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Le 29 février 2008 - Alors même que le pape Benoît XVI nous
rappelait samedi qu'éduquer n'a jamais été facile, nous publions un
article de l'abbé Etienne Dumoulin où il nous dit que l'éducation
est une création continuée.
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Le
sacerdoce familial
Avant de dire « Debout les pères », ne faudrait-il pas commencer par dire :
« A genoux les pères ! »
Avant de vous proposer la lecture de ce texte, nous vous donnons le lien du
discours du pape Benoît XVI qui recevait, samedi, le diocèse de Rome.
((le
devoir urgent de l'éducation) Sur
cette page vous avez un renvoi vers la
lettre que le pape a adressée au diocèse et à la ville de Rome sur le devoir
urgent de l'éducation.
La vocation de père
« Donner la vie, être l'image du "Père d'immense majesté" auprès de ses
enfants, et conduire ceux-ci à Dieu, voilà en quelques mots la vocation de
père », disait le père Caffarel, à qui ces quelques réflexions doivent
beaucoup.
par l'abbé Etienne Dumoulin
L'homme qui, à l'invitation du Seigneur, décide de donner la vie et conçoit
d'abord en son âme l'enfant qu'il va demander à sa chair, qui contemple d'un
regard lucide la grandeur de l'œuvre entreprise et se promet de la mener à
bien, qui consent à tous les dons de l'amour et à tous les renoncements
qu'elle exigera de lui, celui-là mérite vraiment le nom de père. Être père,
c'est d'abord avoir désiré un enfant. Père, l'homme ne l'est pas seulement
au jour où il a pris l'initiative d'appeler à la vie un être immortel, il
l'est toujours, parce que c'est tous les jours qu'il doit donner la vie à
son fils. On ne donne la vie qu'en donnant sa vie. Si les mères le savent
bien, beaucoup de pères semblent l'oublier. N'a-t-on pas dit que l'éducation
est une création continuée ?
Être l'image du père
« Entre le père, la mère et l'enfant, une respiration s'est établie à
l'image de l'échange éternel des dons entre le Père, le Fils et le
Saint-Esprit » (1). Toute la famille humaine, et a fortiori chrétienne, devra
fixer du regard et tendre à imiter ce modèle unique qu'est la sainte
Famille, elle-même icône de la famille des Personnes divines qu'est la
Trinité sainte. D'une certaine manière, auprès de ses enfants, le père ne
tient rien de moins que la place de Dieu le Père. Au jour de leur mariage,
les parents ont reçu une grâce sacerdotale qui leur permet d'exercer un
sacerdoce familial. Aussi, ce n'est pas seulement pour servir ses enfants
qu'un père, chaque jour, s'efforce d'être plus pleinement père; c'est pour
ressembler davantage à cet autre Père et mieux dévoiler la beauté et la
grandeur de cette paternité. Heureux le père dont les richesses du cœur
initient l'enfant aux perfections divines!
Ainsi, par le seul exercice de sa paternité, le père dispose peu à peu ses
enfants à une attitude d'âme vraiment filiale envers Dieu et prépare ainsi
chez eux un climat favorable à l'épanouissement des vertus théologales.
Peut-il y avoir plus puissant stimulant pour le père que de se savoir
investi d'une telle mission ?
Une responsabilité
Quand un père indigne ou même seulement médiocre manque à sa tâche, il porte
une terrible responsabilité. Son indifférence, sa dureté ou sa légèreté
ébranlent l'âme de l'enfant à des profondeurs inimaginables. Par sa
défection, le père ne s'est pas seulement trahi lui-même, il a trahi Dieu en
l'âme de ses enfants. Et la gravité de la trahison du père ne fait que mieux
ressortir la grandeur de sa mission. II y a, en tout homme bien né, le goût
et le désir des responsabilités.
La responsabilité du père va prendre différentes formes au fur et à mesure
que l'enfant va grandir. D'emblée le père sait que son enfant d'abord
l'admirera puis qu'un jour il le jugera. Il faut donc, pour ne pas décevoir
son enfant, qu'il travaille à se perfectionner, à acquérir davantage de
science, mais surtout davantage de conscience, se rappelant que « science
sans conscience n'est que ruine de l'âme. » Ainsi, l'homme qui a un fils
sent d'abord en lui le besoin d'augmenter sa valeur humaine, de grandir. Il
secoue tous les conformismes, toutes les solutions acceptées par la routine
pour être le guide et le modèle demain; il faut qu'il se débarrasse dès
aujourd'hui des idées toutes faites et des a priori, qu'il se refasse enfant
si c'était possible, en tout cas qu'il tire ses richesses, qu'il garde
jalousement les conquêtes de son intelligence, mais qu'il jette le clinquant
et le frelaté, afin d'être pur et jeune, à l'image de l'enfant qui lui est
confié et plus encore à l'image de l'Enfant-Dieu. La naissance de l'enfant
est pour le père le signe d'une nouvelle naissance.
La première responsabilité du père, c'est d'abord d'être présent. Tant on
s'aperçoit que la grande tentation des pères d'aujourd'hui, c'est l'absence.
L'enfant ne sait pas très bien « à quoi sert un papa », mais il devine son
rôle et son importance à la sécurité qui rayonne de lui. Le père apaise les
peurs, calme les caprices et les énervements, dissipe les craintes vagues,
et surtout sème la joie. Et cela surtout par sa seule présence. Que le père
soit donc attentif à cette vertu de sa présence. Qu'il n'oublie jamais cette
exigence de sa présence et qu'il garde le meilleur de son âme et de son
temps pour les enfants. Parfois les plus généreux sont aussi les plus
imprudents. II faut savoir résister aux sollicitations de la vie mondaine
comme de la vie professionnelle, et parfois même de l'apostolat. Autrement,
certains dévouements finissent par ressembler à des évasions. Oui, le métier
de père comporte une ascèse et conduit à un dépouillement. Mais, plus les
enfants grandissent, et plus ils attendent de leur père. II ne faut pas
décevoir cette attente.
Parler à ses enfants
Pour l'enfant, et même pour l'adolescent, le père est longtemps celui qui
sait, qui possède la science et la sagesse, et celui qui décide, qui possède
la force et la volonté. De bonne heure l'enfant interroge, et c'est au père
de nourrir son intelligence et de forger sa volonté. Malheureux l'enfant à
qui le père ne sait pas parler, même si c'est le résultat de malentendus, de
maladresses ou de timidités, le père risque fort de décourager ses questions
et ses confidences et de creuser alors le fameux fossé entre les
générations.
L'adolescent est à la recherche de lui-même. Jamais il n'a eu un si grand
besoin d'être guidé, et une si grande appréhension des guides; ce sera alors
le moment pour le père de le conduire tout en s'effaçant. Devant cette
personnalité qui se forme, le père va connaître les responsabilités les plus
graves comme les heures les plus délicates de son métier de père. C'est
l'heure des plus hautes joies, comme aussi celle des échecs les plus cruels.
Le père aura-t-il assez d'intuition, de simplicité et de fermeté à la fois,
pour dire à propos les mots qu'il faut ? Beaucoup de pères, qui ont, jusqu'à
ce cap, bien guidé le navire, font naufrage ici. Ils se coupent
irrémédiablement de leur enfant parce qu'ils ne parlent plus sa langue. De
là les éloignements, les incompréhensions, les révoltes, tous ces longs
malentendus dont sont remplies tant la littérature que la vie la plus
banale.
L'éducation, à l'adolescence, c'est aussi l'éducation à l'amour. « Entre
tous les sujets que le père doit savoir aborder avec son fils,
à l'âge de la puberté, dit Roger Pons, l'un des plus importants, c'est la
vie sexuelle. Trop souvent c'est une zone interdite. La moindre allusion
effarouche ou épouvante; le père n'ose rien dire, l'enfant n'ose rien
demander. Trouble et confusion, quand la clarté et la simplicité seraient si
nécessaires et bienfaisantes. Quel malheur d'abandonner au hasard, à des
camarades plus ou moins grossiers, une initiation particulièrement
redoutable! Se dérober devant ce devoir de père, c'est plus qu'une
défaillance c'est une démission. » Démission qui peut être parfois lourde de
conséquences; le prêtre hélas peut en témoigner par son ministère de
confesseur. Nous renvoyons dans ce domaine les parents à l'excellent
document romain du Conseil Pontifical pour la famille,
Vérité et
signification de la sexualité humaine : : des orientations pour
l'éducation en famille, paru le 8 décembre 1995.
L'éducation de la volonté, c'est l'éducation de la liberté. Alors que
l'autoritarisme étouffe, dessèche et tue l'initiative et la
confiance en soi, l'autorité au contraire délivre, éveille et finalement
révèle l'enfant à lui-même. Plutôt que de lui imposer brutalement une
conduite, l'autorité paternelle va aider l'enfant à choisir entre ses
caprices et ses devoirs, l'aider à se fixer, à dominer le papillonnage de
son esprit, les hésitations et les entraînements de sa sensibilité.
Conduire ses enfants à Dieu
Conduire ses enfants à Dieu, telle est l'ultime mission du père. En effet
pour le chrétien, la grande aventure de la paternité est une aventure
surnaturelle. Le métier de père ne peut être mené à bien qu'avec la lumière
et la grâce du Père. Sans cet achèvement religieux, il n'est que des
paternités tronquées. Finalement être père, c'est être voué à la sainteté ;
d'abord parce que la vie de père est faite de sacrifice. Le père renonce
pour ses enfants à bien des satisfactions. Il se prive pour eux et la somme
de ses humbles offrandes finit par être grande. Même si les plus grandes
épreuves qui peuvent atteindre une famille lui sont épargnées, sa mission de
père ne lui épargnera pas cependant un certain dépouillement: il faut
souvent qu'il renonce à ses rêves, qu'il accepte que le plan de Dieu sur ses
enfants soit autre que le sien et que ses enfants soient autres que ce qu'il
avait désiré: c'est une purification de l'amour.
Ce don de soi et ce dépouillement qui sont les germes de la sainteté ne se
réalisent pas sans la prière. Heureux le père dont le fils pourra dire dans
sa prière : « O Père qu'adoré mon père ». Le père de famille ne soupçonne
pas toujours à quel point un adolescent sera marqué de voir son père prier,
les enfants ont besoin de voir leur père prier comme les fidèles ont besoin
de voir leur prêtre prier. Le père élève alors vers Dieu le chant de
reconnaissance, et sur la famille humaine, par la main du père, descend à
son tour la bénédiction de Dieu.
C'est dans la prière et par la prière que le père découvrira toute la
grandeur et toute la richesse de sa vocation: aussi, avant de dire «
Debout
les pères », ne faudrait-il pas commencer par dire : «
A genoux les pères ! »
E.D.
(1) Philippe Oswald, Debout les pères, Le Sarment, 1996.
Table :
La famille fondée sur le mariage
Sources : Domus Christiani
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 29.02.2008 -
T/Famille |