'attention portée à ce qu'il y a de plus humain dans l'homme, la compénétration du maximum et du minimum que nous avons mentionnée.

    Le mot « Père » qui reste encore indéterminé quant à son objet, rattache le premier article de foi au deuxième ; il renvoie à la christologie, reliant ainsi intimement les deux parties et rendant le discours sur Dieu pleinement intelligible par le regard sur le Fils. Ce que signifie, par exemple, la « toute-puissance », la « souveraineté », ne devient clair, au sens chrétien, qu'auprès de la crèche et de la croix. Lorsque Dieu, reconnu comme le Tout-Puissant, est allé jusqu'à l'extrême limite de l'impuissance, en se livrant à la plus petite de ses créatures, alors seulement il est possible de formuler le vrai concept chrétien de la souveraineté de Dieu. De là naît un nouveau concept de puissance, de souveraineté et de seigneurerie. Il apparaît, précise  Benoît XVI, que la puissance suprême est celle qui ne craint pas de renoncer totalement à la puissance ; sa force vient, non de la violence, mais de la liberté de l'amour qui, même repoussé, est encore plus fort que la force triomphante des puissances terrestres. C'est ici seulement que se réalise définitivement la correction des critères d'appréciation et des dimensions, annoncée dans la juxtaposition du maximum et du minimum.

Notes :
16. La question de l'origine de l' « épitaphe de Loyola », citée par Hölderlin, a été élucidée par K. RAHNER, « Die Grabschrift des Loyola », dans Stimmen der Zeit, 72 Jahrgang, p. 139. Band (Februar 1947), pp. 321-337 : La citation provient du grand ouvrage : Imago primi sæculi Societatls Jesu a provincla Flandro-Belgica eiusdem Societatis repræsentata, Antwerpen, 1640. On y trouve aux pages 280-282 un Elogium sépulcrale Sancti Ignatii, écrit par un jeune Jésuite flamand, sans indication de nom, et d'où la phrase est tirée: - cf. aussi HÖLDERLIN, III (éd. F. Beissner) Stuttgart, 1965, pp. 346 s. - La même idée est exprimée dans un grand nombre de textes impressionnants du judaïsme tardif ; cf. à ce sujet, P. KUHN, Gottes Selbsterniedrlgung In der Théologie der Robbinen, München, 1968, surtout pp. 13-22.
17. KATTENBUSCH, II, 526: - P. VAN IMSCHOOT, « Heerscharen », dans H. HAAG, Bibellixikon, Einsiedeln, 1951, pp. 667-669.

A suivre : Le primat du Logos


 

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Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -  E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 01.04.2023

 

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