"Quel avenir pour la Fraternité
Saint-Pie X ?" Entretien de l'Abbé Barthe |
 |
Le 05 février 2009 -
(E.S.M.)
- En réalité l’hypothèse de l’officialisation de la FSSPX, venant
après la libéralisation de la messe traditionnelle, effraie les
opposants au Pape Benoît XVI. ropos recueillis par
Olivier Figueras pour Présent.
|
L'Abbé Barthe
"Quel avenir pour la Fraternité
Saint-Pie X ?" Entretien de l'Abbé Barthe
Le 05 février 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
— Vous avez écrit dans Présent du 30 janvier : « Ces
évêques, à leur demande, se trouvent désormais déclarés pleinement
catholiques et lavés de toutes censures (l’interprétation
qui semble devoir l’emporter étant que la suspense qui les frappait aussi
était “accessoire” par rapport à l’excommunication et qu’elle disparaît en
même temps qu’elle pour ces évêques). » Pourtant le canon 1359 de
l’actuel Code de droit canonique semble affirmer le contraire. Sur quoi
fondez-vous « l’interprétation qui semble devoir l’emporter » ? Et pourquoi
l’emporterait- elle ?
— Il faut rappeler en deux mots – sans prendre parti sur le fond – que du
point de vue du droit de l’Eglise, en consacrant le 30 juillet 1988 quatre
évêques sans mandat pontifical, NNSS Lefebvre et Castro Mayer, évêques
consacrants, et les quatre évêques consacrés sont tombés sous le coup d’une
excommunication automatique (peine dont la sentence est
pour ainsi dire contenue dans l’acte, dit latae sententiae, à la différence
d’une peine portée par sentence expresse, dite ferendae sententiae).
L’excommunication est la plus grave des peines qui peut frapper un
catholique, puisqu’elle le prive de la communion « extérieure »,
c’est-à-dire qu’il n’a, en principe et sauf exceptions, plus le droit de
célébrer des sacrements, ni même d’y participer. La gravité de la peine est
telle que, si l’excommunication est automatique, on prend souvent la
précaution de la « déclarer ». C’est, en l’espèce, ce qui a été fait par un
décret de la Congrégation des évêques du 1er juillet 1988 signé par le
cardinal Gantin.
Quant aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X, ils sont en principe frappés
par une peine de suspense, censure propre celle-là aux clercs, et qui pour
l’essentiel leur interdit de célébrer les sacrements (sauf
exceptions). Cette peine frappe ici ceux qui ont reçu des ordres
sacrés d’un évêque suspens (de Mgr Lefebvre avant 1988)
ou excommunié (des évêques de la FSSPX après 1988).
Atout le moins, ces prêtres sont considérés officiellement comme
irréguliers, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas le droit d’exercer les ordres
reçus. Le tout sauf exception, et toujours, encore une fois, sans porter de
jugement sur le fond, en s’en tenant à la lettre du droit.
Le
décret de la Congrégation des évêques, du 21 janvier dernier, signé par
le cardinal Re, relève donc les quatre évêques consacrés en 1988 de
l’excommunication déclarée le 1er juillet 1988 et de toutes ses
conséquences, à partir de ce jour. Qu’en est-il alors de la suspense qui
frappait, du fait de leur ordination sacerdotale, trois des évêques
concernés (Mgr Tissier de Mallerais, sauf erreur, ayant
été ordonné prêtre alors que Mgr Lefebvre n’était pas suspens) ?
Deux interprétations semblent possibles :
— la première est l’application stricte du canon 1359 : si une personne est
sous le coup de plusieurs peines (en fait, en général, il
s’agit d’excommunications multiples), la remise ne vaut que pour
la peine mentionnée par l’acte qui la lève ;
— la seconde interprétation, qui semble avoir les faveurs du Saint-Siège,
pour des raisons de bon sens et des raisons d’intérêt général de l’Eglise,
veut que, pour ces évêques de la FSSPX, la suspense était « accessoire » à
la peine principale qui les frappait pour des actes posés dans un même
contexte général et pour des raisons identiques : de sorte que, puisqu’ils
sont lavés du « principal », ils sont aussi logiquement relevés de l’«
accessoire ».
— Vous ajoutiez : « On imagine mal que la FSSPX
n’essaye pas de faire en sorte que la situation de ses prêtres ne devienne
semblable à celle de ses évêques. » Effectivement, on se retrouverait sinon
dans le cas d’avoir, dans la Fraternité, des évêques sans peine canonique,
ordonnant des prêtres qui n’en auraient pas non plus. Alors que les plus
anciens, au moins ceux ordonnés de 1976 à 2008, demeureraient suspens.
Croyez-vous que cet imbroglio puisse être évité ?
— De toute façon, le
décret du 21 janvier met la FSSPX dans une situation juridique tout à
fait exceptionnelle. Elle la met dans un état de déséquilibre qui ne peut
durer qu’un temps, et même qu’un peu de temps : quelle sera, en effet, la
situation des prêtres qui vont désormais être ordonnés en son sein ?
qu’est-ce donc que cette société sacerdotale, dont la catholicité des chefs
est reconnue, mais dont la permission de célébrer est contestée pour les
membres ou pour la majorité d’entre eux ? La décision du 21 janvier oblige
soit à se diriger vers un état nouveau, c’est-à-dire vers une régularisation
globale (évêques, prêtres, statut ecclésial de la FSSPX),
soit à retomber d’une manière ou d’une autre dans l’état antérieur, sans le
motif de « nécessité » (une société de prêtres «
indépendante » qui organise sur l’ensemble de la planète toute une vie
ecclésiale, y compris des ordinations sacerdotales, est de soi inconcevable
dans l’Eglise, a fortiori dans une Eglise qui ne voit aucune difficulté à
l’officialiser). Ni le Pape Benoît XVI ni la FSSPX ne peuvent
rester au milieu du gué. Et on imagine mal les évêques de la FSSPX,
désormais « libérés » laisser leurs soldats rester officiellement « dans les
fers ».
— Pourtant, Mgr Fellay, dans l’entretien accordé à
Présent en date du 31 janvier, estime nécessaire de commencer par certaines
discussions (en accord sur ce point avec le décret
lui-même). La situation de flou juridique (et
disciplinaire) peut-elle donc perdurer, le décret évoquant la
nécessité d’atteindre une « pleine communion » – alors même que Mgr Fellay,
dans le même entretien, estime que cette distinction de communion pleine ou
non n’a pas lieu d’être ?
— Je suis pleinement – c’est le cas de le dire – d’accord avec Mgr Fellay :
la communion ecclésiale (comme l’état de grâce)
est ou n’est pas, mais elle n’est pas plus ou moins pleine. C’est
d’ailleurs là que se trouve toute la difficulté de la théorie œcuménique.
Ceci posé, je remarque avec la même satisfaction que l’ensemble des
catholiques qui estiment qu’il existe dans Vatican II quelques problèmes
doctrinaux qu’il faudra bien un jour résoudre, que le décret du 21 janvier
parle à ce propos – et ceci pour la première fois dans un document du
Saint-Siège – d’existence de « questions ouvertes ». Le décret, rejoignant
les demandes de la FSSPX d’organiser des discussions doctrinales – certains
disent même d’ailleurs que ces demandes de débats ont été déjà partiellement
remplies –, parle en effet de « colloques ».
Mais n’est-il pas évident :
1. que ces colloques, si l’on veut qu’ils préparent sérieusement et
efficacement, fût-ce de loin, des précisions ultérieures du magistère sur
les points ambigus, nécessitent un labeur et surtout un temps qui vont sans
doute dépasser les limites de l’actuel pontificat ?
2. qu’ils n’intéressent pas que la FSSPX, mais tous ceux auxquels telle ou
telle expression de Vatican II pose problème sur le fond ou au moins, ce qui
n’est pas rien, dans les expressions (je pense à des
théologiens romains, à des prêtres et laïcs du monde entier) ?
3. et aussi que concrètement, si de telles discussions s’ouvraient
aujourd’hui, dans le contexte d’ébullition de la marmite médiatique que nous
savons, elles s’enliseraient dans l’ornière des rapports du judaïsme et du
christianisme ?
Il est plus raisonnable de penser que la FSSPX officialisée et le
Saint-Siège voudront convenir de la tenue de colloques organisés sur les «
questions ouvertes », lesquels favoriseront en effet grandement la communion
(la communion pure et simple) dans toute l’Eglise.
— On a évoqué, pour l’officialisation de la
Fraternité, le statut de prélature personnelle (semblable
à celui de l’Opus Dei), ou celui d’une administration apostolique
(semblable à celui de Campos). Rome peut
évidemment trouver une autre voie. Qu’en pensez vous ?
— Les personnes bien informées, comme on dit, assurent qu’un statut
d’administration apostolique (universelle) a
été proposé à la FSSPX en 2001, et que le contenu d’un statut de prélature
personnelle lui a été montré à l’occasion des rencontres du deuxième
semestre de 2008. Une autre solution pourrait être imaginable : celle d’un «
statut d’étape », qui consacrerait officiellement l’état présent de la FSSPX.
Ce pourrait être quelque chose comme un institut de droit pontifical
semblable aux instituts qui dépendent de la Commission Ecclesia Dei
(pourquoi pas, au fait, Commission Summorum Pontificum ?),
au sein duquel existeraient des évêques « titulaires »
(ayant un « titre », mais pas de juridiction). Le statut des
maisons, des lieux de culte, des séminaires serait déterminé ou resterait
indéterminé (je pense, entre autres, à l’exemple du statut
en voie de détermination du séminaire de l’Institut du Bon Pasteur, à
Courtalain). Mais ici, comme vous le pensez bien, je fais de la
science canonique fiction…
— Qui peut empêcher cela ? qui peut le réaliser ?
— Peut-être pensez-vous que je vais répondre : les supérieurs de la FSSPX.
Mais en réalité, ils ne sont que des acteurs – considérables, il est vrai –
parmi beaucoup d’autres de ce qui se passe aujourd’hui. C’est qu’en réalité
l’hypothèse de l’officialisation de la FSSPX, venant après la libéralisation
de la messe traditionnelle, effraie les opposants au Pape (qu’il me soit
permis de rappeler les deux dossiers que je viens de publier dans L’Homme
nouveau : «
Y
a-t-il une opposition romaine au Pape Benoît XVI ? », du 17 janvier 2009
et du 31 janvier 2009.). Concernant la levée des excommunications des
évêques de la FSSPX, de tout récents articles d’Andrea Tornielli et de Paolo
Rodani parlent d’un dossier qui circulerait dans les Palais apostoliques
émettant justement l’hypothèse que l’affaire Williamson – au maximum
regrettable ! – a largement été orchestrée comme une machine de guerre
contre le Pape.
— En définitive, si je vous suis bien, pour la
Fraternité, les choses ne peuvent désormais qu’avancer ou reculer, avec
toutes les conséquences qu’on imagine pour l’Eglise dans l’une ou l’autre
hypothèse. Comment les choses peuvent-elles concrètement avancer ?
— Pour lever l’excommunication qui pesait sur les quatre évêques de la FSSPX,
il leur a été seulement demandé de la solliciter, ce qu’a fait Mgr Fellay au
nom de ses confrères par une lettre datée du 15 décembre 2008. De quoi
s’agit-il aujourd’hui ? D’inclure les prêtres dans la « grâce » pontificale
dont bénéficient les évêques. Logiquement, il suffirait donc que ce qui a
été fait (et demandé) pour les évêques le soit
pour les prêtres. D’où découlerait logiquement l’officialisation de la
société sacerdotale de Mgr Marcel Lefebvre. Et la FSSPX se trouverait au
milieu, comme on dit. Au milieu : je veux dire « à l’intérieur », avec
toutes les conséquences. Disons d’abord que la transformation juridique, et
donc « politique », de la FSSPX contribuerait à son renouvellement interne,
dont on peut souhaiter qu’il s’opère dans le bon sens, c’est-àdire non pas
en perte de pugnacité critique concernant les « questions ouvertes » par
Vatican II, mais en pertinence dans la forme et dans le fond de cette
critique. Mais par-dessus tout, il est clair que l’amorce de la
transformation de la FSSPX en une force « interne » de l’Eglise, de l’Eglise
dans son état actuel – à savoir, négativement, un état de schisme virtuel,
et positivement, une tentative de « restauration » – participerait à un
mouvement amorcé par l’élection de Benoît XVI en 2005 et continué par le
motu proprio de 2007, à ce que j’ai appelé un phénomène de transition,
autrement dit aux prémices de la remise en ordre, pour ne pas dire de la
réforme, d’une Eglise commotionnée par une crise sans précédent, depuis près
d’un demi-siècle en toutes ses parties.
Propos recueillis par Olivier Figueras pour Présent n°
6773 de 5 février 2009
Sources : laportelatine
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 05.02.2009 -
T/Eglise |