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19 Avril 2005
 

Benoît XVI plaide pour la distinction entre le politique et le religieux

 

Le 07 octobre 2008 - (E.S.M.) - La rencontre à l'Élysée entre le président Sarkozy et le pape Benoît XVI a été l'occasion pour les deux hommes de prononcer deux discours importants sur le thème des rapports entre l'Église et l'État. Analyse des deux discours, par Christophe Geffroy

Le pape Benoît XVI et le président Sarkozy- Pour agrandir l'image Cliquer

Benoît XVI plaide pour la distinction entre le politique et le religieux

Deux visions de la laïcité

Le 07 octobre 2008 -  Eucharistie Sacrement de la Miséricorde - Le pape Benoît XVI a reçu vendredi dernier au Vatican les membres du Conseil d'administration de l'association laïque américaine des Chevaliers de Colomb, à Rome en ce moment dans le cadre de l'Année Saint-Paul. Trois ans avant d'être élu président, Nicolas Sarkozy avait publié un livre d'entretiens, La République, les religions, l'espérance (1), qui devait montrer son intérêt pour la religion, pour toutes les religions. L'ouvrage était critiquable à bien des égards, il révélait un total relativisme par rapport aux religions et une vision très irénique, voire naïve de l'islam. Mais enfin, il avait le mérite de poser la question religieuse dans le débat politique sans a priori négatif sur le fait religieux lui-même. Dans notre régime républicain où laïcité rime trop souvent avec laïcisme - c'est-à-dire le ferme rejet de Dieu et de la religion de toute dimension publique -, le fait méritait d'être signalé. Et on ne peut nier à Nicolas Sarkozy une certaine constance sur ce sujet, puisque depuis son élection, deux discours importants confirment sa volonté d'apaiser les relations entre l'État et l'Église catholique : son allocution au Palais du Latran le 20 décembre 2007 et son allocution à l'Élysée adressée au pape Benoît XVI le 12 septembre dernier.

Au Latran, le président français avait reconnu fièrement le passé catholique de la France et ses profondes racines chrétiennes - « c'est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l'Église », avait-il affirmé d'emblée. Il avait regretté « les souffrances » subies par les catholiques lors de l'instauration de la laïcité, tout en voyant dans le régime actuel « une liberté », pour la religion comme pour toute foi, « une chance » et même « une condition de la paix civile ». « La laïcité, plaidait-il, n'a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes ». Aussi faut-il les assumer tout en défendant la laïcité « enfin parvenue à maturité ». Celle-ci, le président la qualifiait de « laïcité positive », puisqu'elle « ne considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout ». C'est l'intérêt même de la République d'avoir des religions qui donnent « un sens à l'existence » et qui permettent à « la morale laïque » de s'adosser « à une espérance qui comble l'aspiration à l'infini »; « la France a besoin de catholiques convaincus qui ne craignent pas d'affirmer ce qu'ils sont et ce en quoi ils croient », concluait Nicolas Sarkozy.

Neuf mois plus tard, son discours à Benoît XVI reprend les mêmes thèmes et, après avoir reconnu que la contribution du christianisme « à l'histoire de France, à l'histoire du monde, à la civilisation, n'est ni contestable, ni contestée », le président français a expliqué que « la laïcité positive offre à nos consciences la possibilité d'échanger [...] sur le sens que nous voulons donner à nos existences » (?). Puis, l'homme du « travailler plus pour gagner plus », affirme que « la croissance économique n'a pas de sens si elle est sa propre finalité. Consommer pour consommer, croître pour croître, n'a aucun sens ». Ces références à la doctrine sociale de l'Église, comme au bien commun, sont pour le moins rarissimes chez un président de la République. Ainsi les questions de bioéthique, qui « engagent notre conception de l'homme et de la vie [...] ne peuvent rester l'affaire des seuls experts ». Enfin, Nicolas Sarkozy a été jusqu'à fustiger le relativisme: « à l'heure où le relativisme exerce une séduction croissante, où la possibilité même de connaître et de partager une certaine part de vérité est mise en doute, [...] cette option absolue pour la dignité humaine et son ancrage dans la raison doivent être tenus pour un trésor des plus précieux ».

La réponse de Benoît XVI

En réponse, Benoît XVI a prononcé un discours assez bref, mais d'une grande densité et d'une cohérence qui mettait en lumière les contradictions du propos présidentiel. Benoît XVI a reconnu que « l'Église en France jouit actuellement d'un régime de liberté », avec une situation qui s'est enfin normalisée depuis l'institutionnalisation d'une instance de dialogue en 2002 avec une « bonne volonté
(qui) est réciproque ». Le pape reprend donc l'expression de « laïcité positive » pour ajouter aussitôt « qu'une nouvelle réflexion sur le vrai sens et sur l'importance de la laïcité est devenue nécessaire ». Autrement dit, la situation actuelle n'est pas encore satisfaisante. Il demande que l'on insiste sur « la distinction entre le politique et le religieux, afin de garantir aussi bien la liberté religieuse des citoyens que la responsabilité de l'État envers eux, et d'autre part, de prendre une conscience plus claire de la fonction irremplaçable de la religion pour la formation des consciences et de la contribution qu'elle peut apporter, avec d'autres instances, à la création d'un consensus éthique fondamental dans la société. »

Le pape a ensuite exprimé ses principales préoccupations dans « le monde d'aujourd'hui qui offre peu d'aspirations spirituelles et peu de certitudes matérielles ». Les jeunes, principalement, victimes de l'éclatement de la famille et de la perte de repères, tandis que d'autres « expérimentent les limites d'un communautarisme religieux ». C'est pourquoi il est nécessaire de leur offrir « un bon cadre éducatif ». Les écarts de pauvreté qui augmentent poussent Benoît XVI à rappeler que « c'est à l'État qu'il revient de légiférer pour éradiquer les injustices ». Évoquant les droits de l'homme, il a martelé que ceux-ci n'ont de sens que si l'on considère la personne « depuis sa conception jusqu'à sa mort naturelle », et qu'il ne fallait pas oublier les droits « relatifs à son éducation libre, à sa vie familiale, à son travail, sans oublier naturellement ses droits religieux ». Enfin, à propos de la construction européenne, il s'est arrêté sur la valeur de la nation : « il est important de promouvoir une unité qui ne peut pas et ne veut pas être une uniformité, mais qui est capable de garantir le respect des différences nationales et des diverses traditions culturelles qui constituent une richesse dans la symphonie européenne ». Thème qu'il a repris lors de sa rencontre avec les évêques de France à Lourdes le 14 septembre, en citant le célèbre discours de Jean-Paul II du 2 juin 1980 à l'Unesco qui faisait l'apologie de la nation et de la sauvegarde de son identité culturelle.

Les divergences

Les propos de Nicolas Sarkozy sur la laïcité marquent incontestablement un tournant positif : la religion, Dieu même, étaient des tabous dans tout discours qui se voulait « républicain », et voici qu'un président en parle sans hostilité, mieux en reconnaissant sa juste place au religieux. Pourtant la juxtaposition des allocutions du chef de l'État et du Saint-Père montre assez clairement les limites et les incohérences du premier. Son discours à Riyad, le 14 janvier 2008, va nous aider à le comprendre. Passons sur l'aspect quelque peu démagogique sur l'islam
(avec quelques erreurs en prime) face aux autorités saoudiennes; ce qui nous intéresse ici, c'est son affirmation plusieurs fois réitérée qu'en tant que chef d'un État laïc, il n'avait pas à exprimer de « préférence pour une croyance plutôt que pour une autre »: « je dois les respecter toutes », disait-il ? Dans l'esprit de notre président, toutes les religions se rejoignent sur l'essentiel, sont également respectables, elles « partagent les grandes valeurs de tolérance », c'est-à-dire « les valeurs d'intégrité morale dans la parole et l'action, la tolérance, la solidarité, l'égalité, la dignité [...], la famille ». Quand il évoque leurs crimes ou le fanatisme qu'on y trouve, il les mêle indistinctement comme si toutes étaient touchées de la même façon, tout en affirmant que ces crimes n'ont, en réalité, « rien à voir » avec la religion en tant que telle. Ce propos relève à la fois d'un indifférentisme total en matière religieuse et de la méthode Coué : aujourd'hui, la violence religieuse dans le monde ne provient jamais du christianisme, mais essentiellement de l'islam et de l'hindouisme. Affirmer comme le fait Nicolas Sarkozy que « l'intégrisme, c'est la négation de l'Islam », c'est méconnaître la part de violence inscrite dans le Coran qu'on ne trouve nulle part dans les Évangiles et qui explique le terrorisme islamiste. Autre exemple: on peut sourire à la lecture des « valeurs universelles » des religions selon notre président, lorsqu'il nomme « l'égalité » qui, comme chacun le sait, s'applique particulièrement à l'hindouisme et à son système de castes! Enfin, toute croyance ou toute religion est-elle respectable par le seul fait d'exister ? Serait-il légitime d'accepter les religions sud-américaines qui pratiquaient des sacrifices humains ? Le « politiquement correct » est si fort en ces matières, qu'il est interdit de faire des distinctions élémentaires sans être accusé de « discrimination ».

En réalité, peut-être sans même s'en rendre compte, Nicolas Sarkozy développe une idée de la laïcité dont les principales valeurs ne sont nullement celles de « toutes les grandes religions », mais bel et bien celles du christianisme ou issues de lui et qu'il extrapole aux autres grandes religions. Pour paraphraser Pierre-André Taguieff, il tient un discours « christocentré »! Mais s'il retient des valeurs principalement chrétiennes, il le fait en les déconnectant de toute transcendance: elles perdent de ce fait leur source et leur pouvoir de s'imposer à tous.

Face à cela, le pape rappelle sereinement que c'est le Christ lui-même qui a offert le principe de la distinction des pouvoirs sur lequel repose la saine laïcité. Que celle-ci ne peut se passer « d'un consensus éthique fondamental dans la société ». De nombreuse fois, Benoît XVI a expliqué qu'il n'y avait que la loi naturelle qui pouvait établir ce consensus, comme cela a été le cas durant deux millénaires de civilisation judéo-chrétienne. Il mentionne au passage que les droits de l'homme n'ont de sens qu'appuyés sur une juste vision de la dignité de la personne qui suppose le respect de la vie « depuis sa conception jusqu'à sa mort naturelle ». Sans cet arrimage à une anthropologie qui intègre toute la dimension de l'homme - donc y compris sa dimension spirituelle avec ce qu'elle implique concrètement comme reconnaissance de la transcendance -, les belles intentions du président de la République auront bien du mal à se traduire concrètement: selon quels critères arrêter les « progrès » de la bioéthique ? Qui décidera des limites ? Comment répondre aux revendications de minorités qui bouleversent les mœurs et détruisent la famille sans un recours à une anthropologie objective qui s'impose à tous ? Nicolas Sarkozy a beau fustiger le relativisme, sa vision de la laïcité relève d'une philosophie fondamentalement relativiste et alimente le travers qu'il voudrait combattre. Là est l'incohérence principale de son discours.

Pour sortir de ce cercle vicieux, il faudrait avoir le courage de dire que tout ne se vaut pas
(y compris toutes les religions au regard de nos valeurs fondamentales), que tous les comportements, outre leurs aspects moraux propres à la personne, n'ont pas les mêmes incidences au regard du bien commun. Mais justement, reconnaître le bien commun, comme le président l'a fait dans son discours à Benoît XVI, suppose qu'il existe un... bien - ce que la démocratie moderne tend à ne plus reconnaître - et donc à mettre les moyens en œuvre pour le favoriser. Pour passer de la « laïcité positive » de Nicolas Sarkozy - qui est déjà un progrès par rapport à une laïcité souvent proche du laïcisme - à une saine laïcité, il faudrait, tout en s'inscrivant, comme le président l'a affirmé, dans la tradition de notre civilisation qui reconnaît la liberté religieuse pour tous - autre valeur héritée du christianisme encore peu répandue dans certaines autres grandes religions -, accepter notre principe fondateur qui soumet la volonté de l'homme à une norme morale transcendante inscrite dans la nature même de l'homme et accessible à la raison, la loi naturelle, qui a régi toute la civilisation judéo-chrétienne.

Christophe Geffroy

(1) Entretiens avec Thibaud Collin et le P. Philippe Verdin, Cerf, 2004.
 

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Sources : la nef mensuel catholique d'actualite
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M. sur Google actualité)  07.10.2008 - T/France

 

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