Jean-Paul II affirma qu'il n'était
pas au pouvoir de l’Église de modifier sa Fondation |
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Rome, le 03 août 2008 -
(E.S.M.) - Comme le pape Benoît XVI et l’archevêque
Rowan Williams l’ont indiqué dans leur Déclaration Commune de novembre
2006, “Avec le développement de notre dialogue, beaucoup de
catholiques et d’anglicans ont trouvé, les uns chez les autres, un amour
du Christ qui nous incite à coopérer et à nous rendre service
concrètement. Cette fraternité dans le service du Christ, qu’ont
ressentie beaucoup de nos communautés dans le monde, donne un élan
supplémentaire à nos relations.”
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Le cardinal
Walter Kasper -
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Jean-Paul II affirma qu'il n'était pas au pouvoir de l’Église de modifier sa
Fondation
Début du texte :
Le card. Kasper, envoyé de Benoît XVI à la
conférence de Lambeth - 31.07.08
I. Description de nos relations au cours des dernières années
Cette première partie vise à nous rafraîchir la mémoire, pour que nous
n’oubliions pas nos succès des 40 dernières années et ce qu’ils
représentent. Quand Vatican II a évoqué, dans son décret sur l’œcuménisme,
les “nombreuses Communions qui se sont séparées du Siège de Rome” au XVIe
siècle, il a reconnu que “parmi celles où des traditions et institutions
catholiques subsistent partiellement, la Communion anglicane occupe une
place particulière ” (Unitatis
Redintegratio n°13). Cette affirmation est fondée sur une
interprétation ecclésiologique selon laquelle, pour les catholiques, la
Communion anglicane contient des éléments significatifs de l’Église de
Jésus-Christ. Dans leur Déclaration Commune de 1977, Donald Coggan,
archevêque de Canterbury, et le pape Paul VI ont indiqué quelques uns de
éléments ecclésiaux quand ils ont écrit:
"Dès lors que l’Église catholique romaine et les Églises de la Communion
anglicane ont cherché à progresser dans la compréhension mutuelle et la
charité chrétienne, elles en sont arrivées à reconnaître et apprécier, dans
un sentiment d’action de grâces, une foi commune en Dieu notre Père, en
Jésus-Christ notre Seigneur et en l’Esprit Saint; notre baptême commun dans
le Christ; le fait que nous avons en commun les Saintes Écritures, le
Symbole des Apôtres et celui de Nicée, la définition de Chalcédoine et
l’enseignement des Pères; l’héritage chrétien qui nous a été commun pendant
de nombreux siècles, avec ses traditions vivantes quant à la liturgie, la
théologie, la spiritualité et la mission."
Dans ce texte, l’archevêque Coggan et Paul VI soulignent le terrain commun,
source commune et centre de notre unité, déjà existante mais encore
incomplète: Jésus-Christ et la mission de L’apporter à un monde qui en a un
besoin si désespéré. Ce dont nous parlons, ce n’est pas une idéologie, une
opinion personnelle que l’on peut partager ou non; c’est notre fidélité à
Jésus-Christ dont les apôtres ont été les témoins, et à son Évangile qui
nous a été confié. Dès le départ nous devons donc nous souvenir de ce qui
est en jeu quand nous nous mettons à parler de fidélité à la tradition et à
la succession apostoliques, quand nous parlons du triple ministère, de
l’ordination des femmes et des commandements moraux. Ce dont nous parlons
c’est uniquement de notre fidélité au Christ Lui-même, notre maître unique
et commun. Et que peut être notre dialogue, sinon une expression de notre
intention et de notre désir de ne faire qu’un en Lui, afin d’être totalement
unis dans le témoignage de Son Évangile ?
On l’a souvent dit, mais cela vaut la peine de le répéter : le dialogue est
dynamisé par le désir d’être fidèles à la volonté exprimée par le Christ que
ses disciples soient un comme il est un avec le Père; et cette unité est
directement liée à la mission du Christ et de l’Église vis-à-vis du monde:
qu’ils soient un pour que le monde croie. Notre témoignage et notre mission
ont été gravement perturbés par nos divisions et c’est par fidélité au
Christ que nous nous sommes engagés dans un dialogue, fondé sur l’Évangile
et les anciennes traditions qui nous sont communes, avec l’unité complète et
visible comme objectif. Pourtant l’unité complète
n’était et n’est pas une fin en soi, mais un signe et un moyen de recherche
de l’unité avec Dieu et de la paix dans le monde.
A partir de là, nous pouvons dire avec confiance, en voyant ce que l’Anglican-Roman
Catholic International Commission (ARCIC) a
réalisé en près de 40 ans, qu’elle a vraiment donné de bons fruits. Dans une
première phase (1970-1981), l’ARCIC s’est
occupée de la Doctrine Eucharistique (1971) et
du Ministère et de l’Ordination (1973); dans
les deux cas elle a affirmé avoir obtenu un accord substantiel. La réponse
officielle catholique (1991), bien qu’elle ait
demandé un travail supplémentaire sur ces deux sujets, a dit que ces textes
constituaient “une étape significative” témoignant “que des points de
convergence et même d’accord avaient été trouvés, ce que beaucoup de gens
n’auraient pas cru possible avant le début des travaux de la Commission”.
Les Clarifications (1993) apportées par les
membres de la Commission ont été considérées par les autorités catholiques
comme “ayant grandement renforcé l’accord dans ces domaines”. La première
phase du travail de l’ARCIC a aussi abouti à deux documents sur la question
de l’Autorité dans l’Église (1976, 1981), thème
qui fut au cœur des divisions du XVIe siècle.
Les textes de la deuxième phase du travail de l’ARCIC
(1983-2005) n’ont pas été présentés pour recevoir une réponse
formelle de l’Église Catholique ou de la Communion anglicane et ils n’ont
pas conduit à une résolution définitive ou à un consensus complet sur les
sujets traités, mais chacun d’eux a suggéré un rapprochement croissant.
Salvation in the Church (1986) est en harmonie,
de bien des façons, avec la Déclaration Conjointe sur la Doctrine relative à
la Justification que l’Église Catholique et la Fédération Luthérienne
Mondiale ont signée en 1999. Partant de l’interprétation de l’Église comme
koinonia qui avait été présentée pour la première fois dans
l’introduction du Rapport Final de l’ARCIC I, l’ARCIC II a proposé le
travail plus abouti de la Commission en matière d’ecclésiologie dans The
Church as Communion (1991). Life in Christ
(1994) a réussi à dégager une vision partagée
et un héritage commun pour l’enseignement de l’éthique, malgré des
différences dans les applications pastorales des principes moraux. The
Gift of Authority (1999) est revenu sur le
thème de l’autorité et a nettement progressé sur la nécessité d’un ministère
universel de primauté dans l’Église. Mary: Grace and Hope in Christ
(2005) a progressé de manière importante et
imprévue vers une perception commune de la Vierge Marie.
Comme vous le savez, l’ordination de femmes à la prêtrise dans plusieurs
provinces anglicanes, à partir de 1974, et à l’épiscopat, à partir de 1989,
a beaucoup compliqué les relations entre la Communion anglicane et l’Église
catholique. J’y reviendrai le moment venu. Alors que cet obstacle était
présent dans nos esprits et que nous cherchions ce qu’on pouvait faire
malgré tout afin de poursuivre nos relations, une importante initiative a
été mise en œuvre peu après la dernière Conférence de Lambeth. En mai 2000,
mon prédécesseur, le cardinal Edward Idris Cassidy, et l’archevêque George
Carey ont invité 13 primats anglicans et les présidents des conférences
épiscopales catholiques correspondantes, ou leur représentants, à
Mississauga, au Canada, pour évaluer ce qui avait été réalisé dans le cadre
du dialogue de l’ARCIC et, à la lumière des réussites et des difficultés qui
marquaient nos relations, proposer des recommandations tendant à d’éventuels
progrès.
Ayant assisté à beaucoup de réunions œcuméniques dans ma vie, je suis
heureux de dire que c’est l’une des meilleures auxquelles j’aie jamais
assisté. L’esprit de prière et d’amitié, la réflexion sérieuse non seulement
sur le travail de l’ARCIC mais aussi sur les relations œcuméniques dans
chaque région représentée, et le profond désir de réconciliation qui
imprégnait cette réunion de Mississauga, ont renouvelé l’espoir de progrès
significatifs dans les relations entre la Communion anglicane et l’Église
catholique. L’un des fruits de la réunion de Mississauga a été la création
de l’International Anglican-Roman Catholic Commission for Unity and
Mission (IARCCUM),
une commission principalement composée d’évêques. La semaine dernière, cette
Conférence de Lambeth a étudié le document de l’IARCCUM, Growing Together
in Unity and Mission. Ce document, qui fait la synthèse du travail de l’ARCIC,
donne l’évaluation par la Commission des progrès que nous avons accomplis
dans notre dialogue et identifie les questions restant à traiter.
Pendant les 40 dernières années, nous ne nous sommes pas seulement engagés
ensemble dans le dialogue théologique. D’étroites relations de travail se
sont développées entre anglicans et catholiques, au niveau non seulement
international, mais aussi, bien souvent, régional et local. Comme le pape
Benoît XVI et l’archevêque Rowan Williams l’ont indiqué dans leur
Déclaration Commune de novembre 2006, “Avec le développement de notre
dialogue, beaucoup de catholiques et d’anglicans ont trouvé, les uns chez
les autres, un amour du Christ qui nous incite à coopérer et à nous rendre
service concrètement. Cette fraternité dans le service du Christ, qu’ont
ressentie beaucoup de nos communautés dans le monde, donne un élan
supplémentaire à nos relations.”
Vraiment, ce que nous avons réalisé n’est pas peu de choses et nous l’avons
obtenu grâce aux années de dialogue à l’ARCIC et à l’IARCCUM. Nous sommes
reconnaissants à ces commissions pour leur travail et nous, catholiques, ne
voulons pas laisser perdre ces succès. Nous voulons vraiment continuer dans
cette voie et conduire à son terme la tâche entreprise il y a 40 ans.
C’est pourquoi je suis d’autant plus triste de devoir maintenant –
dans la fidélité à ce que je crois être la volonté du
Christ et avec la franchise que permet l’amitié – étudier les
problèmes qui ont surgi et grandi au sein de la Communion anglicane depuis
la dernière Conférence de Lambeth ainsi que les répercussions de ces
tensions internes sur l’œcuménisme. Dans la deuxième partie de cet exposé,
je voudrais aborder plusieurs problèmes ecclésiologiques qui résultent de la
situation actuelle de la Communion anglicane et soulever des questions
difficiles et profondes. Mais avant de le faire, je voudrais répéter ce que
j’ai dit en novembre 2006 quand l’archevêque de Canterbury est venu à Rome
voir le pape Benoît XVI : “Les questions et les problèmes de nos amis
sont aussi les nôtres”. C’est pourquoi je soulève ces questions non pas
comme un juge, mais comme un partenaire œcuménique qui a été profondément
découragé par les évènements récents et qui souhaite vous apporter une
réflexion honnête, dans une perspective catholique, sur cette question:
comment et où pouvons-nous aller de l’avant dans le contexte actuel.
II. Considérations ecclésiologiques
Ce que je veux dire dans cette deuxième partie ne constitue bien sûr pas un
cours magistral d’ecclésiologie. Encore une fois, je souhaite simplement
vous donner un aperçu de quelques faits bien connus des dernières décennies
qui pourraient ou devraient nous aider à trouver un chemin – dont j’espère
qu’il nous soit commun – pour avancer.
Longtemps les questions d’ecclésiologie ont été un important point de
controverse entre nos deux communautés. Lorsque j’étais étudiant, j’ai
étudié tous les arguments ecclésiologiques soulevés par John Henry Newman et
qui l’ont amené à devenir catholique. Ses préoccupations principales
portaient sur l’apostolicité en communion avec le Saint-Siège en tant que
gardien de la tradition apostolique et de l’unité de l’Église. Je pense que
ses questions restent actuelles et que nous n’avons pas encore épuisé cette
discussion.
Newman avait affaire à l’Église d’Angleterre de son temps. Aujourd’hui nous
sommes confrontés à des problèmes supplémentaires au niveau de la Communion
anglicane qui comporte 44 églises régionales et nationales, chacune étant
autonome. L’indépendance sans une interdépendance
suffisante est désormais un problème critique.
Il y a deux ans, le document Growing Together in Unity and Mission de
l’IARCCUM présentait la situation au sein de la Communion Anglicane et ses
implications sur l’œcuménisme de la manière suivante : “Toutefois, depuis
cette réunion à Mississauga, les Églises de la Communion anglicane sont
entrées dans une phase de disputes due à l’ordination
épiscopale d’une personne engagée dans une relation homosexuelle
publiquement assumée et par l’autorisation de cérémonies publiques de
bénédiction pour les unions homosexuelles. Ces
questions ont intensifié la réflexion sur la nature de la relation entre les
églises de la Communion anglicane [...] De plus, les relations
œcuméniques sont devenues plus compliquées parce que des propositions
formulées au sein de l’Église d’Angleterre ont concentré l’attention sur la
question de l’ordination de femmes à l’épiscopat
qui est une partie bien établie du sacerdoce dans certaines provinces
anglicanes” (n° 6). En plus des
développements liés à ce dernier point, nous devons maintenant tenir compte
de la décision d’un nombre significatif d’évêques anglicans de ne pas
assister à cette Conférence de Lambeth, et de propositions émanant de
l’intérieur même de l’anglicanisme et qui défient les organes d’autorité
existant au sein de la Communion anglicane.
Dans la partie suivante, j’étudierai plus directement quelques unes de ces
questions, mais pour l’instant je vais me concentrer spécifiquement sur la
dimension ecclésiologique des problèmes actuels, en me référant à ce que
nous avons dit ensemble de la nature de l’Église et aux initiatives de la
Communion anglicane pour traiter ces querelles internes.
En mars 2006, l’archevêque de Canterbury m’a invité à prendre la parole à
une réunion de la Chambre des Évêques de l’Église d’Angleterre, sur la
mission des évêques dans l’Église. L’arrière-plan de cette intervention
était la possible ordination de femmes à l’épiscopat, mais la discussion
centrale sur la nature du ministère épiscopal comme ministère d’unité est
liée à tous les points de tension au sein de la Communion anglicane que nous
avons identifiés précédemment.
En résumé, j’ai déclaré que l’unité, l’unanimité et la koinonia
(communion) sont des concepts fondamentaux dans le
Nouveau Testament et l’Église primitive. J’ai déclaré: “Dès l’origine, le
ministère épiscopal était “koinonialement” ou collégialement intégré dans la
communion de tous les évêques; il n’était jamais perçu comme un ministère à
comprendre ou à pratiquer individuellement”. Puis j’ai abordé la théologie
du ministère épiscopal d’un Père de l’Église très important pour les
Anglicans et pour les Catholiques,
Cyprien de Carthage, évêque martyr au IIIe siècle.
Sa formule “episcopatus unus et indivisus” est bien connue. Elle
apparaît dans le contexte d’une adjuration pressante de Cyprien à ses
confrères évêques: “Quam unitatem tenere firmiter et vindicare debemus
maxime episcopi, qui in ecclesia praesidimus, ut episcopatum quoque ipsum
unum atque indivisum probemus.” [“Cette unité,
nous devons la retenir et la revendiquer fermement, surtout nous, les
évêques, qui présidons dans l’Église, afin de prouver que l’épiscopat est
également un et indivisible”. […] Cette exhortation pressante est
suivie d’une interprétation précise de la formule “episcopatus unus et
indivisus”. “Episcopatus unus est cuius a singulis in solidum pars
tenetur” [“L’épiscopat est un tout que chaque
évêque reçoit dans sa plénitude”.] (De
ecclesiae catholicae unitate I, 5).
Mais Cyprien va plus loin: non seulement il insiste sur l’unité du peuple de
Dieu avec son évêque, mais il ajoute aussi que personne ne peut imaginer
qu’il soit en communion avec quelques évêques seulement, parce que “l’Église
Catholique n’est pas en plusieurs morceaux séparés” mais “elle ne forme
qu’un tout dont l’union des évêques est le lien” (Ep.
66,8)... Cette collégialité n’est bien sûr pas limitée à la
relation horizontale et synchronique de l’évêque avec ceux qui sont évêques
en même temps que lui; puisque l’Église est une et la même dans tous les
siècles, l’Église d’aujourd’hui doit aussi conserver un consensus
diachronique avec l’épiscopat des siècles précédents et surtout avec le
témoignage des apôtres. C’est là le sens le plus
profond de la succession apostolique dans le ministère épiscopal.
Le ministère épiscopal est donc un ministère d’unité dans un double sens.
Les évêques sont signe et instrument d’unité au sein de chaque Église
locale, comme ils le sont entre les Églises locales d’une époque donnée et
entre les Églises de tous les temps au sein de l’Église universelle.
Cette interprétation du ministère épiscopal a été mise en avant dans les
déclarations communes de l’ARCIC, tout spécialement dans Church as Communion
et dans les déclarations de l’ARCIC sur l’autorité dans l’Église. Church
as Communion (n° 45) affirme que :
"Pour la formation et le développement de cette communion, Notre Seigneur
Jésus-Christ a établi un ministère de supervision, dont la plénitude est
confiée à l’épiscopat, qui a la responsabilité de maintenir et d’exprimer
l’unité des Églises (cf. n° 33 & 39; Rapport Final,
Ministry and Ordination). En les guidant, en les instruisant, en
célébrant les sacrements, notamment l’eucharistie, ce ministère garde les
croyants unis dans la communion de l’Église locale et dans la communion plus
large de toutes les Églises (cf. n° 39). Ce
ministère de supervision a une dimension collégiale et une dimension
primatiale. Il est enraciné dans la vie de la communauté et il est ouvert à
la participation de celle-ci à la découverte de la volonté divine. Il est
exercé de manière à ce que l’unité et la communion soient exprimées,
préservées et encouragées à tous les niveaux — local, régional et
universel."
Le même déclaration commune donne l’interprétation des Communions anglicanes
et catholiques selon laquelle les évêques accomplissent leur ministère dans
la succession apostolique, qui est “destinée à assurer à chaque communauté
que sa foi est vraiment la foi apostolique, reçue et transmise depuis les
temps apostoliques” (Church as Communion, 33).
Le document de l’ARCIC intitulé The Gift of Authority a développé
cette idée en affirmant :
"Il y a deux dimensions - diachronique et synchronique - de la communion
dans la Tradition apostolique. Le mécanisme de la tradition implique
clairement la transmission de l’Évangile d’une génération à une autre
(diachronique). Si l’Église doit rester unie dans
la vérité, il doit aussi impliquer la communion des Églises, partout, à cet
unique Évangile (synchronique). Les deux
dimensions sont nécessaires pour la catholicité de l’Église
(n° 26)".
Le texte ajoute que chaque évêque, en communion avec tous les autres
évêques, a la responsabilité de préserver et d’exprimer la plus large
koinonia de l’église, et qu’il “participe au soin de toutes les églises”
(n° 39). L’évêque est donc “à la fois une voix
pour l’église locale et une personne à travers laquelle l’église locale
apprend des autres églises” (n° 38). Gift of
Authority (n° 37) souligne aussi le rôle
joué par le collège des évêques dans le maintien de l’unité de l’Église :
"L’interdépendance mutuelle de toutes les Églises est une partie
intégrante de la réalité de l’Église selon la volonté de Dieu. Aucune église
locale qui participe à la Tradition vivante ne peut se considérer comme
autosuffisante. Le ministère de l’évêque est essentiel, parce qu’il sert la
communion à l’intérieur des églises locales et entre elles. Leur communion
mutuelle s’exprime par l’incorporation de chaque évêque dans un collège
d’évêques. Les évêques sont, à la fois personnellement et collégialement, au
service de la communion."
N’ayant pas le temps de tirer davantage de l’ecclésiologie de l’ARCIC, je me
limiterai à dire que, dans notre dialogue, nous avons su présenter une
conception forte du ministère épiscopal, dans le contexte d’une
interprétation partagée de l’Église comme koinonia.
Il est significatif que le Rapport de Windsor de 2004, en cherchant à
fournir à la Communion anglicane des bases ecclésiologiques lui permettant
de traiter la crise actuelle, ait aussi adopté une ecclésiologie de
koinonia. Cela m’a paru utile et encourageant. C’est pourquoi, en
réponse à une lettre de l’archevêque de Canterbury qui demandait une
réaction œcuménique au Rapport de Windsor, j’ai indiqué que “même si les
importantes questions ecclésiologiques qui nous divisent encore vont
continuer à solliciter notre attention, cette façon de voir est
fondamentalement en ligne avec l’ecclésiologie de communion de Vatican II.
Les conséquences que le Rapport tire de cette base ecclésiologique sont
également constructives, notamment l’interprétation de l’autonomie
provinciale en termes d’interdépendance, et donc ‘soumises aux limites
créées par les engagements de communion’ (Windsor
n.79). Cela a un lien avec la volonté que manifeste le Rapport
d’un renforcement de l’autorité supra-provinciale de l’archevêque de
Canterbury (nn.109-110) et avec
la proposition d’un Pacte Anglican qui ‘rendrait explicites et puissants la
loyauté et les liens d’affection qui régissent les relations entre les
églises de la Communion’ (n.118).”
La seule faiblesse que j’aie notée en matière d’ecclésiologie est que “alors
que le Rapport insiste sur le fait que les provinces anglicanes ont une
responsabilité les unes envers les autres et envers le maintien de la
communion, une communion enracinée dans les Écritures, très peu d’attention
est donnée à l’importance d’être en communion avec la foi de l’Église à
travers les âges”. Dans notre dialogue, nous avons affirmé
conjointement que les décisions d’une église locale ou régionale doivent non
seulement favoriser la communion dans le contexte spécifique, mais aussi
être en accord avec l’Église du passé et notamment avec l’Église apostolique
telle que nous la connaissons par les Écritures, les premiers conciles et la
tradition patristique. Cette dimension diachronique de l’apostolicité “a
d’importantes ramifications œcuméniques, puisque nous partageons une
tradition commune de 1 500 ans. Ce patrimoine commun – ce que le pape Paul
VI et l’archevêque Michael Ramsey ont appelé nos ‘anciennes traditions
communes’ – mérite que l’on y fasse appel et qu’on le préserve.”
A la lumière de cette analyse du ministère épiscopal tel qu’elle a été
présentée à l’ARCIC et de l’ecclésiologie de koinonia que l’on trouve
dans le Rapport de Windsor, il a été particulièrement désolant de constater
les tensions croissantes au sein de la Communion anglicane. Dans certains
contextes, des évêques ne sont pas en communion avec d’autres évêques; dans
certains cas, des provinces anglicanes ne sont plus en pleine communion les
unes avec les autres. Alors que le processus de Windsor se poursuit et que
l’ecclésiologie proposée dans le Rapport de Windsor a reçu une approbation
de principe de la part de la majorité des provinces anglicanes, on perçoit
mal, de notre point de vue, comment cela a donné lieu au renforcement
interne recherché de la Communion anglicane et de ses outils d’unité. Il
nous semble aussi que la volonté des anglicans d’être ‘guidés par les
évêques et gouvernés par les synodes’ n’a pas toujours permis de maintenir
l’apostolicité de la foi et que le gouvernement synodal, considéré à tort
comme une sorte de mécanisme parlementaire a parfois bloqué le type de
direction épiscopale envisagé par Cyprien et détaillé par l’ARCIC.
Je sais que vous êtes nombreux à être troublés, profondément pour certains,
par la menace d’éclatement au sein de la Communion anglicane. Nous nous
sentons en pleine solidarité avec vous, parce que, nous aussi, nous sommes
troublés et attristés quand nous demandons : dans une telle situation,
quelle forme prendra la Communion anglicane de demain, et avec quel
partenaire dialoguerons-nous ? Devons-nous aussi, et comment le faire,
engager le dialogue, convenablement et honnêtement, avec ceux qui partagent
les points de vue catholiques sur les questions qui font actuellement
l’objet de controverses, et qui sont en désaccord avec certaines évolutions
au sein de la Communion anglicane ou de provinces anglicanes particulières ?
Dans cette situation, qu’attendez-vous de l’Église de Rome, qui, pour
reprendre l’expression d’Ignace d’Antioche doit présider l’Église dans
l’amour ? Comment le travail de l’ARCIC sur l’épiscopat, l’unité de l’Église
et la nécessité d’un exercice de la primauté au niveau universel pourrait-il
servir la Communion anglicane en ce moment ?
Au lieu de répondre à ces questions, je voudrais vous rappeler ce que nous
avons affirmé lors des Conversations Informelles de 2003 et que nous avons
redit plusieurs fois depuis lors: “Notre grand désir est que la Communion
anglicane reste unie et enracinée dans cette foi historique qui nous est
largement commune, comme notre dialogue et nos relations depuis plus de
quarante ans nous ont conduits à le croire”. Nous suivons donc les
débats de cette Conférence de Lambeth avec beaucoup d’intérêt et une sincère
préoccupation, et nous les accompagnons de nos prières ferventes.
III. Réflexions sur des questions particulières que doit traiter la
Communion anglicane
Dans cette dernière partie, je voudrais aborder rapidement deux des sujets
qui sont au cœur des tensions qui perturbent la Communion anglicane et ses
relations avec l’Église catholique, questions qui touchent à l’ordination de
femmes et à la sexualité humaine. Je n’ai pas l’intention de traiter ces
points de controverse en détail. Ce n’est pas nécessaire parce que la
position catholique, que nous estimons cohérente avec le Nouveau Testament
et la tradition apostolique, est bien connue. Je veux seulement vous
proposer quelques réflexions dans une perspective catholique et en tenant
compte de nos relations - passées, présentes et futures.
L’enseignement de l’Église catholique en ce qui concerne la sexualité
humaine, en particulier l’homosexualité, est clair, tel qu’il est formulé
dans le
Catéchisme de l'Eglise Catholique, n° 2357-59. Nous sommes convaincus
que cet enseignement est bien fondé sur l’Ancien et le Nouveau Testament et
que c’est donc la fidélité aux Écritures et à la tradition apostolique est
en jeu. Je ne peux que souligner ce que le document de l’IARCCUM Growing
Together in Unity and Mission affirmait : “Dans les discussions sur la
sexualité humaine qui ont lieu au sein de la Communion anglicane ou entre
elle et l’Église catholique, il y a des questions herméneutiques
anthropologiques et bibliques qui doivent être traitées”
(n° 86e). Ce n’est pas sans raison que, aujourd’hui, le principal
thème de la Conférence Lambeth est lié à l’herméneutique biblique.
Je voudrais attirer, un instant, votre attention sur la déclaration de l’ARCIC
Life in Christ, dans laquelle il a été indiqué (n°
87-88) que les Anglicans pouvaient s’accorder avec les
Catholiques sur le fait que la conduite homosexuelle est déréglée, mais que
nous pourrions différer quant aux conseils moraux et pastoraux que nous
donnerions à ceux qui viennent nous consulter. Nous avons constaté avec
satisfaction que les récentes déclarations des Primats sont en cohérence
avec cet enseignement, qui avait été clairement formulé dans la Résolution
1.10 de la Conférence de Lambeth de 1998. A la lumière des tensions qui se
sont manifestées ces dernières années à ce sujet, une déclaration claire de
la Communion anglicane augmenterait beaucoup nos possibilités de donner un
témoignage commun sur la sexualité humaine et le mariage, témoignage dont le
monde d’aujourd’hui a le plus grand besoin.
A propos de l’ordination de femmes au sacerdoce et à l’épiscopat, l’Église
catholique a présenté son enseignement avec clarté dès le début de notre
dialogue, pas seulement à l’intérieur de l’Église, mais aussi dans la
correspondance entre les papes Paul VI et Jean-Paul II et les archevêques de
Canterbury qui se sont succédé. Dans sa lettre apostolique “Ordinatio
sacerdotalis” du 22 mai 1994, le pape Jean-Paul II, se référant à la
lettre de Paul VI à l’archevêque Coggan du 30 novembre 1975, indiquait la
position catholique de la manière suivante: “l’ordination
sacerdotale […] dans l’Église catholique
a toujours été, depuis le début, réservée aux hommes”, ajoutant
que “cette tradition a aussi été fidèlement conservée par les Églises
orientales.” Il concluait: “j’affirme que
l’Église n’a aucune autorité pour conférer l’ordination sacerdotale à des
femmes et que ce jugement doit être définitivement accepté par tous les
fidèles de l’Église”. Cette formulation montre clairement qu’il
ne s’agit pas seulement d’une prise de position disciplinaire mais d’une
expression de notre fidélité à Jésus-Christ. L’Église catholique est liée
par la volonté de Jésus-Christ et elle ne s’estime pas libre de créer une
nouvelle tradition, étrangère à celle de l’Église de tous les temps.
Comme je l’ai dit lors de mon intervention à la Chambre des Évêques de
l’Église d’Angleterre en 2006, cette décision d’ordonner des femmes implique
pour nous une rupture avec la position commune de toutes les églises du
premier millénaire, c’est-à-dire, non seulement l’Église catholique mais
aussi les églises Orthodoxes Orientales et Orthodoxes. Nous verrions la
Communion anglicane se rapprocher considérablement des églises protestantes
du XVIe siècle et d’une position que celles-ci n’ont adoptée que dans la
seconde moitié du XXe siècle.
Actuellement, 28 provinces anglicanes ordonnent des femmes prêtres; 4
provinces seulement ont ordonné des femmes évêques, mais 13 autres ont
adopté une législation autorisant l’ordination épiscopale de femmes.
L’Église catholique doit donc désormais tenir compte de la réalité suivante:
l’ordination de femmes prêtres et évêques n’est plus seulement le fait de
provinces isolées, mais c’est de plus en plus la prise de position de la
Communion. Celle-ci continuera à avoir des évêques, conformément aux
décisions de la Lambeth Quadrilatéral (1888);
mais, comme pour les évêques de certaines églises protestantes, les églises
plus anciennes de l’Est et de l’Ouest y reconnaîtront beaucoup moins de ce
qu’elles estiment être la nature et le ministère de l’épiscopat au sens que
leur donnait l’église primitive et qui s’est conservé au fil du temps.
J’ai déjà traité le problème ecclésiologique qui se pose quand des évêques
ne reconnaissent pas l’ordination épiscopale d’un autre évêque au sein d’une
seule et même église. Je dois maintenant vous apporter des éclaircissements
quant à la nouvelle situation qui a été créée dans nos relations
œcuméniques. Alors que notre dialogue a abouti à un accord significatif
quant à l’interprétation du ministère, l’ordination de femmes à l’épiscopat
empêche réellement et définitivement une possible reconnaissance des ordres
sacrés anglicans par l’Église catholique.
Nous espérons que le dialogue théologique entre la Communion et l’Église
catholique va se poursuivre, mais cette évolution a un impact direct sur
l’objectif et change le niveau de ce que nous recherchons dans le dialogue.
La Déclaration Commune signée en 1966 par le pape Paul VI et l’archevêque
Michael Ramsey demandait un dialogue qui “conduise à cette unité dans la
vérité, pour laquelle le Christ a prié”, et elle parlait du “rétablissement
d’une communion complète de foi et de vie sacramentelle”. Il semble
maintenant que la pleine communion visible soit devenue un but plus lointain
pour notre dialogue, que celui-ci aura des objectifs plus modestes et que sa
nature en sera donc modifiée. Un tel dialogue pourra encore produire de bons
résultats, mais il ne sera pas soutenu par le dynamisme que donne la
possibilité réaliste de l’unité que le Christ attend de nous, du repas pris
en commun à la table de l’unique Seigneur, que nous espérons si ardemment.
Conclusion
Tous ceux qui ont vu les grandes et superbes cathédrales et églises
anglicanes du monde entier, visité les célèbres bâtiments anciens des
universités d’Oxford et Cambridge, assisté aux merveilleux offices du soir
et perçu la beauté et l’éloquence des prières anglicanes, lu les ouvrages
d’érudition des historiens et théologiens anglicans, prêté attention aux
contributions significatives et anciennes des Anglicans au mouvement
œcuménique, savent que la tradition anglicane est riche de nombreux trésors.
Ils font partie, pour reprendre une expression de
Lumen
Gentium, de ces dons qui, “appartenant à l’Église du Christ, sont des
forces qui poussent vers l’unité catholique” (n° 8).
Étant très conscients de la grandeur de votre tradition et de sa très
profonde culture chrétienne, nous sommes d’autant plus préoccupés par les
problèmes et les crises que vous connaissez actuellement. Mais, en même
temps, cela nous fait penser que vous réussirez, avec l’aide de Dieu, à
surmonter ces difficultés et que nous trouverons des forces nouvelles et
différentes pour reprendre ensemble notre pèlerinage vers l’unité que
Jésus-Christ veut pour nous et pour laquelle il a prié. Je voudrais redire
ce que j’avais écrit, en décembre 2004, dans ma lettre à l’archevêque de
Canterbury: « Dans un esprit de partenariat
œcuménique et d’amitié, nous sommes prêts à vous soutenir de toutes les
manières appropriées et nécessaires ».
Dans le même ordre d’idées, je voudrais revenir à l’embarrassante question
de l’archevêque qui me demandait quelle sorte d’anglicanisme je voulais. Je
remarque que, dans les moments critiques de l’histoire de l’Église
d’Angleterre et donc de la Communion anglicane, vous avez su retrouver la
force de l’Église des Pères quand cette tradition était en danger. On peut
citer comme exemples ces théologiens anglais du XVIIe siècle qu’on appelle
les Caroline Divines et surtout le Mouvement d’Oxford. Peut-être, à notre
époque, pourrait-on imaginer un nouveau Mouvement d’Oxford, une redécouverte
des richesses qui se trouvent chez vous. Ce serait un nouvel accueil, un
nouveau recours à la tradition apostolique dans une nouvelle situation. Ce
ne serait pas une renonciation à votre profonde attention aux défis et aux
combats humains, à votre soif de dignité humaine et de justice, à votre
souci d’assurer un rôle actif à toutes les femmes et tous les hommes dans
l’Église. Au contraire, cela placerait ces préoccupations, ainsi que les
questions qui en découlent, plus directement dans le cadre défini par
l’Évangile et par l’ancienne tradition qui nous est commune et dans laquelle
notre dialogue est enraciné.
Nous espérons et nous prions pour que, tandis que vous cherchez à marcher en
fidèles disciples de Jésus-Christ, le Père de toutes les miséricordes
répande sur vous les abondantes richesses de Sa grâce et qu’il vous guide
par la présence constante du Saint-Esprit.
Sources :
La chiesa.it
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un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 03.08.08 -
T/Oecuménisme |