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Benoît XVI nomme des
Princes de l'Église. Mais avec un Roi crucifié
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Le 27 novembre 2012 -
(E.S.M.)
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Benoît XVI est très exigeant avec les cardinaux anciens et
nouveaux. Une analyse statistique du sacré collège. Une comparaison,
pays par pays, avec le nombre de prêtres et de fidèles. Un pronostic
à propos des futures nominations.
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Le pape Benoît XVI
Princes de l'Église. Mais avec un Roi crucifié
par Sandro Magister
Le 27 novembre 2012 - E.
S. M. -
Avec les six nouveaux cardinaux, non Italiens et
non Européens, créés par lui lors du dernier consistoire, Benoît XVI a voulu
mettre en évidence l'universalité de l’Église. Une Église – a-t-il dit – qui
"depuis ses débuts est orientée 'kat'holon', embrasse tout l'univers".
La primauté du caractère universel, "catholique", de l’Église par rapport à
ses expressions locales est une thèse chère au théologien Joseph Ratzinger.
On se rappelle une controverse raffinée qu’il eut, dans les années 90, avec
son collègue théologien Walter Kasper, précisément à ce sujet.
On peut retrouver un écho de cette controverse dans ce passage du discours
prononcé par Benoît XVI lors du consistoire du 24 novembre :
"Autour des Apôtres fleurissent les communautés chrétiennes, mais elles sont
'l’Église', qui, à Jérusalem, à Antioche ou à Rome, est toujours la même,
une et universelle. Et quand les Apôtres parlent d’Église, ils ne parlent
pas d’une communauté particulière, ils parlent de l’Église du Christ, et ils
insistent sur cette identité unique, universelle et totale de la 'Catholica',
qui se réalise dans chaque Église locale".
Mais le pape Ratzinger a insisté non seulement sur cette primauté de la
catholicité, mais aussi sur un autre thème : celui de la royauté du Christ,
dont les cardinaux sont appelés à témoigner.
Les cardinaux sont qualifiés de "princes de l’Église". Mais le royaume
auquel ils appartiennent – a souligné le pape dans son homélie du 25
novembre en citant le dialogue de Jésus avec Pilate – "n’est pas de ce
monde".
C’est le royaume que Jésus concrétise sur la croix, "dans le suprême acte
d’amour".
Voici comment Benoît XVI a conclu son homélie :
"À vous, chers et vénérés frères Cardinaux, est confiée cette lourde
responsabilité : rendre témoignage au règne de Dieu, à la vérité. Cela
signifie faire émerger toujours la priorité de Dieu et de sa volonté face
aux intérêts du monde et à ses puissances. Soyez les imitateurs de Jésus,
qui, devant Pilate, dans la situation humiliante décrite par l’Évangile, a
manifesté sa gloire : celle d’aimer jusqu’au bout, en donnant sa propre vie
pour les personnes qu’il aime. C’est la révélation du règne de Jésus. Et
c’est pourquoi, d’un seul cœur et d’une seule âme, prions : Adveniat regnum
tuum, que ton règne vienne".
Les six nouveaux cardinaux créés lors du dernier consistoire sont James
Michael Harvey, des États-Unis, Béchara Boutros Rai, libanais, Baselios
Cleemis Thottunkal, indien, John Olorunfemi Onaiyekan, nigérian, Rubén
Salazar Gómez, colombien, Luis Antonio Tagle, philippin.
Avec eux, le collège cardinalice prend globalement la physionomie analysée
avec précision par l'article ci-dessous, publié dans "Avvenire", le
quotidien de la conférence des évêques d’Italie, le jour même du
consistoire.
UN CONSISTOIRE POUR L’ÉGLISE UNIVERSELLE
par Gianni Cardinale
"J’ai voulu, par ce petit consistoire, compléter le consistoire du mois de
février, [...] en montrant que l’Église est l’Église de tous les peuples,
qu’elle parle toutes les langues, qu’elle est toujours l’Église de la
Pentecôte. Non pas l’Église d’un continent, mais l’Église universelle".
Benoît XVI a ainsi expliqué, en quelques mots adressés aux pères synodaux le
matin du samedi 27 octobre, le lien étroit entre le consistoire de ce 24
novembre et la précédente création de cardinaux, qui remonte au 18 février
dernier, il y a à peine neuf mois de cela.
À cette occasion, le pape Joseph Ratzinger avait imposé la barrette à 22
ecclésiastiques, parmi lesquels 18 âgés de moins de 80 ans et ayant donc le
droit de vote lors d’éventuels conclaves. Et la très grande majorité d’entre
eux (14 ayant le droit de vote en conclave, ainsi que les 4 âgés de plus de
80 ans) provenait d’Europe et en particulier d’Italie (7, tous électeurs).
Dans ce consistoire "complémentaire", au contraire, la barrette est imposée
à 6 nouveaux cardinaux et pas un seul d’entre eux n’est originaire d'Italie
ou du Vieux Continent.
Avec cette nouvelle "fournée", ce que l’on appelait autrefois le sacré
collège est donc maintenant composé de 211 cardinaux, parmi lesquels120
ayant le droit de vote (c’est le chiffre maximum prévu par les règles, le
pape pouvant toutefois déroger à celles-ci).
Les cinq continents sont tous représentés dans ce collège, par 66 pays, dont
48 qui comptent au moins un cardinal électeur.
Sur les 120 électeurs, 67 ont été créés jusqu’à présent par Benoît XVI et 53
l’ont été par Jean-Paul II.
Parmi les 91 prélats qui ne sont pas électeurs parce qu’ils ont dépassé
l’âge de 80 ans, on trouve les deux derniers cardinaux créés par Paul VI
encore vivants, en plus du pape Ratzinger. Il s’agit du Brésilien Paulo
Evaristo Arns et de l’Américain William W. Baum.
Si l’on prend en considération la répartition géopolitique des cardinaux
électeurs, on peut constater que le continent le plus représenté reste
l’Europe, avec 62 cardinaux (51,6%). Viennent ensuite les Amériques avec 35
(29,2%), l'Afrique et l'Asie avec 11 chacune (9,2%), l'Océanie avec 1
(0,8%).
Il s’agit – en chiffres absolus plus qu’en pourcentages – d’une répartition
plutôt en ligne avec les dernières décennies.
Il suffit de rappeler, par exemple, qu’au début de 1978 – c’est-à-dire à la
fin du pontificat de Paul VI – sur 118 cardinaux ayant le droit de vote, 59
étaient européens (50%), 32 étaient américains (27,2%), 12 étaient
asiatiques (10,2%), 11 étaient africains (9,3%) et 4 provenaient d’Océanie
(3,4%).
Il y a actuellement 28 Italiens (23,3%), alors que, en 1978, il y en avait
27 (22,9%).
En décomposant la représentation du Nouveau Monde, on constate qu’il y a
aujourd’hui 14 américains du Nord (11,7%) et 21 latino-américains (17,5%),
tandis que, en 1978, il y en avait respectivement 13 (11%) et 20 (16,9%).
Si l’on parcourt la liste des pays qui comptent le plus grand nombre de
cardinaux électeurs du pape, on peut remarquer que, après celui des
Italiens, le groupe le plus nombreux est celui des Américains, qui sont 11.
Viennent ensuite les Brésiliens et les Allemands (6 chacun) ; les Indiens et
les Espagnols (5 chacun) ; les Français, les Mexicains et les Polonais (4
chacun).
Actuellement 34 cardinaux appartiennent à des congrégations religieuses,
dont 21 sont électeurs. Les franciscains, les jésuites et les salésiens,
avec 6 cardinaux pour chacun de ces ordres, sont les plus représentés. Mais
si l’on prend en compte uniquement les cardinaux électeurs, les fils de
saint Jean Bosco sont 4, ceux du saint d’Assise sont 3, et ceux de saint
Ignace 2.
Les cardinaux électeurs qui travaillent ou ont travaillé à la curie romaine
ou dans d’autres services ecclésiastiques à Rome représentent un tiers du
total : 41, parmi lesquels 28 sont en activité et 13 sont retraités.
En comptant le consistoire du 24 novembre, Benoît XVI a créé jusqu’à présent
90 cardinaux en tout, parmi lesquels 74 étaient âgés de moins de 80 ans au
moment où ils ont été nommés.
Il n’y a eu que quatre papes plus "créateurs" que lui au cours de l’histoire
: Jean-Paul II (avec 231 nouveaux cardinaux), Léon XIII (avec 147), Paul VI
(avec 144) et Pie IX (avec 123). Jean XXIII créa 52 cardinaux et Pie XII 56.
Si l’on analyse la géopolitique des nominations cardinalices ratzingeriennes,
on peut constater que, au total, le pape actuel a, jusqu’à maintenant,
accordé 39 cardinaux "avec droit de vote" à l’Europe (52,7%, dont 21
Italiens, soit 28,4%); 10 à l’Amérique du Nord et autant à l’Asie (13,5%) ;
8 à l’Amérique latine (10,8%) ; 7 à l’Afrique (9,5%) ; et encore aucun à
l’Océanie.
Sur 210 cardinaux "avec droit de vote" créés par lui, Jean-Paul II en
attribua 112 à l’Europe (53,3%, dont 46 Italiens, soit 21,9%) ; 35 à
l’Amérique latine (16,7%) ; 22 à l’Asie (10,5%) ; 21 à l’Amérique du Nord
(10%) ; 16 à l’Afrique (7,6%) ; 4 à l’Océanie (1,9%).
Paul VI, quant à lui, accorda 82 barrettes cardinalices à l’Europe (57,3%,
parmi lesquels 40 Italiens, soit 28%) ; 17 à l’Amérique latine (11,9%) ; 14
à l’Amérique du Nord (9,8%) ; 13 à l’Asie (9,1%) ; 12 à l’Afrique (8,4%) ; 5
à l’Océanie (3,5%).
Comme on peut s’en rendre compte, Benoît XVI a accordé, en pourcentage,
davantage de barrettes que son prédécesseur à l’Italie, à l’Amérique du
Nord, à l’Asie et à l’Afrique ; en revanche il en a accordé moins à
l’Amérique latine.
En revanche, par rapport à Paul VI, Ratzinger a donné moins de barrettes à
l’Europe (mais les pourcentages ne changent pas pour l'Italie), alors qu’il
a davantage favorisé l’Amérique du Nord, l’Asie et l’Afrique.
Toutefois les données qui viennent d’être données ici sont destinées à
changer rapidement. En effet, dès les jours prochains, le nombre de
cardinaux électeurs va commencer à diminuer, pour des raisons relevant de
l’état-civil. Le 8 décembre, l’archevêque émérite de Rio de Janeiro aura 80
ans et, au cours de l’année 2013, dix autres cardinaux dépasseront ce même
âge.
Parmi ces derniers, cinq cardinaux latino-américains vont sortir rapidement
des rangs des électeurs, parmi lesquels, notamment, les archevêques émérites
de Santiago du Chili et de São Salvador de Bahia.
On peut donc aisément penser que, dans l’hypothèse d’un nouveau consistoire
qui pourrait avoir lieu à la fin de 2013, date à laquelle il sera possible
d’attribuer la pourpre à une douzaine d’ecclésiastiques, il y aura largement
de quoi accroître à nouveau l’effectif des cardinaux d'Amérique latine.
Le journal qui a publié l'analyse de Gianni Cardinale
►Avvenire
NOTES MARGINALES
Combien de prêtres et de fidèles pour chaque cardinal. Et un pronostic quant
au prochain consistoire
La répartition actuelle des cardinaux tend donc encore à favoriser les plus
anciennes Églises européennes et nord-américaines, où l’on trouve la plupart
des diocèses cardinalices en raison d’une tradition consolidée. Avec un
certain déséquilibre par rapport aux Églises latino-américaines, africaines
et asiatiques.
Ce déséquilibre est évident non seulement en chiffres absolus mais également
si l’on calcule le rapport entre le nombre de cardinaux et celui de fidèles
catholiques.
C’est ainsi que, si l’on prend comme base les données de 2010 relatives au
nombre de catholiques par pays qui ont été publiées dans le dernier Annuaire
statistique, on peut constater que l’Europe (qui comte 285 millions de
catholiques) a aujourd’hui un cardinal pour 4,6 millions de fidèles ; l’Asie
(130 millions) en a un pour 11,8 millions ; l'Amérique (586 millions), un
pour 16,7 millions et l'Afrique (186 millions), un pour 16,9 millions.
L’Océanie a un seul cardinal et compte 9,5 millions de catholiques.
Toutefois, en décomposant les données relatives au Nouveau Monde, on
découvre qu’en Amérique du Nord (84,7 millions de fidèles) il y a un
cardinal pour 6 millions de catholiques, alors qu’en Amérique latine et dans
les Caraïbes (501,3 millions) il y en a un pour 23,9 millions.
Si par ailleurs on examine, dans l'ordre, les huit pays du monde qui
comptent le plus grand nombre de fidèles, on constatera que le Brésil compte
un cardinal pour 27,2 millions de baptisés ; le Mexique en compte un pour
24,9 millions ; les Philippines, un pour 77,3 millions ; les États-Unis, un
pour 6,3 millions ; l’Italie, un pour 2,1 millions ; la France, un pour 11,8
millions ; la Colombie, un pour 43 millions ; l’Espagne un pour 8,5
millions.
Cependant, parmi les pays qui ont plus de deux cardinaux, celui qui se
rapproche le plus de l’Italie par un nombre élevé de cardinaux par rapport à
celui des fidèles est l’Inde, avec un cardinal pour 3,8 millions de
catholiques.
En Pologne (36,7 millions de catholiques), il y a un cardinal pour 9,2
millions de baptisés, alors que, en Allemagne (25,1 millions de
catholiques), il y en a un pour 4,2 millions.
Les différences, comme on le voit, sont notables. Mais si l’on fait la
comparaison – ce qui est plus pertinent – par rapport au clergé, on verra
que les déséquilibres, bien qu’ils subsistent de façon marquée, sont
cependant moins éclatants.
En ayant toujours comme base de comparaison statistique le nombre de prêtres
diocésains et de religieux calculé à la fin de 2010, on voit qu’aujourd’hui,
en Europe (où il y a 190 150 prêtres), il y a un cardinal pour 3 067 clercs;
en Amérique (122 607 prêtres), il y en a un pour 3 503 ; en Afrique (37 527
prêtres), un pour 3 411 ; en Asie (57 1361), un pour 5 194 ; en Océanie, un
cardinal pour 4 816 prêtres.
Si, dans ce cas aussi, on décompose les données américaines entre l’Amérique
du Nord et l’Amérique latine, on constate que la forte inégalité de
répartition constatée en ce qui concerne le rapport entre le nombre de
cardinaux et la population est presque annulée. En effet, au Canada et aux
USA (50 473 prêtres en tout), il y a un cardinal pour 3 605 clercs, alors
que, dans le reste du Nouveau Monde (72 134 prêtres), il y en a un pour 3
435.
Une observation par pays permettra de constater que le Brésil (20 349
clercs) a un cardinal pour 3 391 prêtres ; le Mexique (16 234 clercs), un
cardinal pour 4 058 prêtres ; les Philippines ont un cardinal pour 8 966
prêtres ; les États-Unis (42 572 clercs) un pour 3 870 ; l’Italie (48 745
clercs) un pour 1 741 ; la France (19 349 clercs) un pour 4 837 ; la
Colombie, un pour 8 943 ; l’Espagne (24 733 clercs) un pour 4 947.
L’Inde, qui paraissait surreprésentée dans la comparaison avec le nombre de
baptisés, apparaît en revanche relativement sous-représentée en proportion
avec le clergé (26 380 clercs), car elle compte un cardinal pour 5 276
prêtres.
L’Allemagne (17 234 prêtres) est plus proche des pourcentages italiens, avec
un cardinal pour 2 872 clercs. Au contraire la Pologne (29 737 prêtres) en
est notablement plus éloignée, avec un cardinal pour 7 434 prêtres.
Étant entendu que l'Italie occupe la première place au sein du collège
cardinalice, que ce soit en chiffres absolus ou par rapport au nombre de
fidèles ou de clercs, on peut noter que les Philippines et la Colombie,
suivies immédiatement par la Pologne, sont les plus sous-représentées
statistiquement.
*
En ce qui concerne les religieux, le pape Joseph Ratzinger a conféré la
pourpre au même nombre - trois - de jésuites et de salésiens. Mais les
premiers l’ont reçue alors qu’ils avaient déjà 80 ans, tandis que les
seconds l’ont reçue quand ils étaient encore en dessous de ce seuil et donc
avec le droit de vote en cas de conclave.
*
Dans un an, en raison des places qui vont se libérer pour des raisons
d’état-civil, il sera possible d’attribuer la pourpre à dix ecclésiastiques
au moins, dans le cas d’un nouveau consistoire. Mais la liste des noms
possibles est dès à présent bien plus longue que cela.
À la curie romaine, la "pole position" est occupée par l’Allemand Gerhard L.
Muller, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, et par le
dominicain français Jean-Louis Bruguès, archiviste et bibliothécaire de la
Sainte Église Romaine.
Mais les présidents de conseils pontificaux qui n’ont pas encore reçu la
pourpre, c’est-à-dire les Italiens Vincenzo Paglia, Rino Fisichella et
Claudio M. Celli, ainsi que le Polonais Zygmunt Zimowski, pourraient aussi
avoir une chance.
En Italie on attend la pourpre pour les diocèses cardinalices de Turin et de
Venise.
Dans le reste du monde figurent sur la liste d’attente, pour ne citer que
les plus connus, les diocèses de Rio de Janeiro, São Salvador de Bahia,
Santiago du Chili, Québec, Westminster, Bruxelles-Malines, Tolède, Lviv,
Séoul, Cebu.
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Le discours prononcé par Benoît XVI lors du consistoire du 24 novembre 2012
►
"Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique"
Et son homélie lors de la messe du dimanche 25 novembre
►
"La solennité du Christ-Roi..."
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 27.11.2012 -
T/International |