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L'Eglise, expose Benoît XVI, veut servir la cause de l'homme
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Ankara, le 29 novembre 2006 -
(E.S.M.) - Le Saint-Père a rencontré le Corps Diplomatique
accrédité en Turquie, mardi à 17 h 30' à la nonciature d'Ankara.
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Le pape Benoît XVI au corps diplomatique
L'Eglise, expose Benoît XVI, veut servir la cause de l'homme
Au corps diplomatique accrédité en Turquie
Déclarant d'emblée être venu "en ami et en apôtre du dialogue et de la
paix", le Pape Benoît XVI a rappelé que "la véritable paix a besoin de la
justice pour corriger les déséquilibres économiques et les désordres
politiques qui sont toujours facteurs de tensions et de menaces dans toute
société".
Excellences, Mesdames et Messieurs,
J’ai préparé
mon discours en français, car c’est la langue de la diplomatie, espérant
qu’il pourra être compris.
Je vous salue avec une grande joie, vous
qui, en tant qu’Ambassadeurs, exercez la noble charge de représenter vos
pays auprès de la République de Turquie et qui avez bien voulu rencontrer le
Successeur de Pierre dans cette Nonciature, et je remercie votre Vice-Doyen,
Monsieur l’Ambassadeur du Liban, pour les aimables paroles qu’il vient de
m’adresser. Je suis heureux de vous redire l’estime que le Saint-Siège a
maintes fois exprimé pour votre haute fonction qui assume aujourd’hui une
dimension toujours plus «globale». En effet si votre mission vous conduit,
avant tout, à protéger et à promouvoir les intérêts légitimes de chacune de
vos nations, «l’inéluctable interdépendance qui aujourd’hui relie toujours
davantage tous les peuples du monde invite tous les diplomates à être, dans
un esprit toujours neuf et original, les artisans de l’entente entre les
peuples, de la sécurité internationale et de la paix entre les nations»
(Jean-Paul II, Discours au Corps diplomatique, Mexico, 26 janvier 1979).
Je tiens d’abord à évoquer devant vous le souvenir des visites
mémorables de mes deux prédécesseurs en Turquie, le Pape Paul VI, en 1967,
et le Pape Jean-Paul II, en 1979. Comment ne pas faire mémoire également du
Pape Benoît XV, artisan infatigable de la paix au cours du premier conflit
mondial, et du Bienheureux Jean XXIII, le Pape «ami des Turcs», qui fut
Délégué apostolique en Turquie et Administrateur apostolique du Vicariat
latin d’Istanbul, laissant à tous le souvenir d’un pasteur attentif et plein
de charité, spécialement désireux de rencontrer et de connaître la
population turque dont il était l’hôte reconnaissant ! Je suis heureux
d’être aujourd’hui l’hôte de la Turquie, venu ici en ami et en apôtre du
dialogue et de la paix.
Il y a plus de quarante ans, le Concile
Vatican II écrivait que «la paix n’est pas une pure absence de guerre et
qu’elle ne se borne pas seulement à assurer l’équilibre de forces adverses»,
mais qu’elle «est le fruit d’un ordre inscrit dans la société humaine par
son divin Fondateur, et qui doit être réalisé par des hommes qui ne cessent
d’accéder à une justice plus parfaite» (Gaudium
et Spes:, n. 78). Nous avons en effet appris
que la véritable paix a besoin de la justice, pour corriger les
déséquilibres économiques et les désordres politiques qui sont toujours des
facteurs de tensions et de menaces dans toute société. Le développement
récent du terrorisme et l’évolution de certains conflits régionaux ont par
ailleurs mis en évidence la nécessité de respecter les décisions des
Institutions internationales et aussi de les soutenir, en leur donnant
notamment des moyens efficaces pour prévenir les conflits et pour maintenir,
grâce à des forces d’interposition, des zones de neutralité entre les
belligérants. Tout cela reste pourtant inefficace si ce n’est pas le fruit
d’un vrai dialogue, c’est-à-dire d’une sincère rencontre entre les exigences
des parties concernées, afin de parvenir à des solutions politiques
acceptables et durables, respectueuses des personnes et des peuples. Je
pense tout particulièrement au conflit du Moyen-Orient, qui perdure de
manière inquiétante en pesant sur toute la vie internationale, au risque de
voir se généraliser des conflits périphériques et se diffuser les actions
terroristes; je salue les efforts des nombreux pays, dont la Turquie, qui se
sont engagés aujourd’hui dans la restauration de la paix au Liban, plus
nécessaire que jamais. J’en appelle une fois de plus, devant vous, Mesdames
et Messieurs les Ambassadeurs, à la vigilance de la communauté
internationale, pour qu’elle ne se dérobe pas à ses responsabilités et
qu’elle déploie tous les efforts nécessaires pour promouvoir, entre toutes
les parties en cause, le dialogue qui seul permet d’assurer le respect
d’autrui, tout en sauvegardant les intérêts légitimes et en refusant le
recours à la violence, souligne Benoît XVI. Comme je l’ai écrit dans mon
premier Message pour la Journée mondiale de la Paix, «la vérité de la paix
appelle tous les hommes à entretenir des relations fécondes et sincères;
elle les encourage à rechercher et à parcourir les voies du pardon et de la
réconciliation, à être transparents dans les discussions et fidèles à la
parole donnée» (1er janvier 2006, n. 6).
La Turquie a depuis toujours
une situation de pont entre l’Orient et l’Occident, entre le continent
asiatique et le continent européen, et de carrefour de cultures et de
religions. Au siècle dernier, elle s’est donné les moyens de devenir un
grand pays moderne, en faisant notamment le choix d’un État laïque,
distinguant clairement la société civile et la religion, afin de permettre à
chacune d’être autonome dans son domaine propre, tout en respectant la
sphère de l’autre. Le fait que la majorité de la population de ce pays soit
musulmane constitue une réalité marquante de la vie sociale dont l’État ne
peut que tenir compte, mais la constitution turque reconnaît à tout citoyen
les droits à la liberté de culte et à la liberté de conscience. C’est le
devoir des Autorités civiles dans tout pays démocratique de garantir la
liberté effective de tous les croyants et de leur permettre d’organiser
librement la vie de leur communauté religieuse. Je souhaite bien sûr que les
croyants, à quelque communauté religieuse qu’ils appartiennent, puissent
toujours bénéficier de ces droits, certain que la liberté religieuse est une
expression fondamentale de la liberté humaine et que la présence active des
religions dans la société est un facteur de progrès et d’enrichissement pour
tous. Cela implique bien sûr que les religions elles-mêmes ne recherchent
pas à exercer directement un pouvoir politique, car elles n’ont pas vocation
à cela, et, en particulier, qu’elles renoncent absolument à cautionner le
recours à la violence comme expression légitime de la démarche religieuse.
Je salue à cet égard la communauté catholique de Turquie, peu nombreuse mais
très attachée à participer de son mieux au développement du pays, notamment
par l’éducation de la jeunesse, ainsi qu’à la construction de la paix et à
la concorde entre tous les citoyens.
Comme je l’ai rappelé récemment,
«nous avons impérativement besoin d’un dialogue authentique entre les
religions et entre les cultures, capable de nous aider à surmonter ensemble
toutes les tensions, dans un esprit de collaboration fructueuse» (Discours
lors de la rencontre avec les ambassadeurs des pays
musulmans, Castel Gandolfo, 25 septembre 2006). Ce dialogue doit permettre
aux diverses religions de mieux se connaître et de se respecter
mutuellement, afin d’œuvrer toujours plus au service des aspirations les
plus nobles de l’homme, en quête de Dieu et du bonheur. Je souhaite, pour ma
part, redire à l’occasion de ce voyage en Turquie toute mon estime pour les
croyants musulmans, les invitant à s’engager ensemble, grâce au respect
mutuel, en faveur de la dignité de tout être humain et pour la croissance
d’une société où liberté personnelle et attention à autrui permettent à
chacun de vivre dans la paix et la sérénité. C’est ainsi que les religions
pourront participer à relever les nombreux défis auxquels les sociétés sont
actuellement confrontées. Assurément, la reconnaissance du rôle positif que
rendent les religions au sein du corps social peut et doit inciter nos
sociétés à approfondir toujours davantage leur connaissance de l’homme et à
respecter toujours mieux sa dignité, en le plaçant au centre de l’action
politique, économique, culturelle et sociale. Notre monde doit réaliser de
plus en plus que tous les hommes sont profondément solidaires et les inviter
à mettre en valeur leurs différences historiques et culturelles non pour
s’affronter mais pour se respecter mutuellement.
L’Église, vous le
savez, a reçu de son Fondateur une mission spirituelle et elle n’entend donc
pas intervenir directement dans la vie politique ou économique. Cependant,
au titre de sa mission et forte de sa longue expérience de l’histoire des
sociétés et des cultures, elle souhaite faire entendre sa voix dans le
concert des nations, afin que soit toujours honorée la dignité fondamentale
de l’homme, et spécialement des plus faibles. Devant le développement récent
du phénomène de la mondialisation des échanges, le Saint-Siège attend de la
communauté internationale qu’elle s’organise davantage, afin de se donner
des règles permettant de mieux maîtriser les évolutions économiques, de
réguler les marchés, voire de susciter des ententes régionales entre les
pays. Je ne doute pas, Mesdames et Messieurs, que vous ayez à cœur, dans
votre mission de diplomates, de faire se rencontrer les intérêts
particuliers de votre pays et les nécessités de s’entendre les uns avec les
autres, et que vous puissiez ainsi contribuer grandement au service de tous.
La voix de l’Église sur la scène diplomatique se caractérise toujours
par la volonté, inscrite dans l’Évangile, de servir la cause de l’homme, et
je manquerais à cette obligation fondamentale si je ne rappelais pas devant
vous la nécessité de mettre toujours davantage la dignité humaine au cœur de
nos préoccupations, poursuit Benoît XVI. Le développement extraordinaire des
sciences et des techniques que connaît le monde d’aujourd’hui, avec ses
conséquences quasi immédiates sur la médecine, sur l’agriculture et la
production des ressources alimentaires, mais également sur la communication
des savoirs, ne doit pas se poursuivre sans finalité ni sans référence,
alors qu’il est question de la naissance de l’homme, de son éducation, de sa
manière de vivre et de travailler, de sa vieillesse et de sa mort. Il est
plus que nécessaire de réinscrire le progrès d’aujourd’hui dans la
continuité de notre histoire humaine et donc de le conduire, selon le projet
qui nous habite tous de faire grandir l’humanité et que le livre de la
Genèse exprimait déjà à sa manière : «Soyez féconds, multipliez, emplissez
la terre et soumettez-la» (1, 28). Permettez-moi enfin, en pensant aux
premières communautés chrétiennes qui ont grandi sur cette terre et tout
particulièrement à l’apôtre Paul, qui en a fondé lui-même plusieurs, de
citer son propos aux Galates : «Or vous, frères, vous avez été appelés à la
liberté. Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour vivre de
manière égoïste ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns
des autres» (5, 13). La liberté est un service les uns des autres. Je forme
le vœu que l’entente entre les nations, que vous servez les uns et les
autres, contribue toujours davantage à faire grandir l’humanité de l’homme,
créé à l’image de Dieu. Un si noble objectif requiert le concours de tous.
C’est pourquoi l’Église catholique entend renforcer la collaboration avec
l’Église orthodoxe et je souhaite vivement que ma prochaine rencontre avec
le Patriarche Bartholomée Ier au Phanar y contribue largement. Comme le
soulignait le Concile œcuménique Vatican II, l’Église cherche également à
collaborer avec les croyants et les responsables de toutes les religions, et
particulièrement avec les musulmans, pour «protéger et promouvoir ensemble,
pour tous les hommes, la justice sociale, les biens de la morale, la paix et
la liberté» (Nostra
Aetate, n. 3). J’espère que mon voyage en
Turquie portera de nombreux fruits dans cette perspective.
Mesdames
et Messieurs les Ambassadeurs, sur vos personnes, sur vos familles et sur
tous vos collaborateurs, conclut Benoît XVI, j’invoque de grand cœur les
Bénédictions du Très-Haut.
Le pape
a prononcé son second discours, en français et en anglais.
Texte original
Le voyage pastoral du pape Benoît XVI en Turquie:
du 28 novembre au 1er décembre: ►
Benoît XVI
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Benoît XVI en Turquie, Synthèse de la 1ère journée
Sources:
www.vatican.va
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E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 29.11.2006 - BENOÎT XVI |