"Rencontrer
le Christ dans l’Eucharistie" |
Mgr Claude Schockert
- 18/08/2005
A l’occasion de cette 20ème journée mondiale de la jeunesse, le Pape souhaite vivement que nous puissions raviver en nous « l’admiration eucharistique ».
Nos yeux et nos cœurs sont parfois usés par l’habitude au point d’en perdre le sens de l’émerveillement.
Ils peuvent être aussi empêchés d’accéder à cette admiration par manque de repères pour comprendre.
« En parcourant de nouveau avec foi l’itinéraire du Christ Rédempteur, de la pauvreté de la Crèche jusqu’à l’abandon de la Croix, nous dit le Pape dans son message, nous comprenons mieux le mystère de son amour qui rachète l’humanité.
L’enfant couché par Marie dans la mangeoire, est l’Homme-Dieu que nous verrons cloué sur la Croix.
Le Rédempteur lui-même est présent dans le sacrement de l’eucharistie.
Dans l’étable de Bethléem, il se laissa adorer, sous les pauvres traits d’un nouveau-né, par Marie, par Joseph et par les bergers, par les Mages..
Dans l’hostie consacrée nous l’adorons sacramentellement présent dans son corps et dans son sang, dans son âme et sa divinité ; il s’offre à nous comme nourriture de vie éternelle
.
La sainte messe devient alors le rendez-vous d’amour avec Celui qui s’est entièrement donné à nous.
N’hésitez pas, chers jeunes, poursuit le Pape, à lui répondre quand il vous invite «
au banquet des noces de l’Agneau
». Ecoutez-le, préparez-vous de manière appropriée et approchez vous du Sacrement de l’autel, en particulier en cette année de l’eucharistie que j’ai voulu instaurer pour toute l’Eglise. »
Cette invitation qui vous est faite demande bien des éclaircissements pour être compréhensible par tous.
Et si l’on fait un petit détour par l’histoire, on s’aperçoit par exemple qu’au début du 4ème siècle, des chrétiens, accusés de s’être réunis le dimanche malgré l’interdiction que leur en avait faite l’empereur Dioclétien, sont capables de dire : « nous ne pouvons vivre sans le repas du Seigneur ».
« Nous ne pouvons pas vivre sans le repas du Seigneur » !
Cela rejoint bien ce que le Concile Vatican II a rappelé : l’eucharistie est le moment le plus important dans la vie de l’Eglise.
Elle n’est rien moins que « la source et le sommet » de sa vie, parce qu’elle touche directement à ce qui fait l’Eglise, la présence du Christ « jusqu’à la fin des temps » au cœur de l’humanité, une présence qui n’est pas perceptible de manière sensible, mais qui n’en n’est pas moins réelle, totale, pleine et agissante.
Or, aujourd’hui, nombreux sont les catholiques interrogés par les sondages pour avouer n’aller que très rarement à la messe le dimanche.
Nombreux sont les jeunes qui se disent « croyants, mais non pratiquants ».
On est en mesure de se demander : d’où vient cette rupture entre cette intuition juste des premières communautés chrétiennes et ce que dit le Concile et cette désaffection ambiante que l’on remarque ?
On peut , bien sûr, dire que la messe est monotone (c’est toujours la même chose), que le langage employé n’est pas compréhensible, qu’il y a trop ou pas assez de sacré dans nos manières de célébrer, que les lectures sont difficiles à comprendre, que nos célébrations manquent de joie partagée, qu’elles ne sont pas assez festives et conviviales…
Que de fois avons-nous entendu dire : « je ne vais plus à la messe, cela ne m’apporte rien, je n’y ressens rien. »
Il est vrai que notre époque tend à survaloriser le ressenti, l’émotionnel et notre pratique ecclésiale n’échappe point à cet atmosphère ambiant.
En fait, l’explication de cette désaffection est, pour l’essentiel, à chercher du côté de la difficulté que beaucoup de chrétiens ont à comprendre ce qui se passe à la messe.
Alors, essayons, ce matin, d’entrer dans ce que l’on peut appeler le « mystère » de l’eucharistie, de la messe.
« Mystère », parce que, de fait, nous ne pouvons comprendre ce qui se passe à la messe que dans la foi.
Il nous faut découvrir et faire découvrir que l’eucharistie est d’abord l’acte irremplaçable que les disciples du Christ ont mission d’accomplir pour la gloire de Dieu et le salut du monde. « faites cela en mémoire de moi ».
1) Et tout d’abord, il nous faut découvrir ou redécouvrir le sens du mot « eucharistie ».
Le mot « eucharistie » pour désigner ce que l’on nomme plus habituellement, la « messe », est un mot grec. Si vous allez en Grèce, vous entendrez ce mot bien souvent prononcé dans la conversation courante. « Eucharisto »
« Eu », c’est quelque chose de bon
« charis », c’est la reconnaissance.
«Eucharisto veut dire : être reconnaissant, remercier, rendre grâces.
Autrement dit, le mot « eucharistie » qui peut nous paraître étrange, n’est en fait qu’un mot du langage courant, qui exprime le merci, la reconnaissance joyeuse.
Et donc, en revenant à notre sujet, quand on va à la messe, au lieu de dire : le vais participer à l’eucharistie, on devrait pouvoir dire : je vais à l’action de grâces.
2) Il nous faut découvrir ou redécouvrir l’eucharistie comme attitude essentielle dans l’existence.
Lorsque j’étais aumônier de lycée, il m’est arrivé d’entendre de jeunes adolescents me dire : « mais, après tout, je n’ai pas demandé de venir au monde ! et je me demande ce que je fais sur cette terre ! ».
Un jour ou l’autre, on prend tous conscience que l’on existe, que l’on vit, qu’on est là sur terre… qu’on aurait pu ne pas être… que tout cela peut tenir à peu de choses et qu’on appelle la contingence.
Mais il faut encore ajouter autre chose : non seulement on n’a pas choisi de vivre, mais on ne s’est pas choisi soi-même : on est grand ou petit, on a les yeux bleus ou marrons, on est solide ou on est frêle… et on pourrait allonger la liste.
Pareil pour notre cadre de vie : la famille, les parents, les frères et sœurs, la race, la nationalité.. tout cela, nous ne l’avons pas choisi non plus.
Autrement dit, la plupart des choses qui font partie de notre existence, nous ne les avons pas choisies, pas plus que le fait de vivre ; c’est là avant nous, avant même que nous ayons pu dire « oui » !
On touche ici à quelque chose qui fait souvent difficulté, à savoir accepter cette réalité qui est la nôtre, qui n’est peut-être pas celle que nous aurions voulue, choisie, mais qui est là, comme offerte à nous.
Et tous les psy de la création sont d’accord pour dire que l’on n’est pas bien dans sa peau tant qu’on n’a pas réussi à dire oui à cette réalité, à l’accepter. (Ce qui ne veut pas dire se résigner à tout !).
Ici, vous pourriez me dire : mais qu’est-ce que tout cela a à voir avec l’eucharistie ?
Eh bien, précisément, si je fais ce détour, c’est parce que nous avons là un point d’ancrage de l’attitude eucharistique, avec le « oui » que je commence à prononcer, face à l’existence qui est la mienne, face à ce monde dans lequel je vis, qui n’est pas forcément celui que j’aurais rêvé, mais qui est le mien.
Et ce « oui », je peux me le dire à moi tout seul…
Mais je peux le dire à Quelqu’un.
A Quelqu’un qui a voulu ou permis que je sois là, que je vienne au monde…
A Quelqu’un qui a voulu ou permis que ce monde-là existe…
Et si tout cela, c’est bien Quelqu’un qui l’a voulu, c’est à Lui que peut s’adresser mon « oui », lequel oui peut devenir alors un « merci ». Merci pour cette vie que tu me donnes dans ce monde là… Merci, eucharisto.
Eucharisto parce que je suis là,
eucharisto pour ce monde qui est le mien,
eucharisto pour tout ce que je suis,
eucharisto pour tout ce qui m’a été donné.
Et quand on commence à dire ce oui et ce merci, à le dire non pas du bout des lèvres, mais du plus profond de soi-même et que l’on est chrétien, c’est alors que l’on commence à parler de « salut ».
Nous avons là un des soubassements les plus profonds du sacrement de l’eucharistie.
D’ailleurs on en trouve des traces dans tous les peuples, dans toutes les religions.
Dans toutes les religions, les hauts lieux étaient les points de rencontre entre les dieux et les hommes. C’est pourquoi, les montagnes étaient sacralisées.
Quand il n’y en avait pas, on construisait une tour ou une pyramide : le dieu était censé descendre au sommet de cet édifice ou de cette montagne, tandis que les hommes - du moins les prêtres – y montaient pour aller à sa rencontre.
Il y avait la pierre des sacrifices, sacrifices humains ou d’animaux dans certaines religions païennes, les sacrifices d’animaux dans l’Ancien Testament, pour dire « merci ».
Lorsque vous entrez dans une église, et que vous considérez le mobilier du chœur de cette église, là où se passe l’action liturgique, vous apercevez au centre, la table que l’on appelle l’autel.
Le mot « autel » vient du mot latin « altus » qui signifié élevé. Dans une église, il est au centre, il est de fait le lieu le plus élevé.
En régime chrétien, pour nous, l’autel, c’est le Christ, le lieu du sacrifice de la croix, où Jésus est allé jusqu’au bout de l’amour.
En montant sur la croix, Jésus est l’Agneau immolé, l’agneau pascal.
3) Il nous faut découvrir ou redécouvrir l’eucharistie avec Jésus.
Avec Jésus la façon de vivre l’eucharistie va prendre une toute autre profondeur.
D’une part, dans la manière d’exprimer l’action de grâces, le merci
D’autre part, dans le contenu même de l’action de grâces.
Tout cela est exprimé dans une phrase tirée de la lettre aux Hébreux :
«
Alors, Jésus entrant dans le monde dit : Seigneur, tu n’as voulu ni offrande ni sacrifice, mais tu m’as donné un corps ; alors j’ai dit : « voici, je viens, ô Dieu, je viens faire ta volonté
»
Nous avons là l’eucharistie selon Jésus :
Jésus rend au Père ce qu’il a reçu de Lui, il rend son corps, c’est-à-dire qu’il donne sa propre vie.
Pour Jésus, donner sa vie, va consister concrètement « à faire la volonté de son Père », c’est-à-dire à collaborer à son œuvre d’amour dans le monde, et cela ira jusqu’au don total de sa personne, c’est-à-dire sa mort sur la croix. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
Sa vie il l’a donné jour après jour, minute après minute, absorbé jour et nuit par cet unique souci de « faire la volonté de son Père » et d’accomplir son œuvre.
« Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne ».
Il la donnera jusqu’au bout. C’est ainsi qu’il rend au Père tout ce qu’il a reçu de lui : « Père entre tes mains, je remets mon esprit »
La veille de sa mort, pour nous aider à comprendre cela et surtout pour en vivre, il nous a laissé un signe, le signe du pain, du pain qui est fait pour être brisé, partagé, mangé… signe de sa vie donnée, livrée, consacrée à l’œuvre du Père.
Il nous a laissé le signe du vin, signe de son sang répandu pour la multitude, en rémission des péchés, signe de la multitude à rassembler en un seul Corps, en une seule famille..
C’est cela l’œuvre du Père à laquelle Jésus s’est donné entièrement. (vaincre le mal et la mort - rassembler en un seul corps la multitude ).
Et si donc, à la messe, nous venons prendre le pain et boire à la coupe, c’est, comme on le dit beaucoup, signe du partage, signe de communion, c’est bien d’abord un signe de communion avec Lui, le Christ.
Et c’est parce que nous sommes en communion avec lui, le Christ, que nous sommes en communion avec les autres, tous enfants du même Père.
Tous ensemble, nous ne faisons plus qu’un avec Jésus, au moment où il se donne à son Père : « Par lui, avec lui et en lui, à toi Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du saint-Esprit, tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles »
En prenant le pain, en buvant à la coupe, nous devenons nous-mêmes offrande au Père pour la multitude des hommes, dans la mesure où cela correspond à quelque chose de concret dans notre existence.
C’est à cette source que nous puisons la force de vivre l’eucharistie
.
4) Il nous faut découvrir ou redécouvrir que l’eucharistie est aussi nécessaire que le pain et le vin.
C’est du pain et du vin que nous mangeons et buvons, comme la nourriture ordinaire de nos repas, signe d’une nourriture pour notre vie.
En signe de sa vie donnée, Jésus nous donne du pain à manger et du vin à boire.
« prenez et mangez » - « prenez et buvez ».
Pain et vin qui sont des aliments élémentaires, essentiels pour vivre. Ce sont ces éléments que Jésus a choisis pour nous faire comprendre que l’eucharistie, notre nourriture spirituelle, est aussi nécessaire à la vie que le pain et le vin.
5) Mais ce pain et ce vin que nous recevons comme du pain et du vin ont été changés.
Ils sont devenus par l’intervention de l’Esprit-Saint, signes du corps et du sang du Christ, vie du ressuscité qui a donné sa vie pour nous.
Il y a une dynamique dans la célébration de l’eucharistie :
Dans la prière eucharistique, la mémoire du passé culmine dans la passion et la mort du Christ (nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus ) ;
elle est reprise dans la lumière toujours actuelle de la résurrection (nous célébrons ta résurrection)
et elle ouvre un avenir d’espérance pour l’Eglise et pour le monde (nous attendons ta venue dans la gloire)
D’où les trois grandes parties de la prière eucharistique :
1 . Mémoire du passé (action de grâces) : l ‘Eglise rend grâce pour l’action de Dieu dans le passé : création et histoire du salut accomplies dans le « corps historique » du Christ.
2. Mémoire actualisant ce passé (présence) : le corps historique du Christ, parce que vivant dans la gloire de Dieu, nous est donné comme « corps eucharistique » au présent, et même en présent de grâce.
3. Mémoire inaugurant un nouvel avenir (supplication) : l’Eglise demande que la réception du corps historique et glorieux du Christ comme corps eucharistique (par la communion) lui permette de devenir pleinement « corps ecclésial » du Christ, dès maintenant dans l’histoire (humblement, nous te demandons qu’en ayant part au corps et au sang du Christ (par la communion), nous soyons rassemblés par l’Esprit-Saint en un seul corps et jusque dans la vie éternelle… avec la Vierge Marie, les apôtres et tous ceux qui ont vécu dans ton amitié).
L’Esprit-Saint est le grand acteur indispensable de cette triple « prise de corps » du Christ : prise de corps historique « conçu de l’Esprit-Saint, né de la Vierge Marie »
Prise de corps eucharistique : « sanctifie ces offrandes par la puissance de ton Esprit »
Prise de corps ecclésial « …que nous soyons rassemblés par l’Esprit-Saint en un seul corps »
.
6) Alors, nous pouvons comprendre ce que Jésus dit : « Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde »
Dans l’eucharistie, par la transformation du pain et du vin en corps et sang du Seigneur, l’Eglise jouit de cette présence avec une intensité unique.
L’eucharistie contient en effet tous les biens spirituels de l’Eglise, à savoir le Christ lui-même, notre Pâque, le pain vivant, qui par sa chair, vivifiée par l’Esprit-Saint et vivifiante, procure la vie aux hommes.
C’est pourquoi l’Eglise a les yeux constamment fixé sur son Seigneur, présent dans le sacrement de l’autel, dans lequel elle découvre la pleine manifestation de son immense amour.
Il y a un « contenu » vraiment énorme dans lequel elle présente toute l’histoire en tant que destinataire de la grâce de la rédemption.
Cette admiration doit toujours pénétrer l’Eglise qui se recueille dans la célébration eucharistique.
Si nous ne voyons dans la messe que l’aspect d’obligation rituelle, tout au plus un acheminement vers une communion solitaire où nous confessons à Dieu nos petites affaires, où nous puisons le petit courage dont nous avons besoin pour nos petits projets, alors on n’a pas vu dans la messe cette chose immense, cosmique, visible, infinie… où il s’agit du projet même de Dieu.
Chaque fois qu’il y a la célébration de la messe, chaque fois que le mystère est célébré, c’est l’œuvre de notre rédemption qui s’accomplit.
C’est le mystère de la rédemption qui vient à nous.
Nous avons à le vivre à l’échelle de l’univers, car la rédemption , précisément concerne toute l’histoire, toute l’humanité, tout l’univers.
Le Corps du Christ qui va se réaliser à travers la consécration, ce corps du Christ n’est pas seulement le corps du Seigneur dans sa singularité, c’est ce corps immense de l’Eglise qui embrasse toute l’humanité, toute l’histoire, tout l’univers. C’est cet accent que nous devons mettre sur ces paroles éternelles : Ceci est mon corps, ceci est mon sang ».
Il nous faut entrer dans le cœur de Dieu par cette porte de la mort, (corps livré, sang versé), pour comprendre qui est Dieu et qui nous sommes !
C’est cela, la messe.
Et voilà justement ce qui se passe au cœur de la messe : l’humanité s’empare de ce corps de l’amour crucifié, elle dit sur Lui : ceci est mon corps, ceci est mon sang !
Elle boit le sang immolé, elle mange la chair sacrifiée, elle se nourrit de la Passion de Dieu, elle puise l’amour et la vie dans cet amour qui est allé jusqu’au bout de lui-même.
Et le Christ lui-même sur cette humanité solidaire de lui, prononce les mêmes mots : «Ceci est mon corps, ceci est mon sang ». Et l’Eglise naît à partir de la consécration, comme le Corps mystique de Jésus.
Et comme le dit le Père Zundel, théologien suisse, « Ah ! Quand nous regardons la lampe du Saint sacrement et que nous sommes avertis par son silence même, du silence du Christ également présent, nous ne pouvons pas ne pas nous sentir attirés vers ces profondeurs divines, nous ne pouvons pas ne pas penser que nous sommes nous-mêmes une vivante cathédrale, et que c’est dans le tabernacle de nous-mêmes que le Christ veut aujourd’hui se communiquer à tout l’univers.
Nous pensons à toute cette humanité que le Seigneur appelle, en totalisant dans notre offrande tous les malheurs, toutes les catastrophes, toutes les maladies, toutes les agonies, toutes les détresses, toutes les solitudes, toutes les violences et toutes les folies, pour qu’elle soient touchée, réanimée, transfigurée par la Présence de notre bien-Aimé Seigneur.
7) « Dans l’étable de Bethléem, il se laissa adorer, sous les pauvres traits d’un nouveau-né, par Marie, par Joseph et par les bergers, par les Mages..
Dans l’hostie consacrée nous l’adorons sacramentellement présent dans son corps et dans son sang, dans son âme et sa divinité ; il s’offre à nous comme nourriture de vie éternelle. »
La célébration de l’eucharistie inspire la prière d’adoration dans la mesure où l’eucharistie est devenue le centre vital de la vie du chrétien et celui de la communauté.
« C’est lui qui rassemble les baptisés dans la foi.
C’est lui qui manifeste le dessein de Dieu à travers l’Ecriture sainte, qui suscite la prédication authentique de la parole de Dieu et l’intelligence progressive de la vérité révélée en Jésus-Christ.
C’est lui qui inspire aux croyants rassemblés de confier au Père leurs besoins et ceux de tous les hommes et de faire monter vers lui leur action de grâce, « leur merci ».
C’est lui qui grave dans la conscience de l’Eglise la mémoire du Christ mort et ressuscité, et c’est en lui et par lui que l’Eglise reconnaît dans le mémorial du Christ l’accomplissement plénier de l’œuvre de Dieu »
Si j’ai découvert la dynamique interne de la messe et que je participe dans cet esprit, me laissant façonner par l’action de Dieu qui rassemble, qui parle, qui se donne et qui m’envoie, l’adoration du Christ de l’eucharistie devient un temps imprégné de cette dynamique.
Les prières eucharistiques me conduisent au cœur de la célébration, au centre de la vraie prière d’adoration, à la source d’un contenu pour les temps d’adoration en dehors de la messe.
Les aspects forts de la grande prière d’action de grâce sont là pour inspirer mon temps de contemplation en dehors de la célébration.
Quelles sont ces aspects forts ?
L’adhésion à la parole de Dieu
Le dynamisme de la parole de Dieu, proclamée dans la célébration demande qu’elle soit accueillie comme parole vivante. Il est important de méditer et de prier la parole de Dieu jusqu’à contempler le Christ, Parole vivante en nous. Dans le contact avec le Seigneur dans l’adoration, c’est l’expérience des disciples d’Emmaüs qui se répète : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Ecritures ? » Lc 24, 32.
La communion au Christ
« qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en Lui » Jn 6, 56
L’attitude d’adoration me met dans une disponibilité qui prolonge la rencontre personnelle avec le Christ pour recueillir intérieurement la vie qu’Il me donne.
La participation au mystère pascal.
Jésus a vécu l’heure du Cénacle, de sa passion et de sa mort dans un intense climat de prière, dans un esprit d’abandon au Père.
Par l’adoration, nous entrons plus intérieurement dans cette attitude du Christ qui a donné sa vie par amour.
L’action de grâce et la supplication
Dans la célébration, nous accueillons avec gratitude le don que le Christ fait de lui-même au Père. Toute la vie du chrétien doit être imprégnée de cet esprit de louange. L’adoration prolonge cette action de grâce dans notre existence.
L’eucharistie, comme anticipation du grand banquet céleste où tous les peuples ne formeront qu’une seule famille en Dieu.
Lors de son dernier repas, Jésus n’a-t-il pas dit : « Jamais plus je ne mangerai cette pâque avec vous jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu ».
En signifiant cet avenir absolu, la liturgie est là pour nous donner un avant-goût sur la terre de la joie de Dieu.
Tout en rendant grâce, en communion avec le Christ, le chrétien s’adresse au Père pour lui dire sa gratitude et le supplier de poursuivre ses merveilles dans le vaste champ de la vie des hommes.
L’adoration devant l’eucharistie nous invite à entrer dans une dynamique de don, d’offrande de soi, de la communauté, de l’Eglise et du monde, pour que par le don de l’Esprit tout soit renouvelé.
Un seul de ces aspects forts peut nourrir ma prière.
L’essentiel demeure la contemplation du don du Christ en son eucharistie qui m’invite à participer plus intensément au mystère pascal et qu’ainsi toute mon existence en soit imprégnée. L’adoration devient chemin vers une célébration plus intérieure mais aussi passage vers une vie totalement eucharistiée.
Dans la petite église du curé d’Ars, fin juin dernier, où je me trouvais, j’ai pensé à vous et je me suis rappelé la réponse de cet homme à qui le curé, Jean-Marie Vianney, demandait ce qu’il faisait à rester de longs moments en silence, dans l’église : cet homme a répondu : « Il m’avise et je l’avise ».
Comme croyants, nous sommes voués à l’adoration de Dieu.
.
« Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur » Ps 33.
Nous n’en aurons jamais fini de découvrir la richesse du mystère de l’Amour de Dieu pour tous les hommes.
Que le Seigneur nous préserve de croire que nous possédions ce mystère d’Amour. Qu’il nous tienne en éveil pour suivre la lumière de Dieu qui brille au delà de nous mêmes. L’étoile fait avancer vers Celui qui manifeste au monde la pleine dimension de l’Amour de Dieu.
Comme les mages, nous laissons-nous guider, pour aller l’adorer.
Déjà, à Tor Vergata en 2000, Jean-Paul II disait aux jeunes rassemblés : « Chers Amis, en rentrant dans vos pays, mettez l’eucharistie au centre de votre vie personnelle et communautaire : aimez-la, adorez-la, célébrez-la ».
Dans la lettre apostolique pour cette année de l’eucharistie « Mane nobiscum Domine » (reste avec nous, Seigneur) : le pape rappelle le thème choisi pour cette 20ème journée mondiale de la jeunesse– « nous sommes venus l’adorer » (Mt 2,2) – et il dit que ce thème peut vous suggérer de manière particulière l’attitude juste pour vivre cette année eucharistique. Dans votre rencontre avec Jésus caché sous les espèces eucharistiques, apportez tout l’enthousiasme de votre âge, de votre espérance, de votre capacité à aimer ».
MgrClaude Schockert
"Vivre
dans le monde en véritables adorateurs de DIEU" |
Dans le message que vous adressait Jean-Paul II en
préparation de ces JMJ, le saint Père écrit à propos des mages arrivés au terme
de leur recherche : « Ils ouvrirent leurs coffrets et lui offrirent de l’or, de
l’encens et de la myrrhe ».
Les présents qu’offrent les Mages au Messie symbolisent la véritable adoration.
Par l’or, ils soulignent sa divinité royale ; par l’encens, ils confessent qu’il
est prêtre de la nouvelle alliance ; en lui offrant la myrrhe, ils célèbrent le
prophète qui versera son sang pour réconcilier l’humanité avec son Père.
Chers Jeunes, poursuit le Pape, vous aussi offrez au Seigneur l’or de votre
existence, c’est-à-dire votre liberté pour le suivre par amour, en répondant
fidèlement à son appel ; faites monter vers lui l’encens de votre prière
ardente, à la louange de sa gloire ; offre-lui la myrrhe, c’est-à-dire votre
affection pleine de gratitude envers Lui, vrai homme qui nous a aimés jusqu’à
mourir comme un malfaiteur sur le Golgotha.
Soyez des adorateurs de l’unique vrai Dieu, en lui
reconnaissant la première place dans votre existence ».
Vous avez dix-sept ans, 20 ou 25 ans ou plus – Vous êtes étudiants, étudiantes.
Ou bien vous avez déjà un métier que vous exercez depuis plusieurs années ou
bien vous cherchez un travail..
Pourtant vous n’êtes pas définitivement fixés dans la vie, vous vous interrogez
sur votre avenir.
Vous êtes chrétiens (nes) et vous cherchez à vivre votre foi de votre mieux avec
d’autres.
Quand vous envisagez votre avenir le mot de « service » ou de « consécration »
vous viennent peut-être spontanément à l’esprit.
Quelle que soit votre situation aujourd’hui, votre passé, ne soyez pas étonnés
des obscurités, des combats que vous devez mener, des longues hésitations dont
vous avez parfois l’impression de ne pas pouvoir en sortir.
On n’édifie pas sa vie sans peine, sans rencontrer des obstacles, des
difficultés.
N’attendez pas sans rien faire que la lumière vienne d’en haut, tout à coup.
Vivez de votre mieux la vie que Dieu vous donne aujourd’hui, avec ses questions
et ses luttes. C’est là qu’Il vous parle.
Accueillez sans réserve la vie du Seigneur en vous.
Votre goût du service, votre générosité, votre désir de témoigner, voici qu’il
vous faut prendre conscience qu’ils viennent d’un Autre, du plus intime du cœur
de Dieu. C’est son Esprit qu’il vous communique.
C’est bien vous qui agissez et qui parlez, et pourtant, vous pouvez avoir la
certitude qu’il agit et qu’il parle en vous.
Cela peut vous aider à comprendre, comme une réalité merveilleuse cette parole
de St Paul qui va jusqu’à dire, car c’est son expérience : « Ce n’est plus moi
qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ».
Chercher votre route peut donc vous aider à devenir meilleur chrétiens.
Invités à devenir de véritables adorateurs du Père, en esprit et en vérité, je
nous invite ce matin à garder quelques convictions et à entendre quelques
appels.
.1) Première conviction : Chacun est unique au cœur de Dieu et Dieu est fidèle
.
La foi est avant tout une confiance en Dieu.
Et la confiance se réfère nécessairement à une personne. Il s’agit de s’appuyer
sur quelqu’un.
Et cette confiance n’est possible de notre part que parce que nous savons
pouvoir compter sur l’inconditionnelle fidélité de Dieu, lui qui a osé s’engager
dans une Alliance avec les hommes.
L’un des plus beaux textes de l’Ecriture où il nous est possible de mesurer
cette fidélité de Dieu, de comprendre sur quoi peut s’appuyer notre confiance,
c’est le chapitre 43 d’Isaïe, qui commence par ces versets :
« Ainsi parle le Seigneur qui t’a créé, Jacob, qui t’a formé Israël ; ne crains
pas, car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi. Si tu passes
à travers les eaux, je serai avec toi, à travers les fleuves, ils ne te
submergeront pas. Si tu marches au milieu du feu, tu ne seras pas brûlé, et la
flamme ne te calcinera pas en plein milieu, car moi, je suis ton Dieu, le Saint
d’Israël, ton sauveur… tu vaux cher à mes yeux, tu as du poids et je t’aime ».
Cette présence de Dieu à nos côtés, cette sécurité qu’il offre, ne nous dispense
pas des épreuves de l’existence, elle ne nous permet pas d’éviter la traversée
des fleuves ou du feu. Elle nous permet de vivre tout cela sans en être
submergé.
Quoiqu’il arrive, le Seigneur est avec moi.
Quoiqu’il arrive, je sais que j’ai du prix à ses yeux.
Il l’a dit ; il a montré sa proximité avec nous, de la crèche au Golgotha.
Les textes bibliques qui nous parlent des rencontres des prophètes et des
patriarches avec Dieu peuvent nous éclairer sur une manière juste de percevoir
la proximité de Dieu et son soutien.
En effet, la tradition biblique nous répète que l’on ne peut voir Dieu face à
face.
Moïse qui l’avait demandé n’est autorisé à le voir que de dos ; Elie perçoit la
présence de Dieu dans un silence inhabituel.
Plus tard, les mystiques chrétiens dont on pourrait penser qu’ils avaient une
perception très précise et claire de la présence de Dieu à leur côtés,
enseignent que l’on ne rencontre Dieu que de nuit, à tâtons.
On ne peut jamais être sûr de l’avoir trouvé au point de pouvoir se reposer et
arrêter de le chercher.
Les grands mystiques n’ont pas été dispensés de cette quête sans fin renouvelée.
Ainsi Jean de la Croix dans l’un des poèmes spirituels commence par « Je sais
une source qui jaillit et s’écoule, mais c’est au profond de la nuit ».
Ce texte se termine par l’évocation de la rencontre du Bien-Aimé dans
l’eucharistie, une rencontre qui ne peut pourtant combler les sens, car elle se
fait dans la nuit de la foi : « Cette source d’eau vive, objet de mes désirs, en
ce vrai pain de vie je la vois, la contemple, mais c’est au fond de la nuit »
(dans le cachot de Tolède en 1578).
On peut être sûr dans le domaine de la foi, mais ce n’est pas la même certitude
qu’en mathématiques. Etre sûr de Dieu, c’est être sûr de quelqu’un, pouvoir
compter sur lui, sur sa présence, et non pas à l’abri du doute ou des périodes
de nuit. La foi ne dispense pas de la nuit, mais elle affirme que nous ne la
traversons pas seuls.
Un appel à entendre : « Marche avec ton Dieu » - « marche en sa présence ».
Le chrétien est un « pèlerin »
Le pèlerin, c’est « l’homme en route ».
Celui qui, comme Abraham, comme Moïse, comme les disciples de Jésus, comme les
Mages, quitte son pays, se met en route poussé par l’Esprit, vers une terre
qu’il ne connaît pas encore mais où désormais va le porter tout son désir.
Si nous sommes appelés, si la baptême est vraiment « entrée en exode », si
l’Esprit nous est donné pour cheminer à la suite du Christ, la question la plus
importante de nos vies est bien alors : « Où aller ?... que faire ?... comment
discerner dans nos vies les appels de Dieu, l’appel fondamental, le « nom unique
qui est le nôtre dans l’Amour de Dieu ? – « Tu es Pierre », « tu es Paul »…
Comment discerner ceci ?
2) Deuxième conviction : La volonté de Dieu, c’est l’homme vivant :
La première réponse, la plus fondamentale aussi qu’il faille donner à cette
question : c’est de dire « oui » à la vie.
La volonté de Dieu, c’est la vie !
Cela peut paraître banal, mais cela va déjà assez loin.
Le premier « oui » que nous puissions dire à Dieu et finalement le plus profond
et peut-être le plus exigeant, c’est de dire « oui » à la vie.
Et l’on voit, avec beaucoup de consolation, que bien des gens rencontrent Dieu
très profondément, sans toujours le savoir ou le soupçonner, en disant chaque
matin « oui » à la vie.
Un oui qui n’est pas toujours évident mais qui est parfois héroïque. Je rentre
de pèlerinage à Lourdes : les malades et handicapés physiques sont admirables de
courage et d’obéissance à la vie.
Le premier « oui » que nous puissions dire à Dieu est de dire « oui » à la vie !
La volonté de Dieu passe par la croissance de l’homme, par sa grandeur, par sa
vérité.
La première chose que Dieu attend de nous, ce n’est pas que nous fassions ceci
ou cela, mais c’est que nous agissions en homme libre et responsable, que nous
assumions notre vie, nos décisions, nos relations, que nous les assumions
honnêtement, généreusement, loyalement.
La volonté de Dieu n’est pas d’abord un programme ou un plan, elle est un appel
créateur, un appel au surgissement de nos libertés.
Et s’il est vrai que Dieu nous veut à son image, nous a créés « à son image et
ressemblance » , c’est dire qu’il nous veut créateurs et libres avec lui,
capables d’invention dans l’amour.
Un appel à entendre : Ce que Dieu attend de chacun de nous et au cœur de nos
vocations particulières dans lesquelles nous avons pu nous reconnaître, ((laïcs,
religieuses, prêtres), c’est d’abord que nous soyons aussi pleinement, aussi
originalement homme ou femme, créateurs de vie et d’amour à son image.
C’est dire que le premier lieu de la rencontre de la Parole de Dieu, la volonté
de Dieu, c’est d’abord notre être profond, avec ses virtualités et son désir.
Ceci est important, parce qu’il est arrivé trop souvent que l’on ait cherché la
volonté de Dieu d’abord dans le registre du devoir ou de l’obligation et pas
dans celui du désir. « Tu dois être ceci ou cela ! »
Dire cela, ce n’est pas réduire la vocation chrétienne à la prise de conscience
du dynamisme psychique de chacun, mais c’est affirmer que Dieu s’adresse à
l’homme dans son être d’homme, dans ses facultés d’homme, dans son devenir
humain.
3) Troisième conviction : Dieu parle dans un peuple et dans une histoire
C’est à travers la détresse de son peuple que Moïse a entendu l’appel de Dieu.
C’est devant la mort de Lazare que Jésus s’est décidé à monter vers Jérusalem,
reconnaissant à ce signe que son heure était venu.
Alors, pour nous aussi, les besoins du monde, les appels de nos frères seront un
lieu privilégié de rencontre de la volonté de Dieu.
Mais il faut être très attentif à ne pas laisser l’imaginaire prendre le pas sur
le réel.
Les besoins du monde à travers lesquels Dieu nous rejoint, rejoint chacun
d’entre nous, ce ne sont pas les besoins généraux, universels – si importants ou
si pressants soient-ils - mais ce sont plutôt ces besoins, ces appels concrets
auxquels nous nous heurtons dans notre vie.
(mais qui est mon prochain ?)
Ces appels qui s’adressent non pas aux chrétiens du 21ème siècle, mais d’abord à
chacun d’entre nous, dans sa particularité et dans ses limites.
Un appel à entendre : Il s’agit de prendre en charge les besoins concrets qui se
présentent à nous : telle initiative à prendre, telle réconciliation à vivre,
telle démarche à faire, telle solidarité à vivre… et nos réponses à ces besoins
concrets, à ses appels sont le terreau dans lequel d’autres appels plus radicaux
et plus forts pourront se faire jour.
Un appel est toujours adressé à une liberté. C’est à celui à qui cet appel
s’adresse d’accueillir et de reconnaître la volonté de Dieu et rien ne peut se
faire sans cette reconnaissance, car tout appel est avant tout une grâce et une
exigence de conversion.
4) quatrième conviction : Ce « oui » à Dieu, en disant « oui » à la vie ; ce «
oui » à Dieu, en disant « oui » à un peuple et à une histoire sont les « oui »
où la rencontre de l’Esprit-Saint peut se faire, à l’intérieur de ces « oui »,
en les assumant et en les dépassant.
Ainsi, notre vie chrétienne est une réponse, une vocation ; réponse à Celui qui
toujours nous aime le premier. « Avant de te façonner dans le sein de ta
mère, je te connaissais », dit Dieu. Ps 139.
Regardez : vous connaissez Charles de Foucauld qui sera béatifié à Rome le 13
novembre prochain … Si vous comparez le visage de Charles de Foucauld avant sa
conversion et celui de « frère Charles », ce qui apparaît très nettement, c’est
que le visage de « frère Charles », c’est beaucoup plus que Charles de Foucauld,
tel qu’il était avant sa conversion, mais c’est aussi et toujours Charles de
Foucauld…. Mais seulement tel que personne n’aurait pu le prévoir.
Ainsi l’Esprit dans une vie se reconnaîtra aux mêmes signes : un passé assumé et
une ouverture à un avenir nouveau…
Un appel à entendre : La vie du chrétien qui cherche à faire la volonté de Dieu
reproduira à sa mesure la vocation de l’Eglise dans le monde.
La vocation de l’Eglise dans le monde est souvent
caractérisée par trois mots : le témoignage, la communion et le service.
Toute vie chrétienne est appelée à rendre témoignage de Jésus-Christ dans
l’Esprit, à faire mémoire de J-C par son existence même, par ses choix, par ses
décisions.
Toute vie chrétienne est appelée à créer une communion : « comme le Père
m’a aimé…
Aimons-nous les uns les autres
Toute vie chrétienne est appelée à être service et chaque vocation
chrétienne : celle du laïc, de la religieuse, du prêtre, l’est à sa manière en
vivant toute tâche humaine ou ecclésial comme un service.
Ces trois aspects doivent être présents dans toute vie chrétienne. Et si l’un
d’entre eux était absent, ce serait le signe que la maturité spirituelle est
encore à approfondir.
L’Evangile précise qu’après avoir rencontré le Christ, les Mages rentrèrent dans
leur pays en prenant un autre chemin. Ce changement de route peut symboliser la
conversion à laquelle sont appelés ceux qui rencontrent Jésus, pour devenir les
vrais adorateurs qu’il désire ».
5) Cinquième conviction : « on ne naît pas chrétien , on le devient ».
Notre conversion consiste à devenir chrétiens, à devenir, comme le disait
admirablement Saint Augustin, à devenir ce que nous sommes par le baptême : Vous
êtes le corps du Christ ! Recevez ce que vous êtes et devenez ce que vous
recevez.
A notre baptême, un chemin d’alliance s’est ouvert.
La vie chrétienne devient alors une formidable aventure, toujours neuve, de
liberté et d’amour.
Au jour de notre baptême, le Père nous a choisis comme fils et filles pour avoir
part à sa vie et il nous a donné son Fils comme unique chemin.
Nous devenons chrétiens au fil de notre histoire, de nos conversions et de nos
disponibilités au travail de l’Esprit en nous.
Devenir chrétien, c’est nous laisser façonner par Dieu pour atteindre la pleine
dimension de notre vocation d’hommes et de femmes.
Devenir chrétien, c’est un chemin, un itinéraire et sur ce chemin nous ne sommes
pas seuls.
A certains jours, il faut même accepter de nous laisser entraîner, porter par ce
peuple de frères qui marche à nos côtés, convaincus « qu’un chrétien isolé est
un chrétien en danger ».
Qui peut dire, un jour, qu’il est pleinement devenu disciple du Christ ?
.
Au jour du baptême, le prêtre nous a marqués, avec l’huile sainte en disant : «
je te marque de cette huile pour que tu deviennes éternellement membre de
Jésus-Christ, prêtre, prophète et roi ».
Ici, trois appels à entendre :
a) premier appel : nous laisser progressivement greffer sur le Christ Prêtre :
Au milieu de l’immense foule des hommes, l’Eglise est ce peuple qui reconnaît
explicitement le don d’amour du Père et qui fait monter vers Lui la réponse et
la louange de l’humanité.
C’est par le Christ dont elle est le corps visible en ce monde, que l’Eglise se
tourne vers le Père.
Greffé au Christ par le baptême, le chrétien est membre de ce corps du Christ.
Par sa vie, par sa prière, par sa participation aux sacrements, le chrétien
exerce, avec ses frères, la vocation sacerdotale de ce peuple.
Une vie quotidienne qui est action de grâce au Père.
Par sa vie quotidienne, le chrétien est appelé comme le dit l’apôtre Pierre « à
offrir des sacrifices spirituels », c’est-à-dire à prendre conscience que toute
son activité peut se laisser travailler par l’Esprit et devenir « vie
spirituelle », vie selon l’Esprit…
C’est toute notre existence humaine qui doit, dans sa totalité, devenir
eucharistique, « offrande spirituelle »
Par son engagement dans la vie familiale, sociale, professionnelle, culturelle,
politique, économique, le chrétien participe à l’achèvement de la création et il
peut retourner, en offrande au Père, cet embellissement de la création auquel il
participe et tous ses efforts pour un monde plus juste et plus fraternel, plus
conforme au désir profond de Dieu.
Sur notre chemin de croyant, le Christ ne nous laisse jamais seuls.
Il éclaire lui-même la route pour nous conduire au Père.
Les sacrements nous ont été donnés pour rencontrer le Christ ressuscité, nous
faire communier à sa vie afin que nous devenions des pierres vivantes de
l’Eglise, vivant dans l’unité et l’amour.
Les sacrements sont les gestes du Christ pour nous réconcilier avec Dieu et
ainsi nous donner la Vie qui n’aura pas de fin.
Deuxième appel à entendre : nous laisser progressivement greffer sur le Christ
Prophète
Et, comme tels, nous avons, jour après jour, à accueillir la Parole de Dieu
C’est d’abord pour retrouver le Christ que nous retournons sans cesse aux
évangiles et que nous les méditons. C’est aussi pour confronter notre foi avec
le témoignage des apôtres et rendre conforme notre vie à l’Evangile.
La Parole de Dieu nous est offerte.
Elle a pris visage humain en Jésus-Christ, chemin de Dieu vers l’homme.
Elle a pour tâche de nous décentrer de nous-mêmes et nous faire entrer dans une
relation nouvelle avec Dieu.
Elle nous permet de dire que la foi chrétienne n’est pas un produit de nos
expériences intérieures, mais un événement qui, de l’extérieur, vient à notre
rencontre.
Par notre obéissance à la Parole, nous témoignons qu’il n’est pas d’absolu en
dehors de Dieu et de Sa Parole.
Vous comprenez ici l’insistance du Pape pour nous rappeler que « l’idolâtrie est
une tentation constante de l’homme. Qu’il existe des personnes qui cherchent la
solution à leurs problèmes dans des pratiques religieuses incompatibles avec la
foi chrétienne.
Ne cédez pas aux illusions mensongères et aux modes éphémères… Refusez les
séductions de l’argent, de la société de consommation et de la violence
sournoise qu’exercent sur nous les médias »
Nos sociétés occidentales mettent en valeur la recherche de suprématie et
flattent l’émotionnel. L’environnement hyper médiatisé nous tire souvent à la
surface de notre existence, au détriment de notre intériorité où la Parole de
Dieu peut nous rejoindre et opérer. A capter tous les sons et les images qui
nous parviennent, nous courons le risque de n’en rester qu’au seul niveau des
impressions et de nous laisser éblouir par l’inessentiel.
Comme le disait un jour le cardinal Daneels, de Bruxelles, : « il nous faut
apprendre à nager à contre-courant. Le chrétien dans le monde est comme la
truite dans un cours d’eau rapide : elle reste dans l’eau et ne la quitte pas.
Mais elle vit dans un état de résistance continuel. Elle vit à coups de rein.
L’eau ne la gène pas : elle y prend plutôt son appui pour avancer en amont, vers
la source du torrent »
c) Troisième appel à entendre : Nous laisser greffer progressivement sur le
Christ Roi
C’est sur la croix que le Christ reçoit le titre de roi des juifs, c’est par son
sacrifice qu’il manifeste la seule puissance de Dieu, celle de l’Amour.
Victorieux du mal et de la mort, Jésus ressuscité devient « Christ et Seigneur
de l’univers ».
Il devient un chemin de vie et de bonheur pour tout homme.
De même la royauté du chrétien est une libération qu’il reçoit de sa rencontre
avec le Christ.
Plongé dans la mort du Christ par le baptême, le croyant est appelé à
ressusciter avec Lui.
L’amour inégalable de Dieu, manifesté sur la croix, est source d’une liberté
extraordinaire face à tout ce qui peut diviser les hommes et les aliéner.
Pour les disciples de Jésus, la seule force que leur donne leur foi, dans les
affaires du monde, est cette force de l’amour.
Par le baptême les croyants sont appelés, à la suite du Seigneur, à être un
peuple vivant de l’amour fraternel et ayant, pour leurs frères les hommes, les
mêmes sentiments que Jésus, un peuple de serviteurs.
Chrétiens, nous savons que notre humanité est blessée, marquée du péché par
lequel l’homme a voulu être comme un dieu. L’actualité quotidienne nous en
apporte la preuve. Adorer Dieu et choisir la voie de l’obéissance à sa Parole,
est une garantie de rester humain et de participer à l’avènement d’une
civilisation selon le cœur de Dieu, fondée sur le respect de l’autre, la
rencontre des cultures et des peuples, comme nous le vivons ici à Cologne, la
concorde et la paix.
Nous n’aurons jamais fini de découvrir la richesse du mystère de l’Amour de Dieu
pour tous les hommes. Que le Seigneur nous préserve de croire que nous
possédions ce mystère d’amour. Qu’il nous tienne en éveil pour suivre la lumière
de Dieu qui brille au-delà de nous-mêmes.
Nous sommes appelés à former des communautés
contagieuses
Nous sommes invités à faire de nos communautés des
lieux où soient réellement vécus l’amour et la communion « à la manière de Jésus
».
Les communautés chrétiennes ne doivent pas être des groupes fermés sur
eux-mêmes.
Le témoignage d’une vie fraternelle fait partie intégrante de la mission.
Par l’accueil de tous, en particulier des plus faibles, par le respect de
chacun, par une vraie solidarité vécue au quotidien, nos communautés d’Eglise
sont appelées à donner le témoignage de la force qui les habite.
Travailler à la construction de telles communautés, contagieuses d’amour
fraternel, c’est manifester aux yeux du monde que le « règne » du Christ peut
déjà grandir sur cette terre.
Des communautés au service des hommes
Créés par Dieu et appelés à travailler à l’achèvement de la création.
Une originalité essentielle du christianisme est notre foi en l’incarnation : «
Dieu s’est fait homme ».
Cela donne à la condition humaine une dignité indépassable.
Dans une vie d’homme, à Nazareth, l’amour de Dieu a pris une forme concrète, un
visage humain et depuis, pour les chrétiens, il y a cette certitude : la
recherche de Dieu n’implique pas la fuite des réalités humaines, au contraire.
Chacun est invité très concrètement à comprendre comment sa vie quotidienne peut
être un lieu d’incarnation de l’évangile.
Aucune réalité humaine n’est à mettre à l’écart.
Toute situation peut être évangélisée, c’est-à-dire pétrie de l’esprit
évangélique : le travail, les loisirs, les études, les relations, la vie
familiale, le club de sport, la vie politique…
Un amour privilégié pour les petits.
« les pauvres sont le trésor de l’Eglise », disait saint Laurent aux premiers
temps de l’Eglise. La foi enracine en nous cette conviction que tout homme a une
dignité inaliénable. Cela fonde un respect absolu de toute personne humaine et
une attention privilégiée aux petits.
« ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le
faites »Mt 25.
. Dans l’eucharistie, notre Dieu a manifesté la forme extrême de l’ amour,
bouleversant tous les critères de pouvoir, qui règlent trop souvent les rapports
humains, et affirmant de façon radicale le critère du service. « Si quelqu’un
veut être le premier de tous, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de
tous » Mc 9, 35.
« Ce n’est pas un hasard si, dans l’évangile de Jean nous ne trouvons pas le
récit de l’institution de l’eucharistie, mais celui du « lavement des pieds » Jn
13, 1-20 : en s’agenouillant pour laver les pieds de ses disciples, Jésus
explique sans équivoque le sens de l’eucharistie. A son tour, St Paul rappelle
avec vigueur que n’est pas permise une célébration eucharistique où ne
resplendit pas la charité manifestée dans le partage concret avec les plus
pauvres. 1 Co 11, 17.
Pensons au drame de la faim, aux maladies qui meurtrissent les pays en voie de
développement, la solitude des personnes âgées, les problèmes des chômeurs, les
problèmes des immigrés. Ce sont des maux qui affectent même les régions les plus
opulentes. Nous ne pouvons pas nous faire d’illusion : c’est à l’amour mutuel
et, en particulier, à la sollicitude que nous manifesterons à ceux qui sont dans
le besoin que nous serons reconnus comme de véritables disciples du Christ.
Tel est le critère qui prouvera l’authenticité de nos célébrations
eucharistiques.
Redécouvrez le don de l’eucharistie comme lumière et force pour votre vie
quotidienne dans le monde, dans l’exercice de votre profession et dans les
situations les plus diverses.
Dans votre rencontre avec Jésus caché sous les espèces eucharistiques, apportez
tout l’enthousiasme de votre âge, de votre espérance, de votre capacité à aimer.
Devenir chrétien, quel long et passionnant chemin !
Devenir chrétien, c’est devenir disciple de Jésus et marcher à sa suite dans la
vie quotidienne.
Devenir chrétien, c’est entrer dans une meilleure connaissance de soi-même qui
n’est autre que la connaissance d’amour que Dieu a de chacun de nous : « Jésus
le regarda et l’aima».Mc 10, 21.
Le regard d’amour de Dieu au plus profond de soi conduit sur un chemin de vérité
et d’humilité qui permet d’entrer dans une meilleure connaissance de soi-même.
Cette connaissance n’est pas acquise une fois pour toutes.
Comme la vie, elle est un devenir qui permet peu à peu de consentir pleinement
son humanité.
Il nous faut consentir au travail de l’Esprit,
Il nous faut consentir à être aimé de Dieu ».
MgrClaude Schockert
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