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Benoît XVI :
Théologie du silence
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Le 29 mars 2024 -
E.S.M.
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Benoît XVI affirme que le silence est une expression
importante de la parole de Dieu : « Comme le montre la croix du
Christ, Dieu parle aussi à travers son silence. Le silence de Dieu,
l'expérience de l'éloignement du Tout-Puissant et du père est une
étape décisive du parcours terrestre du fils de Dieu, Parole
incarnée. Pendu au bois de la croix, il a crié la douleur qu'un tel
silence lui causait : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu
abandonné ?" (Mc 15,34; Mt 27,46).
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Benoît XVI -
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Théologie du silence
Le thème du « silence » chez Benoît XVI possède une dimension quasi
théologique. En effet, Joseph Ratzinger est né et a été baptisé le 16 avril
1927, le samedi saint précédant donc la fête de Pâques. Ce jour du
calendrier liturgique est devenu comme une sorte de symbole pour lui. Il
reconnaît dans ce thème sa propre destinée mais aussi celle du monde dans
son ensemble : « Le fait que ma vie ait été plongée dès le début dans le
mystère pascal m'a toujours rempli de gratitude, car ce ne pouvait être
qu'un signe de bénédiction. Bien sûr, ce n'était pas le dimanche de Pâques
mais le samedi saint; or, plus j'y pense, plus cela me semble être en accord
avec notre vie humaine toujours en attente de Pâques Joseph Ratzinger, (Ma
vie. Souvenirs,) » Dans une homélie
de l'année 2012, il développa plus en avant l'unicité et la particularité du
samedi saint en rappelant aux fidèles qui assistaient à la messe qu'il avait
été baptisé : « Le jour du silence de Dieu, de l'apparente absence de la
mort de Dieu, mais également le jour où l'on annonçait la Résurrection. »
Pourquoi cela ? Parce qu'à l'époque, la veillée pascale était anticipée dans
la matinée. La Pâque pouvait donc être célébrée dès le samedi matin et non,
comme il est d'usage aujourd'hui, dès le samedi soir. Benoît XVI ajoute : «
II me semble que ce singulier paradoxe, cette singulière anticipation de la
lumière en un jour obscur, peut presque convenir comme image de l'histoire
de notre époque. D'un côté, il y a encore le silence de Dieu et son absence,
mais dans la Résurrection du Christ, il y a déjà l'anticipation du "oui" de
Dieu, et en s'appuyant sur cette anticipation nous vivons, et, à travers le
silence de Dieu, nous entendons ses paroles, et à travers l'obscurité de son
absence nous entrevoyons sa lumière. L'anticipation de la Résurrection à
mi-chemin d'une histoire qui se développe est la force qui nous indique la
route et nous aide à aller de l'avant. » (
Benoît XVI, homélie du 16 avril 2012.) Comme l'indiquent ses Dernières
conversations, cette pensée ne va cesser de l'habiter jusqu'au bout : « Elle
s'est ancrée de plus en plus solidement en moi, aussi bien qu'en tant que
théologien qu'à travers les événements de notre temps, dont certains
évoquent beaucoup le samedi saint. » (
Benoît XVI, Dernières conversations )
Le samedi saint est le temps du silence qui s'inscrit donc chronologiquement
entre la mort de Jésus et sa résurrection d'entre les morts. Dans ses
méditations sur les sept dernières paroles du Christ, le dominicain Timothy
Radcliffe souligne l'attente dans le silence après la toute dernière parole
du Dieu fait homme : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » (Lc
23,46). Radcliffe écrit : « Maintenant, Jésus a prononcé sa dernière parole
sur la croix. Le silence règne. Nous devons attendre que la Résurrection
brise le silence du tombeau. Dieu veut toujours que nous attendions sa
parole. [...] Cette attente nous est pénible, nous qui sommes de la
génération du tout de suite. » Dans l'obéissance à Dieu, nous sommes dans
une position d'attente, d'attention, de silence et d'immobilité à travers la
souffrance et la joie. Cette attente et ce silence imprègnent tout autant
l'œuvre du pape Benoît XVI. Il les évoque dans son exhortation apostolique
Verbum Domini où il affirme que le silence est une expression importante de
la parole de Dieu : « Comme le montre la croix du Christ, Dieu parle aussi à
travers son silence. Le silence de Dieu, l'expérience de l'éloignement du
Tout-Puissant et du père est une étape décisive du parcours terrestre du
fils de Dieu, Parole incarnée. Pendu au bois de la croix, il a crié la
douleur qu'un tel silence lui causait : "Mon Dieu,
mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" (Mc 15,34; Mt 27,46). Persévérant dans l'obéissance
jusqu'à son dernier souffle de vie, dans l'obscurité de la mort, Jésus a
perçu la présence de Dieu le père et l'a invoqué. C'est à Lui qu'il s'en
remet au moment du passage, à travers la mort, à la vie éternelle : "Père,
entre tes mains je remets mon esprit" (Lc 23,46). Cette expérience de Jésus
est comparable à la situation de l'homme qui, après avoir écouté et reconnu
la Parole de Dieu, doit aussi se mesurer avec son silence. Bien des saints
et des mystiques ont vécu une telle expérience qui aujourd'hui encore fait
partie du cheminement de nombreux chrétiens. Le silence de Dieu prolonge ses
paroles précédemment énoncées. Dans ces moments obscurs, II parle
paradoxalement par son silence.
Verbum Domini voir § 21»
Plus loin dans le texte, Benoît XVI affirme qu'il est nécessaire « d'éduquer
le Peuple de Dieu à la valeur du silence. Redécouvrir le caractère central
de la Parole de Dieu dans la vie de l'Église veut dire redécouvrir le sens
du recueillement et de la paix intérieure. La grande tradition patristique
nous enseigne que les mystères du Christ sont liés au silence ; par Lui
seul, la Parole peut faire en nous sa demeure, comme chez Marie, qui est
inséparablement la femme de la Parole et du silence. Nos liturgies doivent
faciliter cette écoute authentique :Verbo crescente, verba deficiunl ». Ce
que l'on traduit par : « Quand le Verbe de Dieu augmente, les paroles de
l'homme manquent :
Verbum Domini voir § 66. » Le même thème est abordé au cours d'une
audience datée du 7 mars 2012 où parole divine, prières et silence sont intimement liés : «
Le silence intérieur et extérieur est nécessaire pour que cette parole
puisse être entendue. Et c'est un point particulièrement difficile pour nous
à notre époque. En effet, notre époque ne favorise pas le recueillement et
l'on peut même avoir parfois l'impression qu'il existe une peur de se
détacher, même pour un instant, du fleuve de paroles et d'images qui
marquent et remplissent les journées -
Benoit XVI : Homélie sur le silence du Samedi saint. » La même année, le pape, qui
n'était pas à un paradoxe près, décida de placer la Journée mondiale des
communications sociales sous le signe du... silence
op. cit. Tout en considérant
avec intérêt les nouveaux modes de communication liés à Internet
(applications mobiles, réseaux sociaux), il valorisait une éthique de la
communication en écrivant : « Là où les messages et l'information sont
abondants, le silence devient essentiel pour discerner ce qui est important
de ce qui est inutile ou accessoire. » II répète là aussi la nécessité du
lien entre silence et parole : « S'éduquer à la communication veut dire
apprendre à écouter, à contempler, bien plus qu'à parler, et ceci est
particulièrement important pour les acteurs de l'évangélisation : silence
et parole sont les deux éléments essentiels et parties intégrantes de
l'action de communiquer de l'Église, pour un renouveau de l'annonce du
Christ dans le monde contemporain. » Ce fut à la suite de ce message que le
journaliste Michel Cool décerna à Benoît XVI le titre de « maître de silence
».
L'attachement au silence chez Joseph Ratzinger vient de sa vocation
intellectuelle. Lecture, écriture, études restent des activités solitaires
accomplies dans la paix du silence et la retraite du monde ou de la
communauté. Mais comprendre cet attachement, c'est aussi rappeler que le
théologien, fils du XXe siècle, a vécu « la crise du logocentrisme de la
modernité, c'est-à-dire une attitude qui envisageait la parole comme moyen
efficace de la transformation du réel» (Mgr Bruno Forte). Une idolâtrie de
la parole qui, par la propagande, a fait le lit des totalitarismes du siècle
dernier. La pratique du silence apparaît ainsi dans l'œuvre ratzinguérienne
comme un acte libre face à la dictature des sollicitations extérieures
incessantes, voire donc de la propagande, d'où qu'elle vienne. Le silence
est un refuge où l'homme se retrouve en face de lui-même, c'est-à-dire en
face des questions essentielles qui sous-tendent son existence : « Qui
suis-je ? Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que puis-je espérer ? »
op. cit. Mais plus encore, le silence est pour lui un moment où le cœur
peut s'ouvrir au divin et l'accueillir dans l'intimité en se détachant du
vacarme de notre quotidien, comme
il l'expliqua à un groupe de jeunes à Sulmona en 2010 : «
II est important d'apprendre à vivre des moments de silence intérieur au
cours des journées pour être capable d'entendre la voix du Seigneur. Soyez
certains que si quelqu'un apprend à écouter cette voix et à la suivre avec
générosité, il n'a peur de rien, il sait et il sent que Dieu est avec lui,
avec elle, qu'il est l'Ami, le Père et le Frère. » Pour Benoît XVI, là même
se trouve le secret de la vocation : « Dans la relation avec Dieu, dans la
prière qui grandit précisément dans le silence intérieur, dans la capacité
de sentir que Dieu est proche. » Et c'est parce que le silence est un
moment de rencontre avec Dieu qu'il est essentiel dans la liturgie
(Cardinal Robert Sarah, « De l'importance du silence
dans la liturgie»). Ce fut
d'ailleurs le thème de la préface qu'il donna dernièrement au livre du
cardinal Robert Sarah, La Force du silence. Benoît XVI y rappelle que Jésus
a « continuellement vécu les nuits, seul, "sur la montagne" à prier, en
dialoguant avec son Père. Nous savons que Son langage, Sa parole, provient
de cette permanence dans le silence et que c'est seulement dans ce silence
qu'elle pouvait donner du fruit ». Si bien qu'afin de comprendre
l'enseignement du Christ, il nous est nécessaire « d'entrer dans le silence
de Jésus d'où sa parole prend naissance .». Ibid. En acceptant la rédaction de
cette préface, le pape émérite apportait publiquement son soutien au
cardinal Sarah, partisan d'une réforme liturgique ; ceci en dépit des
oppositions de François qui l'a pourtant nommé à la tête de la Congrégation
en charge de cette question.
Benoît XVI évoque Judas et le projet salvifique
Benoît XVI : le silence de Saint Joseph est aussi sa façon de s'exprimer
Benoît XVI - Silence et parole : deux moments de communication qui
doivent s'équilibrer
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Sources : Héritage de
Benoit XVI - Ch. DICKÈS
-
E.S.M.
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(E.S.M.) 29.03.2024
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