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19 Avril 2005
 

Jean-Paul II affirma qu'il n'était pas au pouvoir de l’Église de modifier sa Fondation

 

Rome, le 03 août 2008 - (E.S.M.) -  Comme le pape Benoît XVI et l’archevêque Rowan Williams l’ont indiqué dans leur Déclaration Commune de novembre 2006, “Avec le développement de notre dialogue, beaucoup de catholiques et d’anglicans ont trouvé, les uns chez les autres, un amour du Christ qui nous incite à coopérer et à nous rendre service concrètement. Cette fraternité dans le service du Christ, qu’ont ressentie beaucoup de nos communautés dans le monde, donne un élan supplémentaire à nos relations.

Le cardinal Walter Kasper -  Pour agrandir l'image: Cliquez

Jean-Paul II affirma qu'il n'était pas au pouvoir de l’Église de modifier sa Fondation

Début du texte : Le card. Kasper, envoyé de Benoît XVI à la conférence de Lambeth - 31.07.08

I. Description de nos relations au cours des dernières années

Cette première partie vise à nous rafraîchir la mémoire, pour que nous n’oubliions pas nos succès des 40 dernières années et ce qu’ils représentent. Quand Vatican II a évoqué, dans son décret sur l’œcuménisme, les “nombreuses Communions qui se sont séparées du Siège de Rome” au XVIe siècle, il a reconnu que “parmi celles où des traditions et institutions catholiques subsistent partiellement, la Communion anglicane occupe une place particulière ” (Unitatis Redintegratio n°13). Cette affirmation est fondée sur une interprétation ecclésiologique selon laquelle, pour les catholiques, la Communion anglicane contient des éléments significatifs de l’Église de Jésus-Christ. Dans leur Déclaration Commune de 1977, Donald Coggan, archevêque de Canterbury, et le pape Paul VI ont indiqué quelques uns de éléments ecclésiaux quand ils ont écrit:

"Dès lors que l’Église catholique romaine et les Églises de la Communion anglicane ont cherché à progresser dans la compréhension mutuelle et la charité chrétienne, elles en sont arrivées à reconnaître et apprécier, dans un sentiment d’action de grâces, une foi commune en Dieu notre Père, en Jésus-Christ notre Seigneur et en l’Esprit Saint; notre baptême commun dans le Christ; le fait que nous avons en commun les Saintes Écritures, le Symbole des Apôtres et celui de Nicée, la définition de Chalcédoine et l’enseignement des Pères; l’héritage chrétien qui nous a été commun pendant de nombreux siècles, avec ses traditions vivantes quant à la liturgie, la théologie, la spiritualité et la mission."

Dans ce texte, l’archevêque Coggan et Paul VI soulignent le terrain commun, source commune et centre de notre unité, déjà existante mais encore incomplète: Jésus-Christ et la mission de L’apporter à un monde qui en a un besoin si désespéré. Ce dont nous parlons, ce n’est pas une idéologie, une opinion personnelle que l’on peut partager ou non; c’est notre fidélité à Jésus-Christ dont les apôtres ont été les témoins, et à son Évangile qui nous a été confié. Dès le départ nous devons donc nous souvenir de ce qui est en jeu quand nous nous mettons à parler de fidélité à la tradition et à la succession apostoliques, quand nous parlons du triple ministère, de l’ordination des femmes et des commandements moraux. Ce dont nous parlons c’est uniquement de notre fidélité au Christ Lui-même, notre maître unique et commun. Et que peut être notre dialogue, sinon une expression de notre intention et de notre désir de ne faire qu’un en Lui, afin d’être totalement unis dans le témoignage de Son Évangile ?

On l’a souvent dit, mais cela vaut la peine de le répéter : le dialogue est dynamisé par le désir d’être fidèles à la volonté exprimée par le Christ que ses disciples soient un comme il est un avec le Père; et cette unité est directement liée à la mission du Christ et de l’Église vis-à-vis du monde: qu’ils soient un pour que le monde croie. Notre témoignage et notre mission ont été gravement perturbés par nos divisions et c’est par fidélité au Christ que nous nous sommes engagés dans un dialogue, fondé sur l’Évangile et les anciennes traditions qui nous sont communes, avec l’unité complète et visible comme objectif. Pourtant l’unité complète n’était et n’est pas une fin en soi, mais un signe et un moyen de recherche de l’unité avec Dieu et de la paix dans le monde.

A partir de là, nous pouvons dire avec confiance, en voyant ce que l’Anglican-Roman Catholic International Commission (ARCIC) a réalisé en près de 40 ans, qu’elle a vraiment donné de bons fruits. Dans une première phase (1970-1981), l’ARCIC s’est occupée de la Doctrine Eucharistique (1971) et du Ministère et de l’Ordination (1973); dans les deux cas elle a affirmé avoir obtenu un accord substantiel. La réponse officielle catholique (1991), bien qu’elle ait demandé un travail supplémentaire sur ces deux sujets, a dit que ces textes constituaient “une étape significative” témoignant “que des points de convergence et même d’accord avaient été trouvés, ce que beaucoup de gens n’auraient pas cru possible avant le début des travaux de la Commission”. Les Clarifications (1993) apportées par les membres de la Commission ont été considérées par les autorités catholiques comme “ayant grandement renforcé l’accord dans ces domaines”. La première phase du travail de l’ARCIC a aussi abouti à deux documents sur la question de l’Autorité dans l’Église (1976, 1981), thème qui fut au cœur des divisions du XVIe siècle.

Les textes de la deuxième phase du travail de l’ARCIC (1983-2005) n’ont pas été présentés pour recevoir une réponse formelle de l’Église Catholique ou de la Communion anglicane et ils n’ont pas conduit à une résolution définitive ou à un consensus complet sur les sujets traités, mais chacun d’eux a suggéré un rapprochement croissant. Salvation in the Church (1986) est en harmonie, de bien des façons, avec la Déclaration Conjointe sur la Doctrine relative à la Justification que l’Église Catholique et la Fédération Luthérienne Mondiale ont signée en 1999. Partant de l’interprétation de l’Église comme koinonia qui avait été présentée pour la première fois dans l’introduction du Rapport Final de l’ARCIC I, l’ARCIC II a proposé le travail plus abouti de la Commission en matière d’ecclésiologie dans The Church as Communion (1991). Life in Christ (1994) a réussi à dégager une vision partagée et un héritage commun pour l’enseignement de l’éthique, malgré des différences dans les applications pastorales des principes moraux. The Gift of Authority (1999) est revenu sur le thème de l’autorité et a nettement progressé sur la nécessité d’un ministère universel de primauté dans l’Église. Mary: Grace and Hope in Christ (2005) a progressé de manière importante et imprévue vers une perception commune de la Vierge Marie.

Comme vous le savez, l’ordination de femmes à la prêtrise dans plusieurs provinces anglicanes, à partir de 1974, et à l’épiscopat, à partir de 1989, a beaucoup compliqué les relations entre la Communion anglicane et l’Église catholique. J’y reviendrai le moment venu. Alors que cet obstacle était présent dans nos esprits et que nous cherchions ce qu’on pouvait faire malgré tout afin de poursuivre nos relations, une importante initiative a été mise en œuvre peu après la dernière Conférence de Lambeth. En mai 2000, mon prédécesseur, le cardinal Edward Idris Cassidy, et l’archevêque George Carey ont invité 13 primats anglicans et les présidents des conférences épiscopales catholiques correspondantes, ou leur représentants, à Mississauga, au Canada, pour évaluer ce qui avait été réalisé dans le cadre du dialogue de l’ARCIC et, à la lumière des réussites et des difficultés qui marquaient nos relations, proposer des recommandations tendant à d’éventuels progrès.

Ayant assisté à beaucoup de réunions œcuméniques dans ma vie, je suis heureux de dire que c’est l’une des meilleures auxquelles j’aie jamais assisté. L’esprit de prière et d’amitié, la réflexion sérieuse non seulement sur le travail de l’ARCIC mais aussi sur les relations œcuméniques dans chaque région représentée, et le profond désir de réconciliation qui imprégnait cette réunion de Mississauga, ont renouvelé l’espoir de progrès significatifs dans les relations entre la Communion anglicane et l’Église catholique. L’un des fruits de la réunion de Mississauga a été la création de l’International Anglican-Roman Catholic Commission for Unity and Mission (IARCCUM), une commission principalement composée d’évêques. La semaine dernière, cette Conférence de Lambeth a étudié le document de l’IARCCUM, Growing Together in Unity and Mission. Ce document, qui fait la synthèse du travail de l’ARCIC, donne l’évaluation par la Commission des progrès que nous avons accomplis dans notre dialogue et identifie les questions restant à traiter.

Pendant les 40 dernières années, nous ne nous sommes pas seulement engagés ensemble dans le dialogue théologique. D’étroites relations de travail se sont développées entre anglicans et catholiques, au niveau non seulement international, mais aussi, bien souvent, régional et local. Comme le pape Benoît XVI et l’archevêque Rowan Williams l’ont indiqué dans leur Déclaration Commune de novembre 2006, “Avec le développement de notre dialogue, beaucoup de catholiques et d’anglicans ont trouvé, les uns chez les autres, un amour du Christ qui nous incite à coopérer et à nous rendre service concrètement. Cette fraternité dans le service du Christ, qu’ont ressentie beaucoup de nos communautés dans le monde, donne un élan supplémentaire à nos relations.

Vraiment, ce que nous avons réalisé n’est pas peu de choses et nous l’avons obtenu grâce aux années de dialogue à l’ARCIC et à l’IARCCUM. Nous sommes reconnaissants à ces commissions pour leur travail et nous, catholiques, ne voulons pas laisser perdre ces succès. Nous voulons vraiment continuer dans cette voie et conduire à son terme la tâche entreprise il y a 40 ans.

C’est pourquoi je suis d’autant plus triste de devoir maintenant – dans la fidélité à ce que je crois être la volonté du Christ et avec la franchise que permet l’amitié – étudier les problèmes qui ont surgi et grandi au sein de la Communion anglicane depuis la dernière Conférence de Lambeth ainsi que les répercussions de ces tensions internes sur l’œcuménisme. Dans la deuxième partie de cet exposé, je voudrais aborder plusieurs problèmes ecclésiologiques qui résultent de la situation actuelle de la Communion anglicane et soulever des questions difficiles et profondes. Mais avant de le faire, je voudrais répéter ce que j’ai dit en novembre 2006 quand l’archevêque de Canterbury est venu à Rome voir le pape Benoît XVI : “Les questions et les problèmes de nos amis sont aussi les nôtres”. C’est pourquoi je soulève ces questions non pas comme un juge, mais comme un partenaire œcuménique qui a été profondément découragé par les évènements récents et qui souhaite vous apporter une réflexion honnête, dans une perspective catholique, sur cette question: comment et où pouvons-nous aller de l’avant dans le contexte actuel.

II. Considérations ecclésiologiques

Ce que je veux dire dans cette deuxième partie ne constitue bien sûr pas un cours magistral d’ecclésiologie. Encore une fois, je souhaite simplement vous donner un aperçu de quelques faits bien connus des dernières décennies qui pourraient ou devraient nous aider à trouver un chemin – dont j’espère qu’il nous soit commun – pour avancer.

Longtemps les questions d’ecclésiologie ont été un important point de controverse entre nos deux communautés. Lorsque j’étais étudiant, j’ai étudié tous les arguments ecclésiologiques soulevés par John Henry Newman et qui l’ont amené à devenir catholique. Ses préoccupations principales portaient sur l’apostolicité en communion avec le Saint-Siège en tant que gardien de la tradition apostolique et de l’unité de l’Église. Je pense que ses questions restent actuelles et que nous n’avons pas encore épuisé cette discussion.

Newman avait affaire à l’Église d’Angleterre de son temps. Aujourd’hui nous sommes confrontés à des problèmes supplémentaires au niveau de la Communion anglicane qui comporte 44 églises régionales et nationales, chacune étant autonome. L’indépendance sans une interdépendance suffisante est désormais un problème critique.

Il y a deux ans, le document Growing Together in Unity and Mission de l’IARCCUM présentait la situation au sein de la Communion Anglicane et ses implications sur l’œcuménisme de la manière suivante : “Toutefois, depuis cette réunion à Mississauga, les Églises de la Communion anglicane sont entrées dans une phase de disputes due à l’ordination épiscopale d’une personne engagée dans une relation homosexuelle publiquement assumée et par l’autorisation de cérémonies publiques de bénédiction pour les unions homosexuelles. Ces questions ont intensifié la réflexion sur la nature de la relation entre les églises de la Communion anglicane [...] De plus, les relations œcuméniques sont devenues plus compliquées parce que des propositions formulées au sein de l’Église d’Angleterre ont concentré l’attention sur la question de l’ordination de femmes à l’épiscopat qui est une partie bien établie du sacerdoce dans certaines provinces anglicanes(n° 6). En plus des développements liés à ce dernier point, nous devons maintenant tenir compte de la décision d’un nombre significatif d’évêques anglicans de ne pas assister à cette Conférence de Lambeth, et de propositions émanant de l’intérieur même de l’anglicanisme et qui défient les organes d’autorité existant au sein de la Communion anglicane.

Dans la partie suivante, j’étudierai plus directement quelques unes de ces questions, mais pour l’instant je vais me concentrer spécifiquement sur la dimension ecclésiologique des problèmes actuels, en me référant à ce que nous avons dit ensemble de la nature de l’Église et aux initiatives de la Communion anglicane pour traiter ces querelles internes.

En mars 2006, l’archevêque de Canterbury m’a invité à prendre la parole à une réunion de la Chambre des Évêques de l’Église d’Angleterre, sur la mission des évêques dans l’Église. L’arrière-plan de cette intervention était la possible ordination de femmes à l’épiscopat, mais la discussion centrale sur la nature du ministère épiscopal comme ministère d’unité est liée à tous les points de tension au sein de la Communion anglicane que nous avons identifiés précédemment.

En résumé, j’ai déclaré que l’unité, l’unanimité et la koinonia (communion) sont des concepts fondamentaux dans le Nouveau Testament et l’Église primitive. J’ai déclaré: “Dès l’origine, le ministère épiscopal était “koinonialement” ou collégialement intégré dans la communion de tous les évêques; il n’était jamais perçu comme un ministère à comprendre ou à pratiquer individuellement”. Puis j’ai abordé la théologie du ministère épiscopal d’un Père de l’Église très important pour les Anglicans et pour les Catholiques, Cyprien de Carthage, évêque martyr au IIIe siècle.

Sa formule “episcopatus unus et indivisus” est bien connue. Elle apparaît dans le contexte d’une adjuration pressante de Cyprien à ses confrères évêques: “Quam unitatem tenere firmiter et vindicare debemus maxime episcopi, qui in ecclesia praesidimus, ut episcopatum quoque ipsum unum atque indivisum probemus.” [“Cette unité, nous devons la retenir et la revendiquer fermement, surtout nous, les évêques, qui présidons dans l’Église, afin de prouver que l’épiscopat est également un et indivisible”. […] Cette exhortation pressante est suivie d’une interprétation précise de la formule “episcopatus unus et indivisus”. “Episcopatus unus est cuius a singulis in solidum pars tenetur” [“L’épiscopat est un tout que chaque évêque reçoit dans sa plénitude”.] (De ecclesiae catholicae unitate I, 5).

Mais Cyprien va plus loin: non seulement il insiste sur l’unité du peuple de Dieu avec son évêque, mais il ajoute aussi que personne ne peut imaginer qu’il soit en communion avec quelques évêques seulement, parce que “l’Église Catholique n’est pas en plusieurs morceaux séparés” mais “elle ne forme qu’un tout dont l’union des évêques est le lien(Ep. 66,8)... Cette collégialité n’est bien sûr pas limitée à la relation horizontale et synchronique de l’évêque avec ceux qui sont évêques en même temps que lui; puisque l’Église est une et la même dans tous les siècles, l’Église d’aujourd’hui doit aussi conserver un consensus diachronique avec l’épiscopat des siècles précédents et surtout avec le témoignage des apôtres. C’est là le sens le plus profond de la succession apostolique dans le ministère épiscopal.

Le ministère épiscopal est donc un ministère d’unité dans un double sens. Les évêques sont signe et instrument d’unité au sein de chaque Église locale, comme ils le sont entre les Églises locales d’une époque donnée et entre les Églises de tous les temps au sein de l’Église universelle.

Cette interprétation du ministère épiscopal a été mise en avant dans les déclarations communes de l’ARCIC, tout spécialement dans Church as Communion et dans les déclarations de l’ARCIC sur l’autorité dans l’Église. Church as Communion (n° 45) affirme que :

"Pour la formation et le développement de cette communion, Notre Seigneur Jésus-Christ a établi un ministère de supervision, dont la plénitude est confiée à l’épiscopat, qui a la responsabilité de maintenir et d’exprimer l’unité des Églises (cf. n° 33 & 39; Rapport Final, Ministry and Ordination). En les guidant, en les instruisant, en célébrant les sacrements, notamment l’eucharistie, ce ministère garde les croyants unis dans la communion de l’Église locale et dans la communion plus large de toutes les Églises (cf. n° 39). Ce ministère de supervision a une dimension collégiale et une dimension primatiale. Il est enraciné dans la vie de la communauté et il est ouvert à la participation de celle-ci à la découverte de la volonté divine. Il est exercé de manière à ce que l’unité et la communion soient exprimées, préservées et encouragées à tous les niveaux — local, régional et universel."

Le même déclaration commune donne l’interprétation des Communions anglicanes et catholiques selon laquelle les évêques accomplissent leur ministère dans la succession apostolique, qui est “destinée à assurer à chaque communauté que sa foi est vraiment la foi apostolique, reçue et transmise depuis les temps apostoliques” (Church as Communion, 33).

Le document de l’ARCIC intitulé The Gift of Authority a développé cette idée en affirmant :

"Il y a deux dimensions - diachronique et synchronique - de la communion dans la Tradition apostolique. Le mécanisme de la tradition implique clairement la transmission de l’Évangile d’une génération à une autre (diachronique). Si l’Église doit rester unie dans la vérité, il doit aussi impliquer la communion des Églises, partout, à cet unique Évangile (synchronique). Les deux dimensions sont nécessaires pour la catholicité de l’Église (n° 26)".

Le texte ajoute que chaque évêque, en communion avec tous les autres évêques, a la responsabilité de préserver et d’exprimer la plus large koinonia de l’église, et qu’il “participe au soin de toutes les églises” (n° 39). L’évêque est donc “à la fois une voix pour l’église locale et une personne à travers laquelle l’église locale apprend des autres églises” (n° 38). Gift of Authority (n° 37) souligne aussi le rôle joué par le collège des évêques dans le maintien de l’unité de l’Église :

"L’interdépendance mutuelle de toutes les Églises est une partie intégrante de la réalité de l’Église selon la volonté de Dieu. Aucune église locale qui participe à la Tradition vivante ne peut se considérer comme autosuffisante. Le ministère de l’évêque est essentiel, parce qu’il sert la communion à l’intérieur des églises locales et entre elles. Leur communion mutuelle s’exprime par l’incorporation de chaque évêque dans un collège d’évêques. Les évêques sont, à la fois personnellement et collégialement, au service de la communion."

N’ayant pas le temps de tirer davantage de l’ecclésiologie de l’ARCIC, je me limiterai à dire que, dans notre dialogue, nous avons su présenter une conception forte du ministère épiscopal, dans le contexte d’une interprétation partagée de l’Église comme koinonia.

Il est significatif que le Rapport de Windsor de 2004, en cherchant à fournir à la Communion anglicane des bases ecclésiologiques lui permettant de traiter la crise actuelle, ait aussi adopté une ecclésiologie de koinonia. Cela m’a paru utile et encourageant. C’est pourquoi, en réponse à une lettre de l’archevêque de Canterbury qui demandait une réaction œcuménique au Rapport de Windsor, j’ai indiqué que “même si les importantes questions ecclésiologiques qui nous divisent encore vont continuer à solliciter notre attention, cette façon de voir est fondamentalement en ligne avec l’ecclésiologie de communion de Vatican II. Les conséquences que le Rapport tire de cette base ecclésiologique sont également constructives, notamment l’interprétation de l’autonomie provinciale en termes d’interdépendance, et donc ‘soumises aux limites créées par les engagements de communion(Windsor n.79). Cela a un lien avec la volonté que manifeste le Rapport d’un renforcement de l’autorité supra-provinciale de l’archevêque de Canterbury (nn.109-110) et avec la proposition d’un Pacte Anglican qui ‘rendrait explicites et puissants la loyauté et les liens d’affection qui régissent les relations entre les églises de la Communion(n.118).

La seule faiblesse que j’aie notée en matière d’ecclésiologie est que “alors que le Rapport insiste sur le fait que les provinces anglicanes ont une responsabilité les unes envers les autres et envers le maintien de la communion, une communion enracinée dans les Écritures, très peu d’attention est donnée à l’importance d’être en communion avec la foi de l’Église à travers les âges”. Dans notre dialogue, nous avons affirmé conjointement que les décisions d’une église locale ou régionale doivent non seulement favoriser la communion dans le contexte spécifique, mais aussi être en accord avec l’Église du passé et notamment avec l’Église apostolique telle que nous la connaissons par les Écritures, les premiers conciles et la tradition patristique. Cette dimension diachronique de l’apostolicité “a d’importantes ramifications œcuméniques, puisque nous partageons une tradition commune de 1 500 ans. Ce patrimoine commun – ce que le pape Paul VI et l’archevêque Michael Ramsey ont appelé nos ‘anciennes traditions communes’ – mérite que l’on y fasse appel et qu’on le préserve.”

A la lumière de cette analyse du ministère épiscopal tel qu’elle a été présentée à l’ARCIC et de l’ecclésiologie de koinonia que l’on trouve dans le Rapport de Windsor, il a été particulièrement désolant de constater les tensions croissantes au sein de la Communion anglicane. Dans certains contextes, des évêques ne sont pas en communion avec d’autres évêques; dans certains cas, des provinces anglicanes ne sont plus en pleine communion les unes avec les autres. Alors que le processus de Windsor se poursuit et que l’ecclésiologie proposée dans le Rapport de Windsor a reçu une approbation de principe de la part de la majorité des provinces anglicanes, on perçoit mal, de notre point de vue, comment cela a donné lieu au renforcement interne recherché de la Communion anglicane et de ses outils d’unité. Il nous semble aussi que la volonté des anglicans d’être ‘guidés par les évêques et gouvernés par les synodes’ n’a pas toujours permis de maintenir l’apostolicité de la foi et que le gouvernement synodal, considéré à tort comme une sorte de mécanisme parlementaire a parfois bloqué le type de direction épiscopale envisagé par Cyprien et détaillé par l’ARCIC.

Je sais que vous êtes nombreux à être troublés, profondément pour certains, par la menace d’éclatement au sein de la Communion anglicane. Nous nous sentons en pleine solidarité avec vous, parce que, nous aussi, nous sommes troublés et attristés quand nous demandons : dans une telle situation, quelle forme prendra la Communion anglicane de demain, et avec quel partenaire dialoguerons-nous ? Devons-nous aussi, et comment le faire, engager le dialogue, convenablement et honnêtement, avec ceux qui partagent les points de vue catholiques sur les questions qui font actuellement l’objet de controverses, et qui sont en désaccord avec certaines évolutions au sein de la Communion anglicane ou de provinces anglicanes particulières ? Dans cette situation, qu’attendez-vous de l’Église de Rome, qui, pour reprendre l’expression d’Ignace d’Antioche doit présider l’Église dans l’amour ? Comment le travail de l’ARCIC sur l’épiscopat, l’unité de l’Église et la nécessité d’un exercice de la primauté au niveau universel pourrait-il servir la Communion anglicane en ce moment ?

Au lieu de répondre à ces questions, je voudrais vous rappeler ce que nous avons affirmé lors des Conversations Informelles de 2003 et que nous avons redit plusieurs fois depuis lors: “Notre grand désir est que la Communion anglicane reste unie et enracinée dans cette foi historique qui nous est largement commune, comme notre dialogue et nos relations depuis plus de quarante ans nous ont conduits à le croire”. Nous suivons donc les débats de cette Conférence de Lambeth avec beaucoup d’intérêt et une sincère préoccupation, et nous les accompagnons de nos prières ferventes.

III. Réflexions sur des questions particulières que doit traiter la Communion anglicane

Dans cette dernière partie, je voudrais aborder rapidement deux des sujets qui sont au cœur des tensions qui perturbent la Communion anglicane et ses relations avec l’Église catholique, questions qui touchent à l’ordination de femmes et à la sexualité humaine. Je n’ai pas l’intention de traiter ces points de controverse en détail. Ce n’est pas nécessaire parce que la position catholique, que nous estimons cohérente avec le Nouveau Testament et la tradition apostolique, est bien connue. Je veux seulement vous proposer quelques réflexions dans une perspective catholique et en tenant compte de nos relations - passées, présentes et futures.

L’enseignement de l’Église catholique en ce qui concerne la sexualité humaine, en particulier l’homosexualité, est clair, tel qu’il est formulé dans le Catéchisme de l'Eglise Catholique, n° 2357-59. Nous sommes convaincus que cet enseignement est bien fondé sur l’Ancien et le Nouveau Testament et que c’est donc la fidélité aux Écritures et à la tradition apostolique est en jeu. Je ne peux que souligner ce que le document de l’IARCCUM Growing Together in Unity and Mission affirmait : “Dans les discussions sur la sexualité humaine qui ont lieu au sein de la Communion anglicane ou entre elle et l’Église catholique, il y a des questions herméneutiques anthropologiques et bibliques qui doivent être traitées” (n° 86e). Ce n’est pas sans raison que, aujourd’hui, le principal thème de la Conférence Lambeth est lié à l’herméneutique biblique.

Je voudrais attirer, un instant, votre attention sur la déclaration de l’ARCIC Life in Christ, dans laquelle il a été indiqué (n° 87-88) que les Anglicans pouvaient s’accorder avec les Catholiques sur le fait que la conduite homosexuelle est déréglée, mais que nous pourrions différer quant aux conseils moraux et pastoraux que nous donnerions à ceux qui viennent nous consulter. Nous avons constaté avec satisfaction que les récentes déclarations des Primats sont en cohérence avec cet enseignement, qui avait été clairement formulé dans la Résolution 1.10 de la Conférence de Lambeth de 1998. A la lumière des tensions qui se sont manifestées ces dernières années à ce sujet, une déclaration claire de la Communion anglicane augmenterait beaucoup nos possibilités de donner un témoignage commun sur la sexualité humaine et le mariage, témoignage dont le monde d’aujourd’hui a le plus grand besoin.

A propos de l’ordination de femmes au sacerdoce et à l’épiscopat, l’Église catholique a présenté son enseignement avec clarté dès le début de notre dialogue, pas seulement à l’intérieur de l’Église, mais aussi dans la correspondance entre les papes Paul VI et Jean-Paul II et les archevêques de Canterbury qui se sont succédé. Dans sa lettre apostolique “Ordinatio sacerdotalis” du 22 mai 1994, le pape Jean-Paul II, se référant à la lettre de Paul VI à l’archevêque Coggan du 30 novembre 1975, indiquait la position catholique de la manière suivante: “l’ordination sacerdotale […] dans l’Église catholique a toujours été, depuis le début, réservée aux hommes”, ajoutant que “cette tradition a aussi été fidèlement conservée par les Églises orientales.” Il concluait: “j’affirme que l’Église n’a aucune autorité pour conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et que ce jugement doit être définitivement accepté par tous les fidèles de l’Église”. Cette formulation montre clairement qu’il ne s’agit pas seulement d’une prise de position disciplinaire mais d’une expression de notre fidélité à Jésus-Christ. L’Église catholique est liée par la volonté de Jésus-Christ et elle ne s’estime pas libre de créer une nouvelle tradition, étrangère à celle de l’Église de tous les temps.

Comme je l’ai dit lors de mon intervention à la Chambre des Évêques de l’Église d’Angleterre en 2006, cette décision d’ordonner des femmes implique pour nous une rupture avec la position commune de toutes les églises du premier millénaire, c’est-à-dire, non seulement l’Église catholique mais aussi les églises Orthodoxes Orientales et Orthodoxes. Nous verrions la Communion anglicane se rapprocher considérablement des églises protestantes du XVIe siècle et d’une position que celles-ci n’ont adoptée que dans la seconde moitié du XXe siècle.

Actuellement, 28 provinces anglicanes ordonnent des femmes prêtres; 4 provinces seulement ont ordonné des femmes évêques, mais 13 autres ont adopté une législation autorisant l’ordination épiscopale de femmes. L’Église catholique doit donc désormais tenir compte de la réalité suivante: l’ordination de femmes prêtres et évêques n’est plus seulement le fait de provinces isolées, mais c’est de plus en plus la prise de position de la Communion. Celle-ci continuera à avoir des évêques, conformément aux décisions de la Lambeth Quadrilatéral (1888); mais, comme pour les évêques de certaines églises protestantes, les églises plus anciennes de l’Est et de l’Ouest y reconnaîtront beaucoup moins de ce qu’elles estiment être la nature et le ministère de l’épiscopat au sens que leur donnait l’église primitive et qui s’est conservé au fil du temps.

J’ai déjà traité le problème ecclésiologique qui se pose quand des évêques ne reconnaissent pas l’ordination épiscopale d’un autre évêque au sein d’une seule et même église. Je dois maintenant vous apporter des éclaircissements quant à la nouvelle situation qui a été créée dans nos relations œcuméniques. Alors que notre dialogue a abouti à un accord significatif quant à l’interprétation du ministère, l’ordination de femmes à l’épiscopat empêche réellement et définitivement une possible reconnaissance des ordres sacrés anglicans par l’Église catholique.

Nous espérons que le dialogue théologique entre la Communion et l’Église catholique va se poursuivre, mais cette évolution a un impact direct sur l’objectif et change le niveau de ce que nous recherchons dans le dialogue. La Déclaration Commune signée en 1966 par le pape Paul VI et l’archevêque Michael Ramsey demandait un dialogue qui “conduise à cette unité dans la vérité, pour laquelle le Christ a prié”, et elle parlait du “rétablissement d’une communion complète de foi et de vie sacramentelle”. Il semble maintenant que la pleine communion visible soit devenue un but plus lointain pour notre dialogue, que celui-ci aura des objectifs plus modestes et que sa nature en sera donc modifiée. Un tel dialogue pourra encore produire de bons résultats, mais il ne sera pas soutenu par le dynamisme que donne la possibilité réaliste de l’unité que le Christ attend de nous, du repas pris en commun à la table de l’unique Seigneur, que nous espérons si ardemment.

Conclusion

Tous ceux qui ont vu les grandes et superbes cathédrales et églises anglicanes du monde entier, visité les célèbres bâtiments anciens des universités d’Oxford et Cambridge, assisté aux merveilleux offices du soir et perçu la beauté et l’éloquence des prières anglicanes, lu les ouvrages d’érudition des historiens et théologiens anglicans, prêté attention aux contributions significatives et anciennes des Anglicans au mouvement œcuménique, savent que la tradition anglicane est riche de nombreux trésors. Ils font partie, pour reprendre une expression de Lumen Gentium, de ces dons qui, “appartenant à l’Église du Christ, sont des forces qui poussent vers l’unité catholique(n° 8).

Étant très conscients de la grandeur de votre tradition et de sa très profonde culture chrétienne, nous sommes d’autant plus préoccupés par les problèmes et les crises que vous connaissez actuellement. Mais, en même temps, cela nous fait penser que vous réussirez, avec l’aide de Dieu, à surmonter ces difficultés et que nous trouverons des forces nouvelles et différentes pour reprendre ensemble notre pèlerinage vers l’unité que Jésus-Christ veut pour nous et pour laquelle il a prié. Je voudrais redire ce que j’avais écrit, en décembre 2004, dans ma lettre à l’archevêque de Canterbury: « Dans un esprit de partenariat œcuménique et d’amitié, nous sommes prêts à vous soutenir de toutes les manières appropriées et nécessaires ».

Dans le même ordre d’idées, je voudrais revenir à l’embarrassante question de l’archevêque qui me demandait quelle sorte d’anglicanisme je voulais. Je remarque que, dans les moments critiques de l’histoire de l’Église d’Angleterre et donc de la Communion anglicane, vous avez su retrouver la force de l’Église des Pères quand cette tradition était en danger. On peut citer comme exemples ces théologiens anglais du XVIIe siècle qu’on appelle les Caroline Divines et surtout le Mouvement d’Oxford. Peut-être, à notre époque, pourrait-on imaginer un nouveau Mouvement d’Oxford, une redécouverte des richesses qui se trouvent chez vous. Ce serait un nouvel accueil, un nouveau recours à la tradition apostolique dans une nouvelle situation. Ce ne serait pas une renonciation à votre profonde attention aux défis et aux combats humains, à votre soif de dignité humaine et de justice, à votre souci d’assurer un rôle actif à toutes les femmes et tous les hommes dans l’Église. Au contraire, cela placerait ces préoccupations, ainsi que les questions qui en découlent, plus directement dans le cadre défini par l’Évangile et par l’ancienne tradition qui nous est commune et dans laquelle notre dialogue est enraciné.

Nous espérons et nous prions pour que, tandis que vous cherchez à marcher en fidèles disciples de Jésus-Christ, le Père de toutes les miséricordes répande sur vous les abondantes richesses de Sa grâce et qu’il vous guide par la présence constante du Saint-Esprit.
 

Sources :  La chiesa.it

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Eucharistie, sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 03.08.08 - T/Oecuménisme

 

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