Le débat sur le célibat: le card.
Schönborn propose le réexamen, Benoît XVI veut la renforcer |
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Rome, le 28 mai 2010 -
(E.S.M.)
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Le cardinal Schönborn propose le "réexamen" de cette obligation pour le
clergé catholique. D'autres évêques font de même. Benoît XVI, au contraire,
veut la renforcer. Il est soutenu par toute l'histoire de l’Église, depuis
l'époque des apôtres.
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Le débat sur le célibat: le card.
Schönborn propose le réexamen, Benoît XVI veut la renforcer
Eunuques pour le Royaume des Cieux. Le débat sur le célibat
par Sandro Magister
Le 28 mai 2010 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- Benoît XVI s’apprête à conclure l'Année Sacerdotale,
voulue par lui pour redonner de la vigueur spirituelle aux prêtres
catholiques, en un temps difficile pour l’Église tout entière.
Mais, au même moment, un cardinal très en vue et l’un des plus proches du
pape, l'archevêque de Vienne Christoph Schönborn, continue à enfoncer le
clou d’un "réexamen" de la discipline du célibat du clergé latin.
Schönborn est un homme d’une grande culture, un ancien étudiant de Joseph
Ratzinger à l’époque où celui-ci était professeur de théologie. Dans les
années 80, il a collaboré à la rédaction du catéchisme de l’Église
catholique. Mais comme homme de gouvernement, depuis qu’il est à la tête
d’une Église d’Autriche tellement perturbée, il se montre plus attentif aux
pressions exercées par l’opinion publique qu’à ses devoirs de guide.
Lorsque, à la mi-mai, un autre évêque autrichien, Paul Iby, d’Eisenstadt, a
déclaré que "les prêtres devraient être libres de décider s’ils
veulent se marier ou non" et que "le Saint-Siège est trop timide à ce
sujet", le
cardinal Schönborn a tout de suite commenté : "Les préoccupations qui ont
été exprimées par l’évêque Iby, nous les ressentons tous".
Et ce n’est là – pour le moment – que la dernière d’une série incessante de
déclarations du même genre. Émanant de Schönborn ou d’autres cardinaux et
évêques du monde entier, sans parler des représentants du clergé et des
laïcs. Le "dépassement" de la discipline du célibat est depuis longtemps la
basse continue de la musique des novateurs.
De cette musique, on entend et on retient habituellement deux idées.
La première, c’est que le célibat du clergé est une règle imposée dans les
siècles récents au seul clergé latin.
La seconde, c’est que les prêtres catholiques devraient être autorisés à se
marier "comme dans l’Église primitive".
Le problème est que ces deux idées sont l’une comme l’autre en contradiction
avec l’histoire et avec la théologie.
*
À la racine de cette équivoque il y a aussi une mauvaise compréhension du
concept de célibat du clergé.
En réalité, pendant tout le premier millénaire et aussi par la suite, le
célibat du clergé a été compris dans l’Église au sens de "continence".
C’est-à-dire comme une renonciation complète, après l'ordination, à la vie
conjugale, y compris pour ceux qui étaient mariés auparavant.
L'ordination d’hommes mariés était en effet une pratique courante,
mentionnée même dans le Nouveau Testament. Mais on lit dans les Évangiles
que Pierre, après avoir été appelé à devenir apôtre, "quitta tout". Et Jésus
a dit que, pour le Royaume de Dieu, il y a des gens qui quittent "leur femme
ou leurs enfants".
Dans l’Ancien Testament, l'obligation de pureté sexuelle ne s’appliquait aux
prêtres que pendant les périodes où ils étaient de service au Temple. En
revanche, dans le Nouveau Testament, le fait de suivre Jésus dans le
sacerdoce est un tout et implique l’être humain en totalité, toujours.
Le fait que, dès les origines de l’Église, les prêtres et les évêques
étaient tenus de renoncer à la vie conjugale est confirmé par les premières
règles écrites à ce sujet.
Ces règles apparaissent à partir du IVe siècle, après la fin des
persécutions. Avec l'augmentation rapide du nombre de fidèles, les
ordinations progressent aussi et, avec elles, les infractions à la
continence.
Contre ces infractions, les conciles et les papes interviennent à de
nombreuses reprises en réaffirmant la discipline qu’ils qualifient eux-mêmes
de "traditionnelle". C’est ce que font le concile d’Elvire - qui, dans la
première décennie du IVe siècle, sanctionne en les excluant du clergé ceux
qui ne respectent pas la continence - et d’autres conciles au cours du
siècle suivant, mais aussi les papes Sirice et Innocent Ier ou, plus tard
encore, d’autres papes et des Pères de l’Église, de Léon le Grand à Grégoire
le Grand, d’Ambroise à Augustin et à Jérôme.
Pendant bien des siècles encore, l’Église d'Occident a continué à ordonner
des hommes mariés, mais toujours en exigeant qu’ils renoncent à la vie
conjugale et qu’ils éloignent leur épouse, après avoir obtenu le
consentement de celle-ci. Les infractions étaient punies, mais elles étaient
très fréquentes et répandues. C’est aussi pour lutter contre ce phénomène
que l’Église a commencé à choisir de préférence ses prêtres parmi les
célibataires.
En Orient, au contraire, depuis la fin du VIIe siècle, l’Église a fermement
maintenu l'obligation absolue de continence pour les seuls évêques, de plus
en plus souvent choisis parmi les moines plutôt que parmi les hommes mariés.
En ce qui concerne le bas clergé, elle a accepté que les hommes mariés
continuent à mener leur vie conjugale, leur obligation de continence étant
limitée "aux jours de service à l'autel et de célébration des saints
mystères". C’est ce qu’a décidé en 691 le second concile in Trullo, concile
qui n’a jamais été reconnu comme œcuménique par l’Église d’Occident.
Depuis ce moment jusqu’à aujourd’hui, c’est là la discipline en vigueur en
Orient, mais aussi dans les Églises de rite oriental revenues à la communion
avec l’Église de Rome après le schisme de 1054 : continence absolue pour les
évêques et vie conjugale permise au bas clergé. Étant entendu que le mariage
doit toujours avoir lieu avant l’ordination et jamais après.
La tolérance adoptée par les Églises d'Orient pour la vie conjugale du bas
clergé a été encouragée – d’après les historiens – par l’organisation
particulière de ces Églises, constituées en patriarcats et donc plus portées
à prendre des décisions autonomes sur le plan disciplinaire, l'autorité
politique jouant un rôle prééminent.
En Occident, au contraire, l’Église a réagi à la grande crise politique et
religieuse des XIe et XIIe siècles – par la réforme dite grégorienne d’après
le nom du pape Grégoire VII – justement en combattant vigoureusement les
deux maux qui se répandaient dans le clergé : la simonie, c’est-à-dire le
trafic des charges ecclésiastiques, et le concubinage.
La réforme grégorienne confirma pleinement la discipline de la continence.
Les ordinations d’hommes célibataires furent de plus en plus préférées à
celles d’hommes mariés. Quant au mariage célébré après l’ordination –
totalement interdit depuis toujours aussi bien en Orient qu’en Occident – le
concile de Latran II de 1139 décréta qu’il était non seulement illicite,
mais invalide.
La question du célibat du clergé a également figuré au premier plan lors des
crises qui ont frappé l’Église d'Occident par la suite. L’un des premiers
actes de la Réforme protestante fut précisément l'abolition du célibat. Au
concile de Trente, il y eut des gens pour dire qu’il fallait également
dispenser les prêtres catholiques de l’obligation de célibat. Mais la
décision finale fut de maintenir intégralement en vigueur la discipline
traditionnelle.
Ce n’est pas tout. Le concile de Trente fit obligation à tous les diocèses
de créer des séminaires pour la formation du clergé. La conséquence fut que
les ordinations d’hommes mariés diminuèrent très fortement, tant et si bien
qu’elles finirent par disparaître. Depuis quatre siècles, dans l’Église
catholique, les prêtres et les évêques sont en quasi totalité célibataires.
Les seules exceptions sont le bas clergé des Églises de rite oriental unies
à Rome et les ex-pasteurs protestants ayant une famille et qui sont ordonnés
prêtres, ces derniers provenant dans la plupart des cas de la Communion
anglicane.
C’et à partir de la constatation que les prêtres catholiques sont tous
célibataires que s’est répandue l'idée courante selon laquelle le célibat du
clergé consiste à lui interdire de se marier. Et donc que le "dépassement"
du célibat consiste d’une part à ordonner prêtres des hommes mariés en leur
permettant de continuer à vivre leur vie conjugale et d’autre part à
permettre aux prêtres célibataires de se marier.
Après le concile Vatican II ces deux demandes ont été formulées à de
nombreuses reprises au sein de l’Église catholique, y compris par des
évêques et des cardinaux.
Mais elles sont l’une comme l’autre en opposition flagrante avec toute la
tradition de cette même Église à partir de l’âge apostolique et – en ce qui
concerne la seconde demande – avec la tradition des Églises d'Orient et donc
avec la démarche œcuménique.
Par ailleurs l’idée qu’un "dépassement" du célibat est le choix le plus
approprié pour l’Église catholique d’aujourd’hui n’est certainement pas
partagée par le pape régnant.
Si l’on s’en tient aux paroles et aux actes de Benoît XVI, celui-ci veut le
contraire : non pas dépasser mais confirmer le célibat sacerdotal comme
manière radicale de suivre Jésus pour le service de tous, et cela encore
plus dans la phase cruciale que connaît actuellement la civilisation.
C’est justement à cela que tend l'Année Sacerdotale qu’il a ordonnée, avec
comme modèle le saint Curé d’Ars : un pauvre curé de campagne qui a vécu le
célibat comme une consécration totale au salut des âmes, une vie passée tout
entière à l’autel et au confessionnal.
***
La littérature scientifique sur cette question est abondante. Elle a en
particulier établi de manière définitive que le récit selon lequel, au
concile de Nicée, en 325, un évêque nommé Paphnuce défendit et fit approuver
la liberté, pour chaque Église, de permettre ou non la vie conjugale aux
prêtres, est un faux historique. De même il a été établi que le second
concile in Trullo de 691 avait falsifié les canons des conciles africains
des IVe et Ve siècles qu’il avait cités en faveur de la vie conjugale des
prêtres. Cette falsification avait déjà été démontrée au XVIe siècle par le
savant cardinal Cesare Baronio.
Mais on ne trouve presque pas de traces de cette littérature scientifique
dans le débat actuel, pas même dans les déclarations faites par des évêques
et des cardinaux favorables au "dépassement" du célibat.
Une excellente synthèse historique et théologique de la question est donnée
par un petit livre publié en 1993 par le cardinal autrichien Alfons Maria
Stickler, mort à Rome en 2007 à l’âge de 97 ans et qui était alors préfet de
la Bibliothèque Apostolique Vaticane.
La traduction italienne du livre, éditée par la Libreria Editrice Vaticana,
est épuisée depuis plusieurs années. On trouve dans le commerce la version
anglaise :
Alfons Maria Stickler, "The Case for Clerical Celibacy. Its Historical
Development and Theological Foundations", Ignatius Press, San Francisco,
1995.
***
Le décret du concile Vatican II consacré au sacerdoce, avec au numéro 16 la
confirmation de la discipline du célibat
►
Presbyterorum Ordinis
L'encyclique de Paul VI du 24 juin 1967 consacrée au célibat sacerdotal
►
Sacerdotalis caelibatus
L'exhortation apostolique de Jean-Paul II concluant le synode des évêques de
1990 consacré au sacerdoce
►
Pastores Dabo Vobis
De l’aveu des autorités vaticanes elles-mêmes, la violation de la règle du
célibat du clergé "semblerait en progression en Afrique" aujourd’hui,
puisque sur ce continent "certaines Églises locales connaissent trop de cas
de prêtres dont la conduite morale est scandaleuse".
C’est ce qu’a déclaré l'archevêque Robert Sarah, secrétaire de la
congrégation pour l’évangélisation des peuples, dans une interview accordée
à "L'Osservatore Romano" du 4 octobre 2009.
Il a ajouté :
"Benoît XVI a accordé à la congrégation pour l’évangélisation des peuples
des pouvoirs spéciaux pour traiter de manière diligente et appropriée les
cas scandaleux de prêtres qui vivent en désaccord avec le célibat et la
chasteté sacerdotale".
A propos des évêques et du clergé d’Autriche mal guidés par le cardinal
Schönborn et plusieurs fois réprimandés par Benoît XVI, voir sur www.chiesa
l’article suivant
►
Autriche et Chine. Les évêques les plus mal notés (19.6.2009)
On y lit notamment, à propos de la nomination en 2009 d’un évêque devenu
l’objet d’une campagne de contestation et finalement révoqué par Rome :
"L’un des chefs de la révolte contre Rome, Josef Friedl, prêtre de pointe du
diocèse de Linz, a aussi révélé, tout en criant victoire, qu’il vivait avec
une compagne et ne tenait aucun compte de l’obligation de célibat, avec
l’approbation de ses paroissiens et d’autres prêtres autrichiens, vivant eux
aussi en concubinage, et avec la tolérance des évêques".
Dans des cas semblables, lorsqu’un prêtre vit avec une femme et continue à
exercer son ministère, la congrégation vaticane pour le clergé, informée par
l’évêque local, a le pouvoir de le démettre de son état clérical.
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 28.05.2010 -
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