Visite de Benoît XVI à Chypre :
Interview de l'ambassadeur de Nicosie près le Saint-Siège |
 |
Le 31 mai 2010
-
(E.S.M.)
-
De la visite de Benoît XVI à Chypre (4-6 Juin) on ne parle pas beaucoup.
Pourtant, c'est là que le pape Benoît XVI remettra l'Instrumentum
Laboris du Synode pour le Moyen-Orient qui se tiendra en Octobre à Rome.
|
Visite de Benoît XVI à Chypre :
Interview de l'ambassadeur de Nicosie près le Saint-Siège
Rodolfo Casadei
Le 31 mai 2010 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- Au début Juin, pour la première fois un évêque de Rome se rendra à Chypre.
L'occupation turque d'un sol européen. La relation avec l'Islam. Le dialogue
entre catholiques et orthodoxes. Interview de Georgios Poulides,
ambassadeur de Nicosie près le Saint-Siège
De la visite de Benoît XVI à Chypre (4-6 Juin) on ne parle pas beaucoup.
Pourtant, c'est la première fois que le successeur de Jean-Paul II visite un
pays chrétien orthodoxe et en outre, c'est là que sera rendu public l'Instrumentum
Laboris du Synode pour le Moyen-Orient qui se tiendra en Octobre à Rome.
Sans compter que Chypre est l'extrême frontière orientale de l'Union
européenne.
Georgios Poulides, l'Ambassadeur de Chypre près le Saint-Siège depuis 2003,
est la charnière de ce névralgique et sous-évalué voyage apostolique.
- Monsieur l'Ambassadeur Poulides, quelle est la
réalité de Chypre à la veille de la visite du Pape?
- Chypre est un pays de l'UE en plein développement économique et
avec une démocratie consolidée. L'adhésion à l'Union européenne a marqué la
réalisation d'un objectif longtemps poursuivi, qui met Chypre dans la grande
famille européenne, à la place qui lui revient naturellement par l'histoire
et la culture. Je dois ajouter, cependant, que l'adhésion n'était pas
recherchée par les Chypriotes pour des raisons économiques ni pour des
raisons politiques. Le peuple de Chypre voit dans l'adhésion à Europe un
environnement de sécurité, que malheureusement, d'autres organismes
internationaux ne lui ont pas offert quand elle en a eu besoin. Comme vous
le savez, près d'un tiers du pays est, depuis 1974, sous occupation
militaire turque.
Dans cette zone, les militaires d'Ankara ont concentré toute la minorité
chypriote turque (environ 18 pour cent de la population, auparavant répartie
dans toute l'île), ils ont chassé par la force les Chypriotes grecs et tous
les chrétiens, ils y ont transféré des centaines de milliers de colons
d'Anatolie, enfin ils ont orchestré l'auto-proclamation d'un état-fantoche,
reconnu uniquement par Ankara. Déjà au moment de l'adhésion de Chypre en
2004, l'UE avait pris position sur cette situation: c'est Chypre tout entier
qui a adhéré à l'UE, et tous les citoyens de Chypre sont des citoyens
européens. Dans les territoires occupés, les règles Communautaires sont
suspendues en attendant la réunification.
Souvent, je lis dans la presse italienne: "Les Chypriotes grecs ont
rejoint l'Europe, pas les Chypriotes turcs". C'est une erreur. Les
Chypriotes turcs se sont précipités pour se procurer le passeport de la
République de Chypre, jetant aux ordures ceux de leur État-fantoche. Et puis
ils ont fui la protection «fraternelle» d'Ankara, émigrant en Europe,
principalement en Grande-Bretagne. Ainsi, les sentiments des Chypriotes sont
les suivants: ils sont content de l'adhésion à l'Union européenne, ils
veulent la réunification de l'île et ils soutiennent les efforts du
président Demetris Christofias dans la poursuite de négociations avec les
Chypriotes turcs. L'espoir est que finalement, Ankara sera convaincue par
l'Europe de respecter ses engagements, de reconnaître la République de
Chypre et de laisser les Chypriotes eux-mêmes décider de leur sort.
- Qu'attendez-vous de la visite de Benoît XVI à
Chypre?
- La visite du Pape est d'une importance historique pour Chypre.
C'est la première fois, qu'un évêque de Rome visite notre pays et c'est la
première visite de Benoît XVI dans un pays orthodoxe. La visite constitue le
couronnement d'un long soutien que le Saint-Siège a toujours apporté à la
cause de Chypre. La diplomatie vaticane a toujours tenu le plus grand compte
du droit international, donc des résolutions des Nations Unies et d'autres
organisations internationales compétentes, qui invitent la Turquie à retirer
ses troupes de Chypre. Le Saint-Siège nous a toujours soutenus, parce que
Chypre est un petit pays qui subit l'agression d'un puissant voisin. Parce
que c'est la lutte de la raison contre la violence. C'est pourquoi Benoît
XVI a accepté bien volontiers l'invitation à visiter l'île, que lui ont
adressée à la fois le président
Christofias
(ndt: premier dirigeant communiste chypriote candidat à
une présidentielle, et premier et seul chef d'État membre d'un parti
communiste au sein de l'Union européenne, depuis le 24 février 2008)
et l'archevêque
Chrysostomos II.
- Comme vous l'avez dit, la religion de la grande
majorité des Chypriotes est le christianisme orthodoxe et lors de son
séjour, le Pape rencontrera à plusieurs reprises l'archevêque Chrysostomos
II. Quels avantages l'œcuménisme pourrait-il tirer de leu rencontre?
- La visite du Pape est importante aussi du point de vue du dialogue
œcuménique.
L'Eglise de Chypre joue un rôle important parmi les Eglises Orthodoxes, et
depuis longtemps elle voulait jouer un rôle tout aussi important dans le
dialogue œcuménique. Immédiatement après son élection, le nouvel archevêque
Chrysostomos II a voulu se rendre au Vatican, et commencer ainsi une
nouvelle ère des relations avec les catholiques (cf.
E.S.M.). Quelques mois plus tard, Chrysostomos est retourné
en Italie pour assister à la Journée mondiale pour la paix organisée par la
Communauté de Sant'Egidio, avec la présence du pape lors de la première
journée des travaux.
Puis, en Novembre 2008, ces journées se sont tenues à Chypre, et peu de
temps après la Commission théologique mixte catholico-orthodoxe qui examine
la question de la primauté papale s'est réunie à Pafos.
Avec la participation active de l'Eglise de Chypre au dialogue œcuménique,
non seulement toutes les églises et les patriarches de langue grecque
participent pleinement au dialogue avec l'Eglise catholique, mais Chypre a
également contribué à ouvrir la voie vers les Églises orthodoxes slaves,
puisqu'elle a toujours entretenu d'excellentes relations avec le Patriarcat
de Moscou.
- Que pensez-vous des attaques de certains organes de
la presse internationale contre Benoît XVI, centrées sur la tentative de
connecter la figure du pape au scandale des abus sexuels, certains réels,
certains présumés, qui ont pour protagonistes quelques prêtres et évêques
catholiques?
- Je dois exprimer ma consternation face à certains articles de la presse et
à certaines reconstructions fantaisistes. Le Cardinal Joseph Ratzinger
s'était distingué par son courage et sa sévérité, en dénonçant et condamnant
ces comportements indignes. Il a eu le courage des grands hommes quand ils
choisissent de corriger les erreurs. Ratzinger, en effet, n'a jamais voulu
avaliser une certaine pratique de dissimulation des plaintes. A l'inverse,
il a été le protagoniste d'une dure bataille afin que la justice soit faite.
Et toute personne qui suit les affaires de l'Église catholique sait cela.
Toute spéculation sur sa responsabilité personnelle présumé est totalement
infondée.
- L'élection de
Dervish Eroglu dans la partie de Chypre occupée par les troupes
turques semble compliquer les négociations pour la réunification de l'île.
Quel chemin faudrait-il emprunter pour chercher une solution à cette crise
qui dure depuis trente-six ans?
- Eroglu a été élu par une majorité constituée non par des électeurs
chypriotes turcs, mais par des colons turcs qui se trouvent illégalement à
Chypre. Pendant la campagne électorale, il a montré un visage intransigeant.
Il a dit qu'il ne voulait pas de l'unification à travers l'évolution de la
République de Chypre vers une structure fédérale, bi-zonale et
bi-communautaire, comme convenu il y a plusieurs années. Il a ajouté qu'il
préférait une confédération entre deux «états», et qu'il ne veut pas
le retrait des troupes turques ou des colons. Après l'élection, toutefois,
la teneur de sa position a changé. Il s'est engagé à reprendre les
négociations commencées dès Septembre 2008 entre le Président Christofias et
le dirigeant chypriote turc d'alors Mehmet Ali Talat à l'endroit où elles
étaient arrivés, afin de préserver les éléments de convergence apparus.
C'est une bonne chose. Je peux de toutes façons assurer que le Président
Christofias ne cessera pas ses efforts pour trouver une solution juste et
durable au problème de Chypre dans l'intérêt de tous les Chypriotes.
- L'Union européenne a finalement mis d'accord sur un
plan de sauvetage de la Grèce, a subi une grave crise financière du budget
national. Que pensez-vous de cette affaire?
- Cela a été une chose positive. Après plusieurs mois d'incertitude,
l'Union européenne s'est désormais doté des moyens de réguler les flux de la
monnaie commune européenne et de se protéger de la spéculation financière.
Le gouvernement de Chypre a toujours soutenu toutes les mesures qui
favorisent une intégration européenne plus étroite non seulement dans le
domaine de la politique économique et monétaire, mais aussi dans la
politique étrangère et de défense.
- Chypre a rejoint le système euro. Un bon choix?
- L'adhésion de Chypre à la zone euro le 1er Janvier 2008 a été une
étape importante vers l'intégration dans le noyau dur de l'Europe. Ce fut
également la reconnaissance de notre économie, de nos grands efforts et
sacrifices pour nous adapter aux règles économiques et monétaires de
l'Union. L'adhésion à l'euro facilite également l'intégration économique
avec nos compatriotes chypriotes turcs, qui préfèrent utiliser la monnaie
européenne plutôt que la lire turque imposée dans les territoires occupés.
- Quelle est la contribution la plus importante
qu'aujourd'hui, Chypre peut donner à l'Europe?
- Chypre est un avant-poste de l'Union européenne au Moyen-Orient et
en Afrique. Son rôle est devenu évident au moment de la crise du Liban dans
l'été 2006, quand elle a soutenu l'envoi d'une force de maintien de la paix
européenne le long de la frontière entre Israël et le Liban et a mis à sa
disposition une série de structures de soutien. Mais Chypre est également
importante pour les entrepreneurs européens qui se tournent vers le
Moyen-Orient et l'Afrique. Depuis quelque temps, de nombreuses sociétés
internationales ont voulu implanter leurs bases opérationnelles et de
direction sur notre île, qui possède un excellent réseau de
télécommunications, d'infrastructure et de personnel local hautement
qualifié

Sources : benoit-et-moi
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 31.05.2010 -
T/Benoît XVI
|