Homélie de la Messe du 40°
Anniversaire de la Communauté de Sant'Egidio |
 |
Paris, le 28 mai 2008 -
(E.S.M.) - Dimanche 25 mai 2008 - Liturgie à Notre Dame de
Paris à l'occasion du 40me anniversaire de la Communauté de
Sant’Egidio, célébrée par le cardinal Jean-Pierre Ricard, Archevêque
de Bordeaux (France)
|
Le cardinal Ricard à la
sortie de la messe
HOMÉLIE DE LA MESSE DU 40° ANNIVERSAIRE DE LA COMMUNAUTÉ DE SANT’ EGIDIO
Chers frères et sœurs,
Chers amis de la communauté de Sant’Egidio,
Nous sommes aujourd’hui dans un monde où l’émotion, l’émotion fugace,
passagère, est reine. Les médias nous informent quasi instantanément des
drames qui surviennent aux quatre coins de la planète : accidents, guerres,
tremblements de terre comme en Chine, tornades dévastatrices comme en
Birmanie. Flashs télévisés, émissions, documentaires braquent leurs
projecteurs sur des pans entiers de notre société, en particulier sur des
situations de précarité ou de pauvreté, que nous pourrions, sans cela,
parfaitement côtoyer sans les voir. Tout cela nous touche, nous émeut mais
provoque souvent en nous deux sentiments contradictoires : la compassion ou
l’abattement.
Devant les images bouleversantes de certains drames, la compassion immédiate
nous rend plus proches, nous invite à faire quelque chose. Nous pourrons
alors aller jusqu’à envoyer un chèque, signer une pétition…mais voilà qu’un
nouveau drame chasse le précédent. Cela ne veut pas dire que ce dernier
n’existe plus. Simplement on n’en parle plus. Déjà l’attention s’est portée
ailleurs, la page est tournée.
L’abattement, lui, peut conduire au sentiment d’impuissance, de résignation,
devant ce qui apparaît comme une fatalité : à quoi bon
s’investir ? N’y aura-t-il pas toujours des catastrophes, des
guerres, jusqu’à la fin des temps ? On cite souvent la parole de Jésus en la
détournant de son vrai sens : « Des pauvres, vous en aurez toujours parmi
vous. » Du coup, on se désengage, on cherche à retirer son épingle du
jeu et on se replie sur l’horizon familial ou sur la recherche de son
épanouissement personnel. Parfois, le cynisme n’est pas loin : dans cette
jungle - se disent certains – ne faut-il pas chercher surtout à être du côté
des gagnants, des vainqueurs et des profiteurs ?
Sur cet horizon, la célébration de l’anniversaire de la communauté de
Sant’Egidio nous invite à une toute autre attitude. Elle nous rappelle
toute l’importance d’un engagement persévérant.
Elle vient nous dire qu’un tel engagement est vital pour notre monde, qu’il
est possible, et même, qu’il révèle la vraie dignité de l’homme et la pleine
responsabilité du chrétien. Depuis sa naissance, le 7février 1968, avec
Andrea Riccardi et quelques étudiants, votre communauté de Sant’Egidio
s’est engagée auprès des plus défavorisés (personnes
âgées, sans-abri, enfants des rues, prisonniers, handicapés, condamnés à
mort, malades du sida…) Elle n’a pas baissé les bras devant les
conflits fratricides et les divisions qui ont ensanglanté bien des
populations, en Afrique, aux Balkans, en Amérique latine. Elle a pris des
initiatives de facilitation pour aider à retrouver la paix, la
réconciliation, à renouer le fil du dialogue. Je pense à tout ce qui a été
fait, en particulier au Mozambique et au Guatemala. Elle s’est mobilisée à
travers ses membres pour venir en aide aux populations civiles victimes de
la guerre. Depuis plusieurs années, elle s’est investie dans le dialogue
interreligieux pour aider à la paix, pour permettre aux divers leaders
religieux de se rencontrer afin de délivrer ensemble un message de
fraternité. Chers amis de Sant’Egidio, j’ai participé à plusieurs de
vos rencontres internationales interreligieuses, vécues dans « l’esprit d’Assise
» et j’ai pu apprécier la qualité de votre action : votre approche n’est pas
abstraite, idéologique, sélectionnant des causes, mais concrète, attentive
aux personnes, privilégiant la présence, l’écoute, la compréhension
mutuelle, la connaissance des personnes, le dialogue. Vous nous rappelez que
c’est la grandeur de l’homme de se sentir responsable et solidaire des
autres dans des engagements concrets, qu’il en va de la responsabilité du
chrétien de traduire sa foi en actes. Comme dit Saint Jean : « Si
quelqu’un dit : j’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur. En
effet, celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut aimer Dieu qu’il
ne voit pas. » (1 Jn 4, 20)
Fêter un anniversaire (40 ans !), c’est
souligner que votre engagement s’est inscrit dans la durée, dans la
patience, la persévérance, la victoire sur le découragement et sur la
lassitude. Vous avez tenu bon, là où d’autres, depuis longtemps, auraient
baissé les bras. Alors, ce soir, dites-nous quel est votre secret ? D’où
viennent votre force, votre dynamisme et, à certains jours, votre «
espérance contre toute espérance »
(cf. Rom. 4, 18). (ndlr : Souvenons-nous des paroles
d'accueil adressées au pape Benoît XVI par le Professeur Ricardi, le 16
avril 2008, "là où Sant’Egidio existe dans le monde, il y a toujours un peu
de Rome".
ici)
Vous nous répondez par votre vie : vous vous êtes réunis en communautés
comme les premiers chrétiens dans les Actes des Apôtres, vous priez, vous
méditez l’Évangile, vous le communiquez à tous, vous vous nourrissez du pain
de l’Eucharistie…En fait, l’eau vive de votre engagement, vous la puisez
dans le Christ. C’est lui qui vous donne d’aimer, d’espérer et de vivre
l’esprit des Béatitudes : « Heureux les pauvres de cœur car le Royaume des
cieux est à eux…Heureux les doux : ils auront la terre en héritage…..Heureux
les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu. »
(cf. Mt 5, 3, 12).
Frères et sœurs, s’il y a un lieu où nous est communiqué le dynamisme du
Christ, c’est bien l’Eucharistie que nous fêtons aujourd’hui tout
particulièrement dans cette fête du Corps et du Sang du Christ. Au cœur de
la Prière eucharistique, alors que nous faisons mémoire du sacrifice du
Seigneur, de l’offrande totale qu’il fait de lui-même à son Père pour le
salut de tous les hommes, voici que c’est Lui, le Christ, qui nous appelle à
entrer dans son sacrifice, à offrir, à notre tour, notre vie, à la donner, à
la livrer par amour pour tous, à réaliser cette offrande spirituelle dont
parle Saint Paul dans l’épître aux Romains : « Je vous exhorte donc,
frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en
sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là votre culte
spirituel. Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés
par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la
volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est
parfait. » (Rm 12, 1-2) En communiant au
Christ, c’est Lui qui fait de nous les membres de son Corps pour que nous
soyons dans le monde le signe de sa présence, les serviteurs de sa Parole,
le visage de sa tendresse et de sa miséricorde. Loin de nous enfermer dans
un cocon spirituel, l’Eucharistie nous propulse dans les engagements les
plus concrets. Le Dimanche est un tremplin pour notre semaine. La parabole
du Jugement dernier en Mt 25 reste le critère de la vérité et de la
fécondité de notre vie eucharistique.
Chers amis de Sant’Egidio, continuez à nous le rappeler, par votre
foi, vos engagements et le témoignage de toute votre vie. Amen !
Le pape Benoît XVI évoque le 40e anniversaire de la Communauté de
Sant'Egidio :
le texte
Sources : Sant’Egidio -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 28.05.08 -
T/Église |