Cinq musulmans au Vatican, pour
préparer l'audience avec Benoît XVI |
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Cité du Vatican, le 06 février 2008 -
(E.S.M.) - Ce sont les
représentants de la "lettre des 138" écrite à Benoît XVI en octobre
dernier. Voici qui ils sont et d'où ils viennent. L'un d’entre eux, Yahya
Pallavicini, raconte dans un livre comment l'on peut vivre en tant que
musulman dans un pays chrétien, en paix avec les deux religions
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Le pape Benoît XVI -
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Cinq musulmans au Vatican, pour préparer l'audience avec Benoît XVI
Ce sont les représentants de la "lettre des 138" écrite à Benoît XVI en
octobre dernier. Voici qui ils sont et d'où ils viennent. L'un d’entre eux, Yahya Pallavicini, raconte dans un livre comment l'on peut vivre en tant que
musulman dans un pays chrétien, en paix avec les deux religions
par Sandro Magister
Les deux jours qui ont précédé ce mercredi des
cendres ont été marqués par les premières rencontres de préparation de la
visite au Vatican d’un groupe de représentants des 138 personnalités
musulmanes qui, en octobre 2007, avaient adressé au pape et aux chefs
d’autres confessions chrétiennes une lettre invitant au dialogue intitulée:
"Une parole commune entre vous et nous".
Les réunions se sont déroulées au conseil pontifical pour le dialogue
interreligieux, présidé par le cardinal Jean-Louis Tauran. Selon l’agenda,
les représentants de l’islam rencontreront Benoît XVI et d’autres autorités
de l’Eglise à partir du printemps prochain. Ils participeront aussi à des
sessions d’étude dans des instituts tels que l’Université pontificale
grégorienne et l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie,
PISAI, présidé par le père Miguel Angel Ayuso Guixot.
La délégation musulmane était composée de cinq chercheurs de cinq pays
différents:
– Le Turc Ibrahim Kalin, directeur de la Fondation SETA à Ankara et
professeur à l’université de Georgetown, à Washington;
– L’Anglais Abd al-Hakim Murad Winter, professeur d’études islamiques à la
Shaykh Zayed Divinity School de l’université de Cambridge et directeur du
Muslim Academic Trust du Royaume-Uni;
– Le Jordanien Sohail Nakhooda, directeur d"Islamica Magazine", revue
internationale éditée aux Etats-Unis;
– Le Libyen Aref Ali Nayed, membre de l’Interfaith Program de la Faculty of
Divinity de l’université de Cambridge et qui enseigne déjà à l’International
institute for islamic thought and civilization de Malaisie et à l’Institut
pontifical d’études arabes et d’islamologie de Rome;
– L’Italien Yahya Sergio Yahe Pallavicini, imam de la mosquée al-Wahid de
Milan, président du Conseil ISESCO pour l’étude et la culture en Occident et
vice-président de la Communauté religieuse islamique d’Italie, COREIS.
Tous font partie du groupe d’experts coordonné depuis Amman par le prince de
Jordanie Ghazi bin Muhammad bin Talal, président de l’Aal al-Bayt Institute
for Islamic Thought. C’est lui qui est à l’origine de la lettre des 138 et
qui a supervisé l’échange de lettres avec Benoît XVI en novembre et décembre
par le biais du cardinal secrétaire d’état Tarcisio Bertone, pour préparer
la future rencontre.
Parmi les cinq, les plus connus par les autorités et les experts du Vatican
sont Aref Ali Nayed et Yahya Pallavicini.
Nayed – également bien connu des lecteurs de www.chiesa qui a publié
plusieurs de ses textes en avant-première – est l’un des plus grands experts
musulmans de la philosophie occidentale et de la théologie chrétienne. Il a
étudié à la Grégorienne et dans des universités des Etats-Unis et du Canada.
Peu de personnes connaissent aussi bien que lui la "Summa Theologiae" de
saint Thomas d’Aquin. Il est l’un des principaux rédacteurs de la lettre des
138. Il est en outre l’auteur d’une lettre elle aussi très importante par
laquelle il a répondu au message adressé par le cardinal Tauran à l’occasion
du dernier ramadan.
Yahya Pallavicini est lui aussi un interlocuteur de choix pour les autorités
et les experts du Vatican depuis longtemps.
Son père Abd al-Wahid Pallavicini a embrassé la foi musulmane en 1951 à
l’instar d’autres intellectuels européens qui se sont convertis à l’islam à
cette époque, dans la lignée du métaphysicien français René Guénon. Au cours
d’un long voyage en Orient, il a intégré la confrérie soufie Ahamadiyyah
Idrissiyyah Shadhiliyyah, opposée à l’islamisme sectaire wahhabite qui
domine encore en Arabie Saoudite. Une confrérie qu’il a ensuite dirigée en
Italie. A Assise, en 1986, Abd al-Wahid Pallavicini a participé à la
rencontre de prière entre les chefs religieux invités par Jean-Paul II. Il
rêve de bâtir à Milan "une petite Jérusalem qui verrait les fils d’Abraham –
juifs, chrétiens et musulmans – unis dans la prière". Il a la ferme
conviction que l’islam est "l’expression ultime et définitive de cette
tradition primordiale qui a fondé, qui confirme et qui vivifie les
précédentes révélations".
Yahya Pallavicini, 43 ans, est né musulman. Il est aujourd’hui connu en
Italie comme l’un des principaux représentants de l’islam éclairé,
démocratique, "modéré", avec l’Algérien Khaled Fouad Allam et la Marocaine
Souad Sbai. Yahya Pallavicini se distingue des autres personnalités
musulmanes avec lesquelles il se trouve souvent en accord – le plus connu en
Italie est l’Egyptien Magdi Allam – par son profil religieux. A la
différence de Magdi Allam, qui ne pratique pas la religion dans laquelle il
est né et qui représente un islam nettement sécularisé, Yahya Pallavicini
est un fervent musulman pratiquant, au point d’être imam d’une mosquée de
Milan et chef d’une communauté d’Italiens convertis à l’islam, actifs dans
différentes villes. Il participe aussi à la formation de nouveaux imams.
Depuis 2006, il est conseiller au ministère de l’Intérieur italien, pour le
Conseil de l’islam. Il condamne sans relâche les dérives violentes de la
pensée et de la pratique musulmanes. Il a écrit et affirmé plusieurs fois
publiquement – fait rare et souvent risqué pour un musulman – que "les actes
de violence ne trouvent aucune légitimité dans les enseignements du prophète
Mahomet ou des sages". Il a condamné fermement à plusieurs reprises
"l’instrumentalisation de la charia, la loi islamique, pour créer un monde
parallèle et alternatif, qui refuse de s’intégrer au système occidental". Il
a dénoncé "la culture de la haine" qui suinte des prédications faites dans
de nombreuses mosquées d’Italie et d’Europe par des imams "qui sont en
réalité des agitateurs politiques n’ayant rien d’authentiquement islamique".
A l’inverse, Yahya Pallavicini est partisan convaincu d’un dialogue positif
avec le judaïsme et le christianisme. En 2005, il a publiquement contesté la
fatwa, c’est-à-dire la disposition juridique, retransmise depuis les écrans
de la chaîne de télévision al-Jazira par l’un des plus influents leaders
mondiaux de l’islam fondamentaliste, le Cheikh Yusuf al-Qaradawi, qui
interdisait tout dialogue avec les juifs. Le problème a soudain refait
surface il y a quelques jours en Italie quand, sur ordre de l’université
égyptienne al-Azhar, les représentants de la Grande Mosquée de Rome ont dû
annuler leur visite – la première – programmée pour le 23 janvier dans la
synagogue de la même ville.
Yahya Pallavicini reprend ces critiques dans un livre publié récemment en
Italie sous le titre "Dentro la moschea".
Mais il y a beaucoup plus dans ce livre. En positif, l’on trouve le récit
d’une communauté musulmane en Italie qui a été suivie dans les lieux et les
moments de sa vie religieuse: la mosquée, ceux qui la fréquentent, comment
et quand l’on prie, le ramadan, le mariage, le voile, l’école, la naissance,
la mort, le pèlerinage à La Mecque. C’est la communauté soufie à laquelle
appartient Yahya Pallavicini, à mille lieues de l’image de l’islam qui
monopolise les médias. A tel point que les représentants de cet islam
fondamentaliste et agressif s’opposent fréquemment à elle dans des luttes
fratricides.
Dans son livre, Yahya Pallavicini donne la parole à un grand nombre de ses
frères dans la foi. Toute une partie du livre est un recueil de prédications
prononcées le vendredi dans les mosquées par 25 imams italiens. Une autre
partie du livre égrène des tranches de vie d’un entrepreneur, d’un
violoniste, d’un peintre, des hommes et des femmes qui se sont convertis à
l’islam au cœur de l’Occident. L’un de ces convertis, Ahmad Abd al-Wahliyy
Vincenzo, a inauguré une chaire d’histoire de la civilisation et du droit
islamique à l’université Federico II de Naples. Son récit s’achève ainsi:
"Une fois, après un examen, un étudiant m’a dit quelque chose dont je suis
fier: professeur, je voulais vous dire que j’ai fait ma confirmation hier.
Et étudier l’islam avec vous a été la plus belle préparation que je pouvais
faire".
Le livre:
Yahya Pallavicini, "Dentro la moschea", Rizzoli, Milano, 2007, pp. 520,
10,80 euros.
A propos du dialogue entre l’Eglise catholique et l’islam, depuis le
discours de Benoît XVI à Ratisbonne jusqu’à aujourd’hui, lire
les articles suivants, classés chronologiquement à partir du dernier:
2.1.2008
>
Les raisons qui séparent le pape Benoît XVI des musulmans
Le désaccord concerne la foi mais aussi les conquêtes des Lumières, qu'il
s’agisse de la liberté religieuse ou de la parité entre homme et femme.
L'Eglise catholique se les est appropriées, pas l'islam. Lorsque Benoît XVI
et les musulmans de la lettre des 138 se rencontreront, parviendront-ils à
en discuter?
26.11.2007
>Pourquoi
Benoît XVI est si prudent au sujet de la lettre des 138 ...
Parce que le dialogue qu'il souhaite est tout autre. Le pape demande à
l'islam de suivre le même cheminement qu'avait accompli l'Eglise catholique
sous la pression des Lumières. L'amour de Dieu et du prochain doit se
réaliser dans l'acceptation totale de la liberté religieuse
2.11.2007
>
Les musulmans attendent une réponse adaptée du pape Benoît XVI
Pour le moment, seuls les experts s'expriment, tandis que la réponse
officielle est en cours d’élaboration. Mais parallèlement, un échange de
messages est en cours entre le cardinal Jean-Louis Tauran et le théologien
libyen Aref Ali Nayed. En voici les textes intégraux
12.10.2007
>
Les musulmans adressent une lettre à Benoît XVI
Ils proposent comme terrain d'entente entre musulmans et chrétiens les deux
"plus grands commandements", celui de l'amour de Dieu et celui de l'amour du
prochain. Prêchés dans le Coran comme dans les Evangiles. Comment l'Eglise
de Rome va-t-elle réagir?
Sources:
La chiesa.it
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 06.02.2008 - BENOÎT XVI |