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Rome, le 26 novembre 2008 -
(E.S.M.)
- Ces nouveaux bienheureux s’ajoutent aux 42 saints et 395
bienheureux japonais, tous martyrs, déjà élevés aux honneurs des autels
à partir du pontificat de Pie IX. La cérémonie a été présidée par le
cardinal Saraiva Martins envoyé du pape Benoît XVI.
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Le samouraï à la croix
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Le samouraï à la croix. Extrait des actes des martyrs du Japon
Le 26 novembre 2008 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Ils sont 188 de plus à avoir été béatifiés le 24 novembre, tous morts pour
leur foi. Le mystère du christianisme au pays du Soleil Levant, plusieurs
fois persécuté mais qui s’en est toujours sorti, y compris des épreuves les
plus dures
Un samouraï portant la croix, ce n’est pas une image banale. Mais il y avait
des samouraïs parmi les 188 martyrs japonais du XVIIe siècle béatifiés il y
a deux jours à Nagasaki. Il y avait des nobles, des prêtres, quatre, et un
religieux. Mais c’étaient, pour la plupart, des chrétiens ordinaires
:
paysans, femmes, jeunes de moins de vingt ans, enfants même petits, familles
entières. Tous tués pour n’avoir pas abjuré leur foi chrétienne.
La béatification "du père Pierre Kibe et de ses 187 compagnons" – comme le
dit le titre de la cérémonie – est la première à être célébrée au Japon. Ces
nouveaux bienheureux s’ajoutent aux 42 saints et 395 bienheureux japonais,
tous martyrs, déjà élevés aux honneurs des autels à partir du pontificat de
Pie IX. La cérémonie a été présidée par le cardinal Saraiva Martins envoyé
du pape Benoît XVI.
Les nouveaux bienheureux ont été martyrisés entre 1603 et 1639. Le Japon
comptait alors environ 300 000 catholiques, évangélisés d’abord par les
jésuites, avec saint François Xavier, puis aussi par les franciscains.
La floraison initiale du christianisme fut suivie de terribles persécutions.
Beaucoup de chrétiens furent mis à mort avec une cruauté inouïe qui
n’épargna ni les femmes ni les enfants. Ces massacres et les apostasies
provoquées par la peur décimèrent la communauté, mais elle ne disparut pas.
Une partie entra dans la clandestinité et garda vivante sa foi, la
transmettant de génération en génération pendant deux siècles, malgré
l’absence d’évêques, de prêtres et de sacrements. On raconte que, le
vendredi saint de 1865, 10 000 de ces "kakure kirisitan", chrétiens cachés,
sortirent de leurs villages et se présentèrent à Nagasaki, stupéfiant les
missionnaires qui avaient récemment obtenu de revenir au Japon.
Comme trois siècles plus tôt, Nagasaki était, au début du XXe siècle, la
ville japonaise comptant le plus de catholiques. A la veille de la seconde
guerre mondiale, deux catholiques japonais sur trois vivaient à Nagasaki.
Mais en 1945 une hécatombe terrible les frappa à nouveau, due cette fois non
pas à une persécution mais à la bombe atomique lâchée sur leur ville.
Aujourd’hui il y a un peu plus d’un demi-million de catholiques japonais.
C’est peu par rapport à la population de 126 millions. Mais ils sont
respectés et influents, grâce notamment à leur réseau dense d’écoles et
d’universités. Si l’on ajoute aux Japonais de souche les immigrés venus
d’autres pays d’Asie, le nombre de catholiques est multiplié par deux et
dépasse le million.
"Mais je ne crois pas que les statistiques soient le meilleur critère
d’évaluation d’une Eglise" a déclaré le cardinal Pierre Seiichi Shirayanagi,
archevêque émérite de Tokyo, dans une interview accordée à "Asia News" la
veille de la béatification des 188 martyrs.
La difficulté du catholicisme à pénétrer au Japon mais aussi dans toute
l’Asie est un problème qui préoccupe l’Église depuis longtemps.
C’est ainsi que, au lendemain de la seconde guerre mondiale, les jésuites
voyaient dans le Japon une terre propice à une grande expansion
missionnaire. Ils y envoyèrent donc des gens de premier ordre. L’actuel
supérieur général de la Compagnie de Jésus, Adolfo Nicolas, 71 ans, a vécu à
partir de 1964 en Extrême-Orient, surtout à Tokyo, comme professeur de
théologie à la Sophia University, puis comme provincial des jésuites du
Japon et enfin, de 2004 à 2007, comme modérateur de la conférence des
jésuites d’Asie Orientale et d’Océanie. En plus de l’espagnol, de l’italien,
de l’anglais et du français, il parle couramment le japonais. Le père Pedro
Arrupe, général des jésuites de 1965 à 1983, a aussi vécu plusieurs années
au Japon, de même que le père Giuseppe Pittau, qui a été régent de la
Compagnie.
La béatification des 188 martyrs a en tout cas attiré l’attention de tout le
Japon sur la présence sur son sol du "petit troupeau" de l’Église
catholique. Un public très vaste a découvert l’histoire de leur martyre pour
la foi en Jésus-Christ, une histoire qui rappelle, à bien des égards, les
actes des martyrs des premiers siècles chrétiens, au temps de la Rome
impériale.
"Semen est sanguis christianorum", le sang des martyrs est une semence
féconde, écrivait Tertullien au début du IIIe siècle. Voici comment le père
Mark Tardiff, missionnaire de l’Institut Pontifical des Missions Étrangères,
a rattaché le martyre des 188 nouveaux bienheureux japonais à celui des
martyrs de la chrétienté primitive, dans un texte écrit pour "Asia News":
Comme les martyrs des premiers siècles
par Mark Tardiff
L’histoire des martyrs japonais béatifiés le 24 novembre date d’il y a 400
ans. Mais, en la lisant, on a l’impression de remonter bien plus haut,
jusqu’aux actes des martyrs de l’Église primitive.
Le samouraï Zaisho Shichiemon fut baptisé le 22 juillet 1608 et prit le nom
de Léon, le grand pape qui arrêta les invasions barbares. Mais son histoire
est bien plus proche du parcours de saint Justin, le philosophe du IIe
siècle qui, ayant trouvé la Vérité dans le Christ, ne voulut plus le renier
et mourut martyr. Hangou Mitsuhisa, le seigneur féodal que servait Zaisho,
avait interdit aux siens de devenir chrétiens. Le prêtre auquel Zaisho
demanda le baptême le lui rappela, en soulignant qu’il risquait un châtiment
et même la mort. “Je le sais – répondit celui-ci – mais j’ai compris que le
salut est dans l’enseignement de Jésus et personne ne pourra me séparer de
Lui”.
Comme pour beaucoup de martyrs, il ne s’agissait pas seulement d’une
conviction intellectuelle, mais d’un rapport mystique. Un jour, Zaisho
confia à un ami: “Je ne sais pas pourquoi, mais maintenant je me surprends
sans cesse à penser à Dieu”. Arrêté, il reçut l’ordre de renoncer à sa foi.
Il répondit: “J’obéirais pour n’importe quoi d’autre, mais je ne peux
accepter aucun ordre qui s’oppose à mon salut éternel”. Au matin du 17
novembre 1608, quatre mois après son baptême, il fut exécuté dans la rue
devant sa maison.
Saint François Xavier débarqua au Japon en 1549 et commença à prêcher le
Christ au pays du Soleil Levant. Soixante ans plus tard, le Shogun, le chef
militaire du Japon, lança contre la jeune Église une persécution comparable
par sa violence à celle de l’empereur Dioclétien au début du IVe siècle. Des
femmes et des enfants furent pris dans ce déchaînement. Leurs histoires
rappellent celles de Perpétue et Félicité, ou celle de sainte Agnès.
Le 9 décembre 1603, Agnès Takeda assista à la décapitation de son mari.
Pleine de respect et d’amour, elle ramassa sa tête et la serra contre son
cœur. Les chroniques disent que ce spectacle émut la foule et jusqu’aux
bourreaux. La séparation du couple fut brève: Agnès fut martyrisée peu
après, le même jour.
En 1619, Thècle Hashimoto, enceinte de son quatrième enfant, fut crucifiée
avec ses trois filles – l’une n’avait que trois ans – et elles furent toutes
brûlées vives. Comme les flammes montaient autour d’elles, celle qui avait
13 ans cria: “Maman, je n’y vois plus rien”. La mère lui répondit: “N’aie
pas peur. Bientôt tu verras tout clairement”.
Le père Pierre Kibe, qui donne à ce groupe de martyrs son titre liturgique,
a vécu une vie aventureuse rappelant celle de saint Cyprien. En 1614,
séminariste, il fut exilé à Macao comme tous les missionnaires étrangers
présents au Japon. Désirant ardemment devenir prêtre et retourner dans son
peuple, il quitta Macao en 1618, par bateau, et arriva à Goa, en Inde. De
là, voyageant seul, il traversa ce qui est aujourd’hui le Pakistan, l’Iran,
l’Irak, la Jordanie et arriva en Terre Sainte. Après avoir visité les Lieux
Saints, il parvint à Rome en 1620. Ordonné prêtre, il se prépara à regagner
le Japon. Mais, entre temps, le Shogun avait interdit l’accès du pays à tout
le monde, sauf à quelques Hollandais soigneusement sélectionnés.
Le père Pierre réussit néanmoins à rentrer secrètement au Japon. Il y vécut
dans la clandestinité, célébrant les sacrements en cachette avec les
chrétiens. En 1633, ayant appris qu’un missionnaire, le père Fereira, avait
apostasié, il descendit des montagnes, alla le trouver et lui dit : “Père,
allons tous les deux voir la police militaire. Vous retirerez votre
apostasie et ensuite nous mourrons ensemble”. Le père Fereira refusa. Alors
le père Pierre alla s’installer au nord-est de Honshu, la plus grande île du
Japon. La police parvint à le capturer en 1639 et le traîna à Edo,
l’actuelle Tokyo. Pour le faire renoncer à sa foi, on le tortura cruellement
avant de le mettre à mort.
La puissance du Christ brille chez les martyrs japonais du XVIIe siècle
comme chez ceux des premiers siècles : ils ont tous la même conscience
claire, la même conviction indomptable dans le refus de renoncer à leur foi,
la même joie au milieu de souffrances cruelles, la même force surhumaine,
signe qu’un Autre souffrait en eux. Les tourments et la mort ne les ont pas
abattus. On les a tués, mais ils sont vainqueurs.
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Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source
: Sandro Magister
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
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