Benoît XVI : Dieu est tel qu'il se
montre |
 |
Le 31 décembre 2008 -
(E.S.M.)
- Si le Fils n'est rien à côté du Père, ne prétendant à rien qui lui
soit propre, n'opposant au Père rien qui lui appartienne
distinctivement, ne réservant aucune place à sa propre individualité -
alors c'est qu'il est pleinement égal au Père.
|
La
Trinité - Artus Wollfort
(1581-1641) -
Pour agrandir l'image
►
Cliquer
Benoît XVI : Dieu est tel qu'il se montre (10)
RÉFLEXIONS SUR LE
CREDO (Chapitre 6
suite)
(Page
précédente :
l'inaccessible est Celui avec qui une relation est possible)
(9)
Le 31 décembre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- On voit que les controverses trinitaires de l'époque
patristique n'étaient donc pas pur ergotage conceptuel. Elles s'axaient
sur la défense du principe : « Dieu est tel qu'il
se montre ». Sur cette affirmation, que Joseph Ratzinger tient
pour équivalente à la doctrine même de la Trinité, repose la relation
chrétienne à Dieu. Les logiques alternatives du subordinationisme et du
monarchianisme représentent les deux principales options qui
s'opposèrent à l'orthodoxie conciliaire de l'Église des Pères. Pour le
subordinationisme, Dieu devient une sorte de « monarque constitutionnel
» ; la foi ne traite avec lui « que par
l'intermédiaire de ses ministres ». Pour le monarchianisme, le
Père, le Fils et le Saint-Esprit sont considérés exactement comme des «
masques de Dieu » à travers lesquels ne nous parvient pas la moindre
information quant à sa réalité. Joseph Ratzinger voit dans les
idéalismes de Hegel et de Schelling, et dans leur inversion matérialiste
chez Marx, la postérité philosophique du monarchianisme : la forme
historique de Dieu devient l'auto-réalisation progressive de la
divinité; le logos n'a aucune réalité si ce n'est dans son identité même
avec le processus historique; tout sens n'est plus que pure et simple
création de l'histoire. Au contraire de la doctrine trinitaire
orthodoxe, « le caractère personnel, le dialogue,
la liberté et l'amour se diluent dans le processus inexorable de la
raison seule » (Idem, p. 106 [traduction
modifiée]). La victoire
de la foi trinitaire sur le monarchianisme signe la fin, du moins en
principe, du détournement de la théologie à des fins politiques, en
détruisant ses potentialités de servir de base à un mythe politique.
Une fois de plus, comme avec saint Bonaventure et la question de
l'historicité du salut, on voit se profiler l'ombre du futur débat sur
la théologie de la libération, à ceci près que cette fois c'est l'ombre
portée d'un corps vivant, en l'occurrence la « théologie politique » de
Johann Baptist Metz. Joseph Ratzinger remet ici en valeur le
Monothéisme comme problème politique d'Erik Peterson, qui en son
temps contenait une attaque contre une certaine Théologie politique de
Carl Schmitt, datant de 1922
(Le monothéisme : un problème politique, traduit par
A.-S. Astrup, Bayard, Paris, 2007).
Pour Joseph Ratzinger, on peut penser la doctrine du Dieu trine en
termes de théologie soit négative
(apophatique), soit positive
(cataphatique).
Négativement, c'est la représentation du caractère insoluble du mystère
de Dieu, un « morceau de théologie déconcertante ». Ou encore, on peut
dire qu'elle illustre ce que l'abbé de Saint-Cyran disait de la foi :
une série de contradictions qui ne tiennent ensemble que par la grâce,
encore qu'à la lumière des théories de la physique moderne, le terme «
contradictions » pourrait avantageusement être remplacé par celui de «
complémentarités ». Car de même que la lumière, en physique, peut être
conçue comme corpuscule aussi bien que comme onde, bien que ces deux
concepts résistent à se combiner en une structure unifiée, de même en
théologie :
Ici également, nous ne pouvons jamais observer que d'un seul point de
vue, et donc ne percevoir qu'un seul aspect particulier, qui semble
contredire l'autre. C'est pourtant seulement quand on parvient à les
combiner l'un avec l'autre qu'on trouve une direction menant à cette
totalité que nous sommes incapables d'exprimer ni de saisir d'un seul
regard
(Idem, p. 109 [traduction modifiée]).
Joseph Ratzinger, comme Yves Congar le fera plus tard dans le même
contexte, tire ces remarques de la notion de complémentarité mise en
lumière par le physicien danois Niels Bohr. Bohr lui-même avait suggéré
la possibilité d'appliquer cette idée à la théologie; suggestion que
suivit Cari Friedrich von Weizsäcker, directeur du Max Planck Institut,
en Bavière, dans un article synthétique que cite J. Ratzinger
(La religion hier et aujourd'hui, vol. 3, p. 1744 sv).
Mais la doctrine trinitaire peut aussi être l'objet d'une théologie
positive, s'exprimant dans des « indices de l'ineffable », même si
celui-ci « ne peut s'incorporer dans notre univers mental ». Le sens
positif de la foi en la Trinité repose d'abord sur un examen de la
réalité en son unité et sa pluralité :
La confession de foi chrétienne du Dieu Trois en Un seul,
simultanément « monade » et « triade », unité absolue et profusion,
exprime la conviction que la divinité est au delà de nos catégories
d'unité et de multiplicité. Si, pour nous qui en sommes au-dehors, la
divinité est une et une seule, l'unique, en opposition à tout ce qui
n'est pas divin, elle est pourtant en elle-même véritablement profusion
et pluralité, de sorte que l'unité et la multiplicité des êtres créés
sont toutes deux ensemble réplique du divin et participation à lui
(La foi chrétienne, p. 112-113 [traduction modifiée]).
Cela a pour conséquence majeure que le modèle d'unité auquel les
créatures doivent tendre n'est pas celui d'une « inflexible monotonie »,
mais de l'unité que crée l'amour, « la "multi-unité" qui croît dans
l'amour ». En second lieu, la foi trinitaire confirme l'intuition que si
l'on confesse l'Absolu comme une personne, il ne peut aucunement s'agir
d'un « absolu seul ». Cela est déjà indiqué par le préfixe du grec
prosôpon (pros : « vers ») comme du latin persona (per
: « à travers ») qui l'un et l'autre impliquent
l'idée de relation, de communication, de fécondité. « Un être
absolument un, qui n'est ni origine, ni terme de relation ne peut être
une personne » (Idem, p. 113).
Troisièmement, si pour Aristote la relation se range simplement parmi
les « accidents » - ou déterminations secondaires de l'être, par
contraste avec la substance, support
exclusif de la réalité -, le dogme trinitaire fait quant à lui
clairement percevoir que relation et substance sont l'une et l'autre «
également forme primordiale de l'être »
Idem, p. 117. « En Dieu il n'y a pas d'accidents, il
n'y a que substance et relation »: cf. saint AUGUSTIN, De Trinitate
V, 5,6). Cette découverte permet à l'homme de
surmonter la « pensée objectivante » : sa vision accède à un nouveau
plan de l'être. Mais si de cette façon le dogme de la Trinité signifie
que la pensée spéculative se trouve libérée, elle ne devient pas pour
autant non biblique. Au contraire, et Joseph Ratzinger insiste ici
encore, il s'agit de la transposition pure et simple des logia
johanniques de Jésus. Commentant la déclaration du Christ : « le Fils ne
peut rien faire de lui-même »
(Jn 5,19 et 30), qui semble
le dépouiller de tout pouvoir, et cette autre : « le Père et moi, nous
sommes un »
(Jn 10,30), J. Ratzinger
fait une remarque d'une particulière perspicacité :
Si le Fils n'est rien à côté du Père, ne
prétendant à rien qui lui soit propre, n'opposant au Père rien qui lui
appartienne distinctivement, ne réservant aucune place à sa propre
individualité - alors c'est qu'il est pleinement égal au Père. La
logique s'impose : puisqu'il n'y a rien par quoi il serait purement lui,
puisqu'il n'existe aucun domaine délimité qui lui soit propre, il
coïncide donc avec le Père, il est « un » avec lui. C'est exactement
cette totale compénétration que le mot « Fils » veut exprimer
(La foi chrétienne, p. 119 [traduction modifiée]).
Il ne manque certes pas de tirer les conséquences pratiques que cette
doctrine implique pour nous. Il appartient à la nature de l'existence
chrétienne, qui consiste à être un avec le Christ, «
d'accueillir et de vivre l'existence comme être
relationnel », et de cette manière d'entrer dans cette unité qui
est le fondement de toute réalité. La doctrine de
la Trinité doit devenir le « point nodal » de toute pensée chrétienne.
Naturellement, ces expériences fondamentales, juives et chrétiennes, de
l'histoire du salut et de la rencontre avec Dieu soulèvent la question de
savoir comment elles s'accordent avec la réalité divine en elle-même. Cette
« triade » nous renseigne-t-elle seulement sur l'homme, sur les divers modes
humains de relation à Dieu, ou bien apporte-t-elle quelque lumière sur ce
qu'est Dieu en lui-même ? La première hypothèse nous paraît avec une telle
évidence comme la seule raisonnable qu'elle rend la question entière bien
peu digne d'intérêt. Pourtant, Joseph Ratzinger insiste :
II s'agit de savoir si l'homme, dans sa relation à Dieu, n'est livré qu'à la
seule réflexion de sa propre conscience, ou bien s'il lui est offert
d'atteindre une réalité qui le dépasse et de rencontrer Dieu lui-même. [...]
Si la première hypothèse est juste, la prière est donc elle aussi simple
affaire de l'homme se parlant à lui-même, et il n'y a alors pas plus de
fondement pour une adoration véritable que pour une prière de demande. [...]
Mais si c'est la seconde qui est la bonne, alors l'adoration et la prière
non seulement sont possibles, mais elles s'imposent, parce qu'elles sont le
postulat de l'homme - être ouvert à Dieu
(Idem, p. 100 [traduction modifiée]).
(à suivre)
Je
crois en Jésus-Christ
Nouveau : S'inscrire à la newsletter ! Voir
menu de gauche. |
Sources : Introduction
à la théologie de Joseph Ratzinger - (E.S.M.)
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M. sur Google actualité)
31.12.2008 -
T/Théologie
|