Le grand ayatollah Sistani et le pape Benoît XVI |
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Rome, le 07 août 2007 -
(E.S.M.) - Des représentants de Sistani
rendent visite par deux fois au secrétaire de la nonciature à Bagdad,
Thomas Hlim Sbib, pour exprimer estime et amitié à Benoît XVI et le
désir de le rencontrer à Rome.
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Le grand
ayatollah Ali al Sistani
Le grand ayatollah Sistani et le pape Benoît XVI
Pourquoi al Qaïda veut la tête du grand ayatollah
Sistani
Parce que c'est l'homme-clé pour un Irak libre et pacifié. Mais pas
seulement. C'est aussi l'avenir de l'islam qui est lié à la victoire ou à
l'échec de sa vision. Portrait d'un grand leader musulman qui, après le
discours de Ratisbonne, a exprimé son estime et son amitié au pape Benoît
XVI
par Sandro Magister
A la fin de l’audience générale de la semaine dernière, Benoît XVI a créé la
surprise en évoquant un événement sportif, la victoire de l’équipe de
football d’Irak en Coupe d’Asie: (Le
pape Benoît XVI se réjouit de la victoire de l'équipe de l'équipe de
football irakienne)
"J’ai été heureux de l’enthousiasme qui a gagné tous les habitants,
descendus dans la rue pour fêter l’événement. De même que j’ai pleuré tant
de fois avec les Irakiens, je me réjouis avec eux à cette occasion. Cette
expérience de joie partagée montre le désir d’un peuple de mener une vie
normale et sereine. Je souhaite, a conclu Benoît XVI, que cet événement
contribue à conduire l’Irak – avec l’aide de chacun – vers un avenir fait
d’une paix véritable dans la liberté et le respect réciproque".
Le fait que les réjouissances qui, en Irak, ont suivi la victoire de
l’équipe de football n’aient pas été endeuillées par des massacres a en
effet été interprété par beaucoup comme un signe positif. Al Qaïda et
d’autres groupements terroristes – en dépit de leur férocité persistante –
apparaissent aujourd’hui plus isolés dans la guerre qu’ils mènent au sein du
monde musulman: une guerre qui est plus cruciale pour eux que celle qui les
oppose à l’occident.
Dans ce conflit interne au monde musulman, une figure clé en Irak est un des
hommes les plus pacifiques et pacificateurs: le grand
ayatollah Ali al Sistani, l’autorité religieuse suprême chez les
musulmans chiites.
L’interminable série de meurtres qui ont frappé ses
proches est la preuve tragique qu’il est le personnage-clé.
10 avril 2003: l'ayatollah Abdel Majid al Khoei, fils du grand ayatollah
Abul Qassim al Khoei – le maître spirituel de Sistani et le plus éminent
théologien chiite du XXe siècle – est assassiné à Nadjaf.
29 août 2003: à Nadjaf encore, une voiture piégée tue plus de cent fidèles
qui sortaient de la mosquée où se trouve la tombe d’Ali, le gendre et
successeur de Mahomet, créateur de l’islam chiite. Un autre leader religieux
modéré, Mohammad Baqr al Hakim, périt avec eux.
6 février 2004: un commando terroriste s’enfonce dans le dédale de ruelles
qui entoure cette même mosquée, presque jusqu’à la maison de Sistani. Ils
manquent l’objectif principal, mais tuent le cheik Abdullah Falaq al Basrawi,
gestionnaire des offrandes qui affluent du monde entier à l’attention de
Sistani.
Mai 2005: un autre collaborateur du grand ayatollah, Tahar al Allaf, est
assassiné.
Début 2006: la victime est le cheik Kamaleddin al Ghureifi.
Début juin 2007: Rahim al Hesnawi est assassiné. A la mi-juillet, c’est le
tour d’Abdallah Fallaq et, le 26, de Kazim Jabir al Bidairi. Tous étaient de
très proches collaborateurs de Sistani.
2 août: le cheik Fadhil al Aqil, un autre de ses hommes de confiance, est
tué à Nadjaf.
Aux yeux de ses ennemis, la "faute" du grand ayatollah Sistani est d’être le
défenseur le plus autorisé et le plus cohérent d’une vision "apaisée"
de l’islam. Selon cette vision, le maître enseigne la
théologie, le droit et la morale, il demande que les principes de
l’islam soient respectés, mais il ne revendique pas pour lui-même le pouvoir
politique et ne prétend pas exercer un contrôle coercitif sur ce dernier.
Ce courant de pensée a toujours été dominant à Nadjaf. L’ayatollah iranien
Khomeyni, qui a vécu dans cette ville de 1965 à 1978 et qui soutenait une
thèse contraire, y était complètement isolé.
La thèse de Khomeyni, qu’il a concrétisée en 1979 avec sa révolution
théocratique en Iran, était que "seule une bonne société peut créer de bons
croyants". Elle donnait aux experts de la loi coranique le pouvoir politique
nécessaire pour instaurer la société parfaite,
Sistani soutient au contraire que "seuls de bons
citoyens peuvent créer une bonne société" et il rejette toute
idée de théocratie.
Après la chute du régime de Saddam Hussein, le grand ayatollah Sistani est
resté cohérent avec sa vision et a affirmé: "Il n’y aura pas de turbans au
gouvernement en Irak". Il a imposé le vote comme obligation religieuse à
tous les citoyens, femmes comprises. Il a approuvé la nouvelle constitution
– la plus libérale du monde musulman tout entier. Il a exhorté les chiites à
ne pas répondre par la violence aux attentats qui décimaient la population
civile. Il a condamné les fatwas de Yusuf al Qaradawi, le cheik sunnite qui,
depuis les studios d’Al Jazira, exalte le martyre à des fins d’homicide.
Amir Taheri, un intellectuel iranien exilé en Occident, explique: "Pour
Sistani, le pouvoir appartient au douzième imam, mais, en raison de la
disparition de celui-ci, le pouvoir passe au peuple. L’ultime décision
revient à l’individu, en s’appuyant sur la raison, le plus grand don de
Dieu. Sistani a la vision aristotélicienne d’une société de citoyens pieux".
Le grand ayatollah Sistani, âgé de 78 ans, s’exprime très rarement et en peu
de mots. Il vit isolé, volontairement loin des regards du public. C’est une
manière traditionnelle d’exercer l’autorité dans l’islam. Ses indications ne
sont pas écoutées et appliquées toujours et par tous. Néanmoins, elles ont
le mérite d’élaborer une ligne de conduite, notamment par rapport au
christianisme.
En 2004, Sistani prend résolument la défense des minorités chrétiennes en
Irak, avec des mots qui condamnent très fermement les attaques des églises.
Le 29 octobre de la même année, il accueille dans sa maison de Nadjaf
Emmanuel Delly, patriarche des chaldéens d’Irak, qui décrit ainsi la
rencontre:
"Le grand ayatollah nous a accueillis par un chaleureux ‘bienvenue’ et nous
a reçus pendant une heure. A la fin de l’entrevue, il n’a pas caché sa
satisfaction. Nous partageons son désir de trouver une voie pour apporter la
paix et la tranquillité dans le pays. Si nous savons tous les deux que
l’Irak est malade, nous voulons trouver ensemble les remèdes pour le guérir.
Nous avons parlé comme se parlent deux frères qui s’aiment".
Septembre 2006: la contestation contre le pape explose au sein du monde
musulman, après son discours de
Ratisbonne. Au même moment, des
représentants de Sistani rendent visite par deux fois au secrétaire de la
nonciature à Bagdad, Thomas Hlim Sbib, pour exprimer estime et amitié à
Benoît XVI et le désir de le rencontrer à Rome.
L’avenir de ce qu’il subsiste de la communauté chrétienne en Irak, et plus
largement l’avenir libre et pacifique de l’Irak et des nations voisines sont
liés à la victoire ou à l’échec de la ligne de Sistani. De même pour
l’évolution de l’islam.
Sistani est une figure de référence capitale pour l’islam "modéré" que
beaucoup invoquent sans savoir où le trouver.
Traduction française par Charles de
Pechpeyrou, Paris, France.
Repères:
Le site officiel du grand ayatollah Ali al
Sistani:
Français
Le discours prononcé par Benoît XVI à l’université
de Ratisbonne le 12 septembre 2006:
Benoît XVI
A propos de ces sujets:
La
polémique de Ratisbonne - les articles:
cliquez
Benoît XVI et Mohammed Khatami :►
Benoît XVI
38 musulmans compétents avaient
signé, en octobre dernier, une "Lettre ouverte à Sa Sainteté le pape Benoît
XVI" qui commentait son discours du 12 septembre à Ratisbonne. Aujourd’hui,
les signataires sont 100 : ►
Lettre ouverte à sa sainteté Benoît XVI
Sources:
La chiesa.it -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 07.08.2007 - BENOÎT XVI -
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