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L'Église est infaillible mais Vatican II ne l'est pas
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Le 05 mai 2011 -
(E.S.M.)
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Et il a commis des erreurs, affirme l'historien traditionaliste Roberto de
Mattei. Le débat se poursuit entre partisans et adversaires des papes qui
ont dirigé le concile et mis en pratique ses innovations.
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L'Église est infaillible mais Vatican II ne l'est pas
par Sandro Magister
Le 05 mai 2011 - E.
S. M. - Dans son
Homélie pour la béatification de Karol Wojtyla, Benoît XVI a glorifié "le grand héritage du concile Vatican II et
de son timonier, le serviteur de Dieu, le pape Paul VI".
Tout de suite après, il a indiqué que le bienheureux Jean-Paul II était le
pape qui avait voulu "confier ce grand patrimoine à tous ceux qui sont et
seront à l’avenir appelés à le réaliser" :
L'image du "timonier" appliquée au concile est récurrente chez Joseph
Ratzinger. Il y a un an – dans une mémorable catéchèse du mercredi qu’il
avait consacrée à analyser la tempête qui a accompagné et suivi Vatican II –
il a rendu "grâces à Dieu" pour ces "sages timoniers de la
barque de Pierre", Paul VI et Jean-Paul II, qui "d’une part ont défendu la
nouveauté du concile et d’autre part, en même temps, ont défendu l’unicité
et la continuité de l’Église, qui est toujours l’Église de pécheurs et
toujours un lieu de grâce"
►
Comment piloter l'Église dans la tempête. Une leçon
Nouveauté et continuité de l’Église. C’est la clé de lecture du concile sur
laquelle Benoît XVI insiste sans pose, comme étant la seule capable
d’expliquer les variations introduites par Vatican II.
C’est une "herméneutique de la réforme dans la continuité" – expression du
pape Ratzinger – qui est refusée en bloc par les lefebvristes, mais qui ne
satisfait pas non plus certains penseurs du monde traditionaliste, de plus
en plus déçus par le pape actuel, comme www.chiesa l’a récemment mis en
évidence.
L’un des points sur lesquels, d’après ces penseurs, le concile s’est trompé
est la liberté de religion affirmée par la déclaration "Dignitatis humanae".
Le plus net dans sa dénonciation de la rupture est un théologien âgé et
estimé, Brunero Gherardini. Dans un livre publié il y a quelques mois sous
le titre "Quæcumque dixero vobis", il écrit sans ambages que "Dignitatis
humanae" a "renié" et "renversé" l'enseignement des papes précédents. Pas
dans des "décisions historiques" de type pratique, mais en matière de foi.
Sur ce point précis, www.chiesa a présenté, le 28 avril, un essai du
philosophe Martin Rhonheimer qui approuve au contraire la distinction
ratzingerienne entre les "décisions historiques" que l’Église a modifiées,
et "sa nature intime et sa véritable identité" que l’Église a conservées
►
Qui trahit la tradition- Le grand débat
Mais la discussion relancée par les traditionalistes est plus vaste et elle
ne porte pas seulement sur la question de la liberté religieuse.
On trouvera ci-dessous trois nouvelles interventions, dont la première et la
troisième ont été écrites expressément pour www.chiesa.
1. La première est du professeur Roberto de Mattei, historien, qui a publié
récemment "une histoire jamais écrite" du concile Vatican II qui en
reconstitue et en met en évidence les éléments de rupture avec le précédent
magistère de l’Église.
L’archevêque Agostino Marchetto avait répondu à de Mattei par un
compte-rendu très critique paru dans "L'Osservatore Romano"
►
Ma una
storia non ideologica si può scrivere
Ici de Mattei réagit non seulement au texte paru dans "L'Osservatore Romano"
mais également à d’autres critiques d’origine catholique. Et c’est la
première fois qu’il défend son livre de manière aussi développée et
argumentée.
2. La seconde intervention présentée ci-dessous provient d’une revue
traditionaliste américaine, "Remnant". Elle a été publiée le 18 avril par
l’un de ses "columnists", David Werling, en réaction à une note de Francesco
Arzillo qui prenait la défense de l'"herméneutique de la réforme dans la
continuité" défendue par Benoît XVI, note parue sur www.chiesa le 8 avril
dans cet article
►
Les grands déçus du pape Benoît
3. La troisième intervention répond à "Remnant" ; elle soutient les
arguments d’Arzillo et, indirectement, ceux du pape Ratzinger.
Son auteur, Giovanni Cavalcoli, dominicain et théologien, enseigne à la
faculté de théologie de Bologne.
"UN CONCILE PEUT AUSSI COMMETTRE DES ERREURS"
par Roberto de Mattei
Le discours adressé par Benoît XVI à la curie romaine le 22 décembre 2005 a
ouvert à propos du concile Vatican II un débat dont de récents éléments sont
les livres de Mgr Brunero Gherardini, l’important colloque des Franciscains
de l’Immaculée qui a eu lieu à Rome du 16 au 18 décembre 2010 et mon livre
"Il Concilio Vaticano II. Una storia mai scritta" [Le concile Vatican II.
Une histoire jamais écrite] (Lindau, Turin 2010).
En effet, dans son discours, le pape invitait à interpréter les documents de
Vatican II selon une “herméneutique de la continuité”. C’était, en fait, une
incitation décisive à développer le débat à propos du concile autrement que
ne l’a fait "l’école de Bologne" qui a présenté le concile en termes de
fracture et de discontinuité par rapport à la tradition bimillénaire de
l’Église.
J’espérais que nos contributions, qui ne résultaient que d’un désir sincère
de répondre à l’appel du Saint Père, seraient accueillies, sinon avec
enthousiasme, au moins avec intérêt, qu’elles seraient discutées de manière
scientifique et non pas repoussées a priori. En ce qui concerne mon livre,
par exemple, je m’attendais à une discussion historique sérieuse dans des
revues spécialisées.
Or ceux qui me répondent dans des journaux liés aux institutions catholiques
sont Massimo Introvigne, associé du cabinet d’avocats Jacobacci Associati,
sociologue des minorités religieuses, aujourd’hui représentant du
gouvernement italien près l’OSCE, et l’archevêque Agostino Marchetto qui,
après trente ans de carrière diplomatique, a été pendant près de dix ans au
premier rang de la défense des immigrés, des gitans, des clandestins, en
tant que secrétaire du conseil pontifical pour la pastorale des migrants.
Il est probable que ni Mgr Marchetto, ni M. Introvigne, en dépit de leur
mérite ecclésiastique ou professionnel, n’ont eu le temps de faire des
recherches dans des bibliothèques ou des archives historiques ; aucun des
deux n’est historien de profession. Et l’un comme l’autre, dans leurs
articles – publiés respectivement dans “Avvenire” du 1er décembre 2010 et
dans “L’Osservatore Romano” du 14 avril 2011 – rejettent mon livre d’un
point de vue non pas historique, mais idéologique.
Introvigne qualifie mon livre de “véritable somme des thèses
anticonciliaires”, qui “malheureusement propose une fois de plus cette
herméneutique de la rupture que Benoît XVI dénonce comme nuisible”.
Marchetto dit que c’est une histoire “idéologique”, “de tendance
extrémiste”, “polarisée et partisane” comme celle qui a été orchestrée par
l’école de Bologne, même si elle va dans le sens opposé.
Les critiques de Marchetto et Introvigne semblent n’avoir qu’un but : clore
de manière anticipée ce débat que Benoît XVI a ouvert et qu’il a invité à
développer. [...]
Je crois, au contraire, que l’on peut discuter, au point de vue historique,
du concile Vatican II d’une manière qui ne diffère pas de ce qu’ont toujours
fait les historiens de l’Église.
Léon XIII, s’adressant à eux en 1889, écrivait que “ceux qui l’étudient ne
doivent jamais perdre de vue le fait que celle-ci comporte un ensemble de
faits dogmatiques qui s’imposent à la foi et que personne ne peut mettre en
doute [...]. Toutefois, puisque l’Église, qui continue parmi les hommes la
vie du Verbe Incarné, se compose d’un élément divin et d’un élément humain,
ce dernier doit être exposé par les maîtres et étudié par les disciples avec
une grande probité. Comme il est dit dans le livre de Job : ‘Pensez-vous
servir Dieu en déformant les faits?’ (Jb 13, 7)”.
“L’historien de l’Église – continue Léon XIII – sera d’autant plus efficace
quand il fera ressortir l’origine divine de celle-ci, supérieure à tout
concept d’ordre purement terrestre et naturel, qu’il aura été plus loyal en
ne dissimulant rien des souffrances causées au cours des siècles à cette
Épouse du Christ par les erreurs de ses enfants et parfois aussi par celles
de ses ministres. Étudiée ainsi, l’histoire de l’Église, même à elle seule,
constitue une démonstration magnifique et convaincante de la vérité et de la
discontinuité du christianisme”.
L’Église est indéfectible et pourtant, dans sa partie humaine, elle peut
commettre des erreurs et ces erreurs, ces souffrances, peuvent être
provoquées, dit Léon XIII, par ses enfants et même par ses ministres. Mais
cela n’enlève rien à la grandeur et à l’indéfectibilité de l’Église.
L’Église, avait déclaré Léon XIII en ouvrant aux chercheurs les archives du
Vatican, ne craint pas la vérité.
Une vérité que l’historien cherche au niveau des faits, alors que le
théologien la cherche à celui des principes : mais il n’existe pas de vérité
historique qui puisse être opposée à une vérité théologique. Il y a une
unique vérité, qui est le Christ lui-même, fondateur et chef du Corps
Mystique qu’est l’Église ; et la vérité sur l’Église est la vérité sur le
Christ et du Christ, dans la rencontre avec lui, qui est toujours le même,
hier, aujourd’hui et toujours.
Mon livre est né d’un profond amour pour l’Église, pour son magistère, pour
ses institutions et "in primis" pour la papauté. Et mon amour pour la
papauté veut être si grand qu’il ne s’arrête pas au pape actuel, Benoît XVI,
à qui je me sens profondément lié, mais qu’il cherche derrière l’homme
l’institution que celui-ci représente. C’est un amour qui veut englober avec
ce pape tous les papes dans leur continuité historique et conceptuelle,
parce que, pour un catholique, le pape n’est pas un homme, mais une
institution bimillénaire ; il n’est pas un pape, mais il est la papauté, la
suite ininterrompue des vicaires du Christ, depuis saint Pierre jusqu’au
pontife actuellement régnant.
Et bien, il n’y a pas de meilleure façon d’exprimer son attachement au pape
et à l’Église que de servir la vérité dans tous les domaines, parce qu’il
n’existe aucune vérité, historique, scientifique, politique, philosophique
qui puisse être utilisée contre l’Église.
Nous ne devons donc pas craindre de dire la vérité à propos du concile
Vatican II, vingt-et-unième de l’histoire de l’Église...
UNE RÉPONSE AUX TRADITIONALISTES DE "REMNANT", POUR DÉFENDRE ARZILLO
par le P. Giovanni Cavalcoli, O.P.
Chers amis de "Remnant",
Je suis dominicain et professeur de théologie systématique à la faculté de
théologie de Bologne ; j’étudie les doctrines du concile Vatican II depuis
quarante ans.
J’ai lu votre critique de l’article de Francesco Arzillo publié sur
www.chiesa et, avec son accord, je suis heureux de prendre chevaleresquement
sa défense, dans un débat fraternel dans le cadre de la foi catholique et de
la volonté d’obéir au magistère de l’Église et au pape qui nous sont
communes.
Je m’arrête seulement sur trois points de votre propos qui me paraissent
essentiels.
Premier point. Je lis dans "Remnant" :
"Que veut dire Arzillo quand il présente la mentalité 'cartésienne' comme
opposée à la mentalité 'aristotélicienne' ? Veut-il dire que ce
traditionalisme qui doit être censuré est en quelque sorte dualiste ? Ce
n’est pas clair du tout dans ce qu’il écrit. Ceux qui voient les changements
de formulation comme des changements de doctrine ne me paraissent vraiment
pas être, au moins à première vue, des cartésiens dualistes. Il ne me paraît
pas non plus dualiste, au moins à première vue, de traiter les concepts
comme s’ils étaient des idées claires et distinctes. Je ne dis pas qu’ils
devraient être traités ainsi, mais en tout cas ce n’est pas spécifiquement
cartésien de le faire".
En confrontant Descartes à Aristote, Arzillo n’entendait pas se référer au
dualisme de Descartes, dont il ne parle pas, mais à la manière cartésienne
de penser, trop attachée à la clarté et à la distinction, ce qui peut être
acceptable dans le cas des mathématiques, mais pas dans celui de la
théologie, qui est une pensée fondée plus sur l’analogie que sur
l’univocité. Maintenant, la méthode de l’analogie est justement
caractéristique d’Aristote et pas de Descartes.
La pensée analogique permet de comprendre comment un concept, tout en
restant identique à lui-même, peut cependant se développer en même temps,
progresser, être expliqué et clarifié. C’est typique de tous les phénomènes
vitaux, du niveau biologique au niveau spirituel. C’est pourquoi le
bienheureux John Henry Newman comparait à juste titre le progrès dogmatique
ou théologique au développement d’une plante, celle-ci croissant et se
développant tout en restant elle-même. Un chêne de deux mètres est toujours
le même, même lorsqu’il a atteint une hauteur de vingt mètres.
Les doctrines de Vatican II ne doivent donc pas être perçues comme un
démenti ou une rupture par rapport à celles du magistère précédent, mais
comme une confirmation et une clarification de celles-ci. En d’autres
termes, grâce à Vatican II nous connaissons mieux ces mêmes vérités de foi
que nous connaissions déjà auparavant.
Il est indiscutable que cette thèse doit être démontrée, parce
qu’effectivement elle n’est pas toujours tellement évidente. Mais en tant
que catholiques, en supposant qu’il s’agisse de matières de foi, nous
pouvons supposer...
On peut lire la suite sur la page de www.chiesa où se trouve le texte
intégral du P. Giovanni Cavalcoli
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Une
réponse aux traditionalistes de "Remnant", pour défendre Arzillo
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 05.05.2011 -
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