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19 Avril 2005
 

Benoît XVI : Les échappatoires, voies sans issue

Le 26 mai 2023 - E.S.M. -  La doctrine chrétienne, exprimée dans la formule du « Dieu un et trine », signifie, au fond, le refus des échappatoires, en restant dans le mystère, insondable à l'homme : en fait, c'est seulement par cette confession que l'on renonce effectivement à la prétention de tout savoir, illusion qui rend si séduisantes les solutions nettes avec leur fausse sobriété.

Benoît XVI : Dieu un et trine - Pour agrandir l'image ► Cliquer   


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 - Benoît XVI : Le point de départ de la foi en Dieu un et trine

c) Les échappatoires, voies sans issue

     Les multiples ramifications de la lutte menée par la foi aux premiers siècles, peuvent, à la lumière des réflexions précédentes, se ramener à l'opposition insoluble de deux voies, de deux pistes de recherche, qui devaient s'avérer de plus en plus comme de fausses pistes : le subordinatianisme
(ndlr : Conception théologique liée à l'arianisme, qui suppose dans la Trinité une subordination ontologique du Fils et de l'Esprit par rapport au Père) et le monarchianisme (ndlr : Doctrine chrétienne hérétique refusant le dogme de la Trinité). Tout en paraissant très logiques, les deux solutions, avec leur simplification fallacieuse, ruinent l'ensemble. La doctrine chrétienne, exprimée dans la formule du « Dieu un et trine », signifie, au fond, le refus des échappatoires, en restant dans le mystère, insondable à l'homme : en fait, c'est seulement par cette confession que l'on renonce effectivement à la prétention de tout savoir, illusion qui rend si séduisantes les solutions nettes avec leur fausse sobriété.

    Le subordinatianisme échappe au dilemme en disant : Dieu lui-même est unique ; le Christ n'est pas Dieu, mais simplement un être tout proche de Dieu. Ainsi le scandale est écarté, mais de la sorte, comme nous l'avons abondamment montré plus haut, l'homme est coupé de Dieu même, cantonné dans l'approche préliminaire. Dieu devient pour ainsi dire un monarque constitutionnel ; la foi n'a pas affaire à lui, mais seulement à ses ministres
21. Si l'on n'admet pas cela, si l'on croit réellement à la souveraineté de Dieu, à la présence du « plus grand » dans le plus petit, alors il faut tenir fermement que Dieu est homme, que l'être de Dieu et celui de l'homme se compénètrent ; ainsi la foi au Christ deviendra le point de départ pour la doctrine trinitaire.

    Le monarchianisme, dont nous avons déjà évoqué la solution, résout le dilemme en sens inverse. Il maintient fermement l'unité de Dieu ; mais en même temps il prend au sérieux ce Dieu qui vient à notre rencontre, d'abord comme créateur et père, ensuite comme fils et rédempteur dans le Christ et enfin comme Saint-Esprit. Mais ces trois formes ne sont considérées que comme des masques de Dieu, qui nous renseignent sur nous-mêmes, mais nullement sur Dieu. Si séduisante que paraisse cette solution, il n'en résulte pas moins que l'homme reste finalement enfermé en lui-même, sans pouvoir atteindre le Dieu véritable. Les résurgences du monarchianisme dans l'histoire de la pensée moderne confirment cela une nouvelle fois. Hegel et Schelling, dans leur tentative d'interpréter philosophiquement le christianisme et de penser la philosophie à partir du christianisme, se sont rattachés à cet essai de philosophie du christianisme, fait par l'Église ancienne. En partant de là, ils ont espéré pouvoir rendre la doctrine trinitaire transparente et utilisable pour la raison, en faire la clé de toute intelligence de l'être, en lui donnant le sens purement philosophique censé être le sien. Il ne nous est pas possible, bien sûr, de présenter ici exhaustivement ces tentatives - les plus exaltantes faites jusqu'à ce jour - d'une assimilation de la foi chrétienne par la pensée. Il suffira d'indiquer comment l'impasse, qui nous a parue typique du monarchianisme (modalisme), se retrouve pratiquement ici.

    Le point de départ reste l'idée que la doctrine trinitaire est l'expression de la dimension historique de Dieu, de la manière dont Dieu apparaît dans l'histoire. En allant jusqu'au bout de cette idée, Hegel et, de façon différente, Schelling en viennent à ne plus distinguer ce processus de l'épiphanie historique de Dieu, d'avec un Dieu qui serait au-delà, immuable en lui-même ; ils voient désormais dans le devenir de l'histoire, le devenir de Dieu lui-même. La forme historique de Dieu est alors le mouvement progressif du divin devenant lui-même ; l'histoire est bien le devenir du Logos, mais le Logos lui-même n'est réel que dans ce devenir de l'histoire. En d'autres termes, c'est dans l'histoire seulement que le logos - le sens de tout être - s'engendre graduellement pour devenir lui-même. L'historicisation de la doctrine trinitaire, telle qu'elle est impliquée dans le monarchianisme, devient ainsi l'historicisation de Dieu. Cela revient à dire que le « Sens »
(Ndlr : le sens concerne ce qui se construit dans la pensée) n'est plus le créateur de l'histoire, mais que l'histoire devient créatrice du « Sens », celui-ci devenant créature de l'histoire. Karl Marx a, sur ce point, poussé résolument plus loin la réflexion ; si le sens ne précède pas l'homme, il se trouve dans l'avenir que l'homme doit lui-même promouvoir de haute lutte.

    Mais il ressort de là que la pensée monarchienne entraîne la perte du chemin de la foi tout autant que le subordinatianisme. Car dans une telle conception disparaît la confrontation des libertés, essentielle à la foi ; disparaît également le dialogue de l'amour avec son caractère imprévisible ; et disparaît enfin la structure personnaliste du Sens, avec la compénétration du maximum et du minimum, du Sens qui englobe l'univers et de la créature à la recherche du sens. Tout cela - le caractère personnel et dialogal, la liberté et l'amour - est fondu ici dans la nécessité du seul processus de la raison. Mais une autre conséquence apparaît encore : vouloir pénétrer jusqu'en son fond la doctrine trinitaire, vouloir la réduction radicale à la logique, qui aboutit à historiciser le Logos lui-même, et qui veut, en comprenant Dieu, comprendre aussi sans mystère l'histoire de Dieu, la construire suivant une exacte logique, cette tentative grandiose de prendre totalement en main la logique du Logos, nous ramène à une mythologie de l'histoire, au mythe du Dieu qui s'engendre lui-même dans l'histoire. La tentative d'une logique totale finit dans l'absence de logique, dans l'absorption de la logique par le mythe.

    L'histoire du monarchianisme présente encore un autre aspect, que nous devons évoquer brièvement : déjà sous sa première forme et à nouveau sous la forme que lui ont donnée Hegel et Marx, le monarchianisme contient une note nettement politique, il est « théologie politique ». Dans l'ancienne Église, il sert à étayer théologiquement la monarchie impériale ; chez Hegel, il devient l'apothéose de l'État prussien ; chez Marx, un programme d'action pour un avenir heureux de l'humanité. A l'inverse, on pourrait montrer comment dans l'Église ancienne, la victoire de la foi trinitaire sur le monarchianisme a représenté une victoire sur l'emploi politique abusif de la théologie : la foi trinitaire chrétienne a fait éclater les schémas utilisables à des fins politiques ; elle a supprimé la théologie comme mythe politique ; elle a refusé de faire servir la prédication à la justification d'une situation politique
22.

d) Doctrine trinitaire et théologie négative

    En considérant l'ensemble, on peut constater que la forme ecclésiastique de la doctrine trinitaire se justifie tout d'abord négativement, à partir de l'impasse où aboutissent toutes les autres voies. Peut-être même est-ce la seule justification que nous puissions réellement apporter ici. La doctrine trinitaire serait alors essentiellement négative ; il faudrait la comprendre comme la seule manière de rejeter toute prétention à une intelligence exhaustive, comme le symbole du caractère insoluble du mystère de Dieu. Elle deviendrait sujette à caution, si elle prétendait simplement à un savoir positif. Si la laborieuse histoire des efforts humains et chrétiens, pour atteindre Dieu prouve quelque chose, c'est bien d'abord ceci : toute tentative de capter Dieu dans nos concepts conduit à l'absurde. Nous ne pouvons parler convenablement de Lui qu'en renonçant à le concevoir, qu'en sauvegardant son caractère inconcevable. La doctrine trinitaire ne doit donc pas apparaître comme la solution du mystère de Dieu. Elle est une affirmation des limites ; elle est un geste qui renvoie au-delà d'elle et évoque l'ineffable ; elle n'est pas une définition qui situe une chose dans les compartiments du savoir humain ; elle n'est pas un concept grâce auquel la chose pourrait être captée par l'esprit humain.

    Ce caractère allusif, où le concept devient simple suggestion, où concevoir signifie simplement chercher à tâtons l'inconcevable (Begreiƒen/Ausgreiƒen/Un-greiƒbaren), pourrait être nettement mis en évidence à l'aide des formules ecclésiastiques et de leur préhistoire. Chacun des grands concepts fondamentaux de la doctrine trinitaire s'est trouvé condamné à un moment ; tous ont dû subir la contradiction de la condamnation pour être acceptés ; ils ne sont valables qu'à la condition d'être en même temps reconnus impropres ; et alors seulement ils sont tolérés comme un misérable balbutiement, sans plus
23. Le concept de « personne » (prosopon) a été condamné une fois, comme nous l'avons dit ; le mot central, qui devint au IVe siècle l'étendard de l'orthodoxie, le homousios (= consubstantiel avec le Père) avait été condamné au IIIe siècle ; le concept de procession a également une condamnation à son actif, et l'on pourrait continuer ainsi. Je pense qu'il faudrait dire que ces condamnations sont partie intrinsèque des formules devenues plus tard celles de la foi ; c'est à travers la négation et dans le sens infiniment indirect qu'elle donne aux formules, que celles-ci deviennent utilisables : la doctrine trinitaire n'est possible que comme théologie contestée.

    On pourrait encore ajouter une autre remarque. Quand on examine l'histoire dogmatique de la théologie trinitaire dans le miroir d'un Manuel de théologie moderne, elle apparaît comme un cimetière d'hérésies, dont la théologie porte les insignes comme des trophées de victoires surmontées. Mais, considérer les choses de cette façon, c'est mal les comprendre; car, toutes les tentatives qui, au cours de longs efforts de recherche, ont été écartées comme des apories, et donc comme des hérésies, ne sont pas simplement des monuments funéraires de recherches vaines, des pierres tombales, témoins des multiples échecs de la pensée, objets d'une pure curiosité tournée vers le passé, sans nul profit en fin de compte. Chaque hérésie est plutôt le symbole d'une vérité qui demeure, qu'il faut rapprocher d'autres vérités également valables, et dont on ne peut l'isoler sans aboutir à une fausse perspective. Autrement dit, tous ces énoncés, loin d'être des monuments funéraires, sont plutôt des pierres pour une cathédrale; pour devenir utiles, il est vrai, elles ne doivent pas rester isolées, mais être intégrées dans l'ensemble; de même, les formules positivement adoptées ne valent que si elles sont conscientes en même temps de leur insuffisance.

    Le janséniste Saint-Cyran a dit cette parole remarquable, que la foi consistait en une série de contradictions que la grâce permet de maintenir ensemble
24. Il a ainsi exprimé, dans le domaine de la théologie, une donnée qui aujourd'hui, en physique, fait partie de la pensée scientifique, en tant que loi de complémentarité. Le physicien se rend compte qu'il n'est pas possible de circonscrire une réalité donnée - comme par exemple la structure de la lumière ou celle de la matière en général - par une seule forme d'expérimentation ni par une seule forme d'énoncé ; par différentes approches, nous percevons chaque fois un seul aspect, irréductible à l'autre. Les deux aspects - par exemple la structure « corpuscule et onde » - qu'il n'est pas possible d'englober dans un seul concept, doivent être considérés ensemble comme une première saisie du tout, celui-ci ne nous étant pas accessible en tant que tout, dans son unité, en raison de l'étroitesse de notre point de vue. Ce qui vaut dans le domaine de la physique, comme conséquence des limites de notre perception, vaut à plus forte raison pour les réalités spirituelles et pour Dieu. Ici également, nous ne pouvons regarder que d'un point de vue et nous ne percevons chaque fois qu'un aspect déterminé, qui paraît contredire l'autre, et qui pourtant doit être joint à l'autre pour pouvoir renvoyer au tout, qu'il est impossible d'exprimer ni d'embrasser d'un seul regard. C'est seulement par des approches variées, en regardant et en affirmant à partir de points de vue différents et apparemment contradictoires, que nous pouvons entrevoir la vérité, dont la réalité totale cependant nous échappera toujours.

    Peut-être le principe de la physique moderne nous sera-t-il d'un meilleur secours que la philosophie aristotélicienne. Le physicien nous dira que, pour parler de la structure de la matière, il faut procéder par approximations, à partir de points de vue différents. Il sait que le résultat de ses expériences dépend de la position respective de l'observateur. Cela ne devrait-il pas nous aider à concevoir de façon toute nouvelle la recherche théologique ? Dans la question de Dieu, il ne faut pas vouloir, à la manière aristotélicienne, trouver un dernier concept, englobant le tout ; il faut s'attendre, au contraire, à rencontrer une pluralité d'aspects, dépendants de la position respective de l'observateur; il n'est plus possible d'embrasser tous ces aspects d'un seul regard, nous ne pouvons simplement que les accepter ensemble, sans arriver à exprimer la réalité dernière. Nous voyons ici l'interaction cachée de la foi et de la pensée moderne. Que la physique moderne, dépassant le déterminisme de la logique aristotélicienne, s'oriente dans ce sens, n'est-ce pas une répercussion de la nouvelle dimension introduite par la théologie chrétienne, obligée de penser par complémentarités ?

    A ce propos, je voudrais encore évoquer brièvement deux données de la physique, qui peuvent aider notre réflexion. E. Schrödinger a défini la structure de la matière comme des « paquets d'ondes », introduisant ainsi l'idée d'un être, non pas substantiel, mais purement actuel, dont la « substantialité » apparente ne résulte en réalité que de la combinaison des mouvements d'ondes superposées. Une telle proposition, dans le domaine de la matière, est sans doute très discutable du point de vue physique et, en tout cas, du point de vue philosophique. Mais elle offre une comparaison intéressante pour l'actualitas divina, pour l'être purement actuel de Dieu ;  elle fait entrevoir que l'être le plus dense - Dieu - peut consister dans une pluralité de relations, qui ne sont pas des substances mais des « ondes », et constituer pourtant une réalité unique, la plénitude même de l'être. Nous aurons à reprendre plus à fond cette idée déjà formulée, en fait, par Saint Augustin, lorsqu'il développe l'idée de l'Existence qui est Acte pur (« paquet d'ondes »).

    Voyons d'abord la deuxième donnée des sciences expérimentales, qui pourrait aider notre réflexion. Il est un fait connu aujourd'hui que, dans l'expérimentation physique, l'observateur lui-même fait partie de l'expérience, il doit y entrer, s'il veut arriver à la perception d'une donnée physique. Cela prouve que, même en physique, l'objectivité pure n'existe pas ; dans ce domaine aussi, le résultat de l'expérience, la réponse de la nature, dépend de la question qu'on lui adresse. Dans la réponse, se trouve toujours quelque chose de la question posée et de la personne même qui questionne ; la réponse ne reflète pas seulement la nature dans son être-en-soi, dans sa pure objectivité, elle restitue aussi quelque chose de l'homme, de notre être propre, quelque chose du sujet humain. Il en va de même, mutatis mutandis, pour la question de Dieu. L'observateur pur et simple ne saurait exister. L'objectivité parfaite n'existe pas. On peut même dire : plus un objet a rapport à l'homme, plus il l'affecte en son centre et engage l'être propre de l'observateur, et plus il devient difficile de prendre ses distances dans une pure objectivité. Quand donc quelqu'un prétend apporter une réponse objective, pure de toute passion, une réponse qui dépasse enfin les préjugés des gens pieux, une information purement scientifique, disons qu'il se leurre lui-même. Ce genre d'objectivité est en dehors des possibilités de l'homme. Il ne peut questionner et exister comme simple observateur. Comme tel, il n'apprendra jamais rien. Pour percevoir la réalité «.Dieu », il faut également s'engager dans l'expérience sur Dieu, expérience que nous appelons foi. C'est seulement en s'y engageant que l'on peut apprendre ; ce n'est qu'en participant à l'expérience, qu'il est possible de poser véritablement une question et de recevoir une réponse.

    Dans son célèbre argument du pari, Pascal a exprimé cette vérité avec une clarté presque troublante et avec une acuité qui touche à la limite du supportable. La discussion avec le partenaire incroyant en est arrivée à un point, où celui-ci reconnaît qu'il doit prendre une position devant le problème de Dieu. Mais il voudrait éviter le saut inévitable, il voudrait avoir une clarté mathématique : « Mais encore, n'y a-t-il pas moyen de voir le dessous du jeu ? - Oui, l'Écriture et le reste... - Mais j'ai les mains liées et la bouche muette... je suis fait d'une telle sorte que je ne puis croire. Que voulez-vous donc que je fasse ? - Apprenez au moins que votre impuissance à croire vient de vos passions. Puisque la raison vous y porte et que néanmoins vous ne le pouvez, travaillez donc non pas à vous convaincre par l'augmentation des preuves de Dieu, mais par la diminution de vos passions. Vous voulez aller à la foi et vous n'en savez pas le chemin. Vous voulez vous guérir de l'infidélité et vous en demandez les remèdes, apprenez de ceux qui ont été liés comme vous... suivez la manière par où ils ont commencé. C'est en faisant tout comme s'ils croyaient, en prenant de l'eau bénite, en faisant dire des messes, etc. Naturellement même cela vous fera croire et vous abêtira
25. »

    Ce texte singulier contient au moins cette vérité : la simple curiosité neutre de l'esprit, qui ne veut pas entrer lui-même dans le jeu, est incapable de nous ouvrir les yeux et de nous éclairer, même sur un homme, et encore moins sur Dieu. L'expérience sur Dieu ne peut se faire sans l'homme.

    Ici aussi s'applique, et à plus forte raison encore, le principe qui vaut en physique : celui qui s'engage dans l'expérience, reçoit une réponse qui ne reflète pas seulement Dieu, mais aussi notre propre question ; elle nous apprend quelque chose sur Dieu à travers la réfraction par notre être propre. Les formules dogmatiques elles-mêmes - par exemple « une nature en trois personnes » - incluent cette réfraction par l'humain ; elles reflètent dans notre cas, l'homme de la fin de l'antiquité, l'homme qui questionne et expérimente dans les catégories philosophiques de la fin de l'antiquité, ces catégories déterminent le point de vue à partir duquel il pose sa question. Il faut encore aller plus loin : si nous avons ici la possibilité même de questionner et d'expérimenter, c'est que Dieu de son côté s'est prêté à l'expérience et s'y est engagé lui-même comme homme. Par la réfraction humaine qui s'est faite dans cet homme unique, nous pouvons expérimenter plus que simplement l'homme ; en Lui qui est à la fois homme et Dieu, Dieu s'est montré sous un visage humain ; dans l'homme, il s'est fait connaître lui-même.

A suivre : II. POUR UNE INTELLIGENCE POSITIVE DU MYSTÈRE

Notes :
2l. E. PETERSON, Theologlsche Traktate, München, 1951, pp. 45-147 : « Der Monotheismus als politisches Problem », surtout pp. 52 s.
22. Ibid., pp. 102 ss. - La remarque finale de Peterson, p. 147, note 168, est également importante : « Le concept de théologie politique pour autant que je sache, a été introduit dans la littérature par CARL SCHMITT, Polltische Théologie, München, 1922... Nous avons essayé ici de montrer, à l'aide d'un exemple concret, l'impossibilité théologique d'une " théologie politique " ».
23. Cf. l'histoire du Homousios ; voir le résumé de A. GRILLMEIER, dans LTHK, V, pp. 467 s: - et aussi l'aperçu de l'histoire du dogme trinitaire dans A. ADAM, op. cit., pp. 115-254. Sur le thème du balbutiement de l'homme devant Dieu, cf. le beau récit « Das Stammeln » tiré des contes hassidiques dans M. BUBER, Les récits hassidiques, Paris, 1949, pp. 303-304.
24. Cité dans H. DOMBOIS, « Der Kampf um das Kirchenrecht », dans H. ASMUSSEN - W. STÄLIN, Die Kalholizität der Kirche, Stuttgart, 1957, pp. 285-307, citation 297 s.
25. B. Pascal, Pensées, Fragment 233 (éd. Brunschvicg 137 s) : - cf. aussi page 333, note 53, où Brunschvicg montre contre V. Cousin, (voir aussi LAROS, p. 97, note 1) que « s'abêtir » chez Pascal, signifie : « retourner à l'enfance, pour atteindre les vérités supérieures qui sont inaccessibles à la courte sagesse des demi-savants ». En partant de là, Brunschvicg peut dire, dans le sens de Pascal : « Rien n'est plus conforme à la raison que le désaveu de la raison. » Pascal ne parle pas ici, comme le pensait Cousin, en tant que sceptique, mais à partir de la conviction et de la certitude du croyant.

Blaise Pascal Pensées sur la religion et sur quelques autres sujets...PDF (Édition. 1897 À Paris, Léon Brunschvicg, éditeur)
 

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Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -  E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 26.05.2023

 

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