Le pape Benoît XVI à l'honneur dans
le discours de Mgr Vingt-Trois |
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Lourdes, le 04 novembre 2008 -
(E.S.M.)
- Discours d’ouverture du cardinal André Vingt-Trois lors de
l'Assemblée plénière des évêques de France dans l'Hémicycle
Sainte-Bernadette à Lourdes.
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La conférence des
évêques de France réunie à Lourdes - Pour
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Discours du cardinal Vingt-Trois à l'ouverture de l'Assemblée plénière des
évêques de France
Chers Frères et Amis,
Je salue très fraternellement les nouveaux évêques qui participent pour la
première fois à nos travaux. Nous sommes tous heureux de leur arrivée dans
notre assemblée et nous leur souhaitons d’y trouver autant de labeur et de
joie que nous en trouvons nous-mêmes.
Avant d’ouvrir la session de notre assemblée, je voudrais vous partager
quelques instants de la visite que je viens de faire à
Moscou avec Mgr Thomazeau, Mgr Riocreux et Mgr de Moulins-Beaufort. A l’invitation du
Patriarche Alexis II, je lui rendais la visite qu’il avait faite à Paris il
y a un an. Nous avons passé quatre jours en Russie dont les moments forts
ont été la visite de la
Laure
de la Trinité-Saint-Serge et de l’Académie de
Théologie qui lui est jointe, une journée aux
îles Solovki qui fut le lieu
du martyre de nombreux orthodoxes évêques, prêtres, religieux, religieuses
et laïcs unis avec des catholiques dans le témoignage de la foi et,
évidemment la rencontre avec le Patriarche Alexis II. Nous avons pu
constater le relèvement de l’Église orthodoxe russe, sa vitalité actuelle et
le désir de nombre de ses responsables, dont le Patriarche Alexis, de nouer
des contacts étroits avec l’Église catholique. Nous savons bien que ces
relations sont marquées aussi par les tensions qui peuvent exister avec le
Patriarcat de Constantinople et qu’elles ne sont pas sans opposition même
parmi les évêques russes. Mais il me semble que ces relations peuvent aussi
aider à un véritable rapprochement de notre Église avec l’orthodoxie. Nous
serons à votre disposition pour en parler avec ceux qui le souhaiteront.
Cette session de notre assemblée est évidemment marquée par les deux grands
événements ecclésiaux que nous venons de vivre. D’abord la
visite pastorale
du Pape Benoît XVI et ensuite la session du
Synode des évêques.
1. Benoît XVI parmi nous.
La visite pastorale du Pape Benoît XVI a été un grand moment de la vie de
notre Église. Les rassemblements de
Paris et de
Lourdes ont montré aux
observateurs attentifs et impartiaux que l’image donnée trop souvent d’une
Église en décadence et sans avenir ne correspond pas à la réalité. Nous
avons vu une Église où les jeunes, adolescents, étudiants, jeunes
professionnels jeunes familles avec leurs enfants, tenaient une place
centrale et donnaient à nos rencontres un climat de joie, de sérénité et de
recueillement tout-à-fait impressionnant. Beaucoup de personnes en ont été
frappées à Rome et dans d’autres pays, nous en avons eu des témoignages
nombreux au cours du récent synode.
La présence du Pape tout à la fois proche et accueillant, et totalement
plongé dans la contemplation du Christ Sauveur a été un révélateur. Elle a
manifesté la véritable personnalité de Benoît XVI, son espérance, sa
confiance, et sa bonté. Elle a montré aussi l’affection que nous lui portons
et notre profonde communion avec lui. La densité spirituelle des
célébrations que nous avons vécues autour de lui a exprimé de manière
sensible la richesse de notre unique liturgie commune quand on y apporte
tout le soin qu’elle mérite.
La
réunion qu’il a présidée ici même a été l’occasion de manifester
clairement notre communion avec le Successeur de Pierre et la convergence de
nos préoccupations et de nos recherches. Nous sortons fortifiés de cette
rencontre pour nous engager et engager nos diocèses dans les voies de
l’évangélisation. Les questions que le Pape a évoquées sont les mêmes
questions qui font l’objet de nos préoccupations permanentes : les
vocations, la famille, la catéchèse et la jeunesse, l’unité des communautés,
l’engagement dans les relations œcuméniques et les relations avec nos frères
juifs, la rencontre des religions non-chrétiennes. Ce sont autant de
domaines dans lesquels nous nous efforçons de progresser, chacun dans nos
diocèses comme à l’échelon national.
L’appel de jeunes hommes et de moins jeunes au sacerdoce est évidemment au
cœur de nos préoccupations comme le montrent les diverses initiatives prises
dans les diocèses de France pour relancer sans cesse la pastorale des
vocations et améliorer les conditions de la formation des prêtres. Les
prêtres sont nos collaborateurs quotidiens et nous les recevons vraiment
comme un « don de Dieu pour l’Église », « la couronne spirituelle de
l’évêque. » Cette fois encore, nos travaux nous invitent à poursuivre notre
réflexion sur les vocations, la formation et le ministère des prêtres.
Le Pape m’a fait part de sa grande satisfaction et de la joie qu’il avait
éprouvée parmi nous. De son côté, chacun de nous a pu recueillir les échos
positifs de ce voyage bien au-delà des limites des cercles ecclésiaux. Une
nouvelle fois, au nom de l’ensemble de nos diocèses, je veux exprimer au
Pape Benoît XVI notre reconnaissance pour tout ce qu’il nous a permis de
vivre au cours des ces quelques jours. Nous nous emploierons à en récolter
les fruits.
2. Synode des évêques.
Avec les délégués de la Conférence, nous rentrons tout juste de la XII°
session générale du
Synode des évêques. Nous aurons l’occasion tout à
l’heure de partager nos réflexions sur le thème même du synode : « La Parole
de Dieu dans la vie et la mission de l’Église. » Mais avant d’entrer dans le
contenu et les résultats de cette session, nous pouvons déjà saluer
l’événement d’Église qu’elle a représenté. Près de 250 Pères synodaux
entourés d’experts, d’auditeurs et de délégués des autres communautés
chrétiennes ont vécu trois semaines d’échanges intenses sur la vitalité de
l’Église à travers le monde et ont participé à une véritable expérience de
la communion ecclésiale. Ils ont recueilli les fruits de la fécondité de la
Parole de Dieu et ils ont partagé les espérances et les épreuves de
l’évangélisation sur les cinq continents.
La mise en valeur de la Parole de Dieu dans la vie des communautés appelle
certainement un renouveau de la diffusion de la Bible
auprès des chrétiens et un développement des moyens de formation à la
lecture priante des Saintes Écritures, à travers le monde et donc
chez nous. Les risques de lectures fondamentalistes par des groupes à
tendances sectaires supposent une meilleure capacité de la lecture de
l’Écriture en Église et de son interprétation. Nous avons mesuré que la
Constitution conciliaire
Dei Verbum
avait besoin d’être à nouveau étudiée et mise en œuvre, tout
particulièrement dans la dimension théologique de l’interprétation biblique.
Faut-il rappeler que quarante ans représentent une génération ? Pour
beaucoup de chrétiens, le Concile fait partie des événements de l’histoire.
Nous avons à actualiser son message. La formation des prêtres et des laïcs
doit mieux s’appliquer à l’articulation entre une exégèse historique et une
véritable lecture théologique des Écritures. Cet objectif suppose une
recherche systématique dans l’élaboration pédagogique et une collaboration
étroite et habituelle entre les exégètes et les théologiens. Le
Message des
Pères synodaux est un vibrant appel à investir nos forces dans ce champ
apostolique.
Sans doute l’écho médiatique de cet événement n’a-t-il pas été à la hauteur
de l’expérience vécue autour de Benoît XVI. Les préoccupations de
l’équilibre économique mondial ont éclipsé une réflexion qui débordait de
toute part les cours de la bourse. Mais à l’échelle du temps, du monde et
des attentes des hommes, qui saura ce qui aura le plus d’effet ? Dieu qui
s’adresse à l’humanité lui apporte une espérance qui peut lui permettre de
surmonter les péripéties de l’histoire et lui ouvrir un avenir plus assuré
que les fluctuations économiques.
3. Notre société.
Ces événements de la vie de notre Église ne sont pas sans liens avec notre
société à laquelle nous souhaitons apporter la Bonne Nouvelle et l’espérance
qui nous habite.
Les soubresauts financiers qui marquent la période que nous vivons sont
lourds de conséquences et de menaces, non seulement pour les revenus des
grandes institutions financières ou pour les petits épargnants (1), mais aussi
pour tous ceux dont les moyens de travailler et de vivre dépendent de la
vitalité et de la production des entreprises, quelle que soit leur taille.
L’implication forte et rapide des gouvernements européens a peut-être évité
le pire. Il a montré en tout cas que la détermination permettait de faire
face ensemble à une période de crise. Face à la précarité de l’emploi et à
la baisse de nombreux revenus, nous sommes tous invités à développer notre
réflexion sur l’organisation de la vie économique et sociale. Certes, notre
Église n’a ni la mission ni la compétence pour apporter des solutions à ces
problèmes. Mais elle a la mission et la compétence pour aider nos
concitoyens à vivre humainement dans ce contexte économique et pour en
mesurer les enjeux moraux.
Si la redistribution des revenus et des richesses peut séduire par son
intention généreuse, nous ne pouvons pas éluder une question beaucoup plus
radicale qui est celle de notre modèle de société. Partager des richesses
est une attitude altruiste, mais le moment vient où nous devons prendre en
compte les limites des richesses à partager. Comment pouvons-nous aider nos
contemporains à intégrer dans leurs attentes le fait que notre planète n’est
pas un réservoir indéfini de consommation possible ? Comment les aider à
mieux admettre que nous ne devons pas seulement viser à la répartition des
richesses entre pays développés, dans une société qui devrait assumer tous
les risques particuliers ? Nous devons aussi assumer notre responsabilité
dans le partage du travail et du développement avec les autres peuples de la
terre. (2) La France, comme l’Europe industrialisée, doit affronter cette
réalité ou voir sa prospérité se dissoudre inéluctablement. Notre
responsabilité est aussi engagée dans les attitudes à l’égard des ressources
naturelles. Sans céder à un catastrophisme apocalyptique, dont les
prévisions sont généralement démenties par les faits, nous devons affronter
la question très réelle des coûts en ressources naturelles non renouvelables
de notre modèle de consommation.
La gestion sociale du temps est confrontée elle aussi aux limites humaines.
Les projets de dérogations nombreuses et légales au repos dominical
s’inscrivent dans la perspective des mutations de notre société vers une
norme du rendement maximum sans mesurer assez les coûts humains des
changements envisagés. Nous n’oublions pas que déjà un nombre importants de
nos concitoyens sont astreints au travail dominical, notamment dans certains
services publics. Mais précisément, il s’agit d’une astreinte en faveur du
service de tous. Étendre cette astreinte par une possibilité laissée au «
libre choix » se réfère à un autre mobile : développer le rendement d’un
certain nombre de secteurs d’activités économiques et miser sur l’appât du
gain pour convaincre. Gagner plus doit-il devenir le principal objectif de
l’existence ?
Que les chrétiens ne soient pas favorables à une extension du travail le
dimanche ne surprendra personne. Pour eux, le Jour du Seigneur n’est pas un
jour férié comme les autres. C’est le Jour de la Résurrection qu’ils
célèbrent dans la joie et la fraternité. Cette obligation du repos dominical
suppose de renoncer à d’autres activités, fussent-elles très rémunératrices.
Le dimanche est aussi le jour d’une vie familiale plus intense et plus
riche. Comment peut-on souhaiter que le tissu familial soit plus riche et
plus structurant pour la vie sociale, si chacun des membres de la famille
est retenu ailleurs par son travail ? Est-il normal que pour gagner
honnêtement sa vie on soit invité à renoncer à la qualité de la vie ? Si des
dispositions législatives généralisaient le champ du travail dominical, les
dommages humains et sociaux qui en découleraient seraient sans commune
mesure avec le profit économique qui peut en résulter. Ce serait une mesure
supplémentaire dans la déstructuration de notre vie collective qui ne
toucherait pas seulement les chrétiens. (3)
De même, la révision des lois dites de bioéthique nous confronte à un
réalisme incontournable. La recherche scientifique et ses applications
médicales sont-elles faites pour le bien de l’homme et pour quel modèle
d’humanité ? Voulons-nous laisser se développer, dans nos pays avancés, une
course effrénée aux brevets, par tous les moyens disponibles ? Voulons-nous
laisser instrumentaliser et commercialiser l’être humain sans aucune mesure
ni aucune limite ? Il semble aujourd’hui que des personnes de plus en plus
nombreuses commencent à entendre ces questions et acceptent d’y réfléchir.
Elles savent que nous sommes attentifs à leurs réflexions et toujours
disponibles pour y apporter notre contribution. Les avis que nous sommes
invités à donner se situent toujours sur le plan qui est le nôtre,
c’est-à-dire celui des enjeux humains et moraux des décisions à prendre.
Nous préférons évidemment qu’ils ne soient pas sous-estimés devant
l’autorité sans partage de spécialistes qui ont parfois tendance à négliger
ces dimensions éthiques de la réalité, au moins jusqu’à ce qu’une crise
grave les impose.
4. Notre programme.
L’assemblée que nous ouvrons aujourd’hui a un programme chargé qui vous a
été communiqué avec les documents préparatoires. (*) Nous ferons le point sur
les groupes de travail du Comité Études et Projets et nous aviserons aux
suites à donner pour les différents groupes. Tous concernent de quelque
manière des questions déjà évoquées à l’instant. D’autre part, nous avons à
valider les cahiers des charges des commissions et des conseils épiscopaux
et ceux des services nationaux qui en dépendent. Dans ce travail
d’évaluation sur la mise en place commencée il y a trois ans, nous ne
négligerons pas non plus d’intégrer, nous aussi, ce que je disais
précédemment sur l’ajustement des projets et des initiatives aux moyens dont
nous disposons, notamment les moyens économiques dont les contraintes
doivent impérativement être mieux assumées. Les élections des présidents de
commissions ou de conseils qui suivront ce débat devront tenir compte de
cette exigence d’une réduction de nos dépenses et d’une gestion plus
rigoureuse, au moins aussi rigoureuse que celle que nous appliquons
courageusement dans nos diocèses.
Il nous reste maintenant à nous mettre au travail et à faire en sorte qu’il
soit fécond pour autant qu’il dépend de nous. Pour ce qui dépend de Dieu
nous savons qu’Il ne nous fera pas défaut.
Discours d’ouverture du cardinal André
Vingt-Trois
Hémicycle Sainte-Bernadette – Lourdes – 4 novembre 2008
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Discours d'ouverture de l'assemblée plénière
Cette Assemblée de novembre 2008 rassemble cent douze évêques des diocèses
de France en exercice (métropole et DOM),
dix-sept évêques émérites (en retraite), trois
évêques des territoires d’outre-mer, le nonce apostolique
(représentant le Pape en France). Quinze évêques représentant des
conférences épiscopales étrangères, les directeurs des services nationaux de
la Conférence des évêques des France, les responsables des conférences des
religieux et religieuses, ainsi que des représentants d’autres confessions
chrétiennes assistent également à l’Assemblée plénière.
Ndlr : (1) Les dépôts des petits épargnants sont
heureusement garantis par l'État, il n'y a pas lieu de les inquiéter.
(2) Quand tout allait bien, nous n'avons pas "vraiment" partagé avec
le milliard d'êtres humains qui meurent de faim, ni avec les églises des
continents pauvres ! Oui, il est temps de
rappeler le message évangélique et de changer "notre
modèle de société" (de surconsommation et de loisirs).
(3) Les chrétiens que nous côtoyons à la Messe sont en grande
majorité des "retraités"; pour les autres chrétiens il serait bon de leur
rappeler que la Messe n'est pas une "option" mais une obligation !
►
Assemblée plénière des évêques de France, à
Lourdes du 4 au 9 novembre
►
Programme de l'assemblée plénière des évêques de France (Pdf)
►
Interventions de Mgr Vingt-Trois au Synode des évêques
Nouveau: conseils aux personnes qui
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Sources :
eglise.catholique -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 04.11.2008 -
T/Église |