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Analyse du synode : un vaste écran de fumée ?
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Le 05 décembre 2023 -
E.S.M.
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Dans son numéro du mois de décembre, la NEF a publié un
dossier très intéressant : où va l'Eglise ? Les défis du
Synode sur la synodalité !
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Analyse du synode : de quelle Église accouche-t-il ?
Le 05 décembre 2023 -
E.S.M. -
La première partie du synode sur la synodalité voulu par le pape
François s’est déroulée du 4 au 29 octobre à Rome. Quel bilan tirer
de ce synode ? Quelles pistes de réformes annonce-t-il ? Est-il un
synode de rupture ou de continuité ? Comment a-t-il été reçu par les
différentes sensibilités de l’Eglise ? Cet article vous offre une
analyse et une vue de surplomb sur cet événement ecclésial.
«Il faut que tout change pour que rien ne change ». C’est
peut-être la célèbre phrase de Tancredi Falconeri dans Le Guépard
de Lampedusa qui vient à l’esprit lorsqu’on se hasarde à tirer un bilan
d’étape de la XVIe Assemblée générale du synode des évêques sur la
synodalité, à l’issue de sa première session plénière qui s’est tenue à Rome
du 4 au 29 octobre 2023.
« Il faut que tout change… »
En apparence, le processus décidé et mis en œuvre par le pape François
depuis 2021 semble vouloir imprimer des changements majeurs à l’Église,
comme en témoignent la structure adoptée pour le Synode, la forme des débats
retenue et les thématiques discutées.
Tout d’abord, s’agissant de la structure, le pape François a posé, en
avril 2023, un geste spectaculaire et sans précédent. En contradiction avec
le Code de Droit canonique (can. 346, § 1) ainsi qu’avec sa propre
constitution apostolique Episcopalis Communio du 15 septembre 2018, qui
prévoient que seuls peuvent composer une assemblée synodale les évêques
ainsi qu’un petit nombre de supérieurs d’instituts religieux masculins, le
Souverain Pontife n’a pas hésité à désigner, parmi les 364 membres votants,
des religieuses et surtout 70 laïcs (hommes et femmes). La conséquence est
qu’une proposition peut désormais être adoptée par le synode, alors même
qu’elle ne réunirait pas deux tiers des voix des évêques. Cette décision
papale n’a pas été sans provoquer quelques remous, puisqu’un certain nombre
de canonistes sont allés jusqu’à contester la « nature épiscopale »
de cette assemblée synodale ainsi composée. Et si, pour répondre à ces
critiques, le pape a souligné que ce « processus synodal »
récupérait une ancienne pratique chrétienne qui n’avait jamais été perdue
dans l’Orient chrétien, il est à noter qu’aucun des délégués orthodoxes et
catholiques de rite oriental conviés à Rome n’ont reconnu dans ledit
processus ce qu’ils entendaient dans leurs Églises respectives par le terme
de « synode ».
Ensuite, concernant la forme retenue pour les débats, une innovation
remarquée a également eu lieu : à la place de discours tenus par des
orateurs juchés sur une estrade et s’adressant à l’assemblée, le choix a été
fait – synodalité oblige – de répartir les 364 membres en 35 groupes (les « circuli
minores »). Le tout conjugué avec une méthodologie très stricte
gouvernant les débats, largement inspirée de la spiritualité ignacienne :
chaque groupe s’est vu attribuer des questions précises à débattre et ces
questions ont fait l’objet d’un triple tour de table, strictement
chronométré, afin de permettre aux participants d’exprimer, en toute
égalité, les « résonances ressenties ». Après ces discussions, un
rapporteur désigné pour chaque groupe a été chargé d’en présenter la teneur
à l’assemblée plénière, avec ses convergences, ses divergences et ses
interrogations. Pour finir, le 29 octobre, un rapport de synthèse de 42
pages a été adopté, détaillant les questions à approfondir et formulant 81
propositions qui, « après des recherches canoniques, théologiques et
pastorales », devront être tranchées lors de la seconde session du
synode en octobre 2024.
Enfin, des thématiques qu’il aurait été impossible d’imaginer sous les
précédents pontificats ont été ouvertement abordées dans le cadre de cette
première session : les circuli memores ont ainsi débattu non
seulement des « périphéries », de la lutte contre les abus ou du
cléricalisme, mais aussi – sujets beaucoup plus délicats – du positionnement
de l’Église à l’égard de l’homosexualité, de la place des femmes et de leur
accès éventuel au diaconat, ainsi que de la participation des laïcs dans les
procédures de gouvernance de l’Église. Et, pour ajouter à l’ambiance
disruptive, le pape, qui n’aime rien de moins que les gestes spectaculaires,
a pris l’initiative de rencontrer longuement, en marge du Synode, la
cofondatrice de New Ways Ministry, Sœur Jeannine Gramick, dont l’activité en
faveur de l’avortement, de la théorie du genre et de la reconnaissance de la
légitimité des pratiques homosexuelles lui avait valu des condamnations par
le Vatican sous Jean-Paul II.
« … pour que rien ne change »
Pourtant, au-delà de ces nouveautés, la question se pose de savoir si,
dans la réalité, l’Église se trouve véritablement engagée dans une
irrésistible réforme de grande ampleur. Et, à cet égard, force est de
constater que la plus grande incertitude domine.
Cette incertitude procède, de prime abord, d’une confusion terminologique
qui ne manque pas de déteindre sur l’ensemble de l’événement. En effet, les
termes « synodalité » et « synodal », qui figurent plus de
160 fois dans le rapport de synthèse et qui ont vocation à inspirer le
processus dans son entier, ne font paradoxalement l’objet d’aucune
définition permettant d’en connaître le sens. Et cette confusion redouble
lorsque l’adjectif « synodal » est associé à d’autres mots, pour
constituer des expressions telles que « voyage synodal », « visage
synodal », « configuration synodale », « style synodal »,
« dynamique synodale » et même « caractère synodal »
(cette liste n’étant pas exhaustive…). Or, il ne saurait y avoir débat
authentique sur des notions que nul ne peut définir ou, plutôt, que chacun
définit à son gré.
Plus fondamentalement, ces incessantes incantations en faveur de la « synodalité »
ne peuvent pas cacher le fait que l’organisation de cet événement et les
méthodes utilisées ont eu pour effet, sinon pour objet, de renforcer
singulièrement les pouvoirs du pape afin d’assurer la mise en œuvre de son
propre projet. Ainsi, c’est le pape, et non un quelconque processus
démocratique, qui a désigné les 70 laïcs membres du Synode. De même, c’est
le pape qui a décidé d’assurer une surreprésentation manifeste aux membres
la « famille ignacienne », en leur accordant en outre des postes clés
(cardinal Hollerich, rapporteur général ; Père Giacomo Costa, rapporteur
spécial ; sœur Nathalie Becquart, xavière, sous-secrétaire du Secrétariat
général ; sœur María de los Dolores Palencia, Communauté de Vie chrétienne,
présidente déléguée). Enfin, c’est le pape qui a fait le choix de répartir
les membres en circuli minores, d’attribuer à chacun de ces cercles l’examen
d’un nombre limité de questions et d’imposer un strict secret pontifical aux
débats. Or, ces choix ont peut-être permis à l’assemblée de se mettre à
l’écoute des « surprises de l’Esprit », mais ils ont surtout
conféré au bureau central, seul détenteur d’une vision d’ensemble, un poids
considérable, en particulier dans la rédaction du rapport de synthèse.
Mais surtout les incertitudes portant sur une réelle volonté de
changement en profondeur de l’Église se renforcent quand on examine le
traitement que ce même rapport de synthèse a réservé aux thèmes abordés. Si
celui-ci annonce une Église « plus inclusive », ouverte davantage
aux blessés, aux pauvres et aux marginaux, il se limite à des pétitions de
principe ou à des souhaits rédigés en termes vagues, sans qu’aucune des 81
propositions qu’il formule ne présente un caractère véritablement
révolutionnaire. Ainsi, à titre d’illustration, « l’identité de genre »
et « l’orientation sexuelle » n’ont été évoquées qu’aux côtés de
l’intelligence artificielle ou de la fin de vie pour « promouvoir des
initiatives permettant un discernement partagé sur les questions
doctrinales, pastorales et éthiques controversées ». Même la question
de l’ordination des hommes mariés, pourtant de nature non strictement
dogmatique, n’a été évoquée que pour préciser qu’elle « n’était pas
nouvelle » et qu’elle « devait être approfondie ».
D’ailleurs, et cette circonstance permet de savoir où est et demeure le
véritable lieu du pouvoir, c’est en dehors même du processus synodal que le
pape François, directement ou indirectement, a déjà répondu à des questions
qui y sont pourtant discutées. Ainsi, en réplique à un dubia émis
par cinq cardinaux sur la question de l’homosexualité, le Dicastère pour la
Doctrine de la foi, désormais dirigé par le fidèle cardinal Victor
Fernández, a indiqué, le 2 octobre 2023, qu’une bénédiction demandée par une
ou « plusieurs personnes » est possible lorsqu’elle « ne
véhicule pas une conception erronée du mariage » et qu’elle répond à
une « demande d’aide à Dieu, un appel à pouvoir mieux vivre, une
confiance en un Père qui peut nous aider à mieux vivre ». De même, dans
un livre publié le 24 octobre 2023 sous le titre El Pastor : Desafíos,
razones y reflexiones sobre su pontificado (1), le Saint-Père a rappelé
en des termes explicites que l’impossibilité pour les femmes de devenir
prêtres ou même d’être ordonnées diacres n’était pas « une privation »,
car leur place était « bien plus importante ».
Un vaste « écran de fumée » ?
Faut-il alors en déduire que le synode sur la synodalité ne constitue
qu’une « opération blanche », un vaste « écran de fumée » destiné seulement
à faire subir aux uns (les conservateurs) rebuffades sur rebuffades, à faire
miroiter aux autres (les progressistes) illusions sur illusions ?
En fait, outre que nul ne peut prévoir ce que seront les conclusions
auxquelles parviendra la seconde session, prévue pour octobre 2024, ce
processus a déjà eu au moins une conséquence objective, celle d’exacerber
encore davantage les polarités internes et les forces centrifuges au sein de
l’Église.
Bien évidemment, du côté de la frange conservatrice, celle-ci n’a pu voir
qu’avec la plus grande réserve ce qui lui semble s’inscrire dans une volonté
de rompre avec l’ecclésiologie et la morale traditionnelles. Dans ce
contexte, les déclarations chaque jour plus virulentes du cardinal Müller,
l’ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi de Benoît XVI,
témoignent d’une crise massive de confiance dans cette partie du
catholicisme, crise qu’a encore aggravée la révocation brutale et non
motivée de Mgr Strickland, l’emblématique évêque de Tyler. Quant aux
traditionalistes, encore sous le coup de Traditionis custodes, nul
doute qu’ils auront goûté l’humour involontaire du rapport de synthèse,
celui-ci ayant souligné que « le respect des traditions liturgiques et
des pratiques religieuses des Migrants est une partie intégrante d’un
véritable accueil »…
Mais, de l’autre côté, chez certains partisans de la frange progressiste
de l’Église, ce n’est pas une sourde insatisfaction qui a accueilli les
résultats intermédiaires du synode, mais plutôt une véritable colère, à la
mesure des espérances déçues. Un risque sérieux existe désormais que la
frustration des réformateurs débouche, dans le cas où les décisions à venir
ne correspondraient pas à leur agenda, sur un schisme de grande ampleur, en
particulier en Allemagne où un « Conseil synodal » permanent, constitué
paritairement d’évêques et de laïcs et destiné à cogérer l’Église, est en
cours de création. Dans ce dernier pays, comme à la veille de la Réforme,
presque tous les facteurs susceptibles de conduire à une telle extrémité
sont désormais réunis : un épiscopat majoritairement gagné aux positions
hétérodoxes ; des facultés de théologie devenues de véritables chaudrons
anti-romains ; des laïcs (dont beaucoup sont des fonctionnaires de l’Église)
animés d’une violente hostilité contre l’idée même de sacerdoce ministériel,
et – last but non least – la probable garantie étatique que les traitements
(confortables) continueront à être versés aux clercs et aux laïcs en cas de
rupture. Manque encore pour le moment – et c’est la chance de Rome – une
personnalité d’envergure capable, comme un Luther, d’emporter le mouvement
d’ensemble.
Au final, quelles que soient les intentions des inspirateurs et des
organisateurs de ce synode sur la synodalité, l’impression qui s’en dégage
pour le moment semble être celle d’une Église « autoréférentielle »,
préoccupée avant tout par elle-même et cherchant à être « attirante », soit
par les structures qu’elle se donne, soit par la morale qu’elle délivre. Or,
comme l’avait déjà rappelé de manière lumineuse Josef Ratzinger dans une
conférence à Munich en 1970, l’Église n’est, comme la lune, « qu’un
désert, des pierres, du sable et des montagnes. Elle n’est qu’obscurité,
mais elle disperse une clarté qui lui vient d’un astre, dont la lumière se
propage par son intermédiaire. C’est exactement en cela que la lune
représente l’Église : elle ne puise pas la lumière en elle-même, mais elle
la reçoit du véritable hélios, le Christ ».
Jean Bernard
(1) Le Pasteur : défis, raisons et réflexions sur son pontificat.
© LA NEF n° 364 Décembre 2023
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Sources :
-
lanef.net
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 05.12.2023
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