Le Président Sarkozy en visite chez
Benoît XVI, discours au Latran |
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Cité du Vatican, le 20 décembre 2007 -
(E.S.M.)
- Après son audience au pape Benoît XVI ce matin, le président
Nicolas Sarkozy a assisté à une célébration sobre dans la basilique
Saint Jean de Latran où lui a été remise la stalle de Chanoine de la
basilique.
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Le pape Benoît XVI et
le président Sarkozy
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Le Président Sarkozy en visite chez Benoît XVI, discours au Latran
Voici le discours que le président Sarkozy a adressé dans la basilique Saint
Jean de Latran, juste après l'allocution du cardinal Ruini.
Discours de Nicolas Sarkozy au Palais du Latran
Rome, Palais du Latran, jeudi 20 décembre 2007
Messieurs les cardinaux,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Permettez-moi d’adresser mes premières paroles au cardinal Ruini, pour le
remercier très chaleureusement de la cérémonie qu’il vient de présider. J’ai
été sensible aux prières qu’il a bien voulu offrir pour la France et le
bonheur de son peuple. Je veux le remercier également pour l’accueil qu’il
m’a réservé dans cette cathédrale de Rome, au sein de son chapitre.
Je vous serais également reconnaissant, Éminence, de bien vouloir
transmettre à sa Sainteté Benoît XVI mes sincères remerciements pour
l’ouverture de son palais pontifical qui nous permet de nous retrouver ce
soir. L’audience que le Saint Père m’a accordée ce matin a été pour moi un
moment d’émotion et de très grand intérêt. Je renouvelle au Saint Père
l’attachement que je porte à son projet de déplacement en France au deuxième
semestre de l’année 2008. En tant que Président de tous les Français, je
suis comptable des espoirs que cette perspective suscite chez mes
concitoyens catholiques et dans de nombreux diocèses. Quelles que soient les
étapes de son séjour, Benoît XVI sera le bienvenu en France.
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En me rendant ce soir à Saint-Jean de Latran, en acceptant le titre de
chanoine d’honneur de cette basilique, qui fut conféré pour la première fois
à Henri IV et qui s’est transmis depuis lors à presque tous les chefs d’État
français, j’assume pleinement le passé de la France et ce lien si
particulier qui a si longtemps uni notre nation à l’Église.
C’est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de
l‘Église. Les faits sont là. En faisant de Clovis le premier souverain
chrétien, cet événement a eu des conséquences importantes sur le destin de
la France et sur la christianisation de l’Europe. A de multiples reprises
ensuite, tout au long de son histoire, les souverains français ont eu
l’occasion de manifester la profondeur de l’attachement qui les liait à l’Eglise
et aux successeurs de Pierre. Ce fut le cas de la conquête par Pépin le Bref
des premiers États pontificaux ou de la création auprès du Pape de notre
plus ancienne représentation diplomatique.
Au-delà de ces faits historiques, c’est surtout parce que la foi chrétienne
a pénétré en profondeur la société française, sa culture, ses paysages, sa
façon de vivre, son architecture, sa littérature, que la France entretient
avec le siège apostolique une relation si particulière. Les racines de la
France sont essentiellement chrétiennes. Et la France a apporté au
rayonnement du christianisme une contribution exceptionnelle. Contribution
spirituelle et morale par le foisonnement de saints et de saintes de portée
universelle : saint Bernard de Clairvaux, saint Louis, saint Vincent de
Paul, sainte Bernadette de Lourdes, sainte Thérèse de Lisieux, saint
Jean-Marie Vianney, Frédéric Ozanam, Charles de Foucauld… Contribution
littéraire et artistique : de Couperin à Péguy, de Claudel à Bernanos,
Vierne, Poulenc, Duruflé, Mauriac ou encore Messiaen. Contribution
intellectuelle, si chère à Benoît XVI, Blaise Pascal, Jacques Bénigne
Bossuet, Jacques Maritain, Emmanuel Mounier, Henri de Lubac, René Girard…
Qu’il me soit permis de mentionner également l’apport déterminant de la
France à l’archéologie biblique et ecclésiale, ici à Rome, mais aussi en
Terre sainte, ainsi qu’à l’exégèse biblique, avec en particulier l’Ecole
biblique et archéologique française de Jérusalem.
Je veux aussi évoquer parmi vous ce soir la figure du cardinal Jean-Marie
Lustiger qui nous a quittés cet été. Son rayonnement et son influence ont
eux aussi très largement dépassé les frontières de la France. J’ai tenu à
participer à ses obsèques car aucun Français n’est resté indifférent au
témoignage de sa vie, à la force de ses écrits, au mystère de sa conversion.
Pour tous les catholiques, sa disparition a représenté une grande peine.
Debout à côté de son cercueil, j’ai vu défiler ses frères dans l’épiscopat et
les nombreux prêtres de son diocèse, et j’ai été touché par l’émotion qui se
lisait sur le visage de chacun.
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Cette profondeur de l’inscription du christianisme dans notre histoire et
dans notre culture, se manifeste ici à Rome par la présence jamais
interrompue de Français au sein de la Curie, aux responsabilités les plus
éminentes. Je veux saluer ce soir le cardinal Etchegaray, le cardinal
Poupard, le cardinal Tauran, Monseigneur Mamberti, dont l’action honore la
France.
Les racines chrétiennes de la France sont aussi visibles dans ces symboles
que sont les Pieux établissements, la messe annuelle de la Sainte-Lucie et
celle de la chapelle Sainte-Pétronille. Et puis il y a bien sûr cette
tradition qui fait du Président de la République française le chanoine
d’honneur de Saint-Jean de Latran. Saint-Jean de Latran, ce n’est pas rien.
C’est la cathédrale du Pape, c’est la « tête et la mère de toutes les
églises de Rome et du monde », c’est une église chère au cœur des Romains.
Que la France soit liée à l’Eglise catholique par ce titre symbolique, c’est
la trace de cette histoire commune où le christianisme a beaucoup compté
pour la France et la France beaucoup compté pour le christianisme. Et c’est
donc tout naturellement, comme le Général de Gaulle, comme Valéry Giscard
d’Estaing, et plus récemment Jacques Chirac, que je suis venu m’inscrire
avec bonheur dans cette tradition.
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Tout autant que le baptême de Clovis, la laïcité est également un fait
incontournable dans notre pays. Je sais les souffrances que sa mise en œuvre
a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les
congrégations, avant comme après 1905. Je sais que l’interprétation de la
loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en
partie une reconstruction rétrospective du passé. C’est surtout par leur
sacrifice dans les tranchées de la Grande guerre, par le partage des
souffrances de leurs concitoyens, que les prêtres et les religieux de France
ont désarmé l’anticléricalisme ; et c’est leur intelligence commune qui a
permis à la France et au Saint-Siège de dépasser leurs querelles et de
rétablir leurs relations.
Pour autant, il n’est plus contesté par personne que le régime français de
la laïcité est aujourd’hui une liberté : liberté de croire ou de ne pas
croire, liberté de pratiquer une religion et liberté d’en changer, liberté
de ne pas être heurté dans sa conscience par des pratiques ostentatoires,
liberté pour les parents de faire donner à leurs enfants une éducation
conforme à leurs convictions, liberté de ne pas être discriminé par
l’administration en fonction de sa croyance.
La France a beaucoup changé. Les Français ont des convictions plus diverses
qu’autrefois. Dès lors la laïcité s’affirme comme une nécessité et une
chance. Elle est devenue une condition de la paix civile. Et c’est pourquoi
le peuple français a été aussi ardent pour défendre la liberté scolaire que
pour souhaiter l’interdiction des signes ostentatoires à l’école.
Cela étant, la laïcité ne saurait être la négation du passé. Elle n’a pas le
pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le
faire. Elle n’aurait pas dû. Comme Benoît XVI, je considère qu’une nation
qui ignore l’héritage éthique, spirituel, religieux de son histoire commet
un crime contre sa culture, contre ce mélange d’histoire, de patrimoine,
d’art et de traditions populaires, qui imprègne si profondément notre
manière de vivre et de penser. Arracher la racine, c’est perdre la
signification, c’est affaiblir le ciment de l’identité nationale, et
dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de
symboles de mémoire.
C’est pourquoi nous devons tenir ensemble les deux bouts de la chaîne :
assumer les racines chrétiennes de la France, et même les valoriser, tout en
défendant la laïcité enfin parvenue à maturité. Voilà le sens de la démarche
que j’ai voulu accomplir ce soir à Saint-Jean de Latran.
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Le temps est désormais venu que, dans un même esprit, les religions, en
particulier la religion catholique qui est notre religion majoritaire, et
toutes les forces vives de la nation regardent ensemble les enjeux de
l’avenir et non plus seulement les blessures du passé.
Je partage l’avis du pape quand il considère, dans sa dernière encyclique,
que l’espérance est l’une des questions les plus importantes de notre temps.
Depuis le siècle des Lumières, l’Europe a expérimenté beaucoup d’idéologies.
Elle a mis successivement ses espoirs dans l’émancipation des individus,
dans la démocratie, dans le progrès technique, dans l’amélioration des
conditions économiques et sociales, dans la morale laïque. Elle s’est
fourvoyée gravement dans le communisme et dans le nazisme. Aucune de ces
différentes perspectives – que je ne mets évidemment pas sur le même plan -
n’a été en mesure de combler le besoin profond des hommes et des femmes de
trouver un sens à l’existence.
Bien sûr, fonder une famille, contribuer à la recherche scientifique,
enseigner, se battre pour des idées, en particulier si ce sont celles de la
dignité humaine, diriger un pays, cela peut donner du sens à une vie. Ce
sont ces petites et ces grandes espérances « qui, au jour le jour, nous
maintiennent en chemin » pour reprendre les termes même de l’encyclique du
Saint Père . Mais elles ne répondent pas pour autant aux questions
fondamentales de l’être humain sur le sens de la vie et sur le mystère de la
mort. Elles ne savent pas expliquer ce qui se passe avant la vie et ce qui
se passe après la mort.
Ces questions sont de toutes les civilisations et de toutes les époques. Et
ces questions essentielles n’ont rien perdu de leur pertinence. Bien au
contraire. Les facilités matérielles de plus en plus grandes qui sont celles
des pays développés, la frénésie de consommation, l’accumulation de biens,
soulignent chaque jour davantage l’aspiration profonde des femmes et des
hommes à une dimension qui les dépasse, car moins que jamais elles ne la
comblent.
« Quand les espérances se réalisent, poursuit Benoît XVI, il apparaît
clairement qu’en réalité, ce n’est pas la totalité. Il paraît évident que
l’homme a besoin d’une espérance qui va au-delà. Il paraît évident que seul
peut lui suffire quelque chose d’infini, quelque chose qui sera toujours ce
qu’il ne peut jamais atteindre. […] Si nous ne pouvons espérer plus que ce
qui est accessible, ni plus que ce qu’on peut espérer des autorités
politiques et économiques, notre vie se réduit à être privée d’espérance ».
Ou encore, comme l’écrivit Héraclite, « Si l’on n’espère pas l’inespérable,
on ne le reconnaîtra pas ».
Ma conviction profonde, dont j’ai fait part notamment dans ce livre
d’entretiens que j’ai publié sur la République, les religions et
l’espérance, c’est que la frontière entre la foi et la non-croyance n’est
pas et ne sera jamais entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas,
parce qu’elle traverse en vérité chacun de nous. Même celui qui affirme ne
pas croire ne peut soutenir en même temps qu’il ne s’interroge pas sur
l’essentiel. Le fait spirituel, c’est la tendance naturelle de tous les
hommes à rechercher une transcendance. Le fait religieux, c’est la réponse
des religions à cette aspiration fondamentale.
Or, longtemps la République laïque a sous-estimé l’importance de
l’aspiration spirituelle. Même après le rétablissement des relations
diplomatiques entre la France et le Saint-Siège, elle s’est montrée plus
méfiante que bienveillante à l’égard des cultes. Chaque fois qu’elle a fait
un pas vers les religions, qu’il s’agisse de la reconnaissance des
associations diocésaines, de la question scolaire, des congrégations, elle a
donné le sentiment qu’elle agissait parce qu’elle ne pouvait pas faire
autrement. Ce n’est qu’en 2002 qu’elle a accepté le principe d’un dialogue
institutionnel régulier avec l’Eglise catholique. Qu’il me soit également
permis de rappeler les critiques virulentes dont j’ai été l’objet au moment
de la création du Conseil français du culte musulman. Aujourd’hui encore, la
République maintient les congrégations sous une forme de tutelle, refuse de
reconnaître un caractère cultuel à l’action caritative ou aux moyens de
communication des Eglises, répugne à reconnaître la valeur des diplômes
délivrés dans les établissements d’enseignement supérieur catholique alors
que la Convention de Bologne le prévoit, n’accorde aucune valeur aux
diplômes de théologie.
Je pense que cette situation est dommageable pour notre pays. Bien sûr, ceux
qui ne croient pas doivent être protégés de toute forme d’intolérance et de
prosélytisme. Mais un homme qui croit, c’est un homme qui espère. Et
l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes
qui espèrent. La désaffection progressive des paroisses rurales, le désert
spirituel des banlieues, la disparition des patronages, la pénurie de
prêtres, n’ont pas rendu les Français plus heureux. C’est une évidence.
Et puis je veux dire également que, s’il existe incontestablement une morale
humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce
qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses.
D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se
changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble
l’aspiration à l’infini. Ensuite parce qu’une morale dépourvue de liens avec
la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et
finalement à la facilité. Comme l’écrivait Joseph Ratzinger dans son ouvrage
sur l‘Europe, « le principe qui a cours maintenant est que la capacité de
l’homme soit la mesure de son action. Ce que l’on sait faire, on peut
également le faire ». A terme, le danger est que le critère de l’éthique ne
soit plus d’essayer de faire ce que l’on doit faire, mais de faire ce que
l’on peut faire. C’est une très grande question.
Dans la République laïque, l’homme politique que je suis n’a pas à décider
en fonction de considérations religieuses. Mais il importe que sa réflexion
et sa conscience soient éclairées notamment par des avis qui font référence
à des normes et à des convictions libres des contingences immédiates. Toutes
les intelligences, toutes les spiritualités qui existent dans notre pays
doivent y prendre part. Nous serons plus sages si nous conjuguons la
richesse de nos différentes traditions.
C’est pourquoi j’appelle de mes vœux l’avènement d’une laïcité positive,
c’est-à-dire une laïcité qui, tout en veillant à la liberté de penser, à
celle de croire et de ne pas croire, ne considère pas que les religions sont
un danger, mais plutôt un atout. Il ne s’agit pas de modifier les grands
équilibres de la loi de 1905. Les Français ne le souhaitent pas et les
religions ne le demandent pas. Il s’agit en revanche de rechercher le
dialogue avec les grandes religions de France et d’avoir pour principe de
faciliter la vie quotidienne des grands courants spirituels plutôt que de
chercher à la leur compliquer.
-
Messieurs les cardinaux, Mesdames et Messieurs, au terme de mon propos, et à
quelques jours de cette fête de Noël qui est toujours un moment où l’on se
recentre sur ce qui est le plus cher dans sa vie, je voudrais me tourner
vers ceux d’entre vous qui sont engagés dans les congrégations, auprès de la
Curie, dans le sacerdoce et l’épiscopat ou qui suivent actuellement leur
formation de séminariste. Je voudrais vous dire très simplement les
sentiments que m’inspirent vos choix de vie.
Je mesure les sacrifices que représente une vie toute entière consacrée au
service de Dieu et des autres. Je sais que votre quotidien est ou sera
parfois traversé par le découragement, la solitude, le doute. Je sais aussi
que la qualité de votre formation, le soutien de vos communautés, la
fidélité aux sacrements, la lecture de la Bible et la prière, vous
permettent de surmonter ces épreuves.
Sachez que nous avons au moins une chose en commun : c’est la vocation. On
n’est pas prêtre à moitié, on l’est dans toutes les dimensions de sa vie.
Croyez bien qu’on n’est pas non plus Président de la République à moitié. Je
comprends que vous vous soyez sentis appelés par une force irrépressible qui
venait de l’intérieur, parce que moi-même je ne me suis jamais assis pour me
demander si j’allais faire ce que j’ai fait, je l’ai fait. Je comprends les
sacrifices que vous faites pour répondre à votre vocation parce que moi-même
je sais ceux que j’ai faits pour réaliser la mienne.
Ce que je veux vous dire ce soir, en tant que Président de la République,
c’est l’importance que j’attache à ce que vous faites et à ce que vous êtes.
Votre contribution à l’action caritative, à la défense des droits de l’homme
et de la dignité humaine, au dialogue inter-religieux, à la formation des
intelligences et des cœurs, à la réflexion éthique et philosophique, est
majeure. Elle est enracinée dans la profondeur de la société française, dans
une diversité souvent insoupçonnée, tout comme elle se déploie à travers le
monde. Je veux saluer notamment nos congrégations, les Pères du
Saint-Esprit, les Pères Blancs et les Sœurs Blanches, les fils et filles de
la charité, les franciscains missionnaires, les jésuites, les dominicains,
la Communauté de Sant’Egidio qui a une branche en France, toutes ces
communautés, qui, dans le monde entier, soutiennent, soignent, forment,
accompagnent, consolent leur prochain dans la détresse morale ou matérielle.
En donnant en France et dans le monde le témoignage d’une vie donnée aux
autres et comblée par l’expérience de Dieu, vous créez de l’espérance et
vous faites grandir des sentiments nobles. C’est une chance pour notre pays,
et le Président que je suis le considère avec beaucoup d’attention. Dans la
transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le
bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le
curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera
toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement
porté par l’espérance.
Je veux évoquer la mémoire des moines de Tibhérine et de Monseigneur Pierre
Claverie, dont le sacrifice portera un jour des fruits de paix, j’en suis
convaincu. L’Europe a trop tourné le dos à la Méditerranée alors même qu’une
partie de ses racines y plongent et que les pays riverains de cette mer sont
au croisement d’un grand nombre d’enjeux du monde contemporain. J’ai voulu
que la France prenne l’initiative d’une Union de la Méditerranée. Sa
situation géographique tout comme son passé et sa culture l’y conduisent
naturellement. Dans cette partie du monde où les religions et les traditions
culturelles exacerbent souvent les passions, où le choc des civilisations
peut rester à l’état de fantasme ou basculer dans la réalité la plus
tragique, nous devons conjuguer nos efforts pour atteindre une coexistence
paisible, respectueuse de chacun sans renier nos convictions profondes, dans
une zone de paix et de prospérité. Cette perspective rencontre, me
semble-t-il, l’intérêt du Saint-Siège.
Mais ce que j’ai le plus à cœur de vous dire, c’est que dans ce monde
paradoxal, obsédé par le confort matériel, tout en étant chaque jour de plus
en plus en quête de sens et d’identité, la France a besoin de catholiques
convaincus qui ne craignent pas d’affirmer ce qu’ils sont et ce en quoi ils
croient. La campagne électorale de 2007 a montré que les Français avaient
envie de politique pour peu qu’on leur propose des idées, des projets, des
ambitions. Ma conviction est qu’ils sont aussi en attente de spiritualité,
de valeurs, d’espérance.
Henri de Lubac, ce grand ami de Benoît XVI, a dit « La vie attire, comme la joie
». C’est pourquoi la France a besoin de catholiques heureux qui témoignent
de leur espérance.
Depuis toujours, la France rayonne à travers le monde par la générosité et
l’intelligence. C’est pourquoi elle a besoin de catholiques pleinement
chrétiens, et de chrétiens pleinement actifs.
La France a besoin de croire à nouveau qu’elle n’a pas à subir l’avenir,
parce qu’elle a à le construire. C’est pourquoi elle a besoin du témoignage
de ceux qui, portés par une espérance qui les dépasse, se remettent en route
chaque matin pour construire un monde plus juste et plus généreux.
J’ai offert ce matin au Saint Père deux éditions originales de Bernanos.
Permettez-moi de conclure avec lui : « L’avenir est quelque chose qui se
surmonte. On ne subit pas l’avenir, on le fait […] L’optimisme est une
fausse espérance à l’usage des lâches […]. L’espérance est une vertu, une
détermination héroïque de l’âme. La plus haute forme de l’espérance, c’est
le désespoir surmonté ». Comme je comprends l’attachement du pape à ce grand
écrivain qu’est Bernanos !
Partout où vous agirez, dans les banlieues, dans les institutions, auprès
des jeunes, dans le dialogue inter-religieux, dans les universités, je vous
soutiendrai. La France a besoin de votre générosité, de votre courage, de
votre espérance.
Je vous remercie.
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Sources: Elysée -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 20.12.2007 - BENOÎT XVI |