Le candidat Biden choisi par Obama
est catholique |
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Rome, le 27 août 2008 -
(E.S.M.)
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Le candidat à la vice-présidence choisi par Obama est catholique. Mais les
évêques lui refusent la communion.
Le motif: Biden défend l'avortement. L'archevêque de Denver est le premier à
lui refuser l'eucharistie. L'archevêque Burke lui prête main forte depuis
Rome. En 2004, Ratzinger/Benoît XVI avait déjà écrit aux évêques américains...
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Le candidat à la
vice-présidence, le sénateur Joseph Biden, choisi par Obama
Le candidat Biden choisi par Obama est catholique
Mais les évêques lui refusent la communion
par Sandro Magister
A la veille de la convention démocrate à Denver, le
candidat de ce parti à la présidence des États-Unis, Barack Obama, a désigné
comme candidat à la vice-présidence un catholique, le sénateur Joseph Biden
(photo).
Immédiatement, cette désignation a ravivé la polémique sur la distribution
de la communion eucharistique aux hommes politiques catholiques pro
avortement.
Car Biden en fait partie. Fils d’ouvriers irlandais, tenté par le séminaire
dans sa jeunesse, le chapelet toujours dans la poche, il va à la messe tous
les dimanches et reçoit la communion dans sa paroisse de Saint-Joseph à
Greenville, dans le Delaware.
En tant qu’homme politique, cependant, il a toujours soutenu avec force
l’arrêt Roe v. Wade de la cour suprême, qui a ouvert la voie à l’avortement
légal aux États-Unis. Il dit accepter la doctrine de l’Église catholique
selon laquelle la vie débute dès la conception, il a voté pour une loi qui
interdit l’avortement dans les dernières semaines de grossesse, mais il
considère que l’arrêt Roe v. Wade est juste dans une société qui a
différents points de vue sur l’avortement.
Dans une interview au "Christian Science Monitor", Biden a déclaré qu’il
considérait ses positions "tout à fait cohérentes avec la doctrine sociale
catholique".
Ce n’est pas l’avis de Charles J. Chaput, archevêque de Denver, la ville où
le parti démocrate a lancé officiellement Obama et Biden comme candidats à
la présidentielle.
Dans une interview à l’Associated Press, Chaput a déclaré que
le soutien de Biden au prétendu "droit" à l’avortement est une faute publique grave. Et
d’ajouter : "Je pense donc que, pour être cohérent, il devrait s’abstenir de
communier“.
Au même moment, à Rome, un autre archevêque américain, Raymond L. Burke,
s’est exprimé sur cette même question en des termes semblables : il a lui
aussi refusé le droit de communier aux hommes politiques catholiques pro
avortement.
Ce n’est pas la première fois que Burke et Chaput prennent une telle
position. En 2004, à la veille des précédentes élections présidentielles,
ils s’étaient prononcés pour le refus de la communion au candidat démocrate
à la Maison Blanche de l’époque, John Kerry, lui aussi catholique et "pro choice".
En juin de la même année, le cardinal Joseph Ratzinger avait transmis depuis
Rome une note destinée à la conférence des évêques des États-Unis contenant
les "principes généraux" sur la question.
La note de Ratzinger était confidentielle, mais www.chiesa l’a publiée dans
son intégralité. Elle donnait raison aux évêques intransigeants comme Burke
et Chaput. Cependant la plupart des évêques des États-Unis étaient opposés
au refus de donner la communion aux hommes politiques catholiques pro
avortement. Même deux cardinaux respectés de l’aile conservatrice, Francis
E. George, de Chicago, et le théologien jésuite Avery Dulles, étaient
réticents à "faire de l’eucharistie un champ de bataille politique".
Finalement, la conférence des évêques avait décidé d’"appliquer" au cas par
cas les principes rappelés par Ratzinger, en recommandant "à chaque évêque
d’exprimer des jugements pastoraux prudents dans les circonstances qui lui
sont propres".
A Rome, le cardinal Ratzinger a accepté cette solution, qu’il a considérée
"en harmonie" avec les principes généraux exprimés dans sa note.
En cela, Ratzinger s’est conformé à une pratique typique des pays
catholiques d’Europe, où la rigueur des principes cohabite avec des
comportements pastoraux plus flexibles.
En Europe, en effet, l’Église catholique n’a jamais traité et encore moins
créé des cas semblables à celui de Kerry ou Biden aux États-Unis. Au cours
des dernières décennies, en Europe, les évêques, les cardinaux et les papes
ont consciemment donné la communion à des hommes politiques catholiques qui
défendaient des lois pro avortement. En 1989, le très catholique roi
Baudouin de Belgique s’est démis temporairement de ses fonctions pour ne pas
signer une loi sur l’avortement, mais ce geste a été totalement personnel :
personne, dans la hiérarchie catholique, ne le lui avait demandé.
Pour en revenir aux États-Unis, le cas du sénateur Biden présente cependant
des aspects inédits par rapport au cas Kerry d’il y a quatre ans.
D’abord, Ratzinger n’est plus cardinal mais pape. Et une grande partie de
son magistère a justement pour objet le sujet de la note qu’il a transmise
en 2004 aux évêques américains : comment être ou non "digne de recevoir la
sainte communion“.
Deuxièmement, Chaput, l’archevêque de Denver, est de plus en plus en vue
dans l’épiscopat des États-Unis. Il y a quelques jours, justement, il a
publié un livre expliquant comment agir en politique en cohérence avec la
foi catholique, où il refuse catégoriquement la communion aux défenseurs de
l’avortement. Et le livre – intitulé “Render Unto Caesar. Serving the Nation
by Living Our Catholic Beliefs in Political Life" – a reçu une très bonne
critique de "L’Osservatore Romano", qui en a recommandé la lecture "aux
États-Unis et ailleurs".
Troisièmement, il y a l’interview de Burke. Il était archevêque de
Saint-Louis jusqu’au 27 juin dernier, date à laquelle il a été appelé à Rome
comme nouveau préfet du tribunal suprême de la signature apostolique. C’est
donc en qualité de représentant du gouvernement central de l’Église, en
rapport étroit avec le pape, que Burke s’est exprimé.
Enfin, il faut préciser que les évêques américains ont tendance à être plus
rigoureux que par le passé en ce qui concerne la communion aux hommes
politiques catholiques pro avortement. Preuve en est, la polémique qui a
suivi le voyage de Benoît XVI aux États-Unis en avril dernier, à propos de
la communion de John Kerry, Nancy Pelosi, Ted Kennedy et Rudolph Giuliani au
cours des messes pontificales. A cette occasion, le cardinal de New York,
Edward Egan, a condamné leur geste en termes d’une sévérité inhabituelle.
On trouvera ci-dessous des passages de l’interview de Burke réalisée par
Thomas J. McKenna, président-fondateur de Catholic Action for Faith and
Family. Cette interview a été reprise à Rome en italien par le mensuel "Radici
Cristiane".
Plus bas, comme mémento utile, on trouvera la note transmise en 2004 par
Ratzinger aux évêques des États-Unis :
Quand le ministre de l’eucharistie a l’obligation de refuser la communion
Interview de Raymond L. Burke
Q. – Monseigneur, il semble que la tendance soit aujourd’hui à un certain
laxisme quand il s’agit de communier. Pourquoi ?
R. – Je pense que ce laxisme est en train de se développer notamment parce
que l’accent n’est pas suffisamment mis sur la dévotion eucharistique. […]
Sans dévotion au très saint sacrement, les gens perdent rapidement la foi
eucharistique. Nous savons qu’un pourcentage élevé de catholiques ne croient
pas que le corps et le sang du Christ soient présents sous les espèces
eucharistiques. […]
Un autre aspect de la question est la perte du sens du lien entre le
sacrement de l’eucharistie et celui de la pénitence. […] Les gens communient
régulièrement et ils ne se confessent probablement jamais, ou bien très
rarement. […]
Il faut ajouter à cela la tendance qui s’est développée à partir de la
sphère civile et qui consiste à croire que recevoir l’eucharistie est un
droit. […]
Q. – Il existe des lois de l’Église pour empêcher des conduites
inconvenantes de la part des fidèles, pour le bien de la communauté. Jusqu’à
quel point l’Église et la hiérarchie ont-elles l’obligation d’intervenir
pour éclairer et corriger ?
R. – Concernant l’eucharistie, il existe deux canons qui portent sur la
réception du sacrement. Ils ont deux biens pour but.
L’un des biens est celui de la personne même, car recevoir le corps et le
sang du Christ sans en être digne est un sacrilège. […] Par conséquent, pour
le bien de la personne même, l’Église doit nous instruire en nous disant
qu’à chaque fois que nous recevons l’eucharistie, nous devons d’abord
examiner notre conscience.
Si nous avons un péché mortel sur la conscience, nous devons d’abord le
confesser et recevoir l’absolution et, seulement après, nous approcher du
sacrement eucharistique. Souvent, nos péchés graves sont cachés et connus de
nous seuls […] mais il arrive que des personnes commettent délibérément des
péchés graves en public, […] comme par exemple soutenir publiquement
l’avortement. […] Une personne qui commet un péché de cette manière doit
être mise en garde publiquement de manière à ce qu’elle ne reçoive pas la
communion tant qu’elle n’aura pas corrigé sa propre vie.
Si une personne qui a été mise en garde persiste dans un péché mortel public
et se présente pour recevoir la communion, le ministre de l’eucharistie a
alors l’obligation de la lui refuser.
Pourquoi ? D’abord pour le salut de la personne même, c’est-à-dire pour
l’empêcher d’accomplir un sacrilège. Mais aussi pour le salut de l’Église
toute entière, pour empêcher un double scandale.
D’abord, un scandale concernant la disposition dans laquelle nous devons
être pour recevoir la sainte communion. En d’autres termes, il faut éviter
que les gens soient amenés à penser que l’on peut être en état de péché
mortel et s’approcher de l’eucharistie.
Ensuite, il pourrait y avoir une autre forme de scandale, qui consisterait à
amener les gens à penser que l’acte public que cette personne accomplit –
jusque là considéré par tous comme un péché grave – ne doive plus l’être
tellement puisque l’Église permet à cette personne de recevoir la sainte
communion.
Si une personnalité publique qui soutient ouvertement et délibérément le
droit à l’avortement reçoit l’eucharistie, que vont penser les gens ? Ils
peuvent être amenés à croire qu’il est correct de supprimer une vie
innocente dans le sein maternel. […]
Q. – On entend dire que le droit de recevoir la communion implique que
personne, pas même un évêque, ne peut nous dire ce qu’il faut faire à cet
égard. Qu’en pensez-vous ?
R. – Avant tout, il convient de dire que le corps et le sang du Christ sont
un don de l’amour que Dieu nous porte. Le don le plus grand, un don qui va
au-delà de notre capacité à le décrire. Par conséquent, personne n’a droit à
ce don, de même que nous n’avons jamais droit à aucun don que l’on nous
fait.
Un don est gratuit, causé par l’amour, et c’est précisément ce que fait Dieu
à chaque fois que nous participons à la messe et que nous recevons la sainte
eucharistie. Voilà pourquoi il est incorrect de dire que nous avons le droit
de recevoir la communion.
Si nous voulons dire que lorsque nous sommes bien préparés nous pouvons nous
approcher de l’eucharistie au cours de la célébration de la messe, que nous
avons le droit de recevoir la communion dans le sens que nous avons le droit
de nous approcher pour le faire, alors oui, c’est vrai.
Dès lors, la réception de la sainte eucharistie implique Notre Seigneur
lui-même, la personne qui doit le recevoir et enfin le ministre du
sacrement, qui a la responsabilité de s’assurer que l’eucharistie ne soit
donnée qu’aux personnes dignes de la recevoir. L’Église a certainement le
droit de dire à quelqu’un qui persiste dans un péché public grave qu’il ne
pourra pas recevoir la communion tant qu’il ne sera pas dans les bonnes
dispositions pour le faire.
Ce droit qu’a le ministre de refuser de donner la communion à quelqu’un qui
persiste dans un péché grave et public est protégé par le code de droit
canon, dans le canon 915. Dans le cas contraire, s’il se voit privé du droit
de refuser l’eucharistie à un pécheur public qui s’apprête à la recevoir,
créant ainsi un scandale public, c’est le ministre qui se voit contraint de
faire violence à sa propre conscience à propos d’un problème très grave. Ce
serait tout simplement une erreur.
Être digne de recevoir la sainte communion. Principes généraux
par Joseph Ratzinger/Benoît XVI , juin 2004
1. Se présenter pour recevoir la sainte communion devrait être une décision
réfléchie, fondée sur un jugement raisonné permettant de savoir si l’on est
digne de communier selon les critères objectifs de l’Église. Il faut se
poser des questions comme “Suis-je en pleine communion avec l’Église
catholique ? Suis-je coupable d’un péché grave ? Ai-je encouru des peines
(comme une excommunication ou une interdiction) qui m’interdisent de
recevoir la sainte communion ? Me suis-je préparé en jeûnant depuis une heure
au moins ?“. Le fait de se présenter sans réflexion à recevoir la sainte
communion, simplement parce que l’on est présent à la messe, est un abus qui
doit être corrigé (cf. l’instruction “Redemptionis
Sacramentum“, n° 81, 83).
2. L’Église enseigne que l’avortement ou l’euthanasie sont des péchés
graves. L’encyclique “Evangelium
Vitae“, se référant à des décisions de
justice ou à des lois civiles autorisant ou encourageant l’avortement ou
l’euthanasie, établit qu’il existe “une obligation importante et précise de
s’y opposer par l’objection de conscience. […] Dans le cas d’une loi
intrinsèquement injuste, comme celle qui admet l’avortement ou l’euthanasie,
il n’est jamais licite de s’y conformer, ni de participer à une campagne
d’opinion en faveur d’une telle loi, ni de voter pour elle“
(n. 73). Les
chrétiens “sont appelés, en vertu d’un grave devoir de conscience, à ne pas
apporter leur collaboration formelle aux pratiques qui, bien qu’admises par
la législation civile, sont en opposition avec la Loi de Dieu. En effet, du
point de vue moral, il n’est jamais licite de coopérer formellement au mal.
[…] Cette coopération ne peut jamais être justifiée en invoquant le respect
de la liberté d’autrui ni en prenant appui sur le fait que la loi civile la
prévoit et la requiert“ (n. 74).
3. Les questions morales n’ont pas toutes le même poids moral que
l’avortement ou l’euthanasie. Par exemple, si un catholique était en
désaccord avec le Saint-Père Benoît XVI sur l’application de la peine
capitale ou sur la décision de faire la guerre, il ne serait pas considéré
pour cette raison comme indigne de se présenter pour recevoir la sainte
communion. L’Église exhorte les autorités civiles à rechercher la paix et
non la guerre et à faire preuve de modération et de miséricorde dans
l’application d’une peine aux criminels. Toutefois, il peut être permis de
prendre les armes pour repousser un agresseur ou d’avoir recours à la peine
capitale. Les catholiques peuvent légitimement avoir des opinions
différentes sur la guerre ou la peine de mort, mais en aucun cas sur
l’avortement et l’euthanasie.
4. Indépendamment du jugement que chacun porte sur sa propre dignité à se
présenter pour recevoir la sainte eucharistie, le ministre de la sainte
communion peut se trouver dans une situation où il doit refuser de
distribuer la sainte communion à quelqu’un, comme dans les cas
d’excommunication déclarée, d’interdit déclaré ou de persistance obstinée
dans un péché grave manifeste (cf. can. 915).
5. Concernant les péchés graves d’avortement ou d’euthanasie, lorsque la
coopération formelle d’une personne devient manifeste (comprendre: lorsqu’un
homme politique catholique fait systématiquement campagne pour l’avortement
et l’euthanasie et vote des lois permissives sur ces sujets), son pasteur
devrait le rencontrer, lui expliquer l’enseignement de l’Église, l’informer
qu’il ne doit pas se présenter à la sainte communion tant qu’il n’aura pas
mis fin à sa situation objective de péché, sans quoi l’eucharistie lui sera
refusée.
6. Au cas où “ces mesures préventives n’auraient pas eu d’effet ou
n’auraient pas été possibles“ et si la personne en question, faisant preuve
d’obstination, se présente malgré tout pour recevoir la sainte eucharistie,
“le ministre de la sainte communion doit refuser de la lui donner
(cf. la
déclaration du conseil pontifical pour l’interprétation des textes
législatifs, “Sainte communion et catholiques divorcés et remariés
civilement“, 2000, n° 3-4). Cette décision n’est à proprement parler ni une
sanction ni une peine. Le ministre de la sainte communion ne formule pas non
plus un jugement sur la faute subjective de la personne; il réagit plutôt à
l’indignité publique de cette personne à recevoir la sainte communion, en
raison d’une situation objective de péché.
[N.B. Un catholique serait coupable de coopération formelle au mal – et donc
indigne de se présenter à la sainte communion – s’il votait délibérément
pour un candidat en raison même des positions permissives de celui-ci sur
l’avortement et/ou l’euthanasie. Quand un catholique ne partage pas la
position d’un candidat en faveur de l’avortement et/ou de l’euthanasie mais
vote pour lui pour d’autres raisons, cette coopération, considérée comme
matériellement indirecte, peut être permise pour des raisons
proportionnées.]
Traduction française par Charles de
Pechpeyrou, Paris, France.
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